2018. Lettre de tous les Saints. 2/3 : Bioéthique

« Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,  le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur »

            La vie des saints nous rappelle la beauté de la dignité humaine qui s’accomplit dans le dessein de Dieu. Comme un prolongement harmonieux de la grâce engendrant la liberté de l’amour dans la vérité de notre histoire. Se laisser imprégner par cette relation à Dieu qui s’enrichit dans l’humble obéissance à sa Parole. La Parole demande une transformation du cœur pour enrichir notre communion les uns par rapport aux autres et au Tout Autre à travers ce lieu d’accouchement à la volonté divine. La question de l’homme par rapport à son Créateur ne peut pas rester dans le monde confidentiel des croyants, mais touche toutes personnes par le crible des sciences humaines et une conscience de l’articulation du sens entre les sciences humaines et la foi sans les opposer ni les assimiler.

La technique et la dignité de l’homme

            Or la dignité de l’homme et les questions qui se posent du sens de l’homme sont fondamentalement anthropologiques et constituent une conscience éclairée par tous les domaines qui s’interpénètrent et constituent un patrimoine moral. « Seul Dieu peut répondre à la question du bien, parce qu’il est le Bien. Mais Dieu a déjà répondu à cette question : il l’a fait en créant l’homme et en l’ordonnant avec sagesse et avec amour à sa fin, par le moyen de la loi inscrite dans son cœur[i], la « loi naturelle ». Elle « n’est rien d’autre que la lumière de l’intelligence, infusée en nous par Dieu. »[ii] Elle nous invite à nous positionner par rapport à la raison de ce que nous devons faire et ce que nous devons éviter (ordre du devoir moral et non de la simple inclination). La juste autonomie de la raison commune à tous signifie que chaque homme possède en lui-même cette loi reçue du Créateur. Nul besoin de faire d’emblée référence à la révélation. Une loi qui par la raison nous fait comprendre  la nature humaine et sa profonde dignité.

            Aujourd’hui le progrès technique et l’aveuglement moral qui y est lié dans un irrésistible désir profond d’expérimenter, (pulsion malsaine de curiosité sans conscience affermie), nous entraine vers une tempête intérieure de tout notre être, ne pouvant pas faire face aux courants contraires, et nous entraine à une forme de mélancolie glaciale. Ah ! Combien aurons nous fait de faux pas, juste pour la curiosité de l’expérience ! C’est possible, faisons-le ! Vanité d’une existence qui oublie le cadre pour s’émonder et aller vers l’essentiel.. « La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. »[iii]L’éparpillement de nos désirs, aggravé par l’amoncellement d’expérience nous fait parfois errer sur ce monde comme des morts vivants. A ne pas vouloir vivre les renoncements liés à notre histoire et aux possibles, nous connaissons la vanité de l’instant et la souffrance de n’être nulle part, c’est-à-dire du sens de l’être dans la réalité de son histoire.

Dans la foi il nous faut rappeler la dimension originelle de l’homme, comme image de Dieu et appelé à la ressemblance par une liberté qui ouvre au bonheur. La dimension du frère doit intégrer la dimension de Dieu. L’un ne va pas sans l’autre sous peine d’un égarement de sa propre humanité.  « Ces deux dimensions de la vie humaine, naturelle et surnaturelle, permettent aussi de mieux comprendre en quel sens les actes qui permettent à l’être humain de naître et par lesquels l’homme et la femme se donnent mutuellement l’un à l’autre, sont un reflet de l’amour trinitaire. « Dieu, qui est amour et vie, a inscrit dans l’homme et la femme la vocation à une participation spéciale à son mystère de communion personnelle et à son œuvre de Créateur et de Père » . »[iv]Le projet parental s’inscrit bien dans la famille composée d’un père et d’une mère. Que la vie réserve des situations malheureuses avec la perte d’un des parents ne doit pas justifier la naissance dans un manque programmé, car en fait c’est pervertir la réalité.

Un débat éthique pour quoi faire ?

