Ouverture de l’Année de la Famille : 19 mars 2021 – 26 juin 2022

« Comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint »

            Le pape décide une année de la famille pour relire l’encyclique Amoris Laetitia et réfléchir sur la pastorale familiale. Elle coïncide avec la fête de saint Joseph, et ce peut être l’occasion de revoir la place du père dans une société désaxée sur le féminisme. Elle se termine par la rencontre internationale des familles au Vatican les 25 et 26 juin 2022, comme pour signifier la place primordiale de la famille, première cellule d’Église. Rappelons une des charges des évêques dans l’Église. « Ils enseigneront donc, selon la doctrine de l’Église, combien il faut estimer la personne humaine, sa liberté et sa vie corporelle elle-même ; la famille, son unité et sa stabilité, la procréation et l’éducation des enfants ; la société civile avec ses lois et ses professions ; le travail et le loisir, les arts et les inventions techniques ; la pauvreté et la richesse. »[i] Cette charge du pasteur concerne tout le troupeau et consiste à promouvoir la beauté de la famille chrétienne par le sacrement du mariage, et l’appel spécifique à la sainteté qui y est lié. La beauté du mariage est non seulement l’engagement d’un homme et d’une femme mais, dans la grâce sacramentelle, l’engagement de Dieu pour sceller cette alliance et s’engager à son tour. Il revient aux époux, en liberté et en responsabilité, de faire croître cet amour et, par grâce reçue de l’Esprit Saint, d’en témoigner au cœur de ce monde.

Le sacrement du mariage est promesse d’espérance, c’est-à-dire un chemin d’humanité à construire à deux, à travers une vie de communion. « En vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l’homme. Car Dieu lui-même est l’auteur du mariage qui possède en propre des valeurs et des fins diverses[ii]; tout cela est d’une extrême importance pour la continuité du genre humain, pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la famille, pour la dignité, la stabilité, la paix et la prospérité de la famille et de la société humaine tout entière. »[iii] La mission conjugale est alors cet appel de Dieu à vivre la communion dans une configuration unique d’engagement pour la vie et, de manière spécifique, par l’attention à l’autre, qui résulte de l’attention au Tout Autre. « L’authentique amour conjugal est assumé dans l’amour divin et il est dirigé et enrichi par la puissance rédemptrice du Christ et l’action salvifique de l’Église, afin de conduire efficacement à Dieu les époux, de les aider et de les affermir dans leur mission sublime de père et de mère. »[iv] Nous comprenons alors l’appel à être responsables de la création, dans ce mystère de la procréation, et du souci d’un développement harmonieux de la personne humaine dans son intégralité, à travers la relation que le petit d’homme développe pour lui-même, ses parents et toutes les interactions possibles, autrement dit dans l’écologie humaine intégrale. « Précédés par l’exemple et la prière commune de leurs parents, les enfants, et même tous ceux qui vivent dans le cercle familial, s’ouvriront ainsi plus facilement à des sentiments d’humanité et trouveront plus aisément le chemin du salut et de la sainteté. »[v] L’ouverture de cette année de la famille doit être l’occasion de mieux saisir la présence de Dieu au cœur de la cité à travers l’union conjugale et la vie des enfants. Les parents sont invités à les éduquer vers la sainteté, par l’exemplarité de leur vie et l’attention portée à chacun. Le père, dans cet espace de rencontre unique, permettra à l’enfant de comprendre l’analogie avec Dieu notre Père en développant une attitude de tendresse et de confiance, en rappelant le cadre avec miséricorde et en étant soucieux de son avenir pour lui permettre une croissance dans la liberté et l’autonomie. Certes le programme est ambitieux, et chacun y tend à sa manière, mais c’est aussi une vigilance de chaque instant pour être présent auprès de sa famille afin de remplir sa mission de protecteur.

