“Je suis saisi de compassion pour cette foule”-Méditation 2è dimanche Avent

« Je suis saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi »

L’avènement du Christ est la compassion de Dieu pour sa création. Il vient pour nous sauver, dépasser notre péché et nous apporter la rédemption. Nous sommes appelés à lever nos regards vers Lui et écouter le cri dans le désert afin de stimuler notre prière et traverser les épreuves avec la grande espérance du Salut. Le Christ vient nous sauver et nous apporte le pardon du Père, pour que nous puissions retrouver cette vérité intérieure de l’homme qui nous vivifie, l’image de Dieu etcet appel à Lui ressembler. La consolation de Dieu est une mission de salut pour tous, afin que nous puissions Le connaîtrevraiment en esprit et en vérité et ouvrir notre cœur au pardon pour nous laisser transformer de l’intérieur et L’accueillircomme une joie de la relation, un bonheur de l’agir, une communion qui se vit à travers le frère. « L’histoire du salut s’accomplit en « espérant contre toute espérance »i, à travers nos faiblesses. Nous pensons trop souvent que Dieu nes’appuie que sur notre côté bon et gagnant, alors qu’en réalité la plus grande partie de ses desseins se réalise à travers eten dépit de notre faiblesse. »ii Il nous console de la blessure du péché, pour nous rétablir à nouveau avec Lui.

En effet le prophète Isaïe rappelle l’indéfectible fidélité du Seigneur, malgré les errements du peuple, et sa soif d’êtreprésent parmi nous. « Israël fait l’expérience d’un Dieu personnel et sauveuriii dont il devient ainsi le témoin et le porte- parole au milieu des nations »iv Mais l’Avent nous fait entrer dans le mystère de l’incarnation. « Le Christ est l’unique Sauveur de tous, celui qui seul est en mesure de révéler Dieu et de conduire à Dieu. »v Il nous faut rappeler sans cesse notremission dans ce monde d’annoncer cette joie de croire et de partager notre relation vivante avec Dieu. En effet, comme lerappelle l’apôtre Pierre : « c’est par le nom de Jésus Christ le Nazôréen, celui que vous, vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par son nom et par nul autre que cet homme se présente guéri devant vous… Car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. »vi Que ce temps de l’Avent soit celui de la réappropriation de la promesse du Salut et que nous tournions résolument notre cœur vers sa présence. Oui, malgré le contexte actuel, nous devons venir contempler l’enfant dans la crèche et nous laisser toucher le cœur pour ensuite l’annoncer : Dieu s’est manifesté parmi nous, rendons-Lui toute gloire.

1 « Consolez, consolez mon peuple »

De quelle consolation parle Dieu à travers le prophète Isaïe ? Celle de la réalisation du salut promis dans la fidélité à sa Parole de vie. Une aurore du Salut, fleurissant dans la vertu d’espérance, portés par la sève de l’amour et nourris par le terreau de la foi. Cette consolation porte une promesse de la réalisation du dessein de Dieu dans notre vie. Ne soyons pas découragés par le poids de nos fautes, Dieu réalisera sa promesse de la civilisation de l’amour. Même si la voix crie dans ledésert, elle retentira dans le silence de nos cœurs comme en écho d’une présence de l’indicible. Oui, dans l’épreuve, et au plus profond de notre souffrance, Dieu est là. Tout ne finit pas dans les affres de la mort, et de l’absurdité du mal et de lasouffrance, car avec la promesse d’alliance, « elle est devenue souffrance partagée, dans laquelle il y a la présence d’un autre, cette souffrance est pénétrée par la lumière de l’amour. La parole latine con-solatio, consolation, l’exprime de manière très belle, suggérant un être-avec dans la solitude, qui alors n’est plus solitude »vii La consolation est dans laréalisation de la promesse d’un Sauveur qui va s’incarner dans le monde. Une promesse du salut que la voix du désert révèle aux cœurs purs c’est-à-dire aux vierges sages, qui tiennent la lampe de la prière allumée et ont la réserve de la méditation de la Parole de Dieu pour continuer à espérer et retrouver leur premier désir d’être en communion avec Dieu. La consolationpromise par le prophète est l’expression de la mansuétude de Dieu pour chacun d’entre nous.

Dieu est ce familier, qui traverse le jardin de notre cœur pour dire la douceur de sa présence par l’Esprit et nousapporter les dons nécessaires à notre unité. Il est cette Parole bienveillante qui, avec douceur, me remet sur le chemin du salut, en attendant que je sois prêt à le rencontrer, que ce soit à la sortie de la ville de Jéricho pour retrouver la lumière de la foi, ou à la margelle du puit de Samarie pour retrouver le sens de la vie. Il est ce Père prodigue, déversant toute sa tendressedans l’accueil de sa créature et lui rappelant que l’amour va jusqu’au don et au pardon. Les cœurs purs, en contemplant Dieu, ont cette sagesse de l’espérance qui sait voir au-delà des apparences, au plus intime d’eux-mêmes, les pas de Dieu. Même dans la nuit, Il est là, présent, et l’aube est une promesse d’autres aspirations où nous cheminerons encore pour retrouver le sens de Dieu dans notre appel à être frères. Dans ce chemin particulier de l’Avent, notre réconfort est d’attendre le Christ, notre Sauveur. Malgré la crise sanitaire qui secoue notre société et notre monde, la perte des repères essentiels à la dignité humaine et l’errance des courants de pensée parfois malsains, nous pouvons être ancrés dans la Parole et sûrs de la Parole d’alliance, c’est là notre consolation.

Mais la consolation dans l’attente est aussi un appel à changer notre regard et à lever la tête sur d’autres réalités. Tout n’est pas impasse ! Avec Dieu vient la grâce. Il est vrai que, parfois, nous pouvons être dans des situations qui semblent inextricables, mais le Seigneur est le Dieu du créé et, avec Lui, tout est possible pour la joie du Royaume. Justement, lacivilisation de l’amour est ce chemin de fidélité à la Parole de Dieu, elle nous pousse à être attentifs aux frères et, en même temps, à nous-mêmes pour avancer avec audace dans la grande espérance du Salut. La consolation vient avec l’écoute de la Parole de Dieu, l’attention fraternelle comme lieu de réalisation personnelle et le témoignage d’une vie tournée vers lapromesse. L’on ne calcule pas avec Dieu : cette promesse faite du temps d’Isaïe se réalise plusieurs siècles plus tard, maisdeux millénaires plus tard, on en parle toujours. Oui, la consolation de Dieu pour son peuple élu est l’incarnation du Christ, notre Sauveur, et s’adresse à toutes les nations de la Terre.

