Lettre du 2ème dimanche de Pâques : Dimanche de la miséricorde

Télécharger la lettre

La foi, par le pardon, est lieu de libération

 

Ce jour de Pâques, qui est en même temps le huitième, nous invite à recevoir la joie de la présence du Seigneur et l’Esprit Saint, pour témoigner de l’amour de Dieu et inviter à la conversion dans la relation du pardon. Lorsque le Christ apparaît et se rend visible aux yeux des hommes, c’est pour manifester la vérité de sa Parole tout au long de son ministère et nous dévoiler l’œuvre de l’Esprit Saint. La résurrection nous introduit à une réunification de tout notre être, à travers le Salut et le pardon des péchés, mais aussi dans le témoignage de notre vocation d’images de Dieu appelées à la ressemblance. Dans le Christ le Père s’est manifesté et, à travers les apparitions du ressuscité, nous comprenons la manifestation de l’Esprit Saint dans le cœur des croyants, qui suit deux axes précis : le témoignage et le pardon des péchés. C’est à travers ce chemin de vérité que nous avons à être signes de communion entre nous et artisans de paix autour de nous.

 

La résurrection du Christ s’ancre dans l’histoire des premières communautés chrétiennes. On pourra voir dans l’évangile la sobriété de l’apparition du sauveur, portes verrouillés, en étant orientés non sur le spectaculaire de sa présence, mais sur le message qu’Il délivre à deux reprises : l’invitation à témoigner et à vivre de l’Esprit. Aux incrédules, il est demandé d’entrer dans la lumière de la vérité qui ouvre à la foi. Jésus apparaît là où on ne l’attend pas, mais où le cœur reste ouvert à l’inattendu de Dieu et à la joie de la rencontre. Il est reconnu par ceux qui l’acceptent dans leur vie. Par l’Esprit Saint, il nous envoie proclamer le Salut parmi toutes les nations. C’est un renouvellement de la foi proposé aux fidèles du Nazaréen, une dynamique de la rencontre de l’amour, qui se partage autour de nous et devient fécond dans le témoignage.

1     L’unité, comme signe de communion avec Dieu et témoignage pour nos frères

« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ;…ils avaient tout en commun. » Cette structuration en un seul cœur et une seule âme nous ré-enchante dans cette unité de notre être face à Dieu. Les retrouvailles du jardin d’Eden nous laissent croître dans la familiarité avec Dieu par ce même cœur, cette même profondeur d’être, ce même appétit spirituel pour la rencontre avec Celui qui est l’au-delà de tout. « La lumière de la foi est capable de valoriser la richesse des relations humaines, leur capacité à perdurer, à être fiables et à enrichir la vie commune. »[i] Une vie de partage dans la prière et les biens temporels pour aller à l’essentiel, c’est-à-dire retrouver Dieu dans le jardin familier de la rencontre.

 

Le meilleur fruit du jardin est bien celui de la communion entre Dieu et nous , dans la résonnance de notre nature d’images de Dieu appelées à nous fortifier dans la ressemblance. Une unité de tout notre être que le Christ restaure par sa résurrection et nous invite à rejoindre, pour vivre l’amour jusqu’au bout de tout notre être. « Le véritable amour, à la mesure de l’amour divin, exige la vérité et, dans le regard commun de la vérité qui est Jésus Christ, devient solide et profond. L’unité de vision en un seul corps et en un seul esprit, est aussi joie de la foi. »[ii] Les croyants, lorsqu’ils se rassemblent au nom du Christ, reflètent l’invitation à la communion de l’homme avec Dieu et approfondissent ainsi la révélation de la rédemption.

 

Cette maturité spirituelle et morale, que nous recevons du Christ, nous pousse à agir en disciples, dans l’autorité de la foi, la justice de l’amour et la vérité de l’espérance. Nous reconnaissons que suivre la route du Christ est un appel à construire la civilisation de l’amour dans la recherche du bien commun, en faisant la vérité en nous-mêmes et autour de nous, pour nous ajuster d’un même cœur, d’une même âme, afin d’être témoins de la vie de l’Esprit qui nous unifie et nous envoie. « En souffrant pour nous, il ne nous a pas simplement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas[iii], mais il a ouvert une route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau. »[iv] La première communauté l’avait bien compris, puisqu’ils vivaient un nouveau rapport entre eux : en disciples du Christ ils recherchaient l’unité dans la simplicité de vie, comme un moyen d’être tout à Dieu en restant au service du frère.

1.1                L’humanité restructurée en Dieu, autrement dit l’écologie intégrale

Nous avons besoin d’une croissance dans l’unité intérieure, qui se voit aussi dans les interactions entre les personnes et avec la création tout entière. L’écologie intégrale est d’avoir un même cœur et une seule âme, pour battre au rythme du cœur de Dieu. Grandir en humanité, c’est développer notre liberté dans la vérité de l’amour, ce que chaque homme est appelé à vivre aujourd’hui. « Doué d’intelligence et de liberté, il est responsable de sa croissance, comme de son salut. Aidé, parfois gêné par ceux qui l’éduquent et l’entourent, chacun demeure, quelles que soient les influences qui s’exercent sur lui, l’artisan principal de sa réussite ou de son échec: par le seul effort de son intelligence et de sa volonté, chaque homme peut grandir en humanité, valoir plus, être plus »[v] Responsables de nos choix, nous devons orienter notre vie vers Dieu, mais le péché, malgré le combat spirituel, ne nous a pas aidés à trouver la voie du bonheur, qualifiant devoir ce qui est de la logique de l’amour. Le Christ, par sa résurrection, vient compléter son enseignement au bonheur, qui passe par le service et l’offrande de soi afin de retisser le lien fraternel et d’attirer tout homme vers notre Père.

