Note de synthèse sur le jeûne, la prière et le partage – (Lettre de carême 2018)

Comment faire carême ? Le prophète Joël que nous lisons chaque année, nous appelle à 3 aspects – Le jeûne, la prière et le partage. Une lettre de carême en 2018 parlait de l’aspect du jeûne et de la prière. Ici nous en faisons une synthèse. Mais ce qu’il faut retenir de la foi chrétienne, c’est une école de liberté, où chacun mûrit sa conscience dans la droiture des Écritures, l’esprit de lumière, les motions de l’Esprit et l’accompagnement spirituel, afin de prendre les bonnes décisions vers un meilleur bien.

Le jeûne

Le jeûne est l’absence de nourriture et de boisson (excepté une petite portion de pain et l’eau naturelle). Je peux jeûner sur un repas (me dispenser de manger à midi), sur une journée avec le principe d’une collation (souvent le soir, une soupe ou tout autre repas frugal), ou m’abstenir de tout aliment sur un jour.

Les erreurs de discernement. Faire un jeûne pour mieux se goinfrer après, ce n’est pas le sens de la conversion. Attendre le soir pour manger copieusement, ce n’est pas non plus le sens du jeûne. Faire un effort physique pour tenir le plus longtemps sans manger – l’effort du jeûne est d’abord spirituel et fruit de conversion. Faire du jeûne un objectif de santé (ou d’équilibre de la balance), ce n’est pas non plus l’attente première.

Il n’y a pas de jeûne d’eau dans le christianisme. Par contre, effectivement on demande de s’abstenir des boissons (ce qui n’est pas de l’eau naturelle, vin, bière, etc.) et de ne pas boire afin de masquer sa faim. D’ailleurs le jeûne de Daniel, si souvent cité, est une privation de repas et de boisson, mais en mangeant sobrement du pain et buvant à bon escient de l’eau. Le jeûne d’Esther (en hébreu : תענית אסתר) que la tradition juive à placé à la fête de Pourrim (Est 9, 32) consiste à ne pas manger du lever du soleil jusqu’à son coucher. Le texte hébreux dit « ne mangez ni ne buvez de trois jours, ni nuit, ni jour » (Est 4, 16) Il reste, comme nous l’avons vu dans le livre de Daniel, une notion de manger et de boire sujet à interprétation, mais retenons que cette forme de jeûne ne correspond pas non plus au temps du carême de 40 jours.

Les dispenses du jeûne. Toute personne en état de croissance (enfant et notamment les adolescents, tout feu tout flamme mais qui en oublient le principe de réalité), évidemment de grossesse ou d’allaitement, et enfin les personnes âgées (+ de 75 ans) surtout celles qui peuvent être habituellement dénutries. Les malades, selon la pathologie, doivent discerner du bien-fondé du jeûne. Enfin ceux qui exercent une tâche physique et qui pourraient se trouver empêchés dans leur travail. « Il ne semble pas en effet que l’intention de l’Église, en instituant des jeûnes, ait été d’empêcher d’autres œuvres bonnes et plus nécessaires. i»

Le détournement du jeûne. Celui-ci doit amener à une vie simplifiée, le temps du repas devenant un temps de prière (et non un temps pour terminer son travail ou d’oisiveté). Le repas non consommé doit être traduit en argent et partagé auprès des plus pauvres ou de ceux qui sont dans le besoin.

Synthèse

Le jeûne est l’espace d’une rencontre avec Dieu à travers la pénitence du corps. Il consiste en une privation et un partage de ce qui n’a pas été mangé. Il n’est pas un décalage de repas, ni un report mais l’absence d’aliment pour partager avec d’autres ce que nous avons omis par esprit de pénitence. Il y a deux jours de jeûne obligatoires, le mercredi des cendres et le vendredi saint, un conseillé – le samedi saint – et tous les autres jours selon la libre appréciation de chacun dans le discernement spirituel. Le dimanche étant la célébration de la résurrection du Christ, on ne jeûne jamais.

« Quand nous jeûnons, pourquoi ne le vois-tu pas ? Quand nous faisons pénitence, pourquoi ne le sais-tu pas ? » Oui, mais le jour où vous jeûnez, vous savez bien faire vos affaires, et vous traitez durement ceux qui peinent pour vous. Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poing sauvages. Ce n’est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd’hui que vous ferez entendre là-haut votre voix. Est-ce là le jeûne qui me plaît, un jour où l’homme se rabaisse ? S’agit-il de courber la tête comme un roseau, de coucher sur le sac et la cendre ? Appelles-tu cela un jeûne, un jour agréable au Seigneur ? Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? » Is 58,3-7

L’abstinence

Certains ne peuvent pas jeûner, d’autres avec un esprit de pénitence souhaite aussi faire abstinence. En quoi cela consiste concrètement ? Pour ce qui est de l’alimentation, c’est de refuser de manger de tel aliment. Ne pas manger de viande, comme cela l’est demandé durant tous les vendredis de carême et les vendredis habituels – sauf le temps pascal). Autrefois la viande était un aliment rare et cher. Aujourd’hui, il faut revoir nos priorités alimentaires, mais l’abstinence consistera à ne pas acheter des aliments chers et à prendre ce qui est commun.