1.1 La peur, l’angoisse et l’abandon, lieu d’enfermement

Il est vrai que parfois on pourrait se croire dans une impasse, enfermés dans notre propre péché ou celui de nos frères, et incapables de progresser, minés par une vie en perte de sens. La veille du cœur, dans l’attention à ce qui fait notrevie, est d’abord notre consolation. Car il s’agit de manière très pratique d’une présence. “Être présent à la présence du Verbe” nous diraient les maîtres spirituels rhéno-flamands. En d’autres termes, écouter l’Esprit de Dieu parler dans notre cœur, lui confier notre vie, et agir selon les motions qu’Il nous donne de vivre. Serait-ce une recette de cuisine spirituelle ? Nous devons être présents à ce qui fait sens et regarder avec courage les incohérences et les combats que nous devons mener. Si nous nous retrouvons acculés, parfois, c’est parce que nous avons laissé les monstres venir vers nous sans avoir uncomportement adéquat, pensant les dompter, mais une fois sous leurs crocs, incapables de bouger, viennent l’effroi et la triste finitude d’une perte d’être. Or, la consolation de Dieu est bien de faire le deuil de certaines situations, pour franchir les étapes et se laisser réconforter par sa présence, afin de revenir vers Lui et chanter ses louanges. Dieu ne se laisse pasenfermer dans une impasse, car il est l’infini de l’amour, et nous en avons la première preuve par le pardon. Quand bien même l’amour peut être refusé, et même rejeté violemment, à chaque fois que nous revenons vers Lui, Il nous attend etouvre ses bras pour nous accueillir tendrement, parce qu’Il est miséricorde et que le pardon est une autre réalisation del’amour, qui prend en compte nos réalités humaines. Ne pleurons pas sur nos pertes d’avoir, mais soyons vigilants à unifiertout notre être à la Parole, et gardons un cœur brûlant dans la méditation de la Parole. Nous sommes bien responsables de nos propres turpitudes, mais même là, Dieu vient se révéler pour nous aider à changer. Même là, Il nous montre le chemin de vie où nous pouvons faire la vérité de notre être et ainsi accueillir l’amour, dans la gratuité et la dynamique du don. Mêmelà, nous trouvons une consolation dans l’unification de tout notre être, une écologie intégrale qui prend tous les aspects, pour retrouver notre place de disciple et ainsi témoigner qu’« Il ma dit tout ce que j’avais fait. »viii Notre consolation est dans la vérité de la Parole, qui réalise l’alliance et continue de nous montrer la fidélité de Dieu.

Les situations d’abandon que nous pouvons vivre demandent d’accueillir l’espace de réconciliation avec Dieu, qui est là où nous ne l’attendions pas, mais toujours présent. Rien n’est fini ! Mais, bien au contraire, tout recommence lorsquele Seigneur est au cœur de notre existence. Pourtant, certains peuvent connaître des situations dramatiques qui deviennent très angoissantes avec des issues bien sombres. Tout semble dire que la seule sortie n’a pas de sens parce qu’elle refuse lavie. Ainsi, ce type d’’enfermement devient de plus en plus sombre, de plus en plus brutal, sans aucune chance pour le frère de venir au secours, parce que “personne ne peut plus rien faire”. Cet appel à une violence sur soi a, comme répercussion, une violence parfois insoutenable pour le prochain Même les appels au secours semblent disparaître dans un effacement total, comme transparent à l’environnement. Le dégoût de soi, du même, de l’autre, le déni qui se vit par rapport à son proprecorps, la perte d’appétit de vivre et la tumultueuse solitude pleine de contradictions entraînent vers un paroxysme duparadoxe et une route vers l’enfer, tant intérieur qu’extérieur. La notion de vie bonne passe pour une notion de vie la moinsinfernale possible, selon des critères parfois absurdes ou un cynisme dévastateur.

Pourtant, là aussi, dans ces moments sans horizon, jaillit la Parole, comme une lumière insoupçonnable, que nous ne pouvons ni cacher, ni éteindre. Une lumière de l’amour qui se révèle, Dieu est là, juste là. Un Dieu enfin reconnu commenotre Seigneur et qui s’annonce dans notre histoire comme Celui qui sauve. Quoique nous ayons fait ou nos pères perpétré, Dieu vient nous libérer une fois pour toutes parce qu’Il tient ses promesses. Ce qui nous semblait être un désert peut devenir un jardin luxuriant de relations fortes et belles. « Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et lavoix de la tourterelle s’entend sur notre terre. » Les yeux s’ouvrent à une autre réalité, où la crise s’éloigne peu à peu pourlaisser place à une autre rencontre libératrice, qui demande des témoins pour allumer le feu sur la Terre. Être attentifs aux signes pour reconnaître les mal-être et, dans la sagesse et avec le cœur pur, aider chacun à accueillir l’Esprit dans sa vie etainsi être renouvelé par la grâce. La promesse de venue du Christ annonce un changement dans notre vie où l’amour seravraiment premier et les commandements seront lieu de réalisation de cet amour dans notre vie. La lumière éclaire toute notre vie, non d’une forme de positivisme dans l’idée d’aller mieux, mais à travers la rencontre du Christ et la vérité de la relation dans un amour reçu, vécu et partagé. L’étoile est là pour nous guider vers Celui qui nous apporte la lumière éternelle. Alors libérés de toute peur, et dans la joie de sa venue, nous marchons à sa suite. Qu’importent les réalités de ce monde, nous sommes tout tournés vers la contemplation de Dieu pour ajuster nos pas à une relation de communion et de partage. Cela demande de suivre le chemin du Seigneur et d’accepter qu’Il marche à nos côtés.