 

L’écologie intégrale est cette recherche de l’image de Dieu, qui est principe de toutes nos actions et que le Christ ressuscité vient reconfigurer à l’aune de son Salut. « Par son insertion dans le Christ vivifiant, l’homme accède à un épanouissement nouveau, à un humanisme transcendant, qui lui donne sa plus grande plénitude: telle est la finalité suprême du développement personnel. »[vi] Telle est la découverte de la foi au Christ et du dialogue qui s’instaure avec « mon Seigneur et mon Dieu. » Un rapport personnel et communautaire où nous sommes toujours en échange. La foi en Jésus est communion au corps du Christ. Cette communion se vit à travers l’appel à une vie profonde en Dieu en laissant l’Esprit résonner dans notre cœur, un appel à l’intériorité qui demande de laisser là les soucis du monde pour s’attacher à vivre l’Evangile en toute occasion et en tout lieu. Un désengagement de la fatuité et du superficiel, pour aller à l’essentiel sur ce chemin de fraternité retrouver la lumière du Christ. C’est pourquoi il nous faut combattre l’esprit de ce monde, et notamment une vision utilitariste de la relation. «  L’individualisme consumériste provoque beaucoup de violations. Les autres sont considérés comme de vrais obstacles à une douce tranquillité égoïste. On finit alors par les traiter comme des entraves et l’agressivité grandit. »[vii] Or la rencontre du Christ, loin de nous tourner sur nous-mêmes, nous envoie partager cette bonne nouvelle d’un Dieu amour qui se manifeste à tous ceux qui l’accueillent. Car, dans le témoignage de foi, l’amour est partage et se réalise très concrètement dans la communauté des croyants.

 

 

1.2                L’appel à vivre la relation en profondeur

Toutefois, nous devons vivre cette communion fraternelle d’une façon très concrète. Or l’extérieur, qui est le partage des biens, est en fait le plus facile. Ceux qui ne s’attachent pas à l’argent mais savent vivre une certaine distanciation sont enclins à une démarche pratique en ce domaine, même s’il faut réajuster parfois nos abandons dans le temps afin de ne pas reprendre les vieux démons de la possession. Mais reconnaissons-le, c’est l’aspect le plus facile, les moines le vivent sans vraiment de difficulté, et tous ceux ayant eu une conversion profonde savent le détachement nécessaire que cela entraîne.

 

L’enjeu, dans cette première communauté des croyants, est d’avoir un seul cœur et une seule âme. Et là, reconnaissons-le aussi, parfois cela pèche. D’avoir un seul cœur, c’est-à-dire rechercher cette même profondeur en Dieu dans la diversité de nos charismes, oblige à une certaine ouverture pour accueillir l’inattendu de Dieu dans les dons du frère, avec un regard de serviteur toujours dans la bienveillance. « Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et il n’y a en lui aucune occasion de chute. Mais celui qui hait son frère est dans les ténèbres. »[viii] La lumière de la fraternité accueille l’autre dans toutes ses réalités, sans nous focaliser sur nos différences, mais au contraire nous attacher à ce qui nous rassemble. L’unité est voie de sainteté, chemin de perfection de l’amour, route du Salut.

 

Vivre d’une seule âme, c’est redécouvrir Celui qui nous rassemble et toujours Le remettre au centre de nos préoccupations. Les positionnements cacophoniques des chrétiens, et parfois de certains cardinaux, interrogent sur la capacité de l’Eglise aujourd’hui à vivre d’une seule âme. Chacun allant de son interprétation sur des points de doctrines qui forment le ciment de notre unité, ou dans une distanciation de l’autorité non plus en service, mais en pouvoir d’asservir et parfois de tromper. Certaines élucubrations théologiques, ou positionnements moraux sont plus que douteux. Or le principe d’unité doit fonder toutes nos actions, comme la ligne directrice de nos façons d’agir et d’interagir.

 

 

Nos divisions avec les Eglises sœurs, que ce soit l’orthodoxie, le protestantisme ou tous ceux qui accueillent Jésus comme Dieu et Sauveur ne peuvent que questionner ceux du monde qui nous observent. « Le culte sincère et humble de Dieu « conduit non pas à la discrimination, à la haine et à la violence, mais au respect de la sacralité de la vie, au respect de la dignité et de la liberté des autres, et à l’engagement affectueux pour le bien-être de tous »[ix]. Retrouver l’engagement des premières communautés chrétiennes dans l’unité, c’est retrouver le Christ source de vie et de bien être lorsque nous nous mettons en serviteur de la Parole et que nous accueillons la réalité de l’autre comme une richesse dans la diversité des dons. Ne soyons pas naïfs, cela demande un vrai chemin de conversion et, en même temps, l’accueil le plus ajusté possible de l’action de Dieu dans notre vie. Le Diviseur sera toujours là pour nous montrer ce qui nous divise, nous empêche d’être ensemble et avec Dieu. Le combat spirituel sera de l’ordre d’une fraternité réconciliée en  Christ, à vivre dans la réalité de nos interactions et selon nos tempéraments.

