Méditation du 26e Dimanche du Temps ordinaire

« Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers »

« La conduite du Seigneur n’est pas la bonne » Nous pourrions être enclins à porter un jugement sur Dieu et son histoire, de manière subtile mais comprenant une certaine défiance. Pourquoi Dieu nous fait-il vivre cela ? C’est vouloir mettre Dieu en procès au lieu d’accepter son dessein et lui faire confiance dans l’obéissance amoureuse, comme le Christ Jésus nous y invite. Par le péché originel nous pouvons vivre l’angoisse, mais en toute chose le Christ est vainqueur et nous délivre de toute peur pour nous faire entrer dans la grande espérance du Salut. L’enjeu dans ce domaine est de manquer de confiance en la Parole et de mettre de la distance avec le Verbe fait chair afin de mieux nier le temps au profit de l’immédiateté. C’est illusoire, mais combien de fois voulons-nous nous abstraire du temps pour vivre notre histoire ? Comme si notre histoire pouvait sortir du cycle du temps ! Nous n’en sommes plus à une injonction paradoxale dans cette course au jeunisme pour vouloir toujours paraître jeune afin « de mieux profiter de la vie », ou ce refus des cycles naturels pour instrumentaliser les naissances. La négation du temps est une forme de refus de mémoire, qui logiquement fait apparaître les pires abus. C’est aussi un refus de voir ses propres errements et de se corriger. Refuser le temps c’est refuser son frère, qui nous rappelle le cycle des choses, et alors nous entrons dans une logique d’accusation de l’autre pour nous dédouaner nous-mêmes. Une seule chose peut nous aider à vivre la circoncision du cœur, c’est le sacrement du pardon et la volonté de communion qui se prolonge dans l’Eucharistie.

L’unité est la recherche de bienveillance envers l’autre dans la complémentarité de notre histoire. Elle se vit de façon exceptionnelle en couple et elle est un exemple pour les enfants. Tout au long de sa croissance, le petit d’homme est appelé à expérimenter cette complémentarité des personnalités dans une vision d’intégration, par la participation à un même projet, et non dans la désintégration de la violence et de la haine de l’autre. Plus je recherche à vivre la communion avec Dieu et avec mon frère, plus je comprends qu’il me faut discerner parmi mes désirs ce qui me pousse vers plus d’humanisation et ce qu’il me faut rejeter, même si cela paraît séduisant. La contemplation de Dieu dans l’adoration est lieu d’expérimentation d’une présence qui m’ouvre à l’amour et à la beauté de la création. La fascination des choses de ce monde et des possibles, qui se traduit par une recherche d’exploit en dehors de Dieu, m’enferme dans une course vers le néant. Or le Christ vient nous sortir du néant pour nous ramener vers le Père et nous inviter alors à être dans l’embrasement de l’amour. D’un feu de l’amour qui, loin de nous consumer, nous revivifie et nous donne d’être pleinement, comme une réponse à notre vocation : fils de Dieu par liberté de l’amour en écho à la vérité de notre être.

1. Ouvrir nos yeux à l’émerveillement

Ouvrir les yeux demande donc de discerner ce que j’ai à vivre, et d’ajuster ma vie à la présence de Dieu et du frère, tout en se laissant habiter par le souffle de l’Esprit Saint afin de m’établir dans la joie de Dieu. Ouvrir les yeux du cœur consiste à s’émerveiller du don de Dieu dans notre vie et celle du frère, et à participer pleinement à cette joie donnée en contribuant selon sa propre responsabilité[i], à témoigner de cette présence vivifiante en nous. C’est bien dans la contemplation, qui nous amène à l’extase, que nous communions le mieux à la présence de Dieu. L’extase, étant ce moment purement privilégié, où tous nos sens et tout notre être, l’intégralité de notre personne, sont résolument tournés vers Dieu et participent à la vie divine dans la communion. Cette pauvre participation, dans nos limites humaines, à la grandeur de Dieu nous fait reconnaître l’amour de Dieu, le voir tel qu’Il est et en témoigner autour de nous dans la richesse de nos personnalités, chacun selon ses charismes.

Ouvrir nos yeux, c’est avoir le désir de Dieu et vouloir faire cette expérience personnelle de la proximité avec Lui. En quelque sorte, c’est laisser le choix de Dieu s’opérer dans notre vie et lui donner toute la place dans notre cœur. On parle alors d’une révélation qui sans cesse se déroule dans notre existence, car ce Dieu caché se laisse peu à peu découvrir et Il demande avec autorité que nous ne témoignions pas d’une image fausse, mais d’une réalité bien vivante. C’est bien un effort de notre connaissance de nous laisser envahir par cette présence d’un Dieu Tout Puissant, plein d’amour pour chacun d’entre nous, qui intervient de façon mystérieuse parce que nous ne comprenons pas toujours, et qui n’a pas de limite car Dieu a tous ses enfants comme fils et veut pour eux le bonheur du Salut dans un choix libre à poser chaque jour. A nous de ne pas être sourd ou aveugle. Dieu nous attend, envoie des signes et nous remplit de dons pour que nous puissions le découvrir.