La problématique du débat éthique, à part le fait qu’il est bien verrouillé à plusieurs étages pour favoriser les délires tyranniques que l’on appelle modernes, contre la raison proportionnée que l’on appelle conservateur empêche la sérénité des débats et la lucidité sur les démarches à suivre. Ajoutons à cela une définition infirme de la liberté qui est un individualisme exacerbé et la dignité de l’homme devient relative à l’argent et au pouvoir en dehors de toute autre considération. « il convient de considérer avec attention le rapport exact qui existe entre la liberté et la nature humaine et, en particulier, la place du corps humain du point de vue de la loi naturelle. »[v]

Nous ne pouvons pas nous désintéresser des questions éthiques, même si je reconnais que les chantiers ouverts son vastes et demandent pour chaque domaine une recherche qui implique un investissement dans des livres et des articles de fond. Telle n’est pas l’ambition de cette lettre qui n’est qu’un passage, évoquant les questions et interrogeant sur le sens. Le CAP 94 nous éclaire à travers le témoignage et ouvre des portes de compréhension. Les formations diocésaines nous aident à former notre conscience sur un questionnement qui éclaire la dignité de l’homme

Quant à nous, nous devons être vigilants à argumenter d’abord selon le principe universel de la loi naturelle et non principalement en croyant, sous peine d’avoir un rejet au nom même de la foi sur des questions qui touchent à la dignité de l’homme et fondent le bien commun (et sous-jacent la capacité à vivre ensemble et de la réalité du lien social). Ce que nous disons au nom de notre foi a des résonnances pour tout homme de bonne volonté. Le dialogue s’opère sur un socle commun qu’apportent la raison et le lien social et éclaire la science comme la foi d’une lueur retrouvée.  « la loi naturelle suppose l’universalité. En tant qu’inscrite dans la nature raisonnable de la personne, elle s’impose à tout être doué de raison et vivant dans l’histoire. Pour se perfectionner dans son ordre, la personne doit faire le bien et éviter le mal, veiller à la transmission et à la préservation de la vie, affiner et développer les richesses du monde sensible, cultiver la vie sociale, chercher la vérité, pratiquer le bien, contempler la beauté[vi] »[vii].L’articulation du sens entre la foi et la science impose alors un travail méthodique pour rappeler le principe de raison et questionner notre vision anthropologique, non dans un consensus commun mais dans la vérité de son être premier.

Par la foi, la prière nous aide à comprendre et à trouver les mots justes pour dialoguer. Dans l’étude nous partageons nos talents en serviteurs fiables car ils intègrent le don et le font fructifier vers un meilleur bien. « L’agir est moralement bon quand les choix libres sont conformes au vrai bien de l’homme et manifestent ainsi l’orientation volontaire de la personne vers sa fin ultime, à savoir Dieu lui-même : le bien suprême, dans lequel l’homme trouve son bonheur plénier et parfait. »[viii]

De l’assistance à la proposition entêtante d’une procréation médicale (PMA)

            L’évolution des sciences médicales en un siècle ont progressé de manière extraordinaire. Des maladies mortelles avant, deviennent curables et les possibilités d’amélioration de vie sur le corps sont indéniablement un progrès, lorsqu’elles participent à l’unité de la personne et à la civilisation de l’amour c’est-à-dire ouvrant toujours à la vie dans la vérité de la réalité. En même temps, la multiplicité des propositions, et des échecs inhérents que cela peut entrainer demandent un vrai discernement responsable. Un des grands principes est qu’on ne peut faire une action médicale dont le rapport entre ce qui est traité et les possibles conséquences seraient démesuré. Par exemple, je ne peux pas faire une anesthésie générale, dont une des conséquences peut être la mort, pour un simple arrachage de dent. La disproportion des moyens et des conséquences possibles sont incompatibles. Mais ils peuvent être disproportionnés dans un désir inavoué de faire échec à des sentiments ambivalents notamment en fin de vie dans l’acharnement thérapeutique. « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnées ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris ».[ix]Cela pose la question de la relation adéquate, proportionnée entre les valeurs en jeu et les différents éléments d’un acte[x]. Question qui se pose dans toutes les étapes que nous traversons à travers l’évolution des sciences médicales, et notamment aujourd’hui sur la procréation. Collaborons-nous à la création dans l’intelligence de la raison et les connaissances acquises vers un bien commun ou sommes-nous dans l’illusion de vouloir être des dieux dans la vanité des techniques proposées ? La place du corps de la femme dans les techniques de la PMA interroge sur les véritables motivations et pour quel but avouable ou intimement personnel et inavouable ?