1.3                L’appel du ressuscité – source de la vie

La rencontre du ressuscité transforme notre foi pour lui donner une nouvelle consistance dans la relation trinitaire. « Celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. » Si aimer le Père, c’est aimer le Fils, cela revient alors à nous aimer les uns les autres, comme Dieu, le premier, nous a aimés. La résurrection est un appel à la découverte d’une fraternité renouvelée dans l’amour, pour ne faire plus qu’une seule âme, c’est-à-dire une seule prière à Dieu. « Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. » La vérité de notre foi se trouve dans la capacité à renouer sans cesse nos relations fraternelles et ne pas nous enfermer dans des cercles réducteurs, comme ceux de notre village, notre famille, ou notre pays. Le manque de fraternité est souvent issu d’un manque de vérité entre nous, ce qui induit une indifférence envers ce qui nous entoure.

 

La crise écologique en est un symptôme mais la crise sanitaire, avec la concomitance d’une volonté de passage de la loi sur l’euthanasie, ne peut qu’interroger. De quel rapport fraternel parlons-nous, lorsque certain groupes de pression, gentiment appelé de l’affreux anglicisme lobby, véhicule l’idéologie de mort et nous propose d’abréger la vie des vieux parce qu’après tout ils ont vécu leur vie ? Et puis, n’est-il pas vrai que certains demandent même de mourir, ou en tout cas le formulent dans des expressions hâtives à l’emporte-pièce ? Et lorsqu’on s’assoit avec eux, que l’on dialogue en prenant le temps de la relation, on découvre un vrai désir d’attention. Le lien de fraternité est sacré, il doit être préservé, même si cela ne fait pas moderne, puisque c’est finalement toujours l’argument utilisé lorsqu’on échappe à toute logique. Le Christ ressuscité, vainqueur de la mort, porte sur nous un regard d’espérance pour que la vie puisse être vécue jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à nous offrir comme témoignage pour nos frères, et non nous enfermer dans nos propres ressentiments. La mort n’est pas un vide de soi, nous dit le ressuscité, mais au contraire, un appel de communion avec Dieu, source de toute vie, pour un bonheur sans fin.

1.4                L’intelligence fraternelle

L’histoire de notre foi est d’abord une rencontre avec le Christ ressuscité, qui illumine notre chemin de fraternité afin de rechercher en chacun l’œuvre que Dieu veut accomplir. Avec Jésus, nous découvrons que nous avons un Père commun et universel, qui s’exprime dans la vie de chacun selon son mystérieux dessein d’amour et en même temps se révèle dans toutes les étapes de notre vie. Notre façon de vivre, et le partage auquel nous sommes invités, sont un témoignage de ce que nous devons accomplir dans une recherche de communion en Eglise. « A tous ceux qui acceptent de se mettre à la suite du Christ, la plénitude de la vie est donnée: en eux, l’image divine est restaurée, renouvelée et portée à sa perfection. …C’est seulement ainsi que, dans la splendeur de cette image, l’homme peut être libéré de l’esclavage de l’idolâtrie, qu’il peut reconstruire la fraternité éclatée et retrouver son identité. »[x] A travers l’expérience de la résurrection nous comprenons la promesse du Salut, comme une réalité à venir et une joie à partager dans la reconnaissance d’un Dieu vivant.

 

La vie de foi demande l’intelligence fraternelle pour témoigner devant tous de l’amour de Dieu. Le partage est un lieu de vérité dans l’équité des rapports et de ce que nous devons vivre, chacun selon nos besoins. Concrètement cela demande, non pas d’avoir un salaire selon notre travail comme l’économie le demande, mais selon nos besoins pour vivre dignement. Si nous poursuivons la réflexion, nous comprenons qu’il devient équitable de payer plus, pour un même travail, quelqu’un qui a charge de famille qu’un célibataire. Néanmoins cela ne peut pas être complètement indépendant de la loi du marché, des injonctions financières et de la violence de l’homme à vouloir posséder, souvent à l’origine des guerres. « Par le don de son Esprit, le Christ confère un sens et un contenu nouveaux à la loi de la réciprocité, au fait de confier l’homme à l’homme. L’Esprit, qui est artisan de communion dans l’amour, crée entre les hommes une fraternité et une solidarité nouvelles, véritables reflets du mystère de don et d’accueil mutuels de la Très Sainte Trinité. »[xi] C’est pourquoi nous avons des commandements pour notre bien et celui de nos frères, afin d’ assurer ce service en restant attentifs à l’amour de Dieu dans notre vie et dans celle de notre prochain. L’amour est la clé du service, car ce n’est plus fait par devoir, mais par un acte d’offrande sacrificiel. Configuré au Christ nous sommes appelés à être livré à nos frères. Alors nous rétablissons ce lien de confiance dans les nouvelles solidarités vécues.

 

Or, le premier lien de la foi se vit dans la confiance, confiance en Dieu et en son œuvre de Salut, confiance en nos frères dans cette vérité de l’amour et l’accueil du don par la gratuité de la relation. Nous sommes à chaque fois en butte à la défiance, Adam et Eve face au créateur, Thomas face à ses frères sur la résurrection du Christ. Pourtant, à chaque épreuve, nous savons qu’une confiance renouvelée en Dieu nous aide à trouver le soutien efficace pour voir ses merveilles. « Même dans l’obscurité la plus épaisse, la foi pousse à la reconnaissance du « mystère », dans un esprit de confiance et d’adoration: « Je comprends que tu es tout-puissant: ce que tu conçois, tu peux le réaliser. »[xii] Or la première attitude de recul peut être un empêchement de communion (pour Adam), ou au contraire l’expression d’une foi ardente (pour Thomas), afin de professer de manière succincte le mystère de la foi « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