En Jésus, nos yeux s’ouvrent à une réalité nouvelle, c’est-à-dire un Salut promis pour tous, avec pour logique non le devoir de la loi, mais l’amour de Dieu et la crainte de l’offenser. Jésus en venant nous sauver nous révèle une profondeur de l’amour de Dieu sans limite et en même temps une radicalité du don qui fait de chacun d’entre nous des témoins. Croire c’est manifester Dieu dans notre vie. Le Christ, dans son incarnation, nous révèle des traits, une ressemblance. Néanmoins nous ne devons pas nous attacher aux choses qui passent mais à continuer cette grande espérance du salut pour atteindre la pleine civilisation de l’amour ou nous connaîtrons la vérité de la réalité promise.

L’Eucharistie se donne à voir, et se laisse consommer pour une meilleure communion avec Dieu. Il nous faut nous souvenir qu’à chaque eucharistie, nous sommes dans ce dynamisme de l’amour avec Dieu qui est Amour, Salut et totalement don. Un amour qui ne s’imagine pas mais qui simplement se vit au-delà de nos pensées ou de nos attentes, un amour personnel dont je dois être témoin. « Sacrement de l’amour[ii], la sainte Eucharistie est le don que Jésus Christ fait de lui-même, nous révélant l’amour infini de Dieu pour tout homme »[iii] Il y a bien une dimension trinitaire dans la communion car, lorsque Jésus se donne, c’est dans le souffle de l’Esprit et l’obéissance à la volonté du Père. L’amour trinitaire se manifeste dans le dialogue de l’amour par ce sacrifice que nous opérons à chaque messe. « Jésus, dans l’Eucharistie, donne non pas « quelque chose » mais se donne lui-même ; Il offre son corps et Il verse son sang. De cette manière, Il donne la totalité de son existence, révélant la source originaire de cet amour »[iv] L’amour pour l’eucharistie qui a conduit le bienheureux Carlos Acutis[v] à se donner au service du prochain pour dire les merveilles de Dieu dans le monde, et notamment par un site internet pour relater tous les miracles eucharistiques, démontre, s’il le fallait, l’importance d’insérer ce dialogue dans les nouvelles formes de communication. S’émerveiller de ce que Dieu nous donne pour communiquer son mystère, et vouloir en tout temps et en tout lieu vivre le sacrement de l’amour dans la communion fraternelle en mettant Jésus au milieu de nous.

2. Le cheminement de la foi

« Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. » La foi est contemplation de Dieu et nous demande de mettre an acte dans notre vie ce que nous croyons. Accueillir l’amour de Dieu et le reconnaître dans notre histoire, pour vouloir le suivre en faisant mémoire de sa présence tout au long de notre vie, tel est l’appel que nous recevons dans notre vocation propre de citoyen de la civilisation de l’amour. Ce n’est pas un chemin d’évidence ou de tout repos, mais c’est dans l’offrande de soi-même par amour et dans la liberté de la relation que nous pouvons l’exercer. « C’est justement dans la contemplation de la mort de Jésus que la foi se renforce et reçoit une lumière éclatante, quand elle se révèle comme foi dans son amour inébranlable pour nous, amour qui est capable d’entrer dans la mort pour nous sauver. »[vi] Il y a donc un mystère de foi dans cette recherche de communion avec Dieu et en même temps d’abandon à sa volonté dans l’offrande de notre vie à son service, comme lieu de réalisation complète, c’est-à-dire comme réponse à son amour et selon notre responsabilité de fils. La foi se vit dans l’engagement, comme une annonce explicite de notre vie intérieure et une réponse au sens à donner à la vie, don de Dieu. Il s’agit donc de vouloir s’engager dans ce chemin escarpé de la confiance et de la fidélité en la Parole de Dieu et d’essayer, jour après jour, de la réaliser au cœur de l’amour partagé. Oui nous avons à témoigner de la joie du Christ ressuscité en nous, comme un appel au bonheur. Le Salut passe par la réalisation de notre vocation à travers la simplicité de vie et la douceur, l’ajustement aux cris du monde, la conscience de nos limites humaines et la capacité d’aimer jusqu’à pardonner. Alors nous pourrons contempler Dieu, parce que nous le verrons tel qu’Il est, dans ce détachement intérieur, et nous pourrons être artisan de paix. Il faut comprendre que le Salut est un chemin de foi qui demande en nous une transformation intérieure afin d’être ajusté à la grâce et de vivre ainsi la pleine communion dans la civilisation de l’amour.