1.2 La compassion, lieu de la miséricorde

Accueillir Dieu dans notre vie n’est pas une évidence, mais de l’ordre du choix et de l’acceptation de la grâce. « Lemoment est venu de réaffirmer l’importance de la prière face à l’activisme et au sécularisme dominant de nombreuxchrétiens engagés dans le travail caritatif. Bien sûr, le chrétien qui prie ne prétend pas changer les plans de Dieu ni corriger ce que Dieu a prévu. Il cherche plutôt à rencontrer le Père de Jésus Christ, lui demandant d’être présent en lui et dans son action par le secours de son Esprit. La familiarité avec le Dieu personnel et l’abandon à sa volonté empêchent la dégradation de l’homme»ix Hélas, notre liberté peut justement refuser ce choix du bonheur pour l’illusion d’un désir immédiat. La tromperie de l’Adversaire fait miroiter notre choix comme une vraie indépendance, mais se révèleune mutilation de notre vocation d’image de Dieu. La consolation de Dieu devient alors une compassion pour notre humanité et les limites que nous subissons du fait de notre incapacité à faire confiance.

Certes nous avons abandonné Dieu en voulant vivre comme des dieux, mais Lui reste fidèle à son alliance et nous propose toujours sa présence comme source de toute vie. « La compassion du Christ envers les malades et ses nombreusesguérisons d’infirmes de toute sortex sont un signe éclatant de ce ” que Dieu a visité son peuple “xi et que le Royaume de Dieu est tout proche. »xii L’amour est vie qui ne demande qu’à se donner, pour enflammer toute la création du sceau de Dieu d’une manière renouvelée et témoigner de sa beauté en toute circonstance. Cheminer dans ce temps de l’Avent, c’est préparercette visite de Dieu en nous rendant disponibles et, en même temps, voir les signes éclatants qu’Il donne à voir, avec cette étoile si lointaine, et pourtant si efficace, pour faire le voyage.

1.2.1 La présence de son amour dans notre histoire

Les signes de Dieu sont parmi nous lorsque nous savons les voir et les accueillir, mais ils demandent aussi du discernement pour ne pas nous laisser flouer par les tentations de l’Adversaire. La vie de prière et de méditation des Ecritures laisse résonner cet appel à la consolation que nous comprenons comme la compassion de Dieu pour son peuple. La familiarité avec la Parole de Dieu nous engage alors à accueillir le Verbe fait chair et d’en faire un chant harmonieux dans notre vie. «Si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de la réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujourspardonnés et envoyés. Si la musique de l’Évangile cesse de retentir dans nos maisons, sur nos places, sur nos lieux detravail, dans la politique et dans l’économie, nous aurons éteint la mélodie qui nous pousse à lutter pour la dignité de touthomme et de toute femme »xiii. Il y a un écho entre notre vie spirituelle et notre vie fraternelle, car c’est toute notre personnequi est visitée par l’amour de Dieu, ce que nous traduisons alors par nos actes. La compassion amène à un amour deprédilection pour cette vulnérabilité de l’homme, qui le rend si fragile et demande un tel déploiement de grâce pour lesoutenir. Dieu se montre alors comme Celui qui agit, parce qu’à travers le Christ, le pauvre est reconnu dans sa propre élection d’aimé de Dieu.

1.2.2 La pardon comme supplément d’amour

Le pardon est un supplément de l’amour, qui engendre la compassion et demande justement une familiarité avec Dieu à travers le dialogue de la prière et le service de la charité. « Le pardon est un sommet de la prière chrétienne ; le donde la prière ne peut être reçu que dans un cœur accordé à la compassion divine. »xivCar l’impasse de la situation touche le cœur et engendre une responsabilité de fraternité, en prenant en charge pour soi un aspect de l’histoire. Si Dieu est pournous, alors nous avons une responsabilité pour les frères, afin de leur annoncer cet amour universel. « Compatir » est, avecl’autre, pâtir de la situation. « Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié. »

Il y a bien eu une faute, mais la compassion devant la situation entraîne un amour de Dieu plus grand, qui va jusqu’à la consolation de son peuple, pour lui permettre d’accéder à la nouvelle alliance où, « comme un berger il fait paître son troupeau. » Le pardon est la réalisation d’une communion plus grande, parce que l’amour dépasse l’injustice pour se rétablir dans la vérité. L’amour ne se restreint pas à l’équité, comme le pardon ne peut pas s’entrevoir dans l’unique vertu de justice. C’est une démarche de vérité que d’accueillir le frère dans toutes ses réalités. « C’est ainsi que nous avons des sentiments de pitié et de compassion pour les pécheurs : ” La vraie justice, dit S. Grégoire, n’a pas pour eux du dédain, mais de la compassion. »xv La gratuité du pardon offre une rémission qui transforme leur vie et leur permet un renouvellement de l’agir. Il n’y a pas de programmation de tous nos actes, comme une détermination absolue qui rend impossible le changement. Le déterminisme comme la prédestination, sont autant d’offenses à la dignité humaine et à la relation fraternelle.

Il nous faut bien le comprendre, le pardon à travers la vérité donne un nouvel équilibre à l’amour, car il franchit les impasses pour se révéler infini. « C’est là, en effet, ” au fond du cœur ” que tout se noue et se dénoue. Il n’est pas en notre pouvoir de ne plus sentir et d’oublier l’offense ; mais le cœur qui s’offre à l’Esprit Saint retourne la blessure en compassion et purifie la mémoire en transformant l’offense en intercession. »xvi La compassion est alors ce lieu des entrailles de l’homme qui s’émeut pour son frère, il voit sa misère et ne reste pas indifférent, ni utile d’ailleurs, mais dans la juste relation qui accueille et reçoit l’autre dans toutes ses réalités. « La fausse justice (celle des orgueilleux), dit S. Grégoire, ignore la compassion, et n’a que du dédain. »xvii Elle n’est que recherche du droit, dans un esprit vindicatif, sans possibilité d’accueillir la réalité du frère dans ses changements profonds. C’est d’ailleurs le questionnement relatif à la peine de mort. Peut-on tuer quelqu’un au bout de 10, voire 20 ans de procédure, sans juger de l’évolution de la personne et sa capacité à se rétablir ? Dieu en tout cas, dans le livre d’Isaïe, appelle à la consolation pour vivre pleinement cette compassion dans l’accomplissement de l’alliance. Oui, Israël a péché et son crime est abominable aux yeux de Dieu, mais la fidélité à sa Parole surpasse tout.