2     Le soir venu

« Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, » voici l’heure de la prière du soir, et des éclats de la journée qui sont parvenus aux oreilles des disciples, l’affirmation qu’Il est vivant, Celui que l’on avait crucifié. Il est vraiment ressuscité. Et presque tous se retrouvent le soir pour prier et se réconforter de l’épreuve de la passion, même si les événements du jour paraissent si étranges. Les portes sont verrouillées et chacun se sent en sécurité, espérant ne plus être dérangé dans ses habitudes et voir s’apaiser les angoisses et la peur. Verrouillés sur nous-mêmes, dans l’inconscience de nous croire à l’abri de l’inattendu. Le soir venu, comme l’accomplissement des tâches de la journée, le temps de rendre grâce pour tous les bienfaits de Dieu, recueillir des témoignages surprenants, et peu à peu accueillir la réalité de ce nouveau jour, celui du Salut accompli par le Christ. Le nouveau jour que nous avons vécu dans le récit des événements surprenants, oui Jésus est vivant, Il est Christ et Seigneur. Le même soir du jour où Jésus a dit à Marie-Madeleine « va trouver mes frères et dis-leur ; je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu. » Ce soir d’une rencontre particulière où nous avons entrevu la lumière du Christ à travers le témoignage des uns et des autres. La fin d’une journée particulière où nous avons pu entendre le récit d’une rencontre personnelle, où nous ne lâchons pas nos peurs mais restons à l’écoute du Seigneur.

 

2.1                Le huitième jour

Le premier jour de la semaine, ou le huitième jour de la création, bref, le jour de la résurrection. Il y a comme un cycle naturel, que nous vivons jour après jour, et surnaturel, que Dieu nous propose comme une orientation de vie et où Il nous laisse entrevoir notre vocation, qui donne sens à toute notre vie. En tout cas, après le shabbat, où nous sommes invités à reprendre nos activités quotidiennes, mais voici que c’est le jour d’après, le Messie est mort, certes quelques-uns disent qu’Il est ressuscité, mais ce sont des individualités, peut-être accablées par la peine et le chagrin et qui ne savent plus trop discerner. Ce premier jour, celui de la première semaine, mais celui aussi où l’on atteste tous les événements étranges qui sont rapportés du tombeau, ce jour-là, où les portes étaient fermées, Jésus apparaît.

 

« Huit jours plus tard » Le rythme des rencontres avec le Christ trouve sa source dans cette simple mention. Tous les huitièmes jours, ils se rencontrent pour vivre la présence du Christ ressuscité. Chaque dimanche, c’est le jour de la résurrection (c’est pourquoi, lors de la période de carême, les dimanches sont retirés des jours de jeûne parce que la résurrection prime sur tout le reste et qu’en soi-même, la fête de la résurrection est un appel à la transformation de tout notre être). Nous vivons la nouvelle alliance qui consacre le huitième jour comme jour de présence de Dieu en faisant mémoire de la mort et de la résurrection du Christ. Le jour du Seigneur le huitième jour est celui du bonheur éternel, comme lieu de commencement d’un temps nouveau en dehors de notre échelle de graduation, pour vivre selon la dimension de l’espérance du Salut. « Le dimanche est le premier jour et aussi « le huitième jour », c’est-à-dire placé, par rapport à la succession septénaire des jours, dans une position unique et transcendante, qui évoque non seulement le commencement du temps, mais encore son terme, dans le « siècle à venir »… La célébration du dimanche, en même temps « premier » et « huitième » jour, projette le chrétien vers le but qui est la vie éternelle. »[xiii] Cette joie de la rencontre devrait nous interpeler dans l’emploi de notre temps. Il nous faut être en présence de Jésus et le mettre au cœur de notre journée, et non le reléguer à la fin d’un rythme de semaine, où la paresse cède à la nonchalance et entretient une tiède indifférence.

 

Observer le jour du Seigneur, c’est dire concrètement, et dans la réalité du quotidien, notre attachement à sa Parole et à sa présence dans notre vie. Comprenons-le bien, « cette observance, avant même d’être un précepte, doit cependant être ressentie comme un besoin inscrit au plus profond de l’existence chrétienne. Il est vraiment d’une importance capitale que tout fidèle soit convaincu qu’il ne peut vivre sa foi dans la pleine participation à la vie de la communauté chrétienne sans prendre part régulièrement à l’assemblée eucharistique dominicale »[xiv] en œuvrant pour la sanctification de ce jour par notre présence à Dieu, au service de l’amour et dans l’exigence d’approfondir notre foi en la cultivant de manière spécifique dans un cœur à cœur avec Dieu.

 

Il nous faut comprendre la réalité du huitième jour comme un appel à retrouver le sens du sacré, dans le rythme de notre vie et du repos en Dieu, à travers la célébration personnelle et communautaire. C’est aussi un appel d’espérance dans l’attente du retour glorieux du Christ. « Le dimanche étant la Pâque hebdomadaire, où est rappelé et rendu présent le jour où le Christ est ressuscité d’entre les morts, c’est aussi le jour qui révèle le sens du temps. … Jaillissant de la Résurrection, il traverse le temps de l’homme, les mois, les années, les siècles, comme une flèche qui les pénètre en les tournant vers le but de la seconde venue du Christ. Le dimanche préfigure le jour final, celui de la Parousie, déjà anticipé en quelque sorte par la gloire du Christ dans l’événement de la Résurrection. »[xv] Faire du dimanche un jour comme un autre est donc un manque d’espérance, un oubli de la réalité du Salut et une mise à distance de l’attente du Christ. Le huitième jour, il n’est plus question qu’un disciple ne soit pas là car, tous présents, ils accueillent le Seigneur et Celui-ci demande un acte de foi au retardataire qui s’est révélé incrédule.