Ce chemin de vérité que nous avons à vivre dans l’amour demande alors d’aller à la source de la vie pour puiser le dynamisme nécessaire à la fécondité, c’est-à-dire la relation à Dieu. « La foi naît de la rencontre avec le Dieu vivant, qui nous appelle et nous révèle son amour, un amour qui nous précède et sur lequel nous pouvons nous appuyer pour être solides et construire notre vie. Transformés par cet amour nous recevons des yeux nouveaux, nous faisons l’expérience qu’en lui se trouve une grande promesse de plénitude et le regard de l’avenir s’ouvre à nous. »[vii] Tout prend sens lorsque Jésus nous accompagne et que nous gardons les yeux fixés sur Lui dans chacune de nos activités. Tout a du sens lorsque nous nous laissons guider par Lui à la lumière de sa Parole et au souffle de l’Esprit. Oui, tout prend vie, lorsqu’Il nous accompagne sur le chemin de la beauté, de la vérité. « J’ai considéré, mon Dieu, la gloire que tu réserves à ceux qui accompliront jusqu’au bout ta volonté ; j’ai vu les travaux et les douleurs dont ton Fils nous l’a acquise, cette gloire, à quel point nous nous en étions rendus indignes, quelle injustice il y avait à payer d’ingratitude l’amour prodigieux qui nous a enseigné à un tel prix comme l’on aime ; et mon âme a été navrée de douleur ! Comment se peut-il, Seigneur, que tout cela s’efface de nos esprits, et que les mortels puissent t’oublier au point de t’offenser »[viii] Comment pouvons-nous mettre la foi sous un boisseau au lieu de la mettre en pleine lumière de tout notre être ? Pourtant nous savons que sans Lui, nous ne pouvons pas faire grand-chose, et que par l’incarnation du Fils et l’envoi de l’Esprit Il ne cesse de nous guider sur ce chemin de sainteté auquel nous sommes tous appelés. Certes nous sommes fragiles, c’est une réalité de notre condition humaine, mais parfois nous prenons prétexte de cette fragilité pour justifier nos attitudes biaisées. Or le Christ nous a sauvés d’un amour absolu, et il nous faut retrouver le chemin du Salut pour nous tenir en sa présence et vivre de la vie de l’Esprit. Car dans la vie de l’Esprit nous avons un avant-goût de la plénitude du Royaume et de la communion promise. Par cette vie nous entrevoyons la joie éternelle et notre appel dans la vie en Dieu. Et ce bonheur qui nous inonde dans la communion, nous voulons le partager parce que la foi est toujours partage. Cela nous demande très concrètement de nous engager à vouloir aimer et sans cesse être au service des frères dans la recherche du meilleur bien qui, plus que le bien commun apparenté parfois à la somme d’individualité dans un minimum d’intégration sociale, est une recherche d’excellence dans le respect de la personne et de la communauté. La foi se vit au cœur de la cité, comme lieu d’excellence de la relation humaine et du respect de la dignité de l’homme. C’est pourquoi la foi est un chemin de fraternité, parce qu’elle est relation à l’autre et relation au Tout Autre.

L’impératif du témoignage et le dynamisme de l’amour, que nous sommes appelés à transmettre, nous engagent fortement à trouver les chemins de l’annonce avec ingéniosité et inventivité. La conversion pastorale dans une démarche de foi demande alors d’être ancré dans l’Ecriture et la méditation de la Parole de Dieu, pour « parler le langage vivant de l’homme de tous les temps »[ix]. Vivre l’évangile dans le langage contemporain nécessite une adaptabilité constante pour répondre aux attentes et aux questions de sens, et ainsi recentrer sur l’essentiel. « Pour que la Parole poursuive sa route, il faut que les communautés chrétiennes fassent un choix clairement missionnaire, « capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel »[x] Vivre notre foi de manière personnelle et communautaire implique un engagement pour ouvrir à la lumière du Christ, contempler son œuvre dans les mots de notre temps et révéler qu’au-delà des réalités d’ici-bas, nous sommes appelés à vivre l’éternité.

3. La connaissance de la foi comme lieu de réalisation de notre humanité

« D’où me connais tu ? ». La connaissance de Dieu nous apprend sur nous-même et, dans la révélation du mystère divin, il y a la réintégration de tout notre être, corps et âme. Reconnaître Dieu, c’est voir l’image que je suis. La foi est donc cette invitation à la reconnaissance de Dieu par la présence du Christ dans ma vie. Et cette réintégration de tout mon être me rend attentif à ce qui m’entoure. Aujourd’hui, l’écologie a une grande place, mais n’est vraiment possible qu’en me reconnaissant au milieu de cette nature comme merveille de Dieu. C’est alors que je peux m’émerveiller de ce qui m’entoure, de la gratuité et de la beauté qui se déploient autour de moi. Rechercher le bien pour tous, c’est s’ouvrir à l’attention envers chacun. Que ce soit dans les périphéries ou dans les centres, il nous faut être attentif à l’histoire de tous et aider selon nos moyens et nos disponibilités. Travailler à la préservation de notre environnement, c’est entrer dans une pleine démarche de fraternité. L’environnement et mon frère sont une même réalité de l’amour conjugué au mode de la relation. « Je veux montrer dès le départ comment les convictions de la foi offrent aux chrétiens, et aussi à d’autres croyants, de grandes motivations pour la protection de la nature et des frères et sœurs les plus fragiles »[xi] Nous ne pouvons pas parler d’écologie sans parler de dignité de l’homme, ou être dans des combats idéologiques de manipulation d’ADN humain, alors que pour les animaux nous sommes dans une volonté de respecter la nature. Le chrétien doit avoir une cohérence dans la foi pour saisir la grandeur de l’œuvre de Dieu en toute chose.