            Durant cette année, il faudra réfléchir sur la mise en pratique de l’exhortation apostolique, qui suivit deux synodes, et prendre ainsi un temps de relecture dans la vie quotidienne, notamment en faisant une place aux personnes souffrant d’un handicap. Les douze propositions pastorales donneront lieu à relecture pour notre ensemble paroissial. Il nous faudra réfléchir à la transmission de la foi à partir de la catéchèse, aux initiatives rappelant la valeur sacrée du mariage et de la grâce. Nous devrons aussi revoir le lien intergénérationnel, notamment la place des personnes âgées durement touchées par la crise sanitaire et par les principes de précaution tout aussi délétères. Revoir la spiritualité familiale, c’est remettre Dieu au centre de nos vies, dans ce qui est le premier cercle de nos interactions. Nous avons grandi au milieu de parents qui nous ont éduqués et appris à appréhender le monde suivant leurs valeurs chrétiennes plongées dans l’évangile. Notre éducation à l’affectivité a été vécue dans les bras des parents, puis avec la mise à distance nécessaire pour un propre murissement intérieur. Notre éducation à la liberté a permis de faire le choix d’entrer à notre tour dans le mariage et de vivre cette union comme un appel à la sainteté spécifique au cœur du monde.

1      En chemin avec les familles

Plusieurs propositions sont faites reprenant certains points d’Amoris Laetitia pour réfléchir sur l’accompagnement d’une pastorale familiale qui porte du fruit. Les propositions sont disponibles sur un site créé pour l’occasion et accessible à tous : http://www.laityfamilylife.va/content/laityfamilylife/fr/amoris-laetitia.html. Je reprends intégralement les éléments puisqu’ils sont pour nous des points de réflexion à mener seul, puis en équipe, pour s’engager avec persévérance sur un chemin d’accompagnement de la communauté paroissiale par le biais des familles.

  1. Renforcer la pastorale de la préparation au mariage avec de nouveaux itinéraires de catéchuménat au niveau des diocèses et des paroisses[vi] pour offrir une préparation au mariage éloignée, prochaine et immédiate et un accompagnement des mariés dans les premières années du mariage. Un engagement confié de manière particulière aux époux qui, avec les prêtres, deviennent les compagnons de voyage des fiancés et des mariages plus récents.
  2. Renforcer la pastorale de l’accompagnement des mariés par des rencontres et des moments de spiritualité et de prière qui leur sont consacrés afin de prendre conscience du don et de la grâce du sacrement de mariage[vii].
  3. Organiser des rendez-vous pour les parents sur l’éducation de leurs enfants et sur les défis les plus actuels[viii], et répondre ainsi à la suggestion que fait le Pape François aux parents, celle d’essayer de comprendre « où en sont réellement les enfants sur leur chemin »[ix].
  4. Promouvoir des rencontres de réflexion et de confrontation sur la beauté et les difficultés de la vie familiale [x] pour encourager la reconnaissance de la valeur sociale de la famille et la réalisation d’un réseau composé de prêtres et de familles, capables de se rapprocher dans des situations de fatigue, par l’annonce, le partage et le témoignage.
  5. Intensifier l’accompagnement des couples en crise[xi] pour les soutenir et les aider à une attitude de résilience, qui les amène à voir les difficultés comme des opportunités pour grandir dans l’amour et devenir plus forts.
  6. Insérer les couples mariés dans les structures diocésaines et paroissiales afin de mettre en place la pastorale familiale[xii] et la formation des opérateurs pastoraux, des séminaristes et des prêtres pour qu’ils puissent relever les défis d’aujourd’hui[xiii] et collaborer avec les familles.
  7. Promouvoir la vocation missionnaire dans les familles[xiv] en créant des moments de formation à l’évangélisation et des initiatives missionnaires (par exemple à l’occasion de la formation aux sacrements des enfants, mariages, anniversaires et d’autres moments liturgiques importants).
  8. Développer une pastorale des personnes âgées[xv] qui vise à dépasser la culture du déchet et l’indifférence et à promouvoir des propositions transversales aux différents âges de la vie, en faisant des personnes âgées des protagonistes de la pastorale communautaire.
  9. Impliquer la pastorale des jeunes par des initiatives de réflexion et de discussion sur des questions telles que la famille, le mariage, la chasteté, l’ouverture à la vie, l’utilisation des réseaux sociaux, la pauvreté, le respect de la création[xvi]. Il est nécessaire de réussir à susciter l’enthousiasme et de valoriser la capacité des jeunes à s’engager pleinement devant les grands idéaux et les défis que ceux-ci impliquent. Une attention particulière doit être accordée cette année aux enfants afin qu’ils soient sensibilisés à l’Année « Famille Amoris Laetitia » et aux initiatives proposées.
  10. Promouvoir la préparation à la X Rencontre Mondiale des Familles par des catéchèses et des parcours de formation qui, à travers diverses étapes et expériences, accompagneront les familles vers la Rencontre avec le Saint-Père.
  11. Lancer des initiatives d’accompagnement et de discernement des familles blessées[xvii], pour les aider à découvrir et à mettre en œuvre la mission qu’ils ont dans leur famille et leur communauté, à commencer par le Baptême.
  12. Organiser des groupes dans les paroisses et les communautés pour des rencontres d’approfondissement sur Amoris Laetitiaafin de sensibiliser aux opportunités pastorales concrètes qui se présentent dans les différentes communautés ecclésiales[xviii].