L’amour est alors abnégation, car il se laisse émonder à travers le pardon, pour grandir plus haut dans le service, lagratuité de l’être et la reconnaissance de chacun comme image de Dieu, avant d’être objet de rejet. Le pardon est justement l’accueille de l’autre dans sa réalité de fils de Dieu et, par analogie, de frère de Jésus. La présence de Jésus au milieu de nous, lorsque nous recherchons l’unité malgré nos personnalités, nos faiblesses, nos manques, en un mot, malgré toutes nos vulnérabilités qui nous rendent si méprisables, et en même temps n’atteignent jamais notre dignité, parce que Dieu est à l’origine de notre vie. Notre dignité de fils de lumière est justement d’éclaire la dignité humaine de la présence de Dieu etla rend ainsi inviolable. La compassion reconnaît le péché mais recherche la miséricorde comme lieu de réalisation de toute relation en vérité et parallèlement accueille les limites du frère, pour s’adapter et prendre son rythme, afin de maintenir lacommunion. La guérison des cœurs passe par la capacité à vivre en frères. « La vraie « compassion » rend solidaire de la souffrance d’autrui. »xviii

1.2.3 La compassion comme acceptation de la vulnérabilité

Accueillir la vulnérabilité et la voir demandent de montrer de la compassion dans le partage que nous devons vivre. Le commencement de toute autorité dans la foi commence par une intelligence des Ecritures pour ouvrir nos yeux aux besoins de nos frères et exercer notre service de la charité. L’Esprit Saint vient nous visiter dans cette vulnérabilité pourilluminer notre vie de sa présence et ouvrir nos yeux afin de voir la misère de son peuple, nos oreilles pour entendre les gémissements, nos mains et travailler dans la réalité des besoins, notre bouche pour proclamer le salut qui vient du Christ.Dans une vie de l’Esprit, nous sommes conduits à nous laisser bousculer par la compassion afin de vivre la miséricorde et laisser ainsi nos vies irradier de la présence du Seigneur. Cela demande d’ailleurs de ne pas s’arrêter à des schémas de penséeou des connaissances limitées, mais d’avoir un amour capable d’accueillir l’histoire de tout homme, dans son étrangeté et sa pluralité. « En réalité, la vraie compréhension et la compassion naturelle doivent signifier l’amour de la personne, de son bien véritable et de sa liberté authentique. »xix Dieu le premier a compassion de son humanité, lorsqu’Il est remué jusqu’auxentrailles des souffrances qui viennent frapper à sa porte. Car la compassion est le choix de se rendre sensible à l’histoire de l’autre et des choix pas toujours adaptés qui entraînent une détresse. Or, il y a bien une décision de se rendre sensible àl’autre, non dans un mouvement affectif d’une tendresse qui enferme, mais bien comme une grâce d’accueillir l’autre dans cette tendresse qui fait grandir. La compassion est ce regard de bienveillance qui permet à l’autre de sortir des sablesmouvants pour se fixer sur la terre d’une vraie fraternité. « La lumière du regard de Jésus illumine les yeux de notre cœur ; elle nous apprend à tout voir dans la lumière de sa vérité et de sa compassion pour tous les hommes. »xx Le prophète Isaïe nous appelle à accueillir ce regard de Dieu sur notre vie et, par imitation, et concrètement à avoir ce regard sur nos frères, afin de rétablir un lien nouveau, qui ne connaît pas de sentiment définitif mais accueille.

La compassion se comprend alors, dans l’accueil du frère, avec la relation comme lieu de miséricorde. « Nous n’avons une parole d’espérance que si nous entrevoyons de l’intérieur la souffrance et le désespoir de ceux à qui nous prêchons. Nous n’avons pas pour eux de paroles de compassion sans connaître en quelque sorte comme nôtres leurs échecs et leurs tentations. Nous n’avons pas de parole qui propose un sens à la vie des gens à moins d’avoir été touchés par leurs doutes et d’avoir entrevu l’abîme. »xxi Un cœur qui voit la dure passion de l’autre se laisse toucher par sa détresse. Ce quiest vrai pour Dieu est vrai pour l’homme. Il ne s’agit pas d’une sympathie passagère, mais d’un partage d’histoire oùl’on reconnaît l’autre dans sa misère et se porte à son secours, parce que même notre cœur est touché. Le mot hebreux hesed, signifie miséricorde et pardon, c’est dire la proximité du mot dans la Bible. Cela demande aussi la relation, d’où l’importance dans la vie fraternelle d’être capable de compassion, pour la vérité du désir et l’authenticité de l’amour.En effet, c’est l’« amour qui brise les chaînes qui nous isolent et qui nous séparent en jetant des ponts ; un amour quinous permet de construire une grande famille où nous pouvons tous nous sentir chez nous. […] Un amour qui a saveurde compassion et de dignité »xxii. La consolation de Dieu passe par l’accueil du frère dans la réalité d’un quotidien qui demande d’exercer la vertu de prudence et de charité. La fidélité à la Parole de Dieu demande une confiance dans cette réalité du quotidien pour y voir l’œuvre du Créateur et collaborer ainsi à la civilisation de l’amour.