Certes, vivre sa foi n’est pas de l’ordre de l’évidence, déjà pour l’affirmer autour de nous, mais encore pour la vivre dans la radicalité de l’amour. Et pourtant, Dieu est là pour nous aider dans ce combat contre les forces du mal pour trouver la juste réponse et vivre de la joie de la communion. Oui ! « Quelle merveilleuse certitude de savoir que la vie de toute personne ne se perd pas dans un chaos désespérant, dans un monde gouverné par le pur hasard ou par des cycles qui se répètent de manière absurde ! »[xii] Notre histoire est dans les mains de Dieu et dévoile en même temps son amour, comme lieu de relation, son mystère dans le déroulement de notre histoire et son universalité, parce que nous sommes tous fils d’un même Père. Cette volonté de vivre en communion avec les autres et notre environnement, nous invite à suivre le Christ non pour obéir à des lois, mais par l’amour de Dieu et la crainte de l’offenser. C’est dans l’amour que nous vaincrons tout mal. L’amour est victorieux une fois pour toute des entraves de notre vie et nous fait progresser sur un chemin de bonheur sans fin. Aujourd’hui, nous avons la capacité d’entrer en communication aux quatre coins du monde en partageant les cultures et les langues, sans toutefois être toujours sains – la crise du Covid-Wuhan en est un exemple. Néanmoins, « si «vivre ensemble» suscite parfois incompréhensions et tensions, … le fait d’avoir maintenant connaissance de manière beaucoup plus immédiate des besoins des hommes représente surtout un appel à partager leur situation et leurs difficultés. »[xiii]. C’est ainsi que nous serons artisan de paix, et que nous pourrons approfondir de manière authentique notre vie intérieure, dans la contemplation de nos relations et de notre environnement comme une bénédiction de Dieu. Les instincts égoïstes ou de renfermement sur soi sont bien là, mais la présence de Dieu et l’amour victorieux nous aident à terrasser ce qui ne vient pas de Dieu, l’Adversaire, et à poursuivre notre chemin sereinement.

4. Disciple du Christ dans notre vie et missionnaire par l’annonce de la Parole

Être disciple du Christ, vivre sa foi en conformité avec les Ecritures demande un engagement de notre part, dans nos paroles mais surtout dans nos actes. Cependant il s’agit de réfléchir à cet engagement avec l’intelligence du cœur pour chercher à aimer toujours davantage. La foi est donc l’amour de Dieu qui se conjugue dans la relation au frère. « La conviction d’une foi qui rend la vie grande et pleine, centrée sur le Christ et sur la force de sa grâce, animait la mission des premiers chrétiens »[xiv] Ce témoignage était l’amour qu’ils vivaient entre eux, dans la gratuité de la relation et le partage d’une même histoire dans la rencontre du Sauveur. Avec Jésus, nous sommes tous frères et nous devons l’annoncer au monde entier pour engendrer la civilisation de l’amour. Ce n’est pas une utopie, mais une réalité à vivre aujourd’hui grâce au Christ. Il s’agit pour chacun d’entre nous d’entrer dans cette relation et de vouloir vivre l’amour jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au don sincère de soi-même. « L’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, implique donc que nous soyons constamment engagés en tant que personnes et en tant que communauté ecclésiale, locale et universelle. »[xv] L’enjeu d’être disciple est de savoir partager dans la mission la joie de Dieu que nous avons reçue. Plus nous partageons cette joie, plus elle grandit en nous et plus elle porte du fruit. Personnellement et communautairement il nous faut vivre d’amour par amour, et surtout vouloir l’amour en posant des choix qui libèrent et nous mènent vers le Père. Cela passe notamment par le témoignage de vie où tout prend sens dans l’amour que nous savons déployer autour de nous. Un regard bienveillant sur nos frères, mais aussi la responsabilité d’être un fils ou une fille de l’Eglise, conscient de sa charge baptismale prophétique et du devoir d’annoncer la royauté de chacun comme fils de Dieu.

La vie dans l’amour du croyant n’est pas un idéal inatteignable, ou une histoire pour certains élus excluant les autres, mais bien une réalité à découvrir et à vivre avec persévérance pour chacun d’entre nous, malgré les vents contraires. Dieu nous conduit et continue de nous faire cheminer vers Lui. La dimension du temps dans notre histoire est justement cette attente du déploiement de l’amour, dans la vérité de tous nos choix, et la liberté de les exercer en toute conscience. Ainsi la foi nous fait contempler l’amour de Dieu et nous invite à l’accueillir dans notre vie pour en témoigner auprès de tous nos frères en humanité. Car il y a bien un langage d’universalité en l’amour, qui ne demande qu’à être en action lorsque nous rencontrons une relation bienveillante autour de nous « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas son intérêt ;… il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais »[xvi] Nous ne pouvons pas parler de foi sans nous fonder sur l’amour et sans l’enraciner dans la grande espérance du Salut. Comment vivre notre foi sans puiser dans la source de l’amour tout ce qui fait notre vie ? Le risque est de tomber dans un formalisme de la foi et une forme de rigorisme où tout est fait par devoir : j’ai effectué ma première communion, ma profession de foi, ma confirmation, je vais à la messe tous les dimanches etc, avec une vision extérieure de notre relation au Christ au lieu de me laisser transformer de l’intérieur et laisser l’amour peu à peu me consumer. Comprenons le bien, la foi demande une intériorité dans la rencontre avec Jésus et une expérience dans l’amour vécu comme lieu de ressourcement continuel d’une vie en sa présence. Cela demande d’être vivifié par une familiarité avec la prière et la lecture de la Parole pour développer la ferveur et nous tenir prêts, la lampe allumée à la main.