 Il est important que chacun prenne connaissance de ces points, et peut-être s’attache à développer l’un ou l’autre en participant aux groupes de travail. Nous pourrions développer tous les points, tant ils sont primordiaux et nous questionnent. Néanmoins si chacun s’investit sur un aspect proposé, cela aura des conséquences sur notre vie paroissiale par l’appel prophétique à entrevoir le point précis de manière renouvelée. Ce peut être l’occasion pour chacun de se repositionner afin de laisser l’Esprit nous conduire sur le chemin de vie. Cette époque particulière, où la famille est autant attaquée, peut être le moment d’approfondir le sacrement du mariage et ses conséquence sur la vie familiale et l’éducation des enfants, et la place du témoignage chrétien comme lieu de réalisation de la volonté de Dieu pour chacun.

Sur la fameuse question d’après-vente que je pose sur les baptêmes des enfants, on pourrait rejoindre le point 1 sur l’accompagnement après le mariage. Il nous faut revoir comment garder la proximité, non seulement dans la demande de sacrement, mais dans sa réalisation ensuite, au quotidien. Une équipe tandem (5 premières années de mariage) existe dans la paroisse depuis trois ans, issue du groupe Éphraïm, mais il n’y a plus d’équipe foyer, ni d’autres formes comme les équipes Notre-Dame. L’approfondissement de l’exhortation Amoris Laetitia en continuité de Familiaris consortio, doit nous aider à développer une intelligence spirituelle pour ajuster la vie familiale à la volonté de Dieu et porter un témoignage édifiant pour la vie de la cité. Vivre l’enthousiasme du sacrement du mariage n’est pas d’un instant, mais la construction de toute une vie sous le regard de Dieu. Cela invite alors à approfondir certains aspects pour comprendre le sens profond et ainsi s’ajuster sans cesse à la Parole et la vivre de l’intérieur dans une aimante adhésion.

L’éducation des enfants est une vraie question aujourd’hui (voir la lettre des nations 2019 et 2021) qui doit-nous mobiliser. Nous avons ouvert un chantier-éducation pour aider les mères dans la prise en charge de leurs enfants mais, faute de bras, il s’est arrêté. Cela demande de la disponibilité mais invite à se mettre au service. L’aide aux devoirs, que l’équipe d’animation paroissiale pense mettre en place pour septembre, répond à cette proximité nécessaire et à l’entraide qui en découle. Il n’est pas normal que ce soit des associations laïques qui prennent le relais d’une obligation de charité pastorale. De plus, coordonner ce que font les uns et les autres, peut aussi témoigner d’une vie de communion. D’autres propositions de sorties ou d’animations diverses (sortie à vélo etc.), doivent rejoindre chacun dans sa vie pour partager avec les jeunes dans une complémentarité intergénérationnelle, nécessaire à une vision plus large de la dignité humaine.