 

2.2                La foi, une vision explicite de l’invisible

Chez saint Jean, la foi est d’abord une vision, un regard porté sur ce qui est perçu. Le tombeau vide, avec le linge posé à plat et le suaire roulé à sa place, tout est en ordre et, dans cette absence du corps, le disciple croit. Il n’y a rien à voir, pourtant il a tout compris dans l’intelligence de la vision spirituelle et il pose un acte de foi, il fait confiance, radicalement, comme témoin de l’Église. Tout prend sens dans cette vision de Dieu, perdue au jardin d’Eden et retrouvée dans le jardin du tombeau. Adam s’est caché devant Dieu à cause du péché, le Christ se cache de Marie-Madeleine pour mieux se révéler, afin qu’en toute liberté elle puisse adhérer à la source de toute vie. Il est vivant et met à bas toutes les idoles du pays, parce qu’Il agit pour l’honneur de son Nom. Il ne rend ni sourd, ni aveugle, au contraire, par les témoins il ouvre les oreilles et la vue, le regard d’émerveillement sur la création. L’alléluia pascal est d’abord un chant d’action de grâce parce qu’Il est bien vivant, et Il nous apporte le Salut promis.

 

Dans la foi, Jean entre dans l’intelligence de la Parole en comprenant ce qui avait été annoncé. Marie-Madeleine fait une rencontre, elle voit les anges mais ne percute pas encore bien la grâce accordée, elle doit se retourner deux fois pour reconnaître Jésus. Une conversion de tout son être, non seulement des sens, mais aussi de la connaissance et de son approche du monde, pour accueillir le Christ ressuscité. L’appel par son nom déclenchera la reconnaissance de sa voix. Il ne s’agit plus de voir, mais d’entendre, et le texte garde le terme exact en hébreux, Rabouni, profession de foi vers Celui qui est le maître de nos vies et avec qui nous pouvons marcher en confiance. « J’ai vu le Seigneur ! » est l’affirmation personnelle d’une rencontre unique. Elle a pu voir Dieu « les yeux dans les yeux »[xvi] et s’approcher du Seigneur pour être aussitôt envoyée auprès des frères. « Ne me touche pas car je ne suis pas encore monté vers le Père. » Elle ne doit pas retenir le Seigneur dans une relation individualiste, tout comme la Vierge Marie une fois qu’elle a rencontré Dieu : elle est envoyée, non chez sa cousine, mais vers les frères, pour être au service de l’annonce. Le témoignage de foi est d’abord celui d’une vision de Dieu, d’une relation personnelle entre Lui et nous. Dieu ne se cache plus, le Père prodigue d’amour se révèle par le Fils dans le Salut et par l’Esprit dans le Don. C’est par l’écoute de la Parole et le témoignage que nous sommes invités à entrer dans la joie de la résurrection.

 

Au vu des signes opérés par le Christ et de la résurrection, nous sommes appelés à vivre la foi comme un lieu de rencontre et de reconnaissance de la révélation, pour nous laisser conduire par la Parole et vivre en disciples. C’est-à-dire en nous laissant transformer jour après jour afin de le reconnaître à la fraction du pain et au service du frère. La foi nous invite à reconnaitre la présence de Dieu dans notre vie dans ce tombeau, pourtant bien vide et bien rangé. Elle suscite l’adhésion du cœur pour laisser la voix du Seigneur résonner dans nos profondeurs. « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. » Telle est la promesse que le croyant reçoit comme un appel à persévérer dans la confiance en Dieu.

3     Le Christ notre paix

Et voici que le Christ apparaît aux disciples et les salue « Shalom », la paix soit avec vous. Ce n’est pas simplement une salutation usuelle, car cette paix annoncée par la culture juive est une paix de Dieu qui inonde tout l’être et transforme chacun pour orienter sa vie vers la juste distance avec Dieu. « Selon la foi et l’expérience chrétienne de l’Esprit, cette paix donnée par Dieu qui s’étend comme un torrent débordant, lorsque vient le temps de la « consolation »[xvii], est liée à la venue et à la présence du Christ. »[xviii] C’est la paix que la Vierge Marie a accueillie la première lors de l’annonciation et qu’elle a vécue toute sa vie à l’ombre de son Fils. Une paix qu’ont découverte les apôtres tout au long du ministère du Christ et qui prend un goût nouveau dans la fête de la résurrection. Car, en plus de la paix, la joie envahit le cœur des disciples jusqu’à en être remplis puisque, chassant toute peur, ils voient le Seigneur. Avoir l’esprit en paix revient à chasser toute peur pour accueillir Dieu et laisser sa Parole résonner dans notre cœur pour porter du fruit et être ainsi capables d’en témoigner dans l’envoi de chaque disciple pour propager la Bonne Nouvelle. Le Sauveur vient nous libérer de la mort et du péché. À travers le pardon, Il nous invite à une nouvelle relation à Dieu, avec la promesse du Salut pour l’éternité.