Aujourd’hui il y a des abstinents de viande que l’on appelle végétariens, ou des abstinent de tout produit animal (œuf, lait, etc.) que l’on appelle végétaliens. L’abstinence pourra se faire d’alcool ou de toute boisson. Elle pourra se faire de toutes addictions (cigarettes etc.) pour aider à se libérer des attaches mauvaises. Elle pourra concerner des résolutions particulières (ne pas manger de chocolat) ou toute autre privation durant les 40 jours.

L’abstinence est un appel à la simplicité dans notre rapport à la nourriture, à l’usage des objets qui nous entourent et à tout autre aspect qui nous fait grandir en liberté. On pourra s’abstenir de prendre le bus, pour développer la marche à pied, et ainsi signifier son attachement physique au Christ. Toute résolution de carême dépend de chacun d’entre nous. Rien ne sert de charger la mule, c’est pourquoi il nous faut être raisonnable dans nos résolutions, pour tenir dans le temps. Avec Dieu, lorsque nous nous engageons, c’est pour tenir. S’il n’est pas péché de ne pas faire d’abstinence, puisque chacun choisit dans son cœur, il est peccamineux de ne pas tenir une abstinence que nous avons promise à Dieu. À chacun de trouver les bonnes résolutions et d’avancer en sainteté.

La prière

Le carême est une école de prière. Cela nous demande aussi d’accepter de couper certains bruits extérieurs : la télévision, la radio ou toute musique qui nous sort de nous-même. Peut-être aussi s’abstenir de courir dans les réseaux sociaux ou d’être pendu à son téléphone portable. Si cela touche des points d’abstinence, c’est aussi l’occasion de retrouver des espaces de prière et de lecture de la Parole de Dieu.

La méditation des Écritures, doit être clairement favorisée et l’ouverture de notre Bible en lecture continue, telle que nous la proposons durant le carême, poursuivie. Cela demande un peu de temps, mais que de bien pour l’âme… et nous entendrons le Seigneur nous parler. La prière est aussi à glisser dans tous les temps que nous libérons pour Dieu, à travers l’abstinence de telle ou telle activité superficielle.

Ne doutons pas que le temps du carême est aussi le temps du combat spirituel. Il est normal de vivre des résistances et parfois des chutes mais, loin de se décourager, il faut continuer dans la pénitence, rechercher à se réconcilier avec une écologie intégrale. Nous devons entrer dans une relation apaisée avec nous-même, avec Dieu et avec le prochain dans un processus d’équilibre et de respect de toutes les sphères d’interaction. La conversion porte des fruits par une transformation de tout notre être, qui passe par la pénitence et des choix de vie que nous opérons sous le nouvel angle de l’Évangile mieux assimilé. Des messes sont proposées et des temps d’adoration, il ne faut pas hésiter comme effort de carême à y participer lorsque c’est possible. N’ayons pas peur de prier et de rechercher Dieu, car Il se laisse trouver par les cœurs sincères.

Le partage

L’argent que nous n’avons pas utilisé pour nous nourrir, ou pour voyager, doit être donné à ceux qui sont dans le besoin. Des organismes existent dans l’ensemble paroissial, comme la conférence saint Vincent de Paul, ou le Secours Catholique. Le partage permettrait d’aider un peu plus ceux qui frappent à notre porte. Une quête est faite à chaque carême pour le CCFD, ce qui est aussi une action d’entraide. L’Aide à l’Eglise en Détresse d’une part et l’Œuvre d’Orient d’autre part aident les chrétiens persécutés et ont besoin d’argent pour financer des aides de premières nécessité, il nous faut en être conscients. L’argent de nos pénitences de carême et de nos privations doit être dévolu à l’entraide fraternelle, chacun selon ses attirances de solidarité. Les chrétiens d’Orient sont, aujourd’hui plus qu’hier, dans de grosses difficultés, il est impératif de notre part d’être solidaires avec eux. C’est en tout cas un souhait que j’émets.

Conclusion

. Vivre notre relation avec Dieu dans la liberté demande d’aimer en vérité, c’est-à-dire, rechercher ce qui est le meilleur bien pour chacun. Le jeûne doit être apprécié comme une recherche de conversion dans un esprit de pénitence, avec la liberté de l’exercer selon nos possibilités. C’est une démarche intérieure mue par l’amour du Christ et l’appel à témoigner de cette conversion dans nos rapports avec nos frères dans cette familiarité de la prière et de la relation à Dieu.

« Que ce temps de pénitence et d’ascèse soit aussi le temps d’une conversion où nous puissions faire grandir la communion entre nous et ainsi témoigner de l’amour. Pour donner envie d’être disciple du Christ, nous devons témoigner avec audace de cette joie d’être ensemble et de prier le Seigneur, attentifs aux besoins de tous et dans une recherche d’unité. L’Esprit Saint est là pour nous conduire dans la richesse des charismes à la prolixité de la grâce et en même temps à la recherche d’unité. Il y a bien profusion et en même temps unité à vivre l’Eglise. »ii

Père Greg BELLUT – Curé de Saint Charles Borromée

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Sources