Deux points doivent être mis en exergue aujourd’hui pour notre ensemble paroissial, notamment à cause du contexte sanitaire actuel. Le point 8, sur la place des personnes âgées et l’attention que nous devons développer dans la pastorale communautaire afin que toute personne soit accompagnée et reconnue dans l’héritage des ans. Le point 5, sur l’accompagnement des couples en crise, et notamment ceux qui sont séparés et restent fidèle à leur sacrement, comme le propose la Communion Notre-Dame de l’Alliance (CNDA). Certains, en vivant séparés du conjoint, se pensent en porte-à-faux avec l’Église et arrêtent la pratique. C’est dommage, car ils sont aimés par Dieu et Celui-ci continue de les accompagner dans leurs épreuves. La communauté paroissiale est justement là pour les soutenir, prier avec eux, avec elles, afin de leur redonner le goût d’un amour véritable qui ne se réalise qu’en Dieu et dans la grande espérance du Salut. Je n’oublie pas non plus l’effort pastoral que nous devons fournir pour les mères célibataires afin de les aider à éduquer leurs enfants et à apporter une aide au quotidien afin de ne pas les laisser seul face aux tracas de la vie.

Néanmoins, il nous faut repenser au niveau de l’ensemble paroissial une pastorale familiale, qui redonne le souffle de l’Esprit Saint et fasse de chacun de nous des témoins de la foi. Une des pistes de réflexion est l’approfondissement de la Parole de Dieu en famille, notamment avec les plus jeunes, dans une pédagogie qui suscite le goût de Dieu et l’intérêt pour l’accueil en profondeur de l’amour de Dieu. Il nous faut aussi repenser nos liturgies pour laisser une place aux plus jeunes. Par exemple, laisser les petits enfants monter à l’autel pour réciter ensemble le Notre Père, ou bien, dans un atelier de la Parole de Dieu spécifique pour cet âge, durant la liturgie de la Parole de Dieu, leur donner l’occasion d’exprimer leur foi et de la redire dans la grande assemblée. Il y a des pistes qui doivent être abordées, sans pour autant abandonner l’intériorité nécessaire à la célébration de la sainte eucharistie, sacrement de la charité.

2      La paternité, lieu de structuration

L’ouverture de l’année de la famille en concordance avec la fête patronale de saint Joseph, met un accent sur le rôle du père et appelle à approfondir la relation paternelle. D’autant plus que l’analogie avec la paternité de Dieu oblige à mieux cerner les appels que nous recevons dans ce monde, en redéfinissant clairement la paternité. « En manifestant et en revivant sur terre la paternité même de Dieu[xix], l’homme est appelé à garantir le développement unitaire de tous les membres de la famille. »[xx] C’est un appel à la communion dans l’éducation qui demande avec la mère un vrai travail de concertation et de dialogue pour rechercher la juste attitude à avoir avec l’enfant. Notre propre construction de personnalité se fait au cœur de notre histoire familiale et des interactions que nous avons vécues. « L’amour envers sa femme devenue mère et l’amour envers ses enfants sont pour l’homme la route naturelle menant à la compréhension et à la réalisation de sa paternité. »[xxi] Saint Joseph nous sert de modèle de paternité, comme lieu d’apprentissage et d’intuition, pour toujours être à l’écoute de l’Esprit du Seigneur et savoir prendre nos responsabilités pour guider la famille vers un meilleur bien. Il n’y a pas de diplôme ni d’études pour être père, mais un lent et long apprentissage fait de confiance, de tendresse, d’écoute, de dialogue et de rectitude, afin d’œuvrer pour la croissance de l’enfant et de l’amener à une conscience droite pour vivre des choix en liberté et en autonomie, qui rendent gloire à Dieu.