 

3.1                Le Christ est d’abord une histoire de rencontre

La rencontre du Christ dans le récit connaît deux salutations, l’une pour digérer la présence et laisser l’Esprit Saint habiter le cœur des fidèles, l’autre pour envoyer en mission en appelant à vivre la miséricorde qui est action de l’Esprit Saint.

 

Avec la première salutation, Jésus montre ses mains et son côté, sans que cela lui soit demandé mais pour laisser à chacun la joie d’une rencontre. Ce n’est ni un fantôme ni un sosie, c’est Lui le Christ, passé par la croix, vainqueur de la mort et ouvrant les portes du Salut pour chacun d’entre nous. Le Sauveur se dévoile dans la réalité du corps crucifié, comme le vivant, et invite à la joie de la rencontre. « Dans l’annonce joyeuse de la résurrection, la peine même de l’homme se trouve transfigurée, tandis que la plénitude de la joie surgit de la victoire du Crucifié, de son Cœur transpercé, de son Corps glorifié, et éclaire les ténèbres des âmes. »[xix] La lumière du Christ vient bouleverser les cœurs, pour annoncer dans la rencontre la joie du Salut. La nouvelle alliance nous introduit à une autre forme d’intelligence qui se vit dans l’amour et demande de déployer le pardon, non pour lui-même mais au nom même de la relation d’amour qui demande d’aller jusqu’au bout pour tout faire afin d’éviter les ruptures. « Maintenant, à la lumière de sa Résurrection, la mort du Christ dévoile la fiabilité totale de l’amour de Dieu. En tant que ressuscité, le Christ est témoin fiable, digne de foi[xx], appui solide pour notre foi »[xxi] et inonde de joie ceux qui viennent à sa rencontre, qui l’accueillent avec bienveillance, dans la sagesse du discernement, et ont le regard tourné vers Lui, source de la vie qui étanche notre soif.

 

Lors de la deuxième salutation, après L’avoir reconnu à ses mains et son côté, c’est-à-dire reconnu le crucifié dans son corps glorifié, les disciples sont invités à devenir témoins en étant envoyés dans le souffle de l’Esprit Saint.  « La joie pascale n’est pas seulement celle d’une transfiguration possible : elle est celle de la nouvelle présence du Christ ressuscité dispensant aux siens l’Esprit Saint pour qu’il demeure avec eux. »[xxii] La venue de l’Esprit Saint est concomitante avec la venue du Christ, parce qu’Il transforme nos cœurs pour les rendre disponibles à la grâce, disponibles à l’action de Dieu, disponibles à entendre notre appel propre. « Tel est le statut de l’existence chrétienne, et très particulièrement de la vie apostolique. Celle-ci, parce qu’elle est animée par un amour pressant du Seigneur et des frères, se déploie nécessairement sous le signe du sacrifice pascal, allant par amour à la mort, et par la mort à la vie et à l’amour. »[xxiii] C’est bien mort à ce monde, que l’on peut vivre le partage de tous les biens pour rétablir le vrai lien fraternel qui est l’union des cœurs et des âmes, c’est-à-dire une même expression de la foi au Christ ressuscité, chacun selon ses charismes. C’est une transformation intérieure qui se vit et se voit : « la joie vaste et profonde répandue dès ici-bas dans le cœur des vrais fidèles ne peut apparaître que comme « diffusive de soi », tout comme la vie et l’amour dont elle est un heureux symptôme. Elle résulte d’une communion humano-divine, et aspire à une communion toujours plus universelle. »[xxiv] L’Église, dès les débuts, l’a vécue dans ce partage humain qui devenait un partage de prière et d’action de grâce, pour rendre témoignage du Christ d’une manière concrète.

3.2                Le pardon des péchés

La paix dévoile la vocation du Fils envoyé par le Père et missionne ceux qui sont là pour pardonner tous les péchés. Afin d’accomplir ce pardon, Il envoie l’Esprit Saint, c’est-à-dire la Personne Don. Mais le pardon des péchés se vit dans la vérité du don qui demande la relation. « A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » La réconciliation se vit dans le témoignage de notre foi et l’appel à la conversion, comme une transformation de tout notre être pour nous rendre témoins crédibles et, par la vérité des cœurs rencontrés, afin de bâtir ensemble cette civilisation de l’amour. Les péchés maintenus sont les péchés sans contrition, c’est-à-dire sans vouloir changer, ou se croyant par nature dans cet état et sans perspective de faire les choses autrement dans un entêtement déraisonnable. « Toutefois le combat pour le Royaume inclut nécessairement la traversée d’une passion d’amour, dont les maîtres spirituels ont su parler excellemment. [les] traditions mystiques, en Orient comme en Occident… attestent le même cheminement de l’âme, (à travers la croix vers la lumière), et de ce monde au Père, dans le souffle vivifiant de l’Esprit. »[xxv]

 

Envoyer les disciples pour la rémission des péchés, c’est accompagner l’œuvre de l’Esprit Saint dans la réconciliation des enfants des hommes avec Dieu notre Père et régénérer ainsi l’alliance éternelle, par l’ajustement de notre vie. La joie de l’Esprit Saint est cette réconciliation avec Dieu opérée dans le cœur de chacun, avec les exigences de l’amour qui demande la vérité de notre part, afin de cueillir les fruits de la rencontre, et ainsi vivre un renouvellement intérieur qui accueille le Christ ressuscité dans notre demeure, notre intériorité.