La thèse de l’accident en correspondance à la problématique de progrès invite à une réflexion entre la disproportion des résultats recherchés et des conséquences. Les centrales nucléaires sont un progrès pour la fabrication de l’électricité, mais les deux derniers cas les plus graves que sont Tchernobyl d’une part et Fukushima d’autre part, sont des accidents dus à l’utilisation de ce progrès et ils invitent à une réflexion d’ensemble et un discernement prudent pour l’utilisation des techniques. Il en va de même dans le niveau médical, tout progrès génère un accident possible et pas toujours maitrisé. Paul Virilio Architecte et philosophe, analyse les risques inhérents au progrès technique comme une conséquence. Il a analysé la désintégration du temps dans cette recherche d’une vitesse de l’information qui passe par l’absence de vérité et une complaisance d’écoute dans des injonctions de plus en plus paradoxales. Une course en avant dans un activisme volontariste ou on en oublie le sens premier de la dignité humaine qui est d’être à l’écoute du Tout Autre dans le don de soi.

D’un traitement de la stérilité à une course en avant

            Le premier  « bébé éprouvette » en France, connu sous le nom d’Amandine a vu le jour le 24 février 1982. Un passage de la couette à l’éprouvette qui n’est pas sans interroger sur la dimension du tiers (en l’occurrence le médecin) dans le projet parental. La PMA commençait ainsi avec la Fécondation In Vitro (plus connu sous l’acronyme FIV). Première transgression de la procréation naturelle par un argument de traitement de la stérilité. Nous le savons aujourd’hui, elle fonctionne dans moins de la moitié des cas, et il y a, inhérent à cette intrusion sur la procréation, et les techniques utilisées entre autre, des problèmes vasculaires. Sans parler de la juste information des patients (notamment sur les conséquences, et l’apport d’embryon surnuméraire) ni sur l’impact psychologique dans le couple et le traumatisme que cela peut induire. Il y a un vrai problème à vouloir techniciser la fécondation, c’est d’en prendre un contrôle absolu.

            La FIV à trois parents est une technique qui se rapproche d’une forme de clonage autorisé en Grande Bretagne. Une partie de l’ADN d’un des parents (porteur de mitochondries qui ne fonctionnent pas correctement entrainant des pathologies) par un troisième parent pour remplacer le cytoplasme défectueux par un cytoplasme issu d’une donneuse. Le patrimoine génétique de la future mère serait en partie conservé et transmis à l’enfant. Un enfant à trois ADN.  On ne mesure pas bien le champ des problèmes que cela peut créer, d’autant plus que d’autres chercheurs ont émis l’hypothèse que des embryons ayant eu des intrusions cellulaire avaient une plus grande fragilité et pouvaient connaitre une durée de vie divisée par deux, comme c’est le cas dans le clonage animal (thèse de l’accident). Actuellement rien ne peut confirmer ou infirmer cette thèse puisque nous n’avons pas le recul nécessaire.

D’autre part, la modification du gène d’un enfant pose la question de barrière. Aujourd’hui nous luttons contre certaines pathologies, demain, nous voudrons un enfant de telle couleur, avec de tels yeux et si possible un développement intellectuel suffisant pour le rendre autonome. La science-fiction nous rattrape dans une réalité qui se révèle plus glauque parce que l’éthique fait place à l’utilitarisme et à une gestion de l’argent qui se veut décomplexée mais se révèle injuste et deshumanisante. Cela veut-il dire que ceux qui sont nés avec un handicap avaient des parents trop pauvres pour prendre les mesures nécessaires à la modification de l’ADN ? Immédiatement apparait la stigmatisation des personnes et la construction d’une société à double vitesse, de manière institutionnalisée, et sans justice dans la froide réalité économique.

Aujourd’hui la PMA a étendu son champ d’action avec des apports extérieurs au couple, et même une gestation en dehors de la mère naturelle, tout cela au nom d’un progrès ! Les questions de lien génétique entre les parents et l’enfant, l’absence de père ou l’absence de mère programmée, ou les propositions médicales envahissantes sont autant d’aspects d’une technique délétère aboutissant à des conséquences dont nous n’avons pas une conscience immédiate de la portée.

Vers une PMA sous contrainte ?