Quelles que soient les réalités, nous ne devons jamais perdre l’objectif, mais maintenir le cap, même si la mer est déchainée. Dans le sacrement du mariage, Jésus est à bord, et nous trouverons la force de l’Esprit pour continuer à nous guider avec justesse. « La famille chrétienne, parce qu’elle est issue d’un mariage, sera image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Église[xxii], manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Église, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres. »[xxiii] L’importance d’une révision de vie en famille tous les soirs, surtout ceux avec tension, permettra dans un esprit de vérité de mieux connaître l’autre et de dialoguer sans s’agresser. Nous pourrons ainsi accueillir la fragilité de l’autre dans le pardon et, en même temps, recevoir l’autorité comme un service pour notre propre croissance spirituelle. « En devenant parents, les époux reçoivent de Dieu le don d’une nouvelle responsabilité. Leur amour parental est appelé à devenir pour leurs enfants le signe visible de l’amour même de Dieu, “d’où vient toute paternité au ciel et sur la terre.” »[xxiv]. Ce travail de communication et de partage ouvrira à une autre démarche dans la foi et à la redécouverte d’un Dieu Père, véritable unification de tout notre être dans la grâce du Salut. Dans la foi, nous expérimentons la patience de Dieu à notre égard et nous rendons grâce à Celui qui est lent à la colère et débordant d’amour jusqu’à mille générations.

3      La paternité spirituelle

La paternité de Dieu se révèle dès l’Ancien Testament et de manière récurrente, chez les prophètes. D’ailleurs la prière juive du Qadish comprend la première partie du Notre Père chrétien (Notre Père… sur la terre comme au ciel) Dans la réalité familiale, nous redécouvrons le Père dans sa dimension Trinitaire et la richesse de communion Père, Fils, Esprit Saint. « Notre Dieu, dans son mystère le plus intime, n’est pas une solitude, mais une famille, puisqu’il porte en lui-même la paternité, la filiation et l’essence de la famille qu’est l’amour. Cet amour, dans la famille divine, est l’Esprit-Saint. »[xxv] Redécouvrir le visage du Père, c’est à nouveau entrer en communion et la vivre comme lieu de sanctification.

Une des paraboles les plus célèbres, qui est appelée de l’enfant prodigue ou du Père de miséricorde, nous laisse entrevoir deux approches, celle de celui qui est soumis à son Père de l’extérieur en obéissant à toutes les prescriptions, et celle de l’insoumis qui s’arrache du carcan extérieur dans une forme de révolte œdipienne pour se laisser conquérir par une approche plus réaliste de la fonction nourricière du Père. Le Père, non seulement se révèle nourricier en surabondance en faisant tuer le veau gras, mais encore comme généreux en miséricorde, puisqu’il aime et fait la fête pour cette relation perdue enfin retrouvée. Alors la paternité s’accomplit ; elle vit selon la liberté et non seulement selon la nature. Le temps de la paternité, ce n’est pas celui de la naissance, de l’éducation, de la famille unie ; c’est le moment de la reconnaissance mutuelle du fils par le père, et du père par le fils. C’est cette paternité dont parle Jésus pour nous expliquer comment Dieu est père. Il n’est pas père sans nous, les fils. La position de Dieu, telle qu’elle est indiquée en filigrane par l’attitude surprenante du père, est une position de générosité totale et de renoncement dont le sens manifeste est la volonté que l’homme vive. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se repente avons-nous en écho dans les Écritures.