Mais encore faut-il écouter le Seigneur qui vient nous parler et entendre la révélation comme lieu de re-création. En effet, « chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu. Chacun de nous est voulu, chacun est aimé, chacun est nécessaire »[xvii]. Et il nous faut mettre un tablier de service pour témoigner de cet appel de Dieu dans notre vie. Que ce soit pour nos frères ou pour nous-mêmes, dans notre environnement, nous sommes toujours appelés à vivre de cet appel de Dieu. « Entendre chaque créature chanter l’hymne de son existence, c’est vivre joyeusement dans l’amour de Dieu et dans l’espérance »[xviii]. Cette contemplation de la création nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre, parce que « pour le croyant contempler la création c’est aussi écouter un message, entendre une voix paradoxale et silencieuse »[xix]. ». C’est bien là, suivant notre âge, que nous avons à prendre nos responsabilités pour éduquer nos frères à être attentifs à tous les aspects de la vie du croyant, car le respect de l’autre et de son environnement sont premiers. Se mettre au service de la création et reconnaître la beauté des œuvres, c’est s’ouvrir au dessein créateur et reconnaître le dynamisme de l’amour de Dieu, ce qui ne se fait pas dans l’à peu près. Tous ceux qui reçoivent la lumière de la foi et se mettent au service de la charité, même du plus loin de leur pensée, doivent être accompagnés : « il convient de les conduire à la rencontre avec Dieu dans le Christ, qui suscite en eux l’amour et qui ouvre leur esprit à autrui, en sorte que leur amour du prochain ne soit plus imposé pour ainsi dire de l’extérieur, mais qu’il soit une conséquence découlant de leur foi qui devient agissante dans l’amour »[xx] L’écoute devient une obéissance à l’amour et une réponse libre au choix de Dieu, ce qui donne sens à toute ma vie. Ecouter le Seigneur me parler c’est bâtir sur le roc de sa Parole et être fidèle dans mes choix de vie.

Parfois, nous restons assis au pied d’un figuier et nous laissons Jésus passer sans vraiment être présent, alors que Lui est toujours attentif à ce que nous faisons. Le figuier dans l’Ecriture est le lieu où l’on étudie la Loi, que l’on médite dans son cœur. Or l’amour n’est pas figé dans la Loi, mais s’y attache pour déployer tous les possibles de l’action de Dieu dans notre vie. Vivre d’amour c’est voir les cieux s’ouvrir et accepter une réalité spirituelle dans notre vie matérielle. Être citoyen de la civilisation de l’amour demande un témoignage autour de nous de ce que nous avons reçu et que nous partageons. « La nouvelle évangélisation engage tout baptisé à être instrument de pacification et témoin crédible d’une vie réconciliée.[xxi] C’est le moment de savoir comment, dans une culture qui privilégie le dialogue comme forme de rencontre, projeter la recherche de consensus et d’accords, mais sans la séparer de la préoccupation d’une société juste, capable de mémoire, et sans exclusions. »[xxii] Laissons-nous questionner sur la foi et engageons-nous fermement à vivre de la vie de Dieu en étant disponible aux dons qu’Il nous donne. Dans tous les lieux où nous sommes, à l’école ou au bureau, dans nos loisirs ou dans nos relations marchandes, il s’agit d’abord d’obéir à la volonté de Dieu, de faire tout notre possible pour travailler de manière adéquate, puis de rayonner de la lumière de la vérité en toute chose. « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. »

5. La transformation de notre être par la vie dans l’Esprit

Le fait de croire demande la raison et en même temps la dépasse dans ce langage de l’amour où Dieu se révèle pleinement. C’est donc un acte d’intelligence que de rechercher la vérité et de suivre ce chemin d’intégration de tout notre être dans un respect de la réalité. On parle ici d’écologie intégrale, c’est-à-dire de l’homme dans toutes ses dimensions. Une écologie qui oublierait la dignité de l’homme et le sacré de la vie serait tout au moins une impasse, si ce n’est une simple farce d’un totalitarisme qui ne dit pas son nom. Le témoignage de saint François d’Assise « nous montre… qu’une écologie intégrale requiert une ouverture à des catégories qui transcendent le langage des mathématiques ou de la biologie, et nous orientent vers l’essence de l’humain. […] Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats »[xxiii]. La conversion du cœur et le renouvellement de notre vie sont justement de renoncer à vouloir asservir le frère, mais bien lui donner place comme sujet de la civilisation de l’amour. C’est donc refuser la violence de la domination dans l’usage de l’autre comme objet, afin de respecter sa dignité propre, et renoncer à tout ce qui pourrait nous empêcher de voir l’autre comme un frère. Le Pape actuel nous invite à mettre en pratique cette intégration intérieure par des moyens simples. « Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence « ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée »[xxiv]. »[xxv] Être attentif à recevoir la création comme un don et, en serviteur, savoir l’utiliser à bon escient, toujours vigilant sur ce qui nous est vraiment nécessaire et refuser le superflu. Cela vaut le coup de se poser les questions, notamment au moment des achats. Il s’agit de refuser toute forme d’individualisme et de comportement égoïste, pour être attentif à ceux qui m’entourent, et être vigilant à respecter mes besoins premiers. La vie dans l’esprit passe toujours par la réalité de mon corps, pour m’amener à une unification de mon être pour la louange de Dieu et l’annonce du Salut à tous dans la vie renouvelée proposée par le Christ. La foi se vit dans toutes les petits gestes de notre vie comme un amour pratiqué dans l’espérance du Salut.