3.3                L’incrédulité et la profession de foi

Loin de garder pour soi cette Bonne Nouvelle, les disciples partagent leur joie avec leur compagnon Thomas : « nous avons vu le Seigneur ! » Ce n’est plus une profession personnelle, mais communautaire. Nous, ensemble, attestons de cette présence de Jésus au milieu de nous. Il est bien vivant. Mais Thomas n’a pas vu et donc il ne croit pas. Il est de ce monde matérialiste, qui veut des faits, des preuves, des circonstances précises et un contexte pour être certain de ce qui est annoncé. Il veut toucher, voir les mains, mettre sa main et toucher du doigt pour vérifier la véracité des faits. Avant d’avoir son aval il faut prouver l’existence du ressuscité.

 

L’exigence d’une preuve comme condition de la foi, alors qu’elle en est par principe la négation, montre le paradoxe de la demande. En effet, la foi suscite la confiance, et d’aller au-delà des signes pour contempler le Tout Autre, alors que la preuve n’est qu’un fait matériel qui nécessite la raison mais ne demande ni la volonté ni la connaissance. C’est le paradoxe de ce passage, où Jésus montre la matérialité de son corps crucifié et invite saint Thomas à ouvrir son intelligence : « avance ta main, et mets-la dans mon côté ; cesse d’être incrédule, sois croyant. » Il ne suffit pas de toucher, encore faut-il vaincre son ignorance crasse ancrée dans l’incrédulité et être croyant, c’est-à-dire s’ouvrir au mystère de la foi. L’intelligence de la foi ne passe pas par ce qui est visible, mais au contraire par l’accueil de sa présence.

 

Comme nous ne sommes plus à un paradoxe près, nous assistons au retournement de Thomas et à sa proclamation de foi, de ce qu’il ne voit pas de ses yeux, mais perçoit par sa contemplation du sauveur : « mon Seigneur et mon Dieu. » Notons-le, l’acclamation de foi de Thomas est unique dans les évangiles. S’il reconnaît, comme tous, la messianité du Christ, « mon Seigneur », il est l’unique apôtre à le qualifier de « mon Dieu. » Certes, nous avons dans le prologue de saint Jean, et tout au long des évangiles, des affirmations nuancées de la divinité du Christ, mais de manière aussi explicite il faut l’entendre de la bouche de Thomas, l’incrédule. C’est de lui que vient la plus belle profession de foi. À ceux qui nient la divinité du Christ, il nous faut sans cesse rappeler ce passage crucial de l’évangile, sans double ou triple lecture, mais en l’accueillant dans la radicalité de la scène racontée. Il professe la divinité du Christ et la puissance de sa parole qui s’est accomplie.

 

3.4                La lumière de la vérité ouvre à la foi

La béatitude de saint Jean a une résonnance particulière, notamment en lien avec l’aveugle né Bartimée et le rite du catéchuménat, appelant chacun à être illuminé par le Christ : « Heureux ceux qui n’ayant pas vu ont cru. » La foi n’est pas une question de vision mais d’adhésion au Christ et de confiance en sa présence agissante au milieu de nous, comme il l’a dit par sa Parole. L’unité des disciples du Christ est signe de fécondité, source de témoignage et annonce du Salut. « L’évangélisation contiendra aussi toujours — base, centre et sommet à la fois de son dynamisme — une claire proclamation que, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité, le salut est offert à tout homme, comme don de grâce et miséricorde de Dieu[xxvi]. Et non pas un salut immanent, à la mesure des besoins matériels ou même spirituels. »[xxvii] Retrouver le sens de Dieu est d’abord accueillir sa présence dans la disponibilité de notre être et nous laisser guider sur le chemin de la grande espérance du Salut. « La prédication de l’amour de Dieu envers nous et de notre amour pour Dieu ; la prédication de l’amour fraternel pour tous les hommes — capacité de don et de pardon, de renoncement, d’aide aux frères — qui, dérivant de l’amour de Dieu, est le noyau de l’évangile. »[xxviii] La foi nous invite au témoignage au-delà de nos sens, dans la réalité d’un Dieu qui en nous est présence vivifiante et nous conduit vers de verts pâturages. Toute notre foi ne se réduit pas aux récits des évangiles, mais ceux-ci y sont mis pour fortifier notre foi et redonner sens à ce que nous vivons aujourd’hui dans notre relation à Dieu.

 

Vivre sa foi aujourd’hui demande toujours un déplacement salutaire. Il nous faut entrer sur le chemin de vie en relisant notre expérience à la lumière de l’évangile. « C’est à la lumière de la révélation opérée par le Verbe divin que se clarifie définitivement l’énigme de la condition humaine. »[xxix] La joie de la résurrection est aussi celle des retrouvailles avec notre vocation d’images de Dieu, appelées à vivre cette familiarité de sa présence dans la vie de l’Esprit Saint. C’est aussi la joie de la réalité  humaine retrouvée dans la vie du Christ : « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. »[xxx] Une chose est de vivre avec le Christ et d’écouter sa Parole, une autre de l’expérimenter dans la joie de la résurrection. « La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. Oui, au moment de la résurrection, le Fils de Dieu s’est manifesté comme Lumière du monde. À présent, en vivant avec lui et par lui, nous pouvons vivre dans la lumière. »[xxxi] Qu’en ce temps de Pâques, nous sachions nous laisser envahir par cet amour de Dieu, en vivre autour de nous comme lieu de rencontre et de témoignage et participer ainsi au développement de la foi. Oui, vivre avec le Christ transforme notre vie et je vous l’annonce « pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. »

 

Conclusion

L’appel à vivre l’amour fait de nous des témoins privilégiés de cette expérience spirituelle où Dieu nous conduit et nous illumine de sa vérité toute entière. « Il apparaît clairement que l’amour se transforme en miséricorde lorsqu’il faut dépasser la norme précise de la justice, précise et souvent trop stricte. »[xxxii] La logique de l’amour est dans cette démonstration du pardon qui nous conduit à la conclusion de la miséricorde. Dans la paix, nous sommes envoyés comme témoins du Rédempteur, car Il a sauvé le monde et nous appelle à vivre de manière réconciliée, avec Dieu, avec nous-mêmes et avec notre prochain.