Quelques réflexions d’ensemble peuvent être formulées. Nous ne pouvons qu’être surpris de la rapidité technique à fournir des solutions sur des problèmes de vie qui demandent parfois du temps et l’espace d’une vraie rencontre. Quelquefois dans des soucis de fertilité, une pression monte rapidement avec la proposition souvent rapide, de la PMA, entrainant une pression fragilisant le couple, et notamment la femme, et paradoxalement sans un vrai travail sur les causes de l’infertilité. Cela ne pourrait être prise sous un autre angle ? La pression vient aussi d’un raccourci dans les propositions sans réflexion sur le fond et le sens de ce que l’on veut vivre vraiment. Il y a une surenchère des propositions techniques avec des non-dits ou s’induisent un mal-être profond et des brisures existentielles. Avoir un enfant à tout prix fait franchir la conscience morale dans toujours plus de relativité, proposant ainsi une PMA avec un donneur étranger sans se questionner sur l’impact psychologique que cela peut induire, non seulement pour les parents mais aussi pour l’enfant à naitre. Même si 5% des PMA interrogent sur la rupture du lien biologique, et des conséquences dans la vie de famille, il se pose une perte de repère dans une tyrannie de l’offre qui n’admet pas la résistance. Lorsque le couple refuse les techniques il est abandonné à lui-même comme une épave économique dans un monde où l’argent et le pouvoir (pouvoir de faire et de décider) deviennent les maitres absolus. On peut observer alors une forme d’obligation morale à donner la vie et une contrainte pour profiter de la PMA, au nom d’une société qui peut le faire. Comme l’IVG[xi]et plus encore l’IMG[xii], irons-nous vers une PMA sous contrainte ?

 « Le mariage chrétien « plonge ses racines dans la complémentarité naturelle qui existe entre l’homme et la femme, et se nourrit grâce à la volonté personnelle des époux de partager la totalité de leur projet de vie, ce qu’ils ont et ce qu’ils sont: en cela, une telle communion est le fruit et le signe d’une exigence profondément humaine. »[xiii]Les couples dans la préparation au mariage, mais plus tard dans les choix de vie doivent se poser les questions avant qu’on les pose pour eux, et que certains leur apportent des réponses toutes faites sur l’émerveillement de la technique médicale sans conscience à travers le sophisme d’une pensée qui se veut certes moderne mais introduit un délabrement des valeurs morales. S’interroger en amont permet une réflexion où nous ne nous laissons pas submerger par l’émotion du moment. Car l’émotion peut entrainer aussi une grave culpabilisation (en général intérieur – sur soi-même) dans la confrontation aux valeurs de vie et de respect de la dignité humaine pourtant promu jusque-là. L’expérience d’une certaine solitude, et du désarroi du couple, lié à un désir incontrôlé d’avoir un enfant biologique entraine des dérives et des compromissions où parfois les limites deviennent inconnues et le résultat dévastateur vers les ravins de la culture de mort. Il faut une protection des parents lorsque le désir d’enfant devient obsessionnel, et cela passe par une loi structurante.

            Le risque est d’avoir une inversion du bon sens dans une lecture culpabilisante de l’infertilité. La tare de ne pas avoir d’enfant devient alors une guérison lorsque la femme tombe enceinte naturellement s’affranchissant alors de tous les exercices induits par les pratiques de la PMA et posant la question de l’existence des embryons surnuméraires qui n’ont plus de sens mais par leurs existences restent des personnes en devenir. D’autre part la course aux techniques de plus en plus sophistiquées nous ouvre à un activisme où est oublié l’écoute et l’attitude d’humble disciple attentif à la volonté de Dieu et de son plan pour moi. Une forme d’épuisement dans la recherche, induit une problématique de fond sur la fatigue d’être soi parce que le sens de l’existence et la dignité de l’homme se sont éloignés de notre vue.

L’Etre et le désir

Le désir d’enfant devient alors l’obligation d’un objet plus qu’un sujet, s’affranchissant de la lignée génétique, comme si elle était juste conceptuelle. S’il est vrai que les traits de caractère dépendent en partie des éducateurs, les traits génétiques font partie d’un patrimoine de reconnaissance  de soi. Nier l’évidence reviendrait à s’affranchir de la réalité pour une idéologisation. C’est ce que l’on peut observer dans d’autres pays où certains enfants recherchent le lien biologique et bousculent ainsi le principe de l’anonymat des donneurs.« L’origine et le fondement du devoir de respecter absolument la vie humaine doivent être cherchés dans la dignité propre à la personne et non pas seulement dans l’inclination naturelle à conserver sa vie physique »[xiv]La recherche de sa filiation génétique est une composante de l’identité de l’être et ce désir de ne pas être dans cette solitude originelle dans cette absence de correspondance.