La prière est un lieu de conversion du besoin du monde en désir de Dieu et comme une expérience humaine de la filiation divine. La crispation violente sur le besoin de consommer le monde, sur l’argent, les femmes et les banquets conduit le fils insensé jusqu’à la folie à considérer ce qui manque à tous ces objets et l’impossibilité où ils sont de lui donner ce qu’il cherche ; il rentre en lui-même. « Son enfant peut s’égarer, partir seul dans la nuit des ténèbres, il a oublié le chemin de la maison de son Père. »[xxvi] À la lumière de la conversion, comme un rappel à la raison sur l’essentiel, il quitte la jouissance stérile d’une vie fondée sur l’utilité pour retrouver la vie qui fait sens. Dans un même mouvement, il redécouvre le Père, qui n’est pas l’objet de son besoin mais dont il a besoin pour vivre, la joie du banquet des noces et l’héritage véritable. « Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! » Il se redécouvre fils au moment précis où il envisage la possibilité de ne plus l’être, c’est-à-dire en renonçant au père pour l’honneur du nom, et aux femmes pour la jouissance du plaisir, en d’autres termes il quitte l’enfant gâté et gavé pour découvrir le chemin de la sagesse dans la vérité de ses actes. « Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre. » Parce qu’il reconnait l’amour du Père, il accueille sa nature de fils.

 Le fils aîné, qui n’a pas le beau rôle dans cette histoire, est là pour nous rappeler l’enjeu d’une certaine sécurité dans la relation, qui ne doit pas être comprise comme rétribution des services donnés ou relation en valeur marchande, car au-delà du service il y a la gratuité de la rencontre. Ce ne sont ni les amis, ni l’esprit de fête, qui donnent sens à notre vie, mais cette relation que nous nouons chaque jour avec le Père du ciel dans la prière, la méditation des Écritures et le service de la charité. C’est-à-dire dans le don sincère de nous-mêmes, afin de rendre témoignage de notre foi par nos œuvres.

La relation à Dieu est affaire de confiance : « moi j’ai un papa qui s’occupe de mes affaires… Il est Dieu… je suis son enfant. »[xxvii] Cette confiance de l’amour s’accueille dans la fidélité à sa Parole et l’accomplissement de l’alliance chaque jour de notre vie. Plus d’angoisse ni de peur, Dieu est là, près de moi, et Jésus nous le confirme : lorsque deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis là au milieu de vous, présent pour manifester l’œuvre de Dieu au monde.

 25 mars 2021 – Père Greg – Curé

Saint Charles Borromée – Joinville-le-Pont

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Sources :

  • [i] &12 Decret Christu Dominus
  • [ii] Cf. Saint Augustin, De bono coniug. : PL 40, 375-376 et 394. – Saint Thomas, Somme théologique, suppl. q. 49, a. 3 à 1. – Decretum pro Armenis : Denz. 702 (1327). – Pie XI, Encycl., Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 543-555 ; Denz. 2227-2238 (3703-3714).
  • [iii] &48/1 Gaudium et Spes
  • [iv] &48/2 Gaudium et Spes note 106 Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 546-547 ; Denz. 2231 (3706).
  • [v] &48/2 Gaudium et Spes
  • [vi] cf. AL 205-222
  • [vii] cf. AL 58-ss e 223-230
  • [viii] cf. AL 172-ss e 259- 290
  • [ix] cf. AL 261
  • [x] cf. AL 32-ss e 89-ss
  • [xi] cf. AL 232-ss
  • [xii] cf. AL 86-88
  • [xiii] cf. AL 202-ss
  • [xiv] cf. AL 201, 230 et 324
  • [xv] cf. AL 191-193
  • [xvi] cf. AL 40
  • [xvii] cf. AL 50-ss, 241-ss   e 291-ss
  • [xviii] cf. AL 199-ss
  • [xix] Cf. Ep 3, 15
  • [xx] &25 Familiaris Consortio
  • [xxi] &25 Familiaris Consortio
  • [xxii] Note 113 Cf. Ep 5, 32.
  • [xxiii] &48/4 Gaudium et Spes
  • [xxiv] &14 Familiaris consortio Ep 3, 15.
  • [xxv] &11 Amoris Laetitia citant Homélie à l’occasion de l’Eucharistie célébrée à Puebla de los Ángeles (28 janvier 1979) : AAS 71 (1979), p. 184 – note 6
  • [xxvi] Mon Père – Brigitte Bellut
  • [xxvii] Mon Père – Brigitte Bellut