1.2.4 Synthèse

La rencontre avec Dieu se vit même au cœur de notre péché, dans le pardon qu’Il donne et la promesse d’alliance qu’Il annonce par la voix qui crie dans le désert. Mais cela nous demande toujours d’être dans une démarche de conversionpour être attentifs à l’appel de l’Esprit. « Nous avons besoin d’une formation à la compassion, d’une éducation du cœur et de l’esprit qui brise en nous tout ce qui a un cœur de pierre, pharisaïque, arrogant et critique. »xxiii La rencontre du frère etl’appel à une fraternité renouvelée sans cesse changent notre cœur, parce que notre regard devient bienveillant et attentif aux cris du monde de ce temps. Sans naïveté, mais dans une réelle démarche d’humilité, cela demande de se mettre à l’écoutedes uns et des autres, de discerner les motions intérieures pour reconnaître la volonté de Dieu et notre vocation à Luiressembler dans la générosité de l’amour et la gratuité du temps. Accueillir la souffrance de l’autre et la partager dans unesprit de compassion, plus que d’empathie, est un partage ontologique. «La mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société. Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n’est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine. »xxiv. L’appel de Dieu à se laisser toucher par l’alliance, permet à l’homme de ne pas se laisser enfermer dans son péché. La consolation est une compassion de Dieu qui se reçoit et dont nous devons témoigner.

Notre vie n’est plus structurée par le fatalisme de nos actions, mais par la compassion, ce qui renouvelle la relation et nous rend disponibles aux appels de l’Esprit. C’est tout entier que nous devons nous tourner vers Dieu car, dans le désert, Il continue de nous appeler. « L’acceptation de son propre corps comme don de Dieu est nécessaire pour accueillir et pouraccepter le monde tout entier comme don du Père et maison commune ; tandis qu’une logique de domination sur son proprecorps devient une logique, parfois subtile, de domination sur la création. Apprendre à recevoir son propre corps, à en prendre soin et à en respecter les significations, est essentiel pour une vraie écologie humaine. »xxv C’est ainsi que nousnous laissons transformer et que nous nous tenons prêts pour l’annonce du Royaume, c’est-à-dire la construction de lacivilisation de l’amour, qui demande une conversion intérieure et une recherche du bien commun entre frères.

2 « Parlez au cœur de Jérusalem »

La parole du cœur est celle des émotions qui se laissent toucher jusqu’aux entrailles, celles qui nous remuent au plus profond de nous-mêmes pour opérer un changement salutaire. Le véritable amour est toujours une parole du cœur, parce qu’elle demande l’investissement de soi-même jusqu’au plus profond de l’être et parallèlement la vérité de nos engagements,dans les actes que nous faisons. Ce n’est pas dans la logique de la justice ou de la raison, même si cela ne s’y oppose pas,mais c’est dans une logique de l’amour, qui est premier et demande une parole qui porte l’espérance dans la fidélité aux Ecritures, une parole qui réchauffe les cœurs parce qu’elle parle de l’amour de Dieu pour l’humanité et de sa présence dansnotre histoire. Avec le cœur, on ne justifie pas, on écoute, on apprend ; et, dans la compassion, on vit avec le frère unerelation de respect de l’altérité dans la communion de la dignité de tout homme. Parler au cœur, c’est accueillir l’autre dansson intimité la plus profonde, celle de son dialogue avec Dieu et sa conscience, dans ce désir du bien.

Cette parole du cœur désigne alors ce langage dans la profondeur de son être, c’est-à-dire à l’intérieur même de la personne, dans ce qui fait ses souvenirs, ses idées, ses pensées, et parle à la conscience dans les projets et les décisions àprendre. C’est un cœur qui pense Dieu pour lui donner toutes les émotions nécessaires afin de percevoir pleinement saprésence dans notre vie et en relire les signes. En poursuivant, nous pouvons dire que le cœur est le centre du dialogue, avec Dieu et avec les frères, et des choix décisifs, pour vivre la Parole de Dieu et recevoir sa présence comme source d’une pleine vie d’où jaillit le bonheur d’être ensemble et la paix de la communion tant désirée. Une stabilité du cœur qui se repose en Dieu et qui fait chanter l’âme de toutes les louanges pour son Créateur. La parole du cœur annonce une nouvelle liberté « le crime est expié » car la main de Dieu n’en peut plus, il veut le pardon. Le Seigneur Dieu, par le prophète Isaïe, nous fait comprendre qu’il nous faut retrouver cette liberté d’agir dans le monde pour rechercher le bien dans l’écoute de la voix quiproclame. La vigilance à l’égard de nos frères nous rappelle cette fidélité à la Parole pour ne pas nous enfermer dans nospropres errements. C’est vrai que le péché a abondé, mais voici que dans ce temps de l’Avent, la grâce surabonde pour nousapporter la joie de l’incarnation. Ne portons plus le souci de nos propres pertes, de nos afflictions. Dieu vient parler à notrecœur, à l’intérieur de nous-mêmes, pour nous retourner complètement et retrouver l’émerveillement de sa présence, ainsi que l’innocence de l’appel qui nous rend spontanés à répondre « Me voici Seigneur, je viens faire ta volonté ».

N’ayons plus d’angoisse devant le péché, car Dieu vient nous parler à l’intérieur de nous-mêmes, et non dansl’extériorité qui est similaire à l’apparence. C’est en vérité qu’Il vient s’inviter chez nous pour Se révéler comme richessede vie dans l’amour qu’Il donne et le pardon qui régénère. Il ouvre notre conscience à d’autres choix parce qu’Il ne s’arrête pas à nos limites, mais qu’Il nous propose l’éternité. Un nouveau rapport au monde, qui se vit dans l’intimité de notre être, pour transparaître ensuite sur notre visage et nous rendre capables d’écouter dans le désert ce qui nous est essentiel. A traversla beauté authentique, c’est-à-dire la capacité pour l’homme de sortir de lui-même pour accueillir l’horizon d’une véritable liberté de l’émerveillement, autrement dit une liberté d’accueillir dans la gratuité de ce qui s’offre sans entrave, ni choiximposés, nous laissons notre désir aller vers Dieu pour connaitre et aimer le Tout Autre, à l’origine de tout. Cette tension entre l’image de Dieu, et la ressemblance que nous portons comme une vocation, et l’imprégnation du péché originel comme dissemblance est une difficulté à surmonter. La beauté nous réintroduit à la révélation de l’amour par tous nos sens. Dans un jeu de mot, on pourrait dire que nos sens trouvent sens en Dieu. Cette beauté, que nous pouvons redécouvrir dans la relation ajustée à Dieu, nous rappelle les Béatitudes. Œuvrer pour le Royaume, c’est vivre la joie d’une rencontre avec Dieu dans la vérité d’un amour fraternel, qui demande la simplicité de vie, la douceur, la recherche de justice pour vivre pleinement la miséricorde, l’appel à se tourner vers Dieu afin de trouver la paix, et surtout prendre sa responsabilité dans la volonté de vivre le bien commun en vue du royaume. L’Avènement du Christ, et le temps de l’Esprit que nous vivons jusqu’à laParousie, se déroule dans le temps de la grande espérance du Salut.