 

Au nom de notre foi dans le Christ, dans sa passion sur la croix et dans sa résurrection, laissons-nous réconcilier avec Lui et avec nos frères. Or, la source de la réconciliation est dans l’amour qui s’étend sur tout notre quotidien, et notre capacité à pardonner sans compter. L’amour se vit sous le regard de Dieu et dans une recherche de communion où la vérité est toujours présente. « C’est Dieu qui gouverne le monde et non pas nous. Nous, nous lui offrons uniquement nos services, pour autant que nous le pouvons, et tant qu’il nous en donne la force. Faire cependant ce qui nous est possible, avec la force dont nous disposons, telle est la tâche qui maintient le bon serviteur de Jésus-Christ toujours en mouvement : L’amour du Christ nous pousse »[xxxiii].Notre premier appel, en tant que baptisés, est donc d’aimer et de découvrir dans l’amour la fraternité, l’annonce explicite de notre foi et la bienveillance de Dieu pour chacun, même devant l’absurdité du mal. La révolution de l’amour est un témoignage qui peut paraître bien fragile, mais a une force à nulle autre pareille et que personne n’arrive à endiguer. L’amour en Dieu peut tout, quand bien même l’instant de l’histoire nous donnerait tort.

 

            Le mystère pascal est le sommet de la révélation de Dieu et le jour de Pâques est compris comme le huitième jour de la création, celui de l’incarnation du Fils. Il est aussi l’accomplissement de l’amour de Dieu, qui met en œuvre la miséricorde pour justifier l’homme par la venue du Rédempteur. Jésus-Christ, par sa mort et sa résurrection, vient nous sauver et nous révèle cette fraternité humaine qui appelle à vivre l’amour de Dieu, d’où la nécessité du témoignage.

 

Que chacun soit au courant de la Bonne Nouvelle. « C’est l’amour qui non seulement crée le bien, mais qui fait participer à la vie même de Dieu Père, Fils et Esprit Saint. En effet, celui qui aime désire se donner lui-même. »[xxxiv]Soyons témoins de cet amour généreux autour de nous. Que le Seigneur nous aide cette semaine à témoigner avec audace de la joie de croire. « Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. » Réveillons le monde par sa présence et redoublons de ferveur malgré l’adversité que nous pouvons parfois rencontrer.  Rien n’est impossible à celui qui fait confiance à Dieu, car c’est Lui qui tient notre histoire et celle de l’humanité entre ses mains. Dans le mystère de son amour, Il développe une action universelle, c’est-à-dire adressée à tous, par une révélation proportionnée à notre capacité de l’entendre. « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur ».

 

 

 11 avril 2021 – Père Greg – Curé

Saint Charles Borromée – Joinville-le-Pont

 

 

 

 

[i] &51 Lumen Fidei

[ii] &47 Lumen Fidei

[iii] Cf. 1 P 2, 21 ; Mt 16, 24 ; Lc 14, 27.

[iv] &22/3 Gaudium et Spes

[v] &15 Populorum Progressio

[vi] &16 Populorum Progressio

[vii] &222 Fratelli Tutti

[viii] 1 Jn 2,10-11

[ix] &283 Fratelli Tutti Homélie lors de la Sainte Messe, Colombo – Sri Lanka (14 janvier 2015)  : L’Osservatore Romano, éd. en langue française (15 janvier 2015), p. 4.

[x] &36 Evangelium Vitae

[xi] &76 Evangelium Vitae

[xii][xii] &31 Evangelium Vitae

[xiii] &26 Dies Domini avec une référence Cf. S. Augustin, Epist. 55, 17: CSEL 34, p. 188: « Ita ergo erit octavus, qui primus, ut prima vita sed æterna reddatur ».

[xiv] &81 Dies Domini

[xv] &75 Dies Domini

[xvi] Is 52,8

[xvii] Cf. Is 40, 1; 66, 13

[xviii]  Gaudete in Domino

[xix] Gaudete in Domino

[xx] cf. Ap 1, 5 ; He 2, 17

[xxi] &17 Lumen Fidei

[xxii] Gaudete in Domino

[xxiii] Gaudete in Domino

[xxiv] Gaudete in Domino

[xxv] Gaudete in Domino

[xxvi] Cf. Ep 2, 8 ; Rm 1, 16. Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Declaratio ad fidem tuendam in mysteria Incarnationis et SS. Trinitatis a quibusdam recentibus erroribus (21 février 1972) : AAS 64 (1972), pp. 237-241.

[xxvii] &27 Evangelii Nuntiandi

[xxviii] &28 Evangelii Nuntiandi

[xxix] &6 Verbum Domini

[xxx] &22 Gaudium et Spes

[xxxi] &12 Verbum Domini

[xxxii] &6 Dives in Misericordia

[xxxiii] &35 Deus Caritas est citant 2 Co 5,14

[xxxiv] &7 Dives in Misericordia