Un carême bourgeois

Une adolescente dialogue avec sa mère. Elle va faire carême et veut à travers la privation retrouver la profondeur de la quête spirituelle. Sa mère lui rappelle que le dimanche ce n’est pas carême. Et la fille de rétorquer, « oh ça va avec ton carême bourgeois, tu crois que Jésus ne faisait pas carême le dimanche… » La jeunesse nous invite souvent, (nonobstant les nuances dans ce que nous avons à vivre), à une radicalité qui ne s’accommode pas des petits arrangements (et qui rendent les entorses si délicieuses). Les comparaisons clash rappellent la recherche du sens, et la soif de vérité dans nos engagements. Pas un iota ne sera retiré de la Loi nous partage Jésus. Vivre notre foi, c’est habiter la confiance, et rester fidèle quoiqu’il arrive. Persévérer dans cette fidélité, et respecter l’alliance où Dieu est toujours présent.

Il en va de notre foi comme de notre engagement au cœur de la cité. Les élections européennes approchent, et pourtant nous n’avons pas à avoir une mentalité de parti mais à bien poser les problématiques qui concernent l’Europe. La Cours Européenne des Droits de l’Homme (la CEDH) est une chambre d’enregistrement des avancées en bioéthique, notamment pour la GPA et la PMA obligeant presque les états à valider des positions refusées par les parlementaires et la population. Que dire du débat sur la théorie du genre qui mine toute l’anthropologie chrétienne, dans une volonté de rendre équivalentes l’homosexualité, la transsexualité et la sexualité qui accueille de manière responsable l’altérité d’un homme et d’une femme. Il nous faut donc voter, et éviter de nous abstenir ou de voter blanc, mais bien de nous engager, pour un moindre mal. « Comme l’agir moral de l’individu se réalise en faisant le bien, de même l’agir social parvient à sa plénitude en accomplissant le bien commun »&164 CDSE. Dans le vote nous devons aussi témoigner de notre confiance devant Dieu et dans le secret d’une recherche de communion entre les hommes.

Aujourd’hui le premier engagement se vit résolument dans des priorités qui commencent par une anthropologie adaptée et un refus de l’esclavagisme version GPA. Il n’y aura donc pas de vote conciliant, dans le relativisme des listes ou des noms, mais bien un engagement sur une tête de liste qui doit fédérer et notre engagement citoyen, et notre communion à Dieu dans la réalité de ce temps. La compromission vers d’autres valeurs (à part le fait que cela nous clive, dans une forme de schizophrénie du bien commun), atteint notre fraternité dans sa communion, en hiérarchisant la vie et avec un déséquilibre qui a comme critère l’argent. « Le bien commun exige d’être servi pleinement, non pas selon des visions réductrices subordonnées aux avantages partisans que l’on peut en retirer, mais à partir d’une logique visant à prendre les responsabilités aussi largement que possible. »&167 CDSE. La compromission nous prive d’égalité en monnayant la vie suivant les situations de chacun, et elle brise nos libertés dans le mépris affiché, et pire encore, le refus législatif d’opposer d’autres arguments qui viennent pourtant de la raison. Notre vote doit s’organiser autour d’une responsabilité du nos choix, expression de la liberté de tout homme, et surtout ne pas voir qu’un aspect des choses, sous le coup de l’émotion pour réduire nos décisions à des options économiques. Une vénalité générée par toutes les propositions bioéthiques –soi-disant modernes – soi-disant ouvertes et dans les faits, refuse tout dialogue dans la caricature. « Dieu est la fin dernière de ses créatures et en aucun cas on ne peut priver le bien commun de sa dimension transcendante, qui dépasse mais aussi achève la dimension historique. Cette perspective atteint sa plénitude en vertu de la foi dans la Pâque de Jésus, qui éclaire pleinement la réalisation du vrai bien commun de l’humanité »&170 CDSE

Comme nous le rappelle St Jean Chrysostome, une de nos conversions est de témoigner de notre foi à travers tous nos choix dans un dialogue avec Dieu où l’Ecriture a toute sa place. Ne nous laissons pas tenter par des choix faciles, mais au contraire redonnons un sens à notre vie dans la cité, en réaffirmant la place de l’humain dans son intégrité, son altérité homme et femme, réalité de ce qui nous est commun et de la complémentarité de chacun dans ses différences. Accepter les différences c’est d’abord, et avant tout, les reconnaître, et savoir discerner ce qui est pour un meilleur bien, dans une liberté de qualité, de ce qui nous entrave et ne pas choisir dans une liberté d’indifférence, qui est la relativité entre le bien et le mal.

Pâques est ce chemin de dialogue où nous réalisons que la vérité première du Christ ressuscité rend notre cœur brulant lorsque nous méditons les Ecritures et que nous sommes au service du frère. « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné » GS &22 Avant tout projet pour une nation ou un continent, sachons d’abord regarder vers Dieu, méditer dans nos cœurs la Parole, et reconnaitre dans les choix que nous posons un amour toujours plus grand pour Celui qui est à l’origine de Tout. Regarder le Christ le bulletin de vote à la main et la Parole de Dieu dans notre cœur afin d’exprimer l’intelligence de la foi dans la lumière de la vérité. Nous ne possédons pas Dieu, mais nous devons témoigner de son amour et inviter chacun à une relation personnelle. Cela implique dans nos décisions à faire des choix de vie, nous qui par notre baptême sommes citoyen de la civilisation de l’amour. « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

Père Greg BELLUT

Cure de l’ensemble paroissial