Parler à notre cœur est une transformation de tout notre être pour révéler dans nos actes mais aussi dans nos pensées, ce qui nous épanouit vraiment, afin d’entrer dans la croissance de la sainteté, autre nom de la charité de communion avec Dieu. Le cœur transforme notre intérieur pour laisser Jésus frapper à notre porte et entrer la lumière de la résurrection pour accueillir la grande espérance du Salut, où notre corps glorieux sera uni à notre âme pour la joie de Dieu dans la civilisationde l’amour éternel. Le temps qui passe est donc l’apprentissage de l’amour qui, s’il veut grandir en l’homme, a besoin d’une histoire pour se raconter, d’être appris à travers des moments de notre vie, d’être vécu pour être reconnu et purifié pour le distancier de nos désirs centrés sur nous-mêmes. Nous devons remplir notre cœur pour le partager et en témoigner, non seulement dans nos actes, mais dans les valeurs que nous voulons défendre, parce que cela donne sens à ce que nous sommes et nous réunifie, pour l’union éternelle que permet le passage par la mort, comme une traversée de la Mer Rouge, pouracquérir les rives de la béatitudes céleste. L’écoute du cœur est donc un chemin de nativité de tout notre être, pour croître et grandir, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, sous la Parole de Dieu qui dit ce qu’elle fait et fait ce qu’elle dit. La vérité de tout homme, de ce qu’il est comme don de l’amour qu’il reçoit de Dieu dès sa création, qu’il accepte de faire grandir dans sa vieet d’accueillir dans tout son être sous le souffle de l’Esprit, lui permet de faire des choix de vie et de trouver le chemin dubonheur. Tout ce que nous faisons dans le Christ et qui vient du cœur exprime alors cette Bonne Nouvelle que nous avons accueillie et que nous partageons généreusement.

Notre visage n’est-il pas qu’un miroir du cœur, c’est-à-dire, l’expression de notre intérieur dans une unification de toutnotre être ? Alors, plus nous aimons Dieu, plus nous reflétons Dieu et plus nous en témoignons autour de nous, comme d’une lumière qui éclaire notre vie et la vie des hommes et qui donne sens à cette recherche du bonheur éternel. Oui, heureux sont ceux qui écoutent la Parole et la mettent en pratique. L’avènement du Christ donne sens à cette béatitude, parce qu’elle révèle la réalisation d’une promesse de cette parole et la puissance de sa manifestation aujourd’hui. Autrement dit, parce qu’elle rend gloire à Dieu, c’est-à-dire que Dieu peut pleinement se manifester (dans tous les sens du terme) à travers elle. L’homme accueille la révélation de Dieu dans l’incarnation du Fils et comprend de manière renouvelée sa dignité personnelleet sa vocation première d’image de Dieu. A travers le langage du cœur, toute l’expérience humaine est traversée par la BonneNouvelle et nous fait prendre conscience de ce que nous devons vivre. Cette expérience de ce qui est intérieur à nous-mêmes et que nous devons partager avec nos frères par ce que nous sommes. Une nouvelle existence qui demande le langage de l’amour pour porter un regard sur le monde plein d’émerveillement pour la création et combattant tout ce qui l’assombrit (tout ce qui l’enlaidit).

3 « Une voix proclame »

Le péché qui nous a jetés dans l’aridité de l’humanité et la solitude de notre être, est en même temps le lieu du silence qui nous permet d’entendre la voix de Dieu nous appeler à vivre de ce désir de Dieu, à accueillir sa Parole comme lieu de communion, à retrouver le chemin du Salut. La figure de l’époux de Marie nous parle de la vie intérieure qui se dégage du silence. «

« De nombreuses interventions… ont insistésur la valeur du silence en lien avec la Parole de Dieu et sa réception dans la vie des fidèlesxxvii. En effet, la parole ne peut être prononcée et entendue que dans le silence, extérieur et intérieur. »xxviii C’est ainsi que par le Christ, nous entrons dans une nouvelle intelligence de la volonté de Dieu, qui est d’agir par amour. « La Parole éternelle s’est faite petite – si petitequ’elle peut entrer dans une mangeoire. Elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable »xxix. Àprésent, la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement une voix, maintenant la Parole a un visage,qu’en conséquence nous pouvons voir : Jésus de Nazarethxxx. » Préparer le chemin du Seigneur, c’est accueillir cette voixdans notre vie faire silence et la laisser résonner de manière toujours nouvelle chaque année, en nous rendant attentifs à toutce qui peut l’empêcher de venir jusqu’à nous. « Voici votre Dieu. Voici le Seigneur Dieu ! » La voix de Dieu annonce sa présence et nous invite à nous préparer. Rendre droite la route, c’est aller au but, car les terres arides ne sont qu’un passagemais pas une finalité. Combler les ravins, c’est arrêter de connaître des hauts et des bas, afin de toujours marcher avec le Seigneur à ses côtés et ne pas penser au grandes montées des montagnes ou au danger des escarpements, mais avec le

Seigneur connaître la sérénité de la plaine et des larges vallée qui nous conduisent toujours plus haut, toujours plus loin.

Le climat de silence qui accompagne tout ce qui se réfère à la figure de Joseph s’étend aussi à son

travail de charpentier dans la maison de Nazareth. Toutefois, c’est un silence qui révèle d’une manière spéciale le profil intérieur de cette figure. Les Evangiles parlent exclusivement de ce que « fit » Joseph ; mais ils permettent de découvrir dans ses « actions », enveloppées de silence, un climat de profonde contemplation. »xxvi Le nouveau peuple élu se dévoile

peu à peu et l’universalité de l’amour de Dieu se révèle dans le visage du Christ.