Dans la foi nous comprenons le dessein de Dieu et nous lui faisons confiance, à travers le déroulement de notre vie, même si parfois nous ne comprenons pas bien. Souvenons-nous que la Toute-puissance de Dieu est mystérieuse, car nous avons rarement dans l’immédiat la conscience de la totalité de l’action du Seigneur dans ce monde. L’intelligence de la foi est de savoir que Dieu est présent et de nous laisser guider par le souffle de l’Esprit pour marcher avec persévérance dans la confiance. Comme l’arbre a besoin d’eau pour vivre, ainsi notre foi a besoin de la parole de Dieu pour se déployer pleinement. Or les saintes Ecritures demandent l’intelligence du cœur et la recherche intellectuelle, pour s’ajuster, chacun selon ses talents, à la communion avec Dieu. Faire de la Parole de Dieu un lieu de méditation sans recherche du sens est de la paresse, et vouloir décortiquer la parole à l’aune de la raison sans prier est de l’intellectualisme. Les deux pratiques sont des impasses. La Parole doit être méditée, pratiquée dans nos actes, raisonnés dans l’amour et dans la recherche amoureuse réfléchie pour mieux approfondir la connaissance de l’être aimé. Selon nos talents et dans la continuité de notre vocation spécifique, la Parole vient féconder notre être de la présence de Dieu pour nous dévoiler ce que nous sommes appelés à vivre. Oui, la Parole est un appel dans notre vie, laissons-la résonner. Dieu ne demande pas l’impossible mais ce qui va vers un meilleur bien pour nous, parce que créés à la louange du Créateur. Croire est une joie pour le croyant parce que c’est un lieu de rencontre avec le Dieu vivant. « La Parole de Dieu « éclaire le croyant pour lui faire discerner ses péchés, l’invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde de Dieu »[xxvi]. »[xxvii] Cette transformation de notre vie est possible grâce à l’alliance que Dieu fait avec l’humanité. Une alliance paritaire alors qu’il y a entre l’homme et Dieu un vrai déséquilibre. Mais l’amour demande toujours l’équité afin de se manifester comme lieu de liberté. La découverte de l’alliance nous fait comprendre l’œuvre du Salut et la joie de la miséricorde. Cette rencontre, non seulement me libère, mais fait de moi un fils de Dieu. La recherche dans la connaissance demande en même temps d’entrer dans la prière pour laisser l’Esprit Saint nous guider dans nos choix de vie et illuminer notre route de la lumière du Seigneur. La lumière de la vérité fait jaillir une foi profonde qui repose en Christ et implique pour chacun d’entre nous un témoignage de cette joie de croire et de vivre la relation en Dieu. A la suite du bienheureux Carlos Acutis[xxviii], laissons dans ce monde la trace du feu de Dieu en le révélant à notre prochain. Notre communion avec le Ciel doit rayonner sur Terre, pour entraîner nos frères dans l’espérance du Salut.

La foi nous transforme complètement et oriente durablement notre vie, parfois par des petits pas, d’autres fois par des spectaculaires conversions, mais toujours dans la vérité de l’amour. « De la foi surgit une nouvelle confiance, une nouvelle assurance que seul Dieu peut donner. Si l’homme de foi s’appuie sur le Dieu de l’Amen, sur le Dieu fidèle[xxix], et devient ainsi lui-même assuré, nous pouvons ajouter que cette fermeté de la foi fait référence aussi à la cité que Dieu prépare pour l’homme. La foi révèle combien les liens entre les hommes peuvent être forts, quand Dieu se rend présent au milieu d’eux. Il ne s’agit pas seulement d’une fermeté intérieure, d’une conviction stable du croyant ; la foi éclaire aussi les relations entre les hommes, parce qu’elle naît de l’amour et suit la dynamique de l’amour de Dieu. Le Dieu digne de confiance donne aux hommes une cité fiable ». Travailler à la civilisation de l’amour demande donc de puiser dans la foi le service de la charité afin d’accomplir la promesse de la grande espérance du Salut, et ce travail vaut pour toutes les composantes de nos relations fraternelles, pour nos façons d’être, de vivre, d’entrer en relation, d’être attentif et bienveillant, toujours de rechercher la communion et d’essayer pour ce qui dépend de nous de vivre en paix. En effet, vivre sa foi nous mène à comprendre que le salut de l’homme réside en Dieu et qu’il nous suffit de reconnaître la réalité de notre création tout en y voyant l’œuvre du Père, afin de recevoir cette alliance. Celle-ci passe par la réalité du péché pour nous ouvrir au Salut promis par le Christ dans la joie de la résurrection. Rien n’est terminé avec le péché, car le Christ vient nous relever et nous remettre en route. C’est pourquoi il nous faut recevoir l’Esprit Saint, qui nous envoie vers nos frères annoncer la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui vient nous sauver juste parce qu’Il nous aime, mais de cet immense amour fidèle.