3.1 Voix de celui qui crie dans le désert 

Le cri primal fait référence au premier cri de vie de l’enfant qui sort du ventre de sa mère ; ce premier cri du petitd’homme qui instille la vie dans les poumons et donne à l’enfant de respirer par lui-même. Ce premier cri, si important pour la génération de la vie et pour la vraie autonomie de la personne humaine. Une extériorisation, tant physique que psychologique, d’une reconnaissance de soi. Il y a bien une disposition spirituelle à accueillir ce cri de Dieu en nous. Commenous devons crier cette Bonne Nouvelle à nos frères car, si nous ne le faisons pas, ce sont les pierres du chemin qui le ferontpour nous. Le cri de Dieu pour l’homme se fait dès l’origine : « Ou es-tu ? », cri d’une relation qui s’est perdue et qu’Il veut rétablir. D’ailleurs, aujourd’hui nous pourrions avoir du mal à distinguer la question première de celle de notre vie « ou en es-tu ? ». Comme une distanciation de la relation première qui nous fait oublier parfois le sens de Dieu pour d’autres valeursqui interrogent. Le cri de Dieu tout au long des Ecritures essaye de relever l’homme de ses enfermements afin qu’il puisse choisir la vérité de l’amour, qui est source de toute vie et libéralité des dons de l’Esprit. Une liberté d’accueil de la grâce dans l’ajustement à la Parole, pour un choix du bonheur éternel. Ce cri, que l’on entend dans le désert de nos errances et qui nous rappelle à la radicalité première de le choisir en premier : « Tu n’auras pas d’autres dieux que Dieu ».

La consolation de Dieu demande la conversion disions-nous, mais elle doit vaincre nos propres surdités. Le Seigneurvient nous rejoindre, peut être bien tard, dans la disposition de notre cœur, mais toujours au moment opportun pour Lui, afinde nous renouveler complètement. Ce cri dans le désert vient bousculer nos consciences, pour nous obliger à agir, dans lavérité de l’amour et non l’endormissement du relativisme ou la tiédeur des positions. Si Dieu parle à travers la brise légère,Il nous envoie des témoins pour crier devant notre surdité l’appel à être ses disciples. La prière doit être au cœur de notrevie pour intercéder pour la conversion de nos frères et annoncer l’Evangile à toutes les nations. La venue du Christ est une vocation à l’universalité pour les disciples. Nous préparerons le chemin du Seigneur, lorsque notre cœur et notre corps seront ajustés à sa volonté afin de témoigner de ce qui nous fait vivre vraiment, de cette lumière de la vérité qui rayonne dans lafoi, produit l’amour et engage dans l’espérance du Salut.

3.2 Le témoignage comme écoute

Nous le savons bien, parler de Dieu demande d’écouter sa Parole et d’être attentifs à nos frères dans leur cheminement et leurs problématiques présentes. Nous sommes toujours dans l’appel à témoigner de notre foi dans un monde qui de plusen plus s’affiche auto-suffisant et paradoxalement connaît une violence accrue dans les rapports, un clivage dans la recherchedu bien commun souvent perçu comme un appétit individualiste de ceux qui sont en position de force, et un climat d’angoisseet de désespérance. Un constat déjà en germe dans le Concile Vatican II. « De nos jours, saisi d’admiration devant ses propres découvertes et son propre pouvoir, le genre humain s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolutionprésente du monde, sur la place et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la destinée ultime des choses et de l’humanité. »xxxi La crise de la pandémie, nous pousse au-devant de la scène pour êtredes témoins lumineux d’une foi qui se voit en affirmant la préséance de Dieu dans la foi, l’éradication de toute peur par l’espérance et l’impératif de la charité par le sacrement de la charité et ce qui en découle, le service de la charité pour le prochain. Nous pouvons vivre la foi dans le monde et les moments indifférents, mais elle se révèle particulière dans les moments de crise et demande des témoins lumineux, brûlant de l’amour de Dieu et agissant dans l’obéissance à sa Parole.

Toutefois le témoignage est d’abord un travail du cœur, afin de s’ouvrir à la révélation et de pouvoir le partager. C’estun va et vient entre la Parole reçue et la parole transmise qui demande une disponibilité. En effet, « l’homme est appelé…par la parole de l’Evangile, donc de l'”extérieur”, [et] en même temps il est appelé de l'”intérieur”. Dans le Discours sur la Montagne, le Christ se réfère au “cœur” et ses paroles conduisent, dans un certain sens, l’auditeur à cet appel intérieur »xxxiiLes béatitudes sont une invitation à vivre la civilisation de l’amour par notre agir. « Une attitude authentiquement religieuseévite que l’homme s’érige en juge de Dieu, l’accusant de permettre la misère sans éprouver de la compassion pour ses créatures. Mais celui qui prétend lutter contre Dieu en s’appuyant sur l’intérêt de l’homme, sur qui pourra-t-il compterquand l’action humaine se montrera impuissante ? »xxxiii. Rien n’est parfait nous le savons bien, mais c’est notre cœur quenous devons laisser se transformer en présence de Dieu ; Heureux l’esprit de pauvreté, c’est-à-dire la simplicité de vie, parceque nous allons à l’essentiel. Au jour de notre mort, c’est le sens de ce que nous aurons vécu qui prendra le dessus et donnera à notre vie sa saveur. Heureux ceux qui pleurent, qui se laissent toucher par l’émotion, parce qu’ils savent ce qu’est la perteet donc sont attentifs à la compassion pour les frères. Cela veut dire qu’ils ont un cœur de chair, capable d’aimer et de selaisser aimer. Heureux les doux, car le dialogue ouvre au partage et à la communion fraternelle. Heureux les affamés etassoiffés de justice, c’est-à-dire ceux qui recherchent l’équité, dans une volonté de vivre le bien commun dans le respect de chacun, parce qu’ils rappellent cette égale fraternité que nous devons vivre. Heureux ceux qui savent aimer jusqu’àpardonner, car on leur pardonnera aussi. Heureux ceux qui mettent Dieu dans leur vie, car ils pourront En voir les signes et Le contempler en esprit et en vérité. Heureux ceux qui recherchent la paix, et la créent autour d’eux car ils partagent l’amourde Dieu en vérité. Heureux ceux qui défendent la justice malgré l’adversité, car ils rappellent que le plus important est d’êtrefidèles à Dieu et ils témoignent ainsi du Royaume. « À l’exemple du grand Apôtre des Nations, qui fut transformé après avoir entendu la voix du Seigneurxxxiv, écoutons nous aussi la Parole divine qui nous interpelle toujours personnellement,ici et maintenant. …Ainsi, aujourd’hui, l’Esprit Saint ne cesse de susciter des auditeurs et des messagers convaincus et persuasifs de la Parole du Seigneur »xxxv