6. Le combat de la foi et la recherche d’unité

Il serait vain de parler de la foi sans reconnaître les épreuves que nous pouvons traverser et les souffrances que nous connaissons dans la maladie, la mort et d’autres réalités parfois difficiles à assumer. Mais cela ne doit pas nous retirer la joie de croire ni l’enracinement dans la prière et la méditation des Ecritures. Oui, « je comprends les personnes qui deviennent tristes à cause des graves difficultés qu’elles doivent supporter, cependant peu à peu, il faut permettre à la joie de la foi de commencer à s’éveiller, comme une confiance secrète mais ferme, même au milieu des pires soucis »[xxx] Car la rencontre du Christ donne sens à toute ma vie et lui révèle une profondeur insoupçonnable. Quel que soit le mystère de ce que je vis, je garde confiance en l’œuvre de Dieu et je sais qu’Il me conduit assurément vers les eaux tranquilles, même si pour l’instant c’est plutôt un torrent fougueux et désarçonnant. C’est tout entiers que nous sommes résolument tournés vers le Christ. C’est tout entiers que nous écoutons la Parole et que nous travaillons dans l’obéissance à la loi d’amour, qui est d’unifier notre vie à la volonté de Dieu afin de faire éclore dans toutes ses dimensions notre vocation personnelle et unique pour lui donner l’ampleur de la grâce reçue de Dieu et partagée avec le monde de ce temps. Ce n’est en rien renier la réalité de notre histoire et de la traversée de nos difficultés mais, au contraire, c’est reconnaître que là aussi le Christ est à l’œuvre de manière obscure et qu’Il marche avec nous sur le chemin de la croix, pour faire de notre nuit la lumière de midi par la foi. La joie se redécouvre dans la confiance en Dieu et sa sollicitude pour nous à chaque instant de notre vie. C’est bien cela qui nous donne le dynamisme du témoignage et la fougue du partage. Il se révèle en nous et fait partie de notre histoire, donc nous voulons vous l’annoncer.

Lorsque Jésus traversait les villages de Galilée, il chassait les démons et guérissait les malades. Le combat que nous pouvons mener contre nous-mêmes demande parfois d’aller se faire soigner, à la clinique de la prière et à l’hôpital de la méditation de la Parole de Dieu. Pourquoi sommes-nous donc malades et connaissons-nous la souffrance dans ce monde, reconnaissons-le, c’est surtout à cause du peu de considération pour nos frères et notre environnement. « L’harmonie entre le Créateur, l’humanité et l’ensemble de la création a été détruite par le fait d’avoir prétendu prendre la place de Dieu, en refusant de nous reconnaître comme des créatures limitées. »[xxxi] Aujourd’hui la surmédiatisation, notamment dans la télé-réalité, engendre une vanité dans nos comportements quand cela ne pousse pas franchement à l’orgueil. Nous avons besoin d’accompagnement et de guérison. Nous laisser purifier par la présence de Dieu et entrer dans un chemin de libération intérieure, nous fait entrer dans l’action de grâce. Il est notre sauveur, notre Dieu, le Seigneur de l’univers. « L’amour devient maintenant soin de l’autre et pour l’autre. Il ne se cherche plus lui-même – l’immersion dans l’ivresse du bonheur – il cherche au contraire le bien de l’être aimé : il devient renoncement, il est prêt au sacrifice, il le recherche même. »[xxxii] Et cela se témoigne par notre comportement et nos choix de vie. Entrer dans la vie nouvelle de l’Esprit Saint fait écho à la joie de Dieu qui se manifeste à chaque instant de notre vie.

Le témoignage de notre foi est aujourd’hui un enjeu majeur, face aux crises existentielles du monde, en perte de sens dans la vanité du nihilisme, et surtout face aux crises intérieures des abus de pouvoir, d’argent ou d’ordre sexuel. Plus qu’avant, il nous faut rappeler avec fermeté l’importance de la communion, certes dans l’amour et avec vérité, mais surtout n’oubliant pas la miséricorde comme lieu de relation privilégiée avec Dieu et nos frères. L’apôtre nous le rappelle, la vie de foi en Eglise se vit dans l’unité : « ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes ». La vie en communauté n’est pas une évidence, mais il nous faut être vigilants pour que chacun trouve sa place et la prenne. Nous sommes témoins aujourd’hui d’un Dieu qui fait merveille et, ainsi, des grâces que le Seigneur a mis dans notre cœur pour la beauté de l’annonce. Il ne faut pas avoir des mines de constipés, refusant de partager notre foi par peur, par un sentimentalisme de mauvais aloi, ou juste par indifférence, mais au contraire partager cette joie d’être en Dieu et de reconnaître sa main dans tout ce que nous faisons. « La foi n’éloigne pas du monde et ne reste pas étrangère à l’engagement concret de nos contemporains. Sans un amour digne de confiance, rien ne pourrait tenir les hommes vraiment unis entre eux »[xxxiii] Cette recherche d’unité demande un effort de notre part et une volonté pour faire en sorte que la communion soit notre champ d’action.

Vouloir la communion est un effort de notre part et demande une forte volonté pour faire en sorte qu’elle soit notre champ d’action. Vouloir la communion est bien un effort de tout notre être afin d’orienter tous nos choix vers cette recherche. « Pour maintenir vive l’ardeur missionnaire, il faut une confiance ferme en l’Esprit Saint, car c’est lui qui « vient au secours de notre faiblesse »[xxxiv]. « Mais cette confiance généreuse doit s’alimenter et c’est pourquoi nous devons sans cesse L’invoquer. Il peut guérir tout ce qui nous affaiblit dans notre engagement missionnaire »[xxxv] L’annonce audacieuse de notre foi se développe dans la vie de l’Esprit et la gratuité de notre temps dans la disponibilité de l’instant. Saisir l’occasion de dire sa joie de croire, tel est notre appel aujourd’hui. Avec l’Esprit Saint et les dons qu’Il met dans notre être, nous pouvons agir, témoigner et ainsi réaliser la volonté du Père dans notre vie. Avec l’Esprit nous retrouvons l’ardeur des premiers chrétiens dans la réalité de notre époque et la vérité de nos choix de vie. C’est ainsi que nous serons prophétiques dans ce que nous vivons en contradiction avec l’esprit du monde, mais dans la veine de l’Evangile source de vie. Avoir confiance en l’œuvre de Dieu dans notre vie et vouloir Le suivre a du sens. Or notre monde court après des échéances absurdes et sans lendemain, avec l’illusion d’une éternité malgré nos limites humaines. Affirmer notre foi demande l’audace de répandre l’Evangile et de l’annoncer, soyons toujours dans cette dynamique.

Synthèse

 « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » Cette affirmation de la Parole de Dieu recentre notre vie sur le choix de Dieu et l’accueil de son amour pour chacun d’entre nous. Que ce soit dans notre vie, ou dans le passage par la mort, tout cela n’est pas une fin en soi mais bien une transition dans la conversion vers la civilisation de l’amour éternel dont nous sommes citoyens par le baptême et par les choix de vie. « “Le Christ est mort pour tous afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur Lui, qui est mort et ressuscité pour eux” [xxxvi] ».[xxxvii] Le Christ est mort pour tous. Vivre pour Lui signifie se laisser associer à son « être pour ». »[xxxviii]Notre vocation se comprend à travers le baptême : nous sommes fils de Dieu et devons déployer l’amour en nous et autour de nous pour être crédibles. C’est notre foi. « Alors qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? » nous interroge l’apôtre des gentils ; et il conclura « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus ». Nous avons la certitude que l’amour est le chemin de vie que nous avons à suivre sur Terre, dans le temps, comme au ciel pour l’éternité. L’amour est le chemin qui nous mène vers Dieu, et le frère le principe de réalité pour le vivre pleinement.

Parfois nous laissons la foi sur le bord du chemin de notre vie et nous nous enivrons de non-sens, dans la superficialité de ce monde, nous laissant parfois entraîner dans la culture de mort. Or nous avons à développer l’amour comme lieu de relation et d’action efficace pour la fraternité. Un amour qui rayonne dans l’attention à toute la création et à l’égale dignité de toute personne humaine. « La vie n’est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout, et en même temps au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle, il y a un Esprit qui, en Jésus, s’est révélé comme Amour.[xxxix] »[xl] Recevoir la révélation de l’amour c’est vouloir vivre d’amour et faire tout pour mieux connaître l’amour et en faire mémoire dans notre vie. Alors, à notre mort, nous célébrons l’amour qui devient éternel, alors nous entrons dans la pleine communion avec Dieu. « Mais j’en suis sûr je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants, Espère le Seigneur » Car l’amour rencontré est une promesse pour l’éternité, qui invite à sa reconnaissance dans notre aujourd’hui. Dieu est présent et il nous appelle à faire de notre vie un chant de louange comme citoyens de la civilisation de l’amour. La réalité du temps fait que la promesse, comprise dans le futur de l’éternité, est déjà une réalité dans le présent de notre histoire, comme elle est décelable dans le passé de l’incarnation du Christ etde la vie des saints. Notre vie, pétrie des sacrements de l’initiation, nous aide à nous orienter parmi les balises de la Parole et du service de la charité, dans la contemplation de l’œuvre de Dieu. Nous garderons souvenir de tant d’amour, emmagasiné dans le relationnel au rythme de notre histoire. C’est bien ce que nous retiendrons, parce que nous jugeons aux fruits de l’amour.

A travers les étapes de notre vie et de la mort, dans la foi, nous sommes appelés à accepter le dessein de Dieu dans notre histoire et à Lui faire confiance. L’amour de Dieu nous conduit à garder cette relation privilégiée de la rencontre, et de la désirer pour nous et pour les autres, comme l’aboutissement d’une vie de prière et de communion. En effet nous serons jugés, non sur ce qui aura été utile ou pas, mais bien sur l’amour et le sens du service et du partage. « Si nous manquons de foi, Lui reste fidèle à sa Parole » et nous fait entrer dans la joie de la rencontre. Paradoxalement, nous vivons l’angoisse de la mort, conséquence du péché originel, comme fin ultime et perte de sens, comme si nous doutions de l’après, et cela est vrai pour les gestes désespérés, parce que nous ne gardons pas confiance en Dieu. « La perspective du Jugement a influencé les chrétiens jusque dans leur vie quotidienne en tant que critère permettant d’ordonner la vie présente, comme appel à leur conscience et, en même temps, comme espérance dans la justice de Dieu. »[xli] C’est pourquoi l’épreuve de la vie trouve sa résolution dans la joie bienheureuse du Royaume et, toute notre vie, nous sommes conviés à choisir les bienfaits de Dieu comme lieu de réalisation de la grâce jaillissante. La foi est une aventure personnelle qui se vit dans l’expérience communautaire. Elle est cette relation à Dieu qui se témoigne auprès de nos frères et s’enrichit de cette relation fraternelle. Car la foi comme l’espérance ne sont qu’un développement de l’amour. Or la foi nous amène à la réalisation de l’amour de Dieu et de sa promesse d’une heureuse éternité.

Père Greg BELLUT

Curé de Saint Charles Borromée, Joinville-le-Pont – 30 septembre 2020

Lettre à télécharger en .pdf

Sources