Synthèse

L’attitude de foi dans ce temps de l’attente nous est donnée par Joseph et la simplicité de sa présence auprès du Christ, notre Sauveur. « Le bonheur de Joseph n’est pas dans la logique du sacrifice de soi, mais du don de soi. On ne perçoit jamais en cet homme de la frustration, mais seulement de la confiance. Son silence persistant ne contient pas de plaintes mais toujours des gestes concrets de confiance. »xxxvi C’est à travers cette confiance que nous marchons versl’espérance du Salut.

La foi est une rencontre certes, mais envoie vers l’aventure d’autres rencontres et le partage d’une histoire communeavec Dieu, qui se révèle à chacun selon son bon plaisir. Marie reçoit la grâce unique d’être la mère du Sauveur et, aussitôt, elle est envoyée à sa cousine Elisabeth pour exercer son service de charité afin de l’aider dans les derniers mois de sa grossesse. La consolation et l’acceptation de la venue du Sauveur, nous rendent disponibles au service. C’est comme un couple uni, qui vit d’abord une rencontre forte et une promesse d’amour qui murit chaque jour, puis accueille les enfants que Dieu donne en se mettant au service de la charité afin de transmettre cette joie de vivre en Dieu et de croire en son amour éternel. « Le Puissant fit pour moi des merveilles Saint est son Nom. » L’amour de Dieu se révèle merveilleux, car il agit demanière mystérieuse, suivant des critères qui nous échappent parfois totalement, et qui dépasse notre imagination parfois. Il agit en même temps de façon universelle, c’est-à-dire qui ne s’arrête pas à nos schémas de pensée, mais continue de sedéployer dans tous les espaces de notre vie comme Il veut.

Chaque saint, continue par sa mort, de nous parler de la fidélité de Dieu, qui lui fait la grâce de la rencontre avecLui pour le salut éternel. La mort est cette porte d’entrée pour rencontrer notre Sauveur. « La preuve la plus grande de lafiabilité de l’amour du Christ se trouve dans sa mort pour l’homme. Si donner sa vie pour ses amis est la plus grande preuve d’amourxxxvii, Jésus a offert la sienne pour tous, même pour ceux qui étaient des ennemis, pour transformer leur cœur. »xxxviii. Souvent on pose la question “à quoi ça sert de croire ?” et je réponds “à rien” car la foi n’est pas de l’ordre de l’utilité, mais bien du langage de l’amour. Or l’amour ne se justifie pas, il se vit, il ne s’utilise pas, il se reçoit et donne sens à la vraie relation, il ne se qualifie pas il s’expérimente, il ne se quantifie pas car il est gratuité du don. La crise sanitaire majeure quenous rencontrons aujourd’hui est aussi une crise des valeurs, où on essaye de donner des chiffres de fréquentation plus oumoins fantaisistes, ou encore des critères d’utilité du travail très discutables. L’avènement du Christ est un premier pasjoyeux sur le chemin de la rencontre avec Dieu. Malgré nos infidélités, Il se révèle toujours présent dans notre histoire et nous appelle à la joie de la rencontre. Un temps de fraîcheur où nous nous voyons rétablis dans cette recherche du désir infini de la familiarité avec Dieu, à travers sa présence, malgré nos limites humaines. En même temps, dans la vulnérabilité de notre être, nous reconnaissons sa grâce dans notre histoire : « Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit. »xxxix

8 décembre 2020 – Père Grégoire Bellut – Curé Saint Charles Borromée – Joinville-le-Pont

xxviii &66 Verbum Domini

xxix Benoît XVI, Homélie au cours de la

Messe de la Nativité du Seigneur (24

décembre 2006) : AAS 99 (2007), p. 12,

L’ORf, 2 janvier 2007, p. 2.

xxx Cf. XIIe Assemblée générale ordinaire

du Synode des Évêques, Message final,

II, 4-6.

xxxi &3-1 Gaudium et Spes

xxxii TDC 46-5

xxxiii &37 Dieu est Amour

xxxiv cf. Ac 9, 1-30

xxxv

xxxix Thérèse d’Avila – poésie

page8image3723264

i Rm4,18
ii &2 Lettre apostolique Patris Cordeiiicf.Dt4,37;7,6-8;Is43,1-7
iv &12 Redemptoris Missio
v &5 Redemptoris MIssio
vi Ac 4, 10. 12
vii &38 Spe Salvi
viii Jn 4,39b
ix &37 Dieu est amour
x cf. Mt 4, 24
xi Lc 7, 16
xii &1530 CEC
xiii Discours lors de la rencontreœcuménique, Riga – Lettonie (24 septembre 2018) : L’OsservatoreRomano, éd. en langue française (4 octobre), p. 7. In &277 Fratelli Tuttixiv &2844 CEC
xv ST II-II Q 30 art 1

xvi &2843 CEC

xvii ST II-II Q30 art 2

xviii &66 Evangile de la Vie
xix &95 Veritatis Splendor
xx &2715 CEC
xxi Fr. Timothy Radcliffe op – 1.1. Une vie déchirée

xxii Discours aux personnes assistées parles œuvres caritatives de l’Eglise, Tallin – Estonie (25 septembre 2018)
: L ́Osservatore Romano, éd. en langue française (4 octobre 2018), p. 12 in &62 Fratelli Tutti

xxiii Fr. Timothy Radcliffe op – Une parole pleine de compassion
xxiv &38 Spe Salvi
xxv &155 Laudato Si

xxvi &25 Redemptoris Custosxxvii Cf. Proposition 14.