Néanmoins la proposition technique peut faire oublier la demande première de soigner l’infertilité. La science dans sa technique pouvant s’affranchir de l’attente pour une réponse immédiate mais (sans jouer sur les mots) fortement intrusive. L’oubli de la demande de soin, pour une réponse pouvant s’avérer décalée est un malentendu qui peut amener à une forme de violence et clive faisant voler en éclats tous les autres aspects de la dignité humaine. Je ne parlerai pas de l’utilisation des techniques pour des positions de rendement économique, invitant les jeunes filles à congeler les ovocytes pour avoir des enfants plus tard, afin que l’entreprise puisse compter sur la pleine capacité de la femme dans son travail (l’entreprise Google par exemple).  La levée de bouclier aujourd’hui montre que ce mercantilisme de la vie comme d’un retard professionnel est encore perçu de manière abject. Mais au nom de la modernité, quand autoriserons-nous ce genre de comportement pervers ? Avec la société hédoniste il devient suspect d’avoir des enfants dans la fleur de l’âge, et des femmes avortent lorsqu’elles ont entre 20 et 25 ans parce qu’elles se trouvent trop jeunes pour porter un enfant, et qu’autour d’elles, toutes les mères sont plus âgées pour leur premier né.

Comprendre les données que pose la question de l’infertilité, interroge aussi sur le contexte environnemental et les perturbateurs endocriniens ainsi que le retard de procréation à la limite de l’horloge biologique. Celle-ci souvent est repoussée pour des études longues, ou des conditions sociales plus favorables, doublées d’un calcul de l’espace pour l’enfant empêchant la gratuité du don de recevoir ce qui vient. Aux générations précédentes, parfois un peu irresponsables dans le nombre d’enfants (15 – 17 enfants), nous avons l’autre balancier tout aussi irresponsable d’un, voire en forçant de deux, sans jamais excéder trois parce qu’ensuite cela devient trop ! Trop par rapport au regard sociétal, peut-être, mais dans le sens de l’homme, le couple est le premier responsable de la maternité et du nombre qui lui parait le plus équilibré sans manquer de générosité.

Le désir d’enfant engendre une course au don de gamètes avec une pénurie notamment de semence masculine, qui empêche l’extension du marché actuellement. Il va du même coup être difficile de résister à l’appel d’un marché pour remédier à la pénurie et pouvoir générer une production qui s’est créée du fait de la technique. De plus, le désir d’enfant se vit dans un projet parental avec la complexité des demandes (parfois sous-jacentes) et les ambiguïtés (à profiter de la vie à deux, et à s’ouvrir à l’accueil d’une descendance qui veut signifier la pérennité d’un projet et marque un engagement). « L’Eglise reconnaît la légitimité du désir d’avoir un enfant, et comprend les souffrances des conjoints éprouvés par des problèmes d’infertilité. Ce désir ne peut cependant passer avant la dignité de la vie humaine, au point de la supplanter. Le désir d’un enfant ne peut justifier sa «production», de même que celui de ne pas en concevoir ne saurait en justifier l’abandon ou la destruction. »[xv]

Les excroissances de la PMA – La personne un objet comme un autre

            Si l’on utilise un autre intermédiaire pour le génome, il peut aussi entrer dans le cadre de la procréation assistée, une proposition de porter la personne en devenir dans le corps d’une tierce personne. Communément appelée GPA (Gestation pour Autrui). La problématique étant bien différente de la procréation puisqu’elle induit l’engagement d’un tiers avec une liberté contrainte, et ramène cette méthode à une forme d’esclavage. Or cet esclavage est constitutif d’une violence mimétique d’une part, et d’une problématique liée au bien commun et au lien social ,d’autre part. Une brutalité financière dans les rapports et donc logiquement une exacerbation des agressivités qui ne peuvent qu’entrainer une révolte sociétale qui soit, basculeraient vers une guerre civile, soit une autocratie qui limiterait le choix de tous pour le bien de quelques-uns (et allons y pour un délit d’entrave à la GPA), soit à une autre forme d’attaque qui imposerait d’autres principes culturels. La GPA n’est pas un choix, c’est une déclaration de guerre, dans une expansion marchande du corps humain avec les conséquences inhérentes de défense de la dignité humaine. N’extrapolons pas trop sur la capacité de raisonner lorsque justement on instrumentalise  la parole et on déconstruit les mots.

            Une fois que l’on ouvre le marché lucratif de la GPA, pareillement nous ouvrons alors le marché du don d’organe, et de pouvoir retirer les éléments nécessaires à ceux qui n’ont pas d’intérêt pour privilégier ceux du pouvoir (politique, économique, médiatique…etc). Certes les juristes nous disent l’inviolabilité du corps humain et de sa marchandisation. Mais nous l’avons vu combien de fois, une loi se change, il suffit ensuite de faire le battage médiatique, et sélectionner les indignations pour acquérir une légitimité temporelle. En clair la GPA entre dans une logique de marchandisation d’organes, avec les travers que nous pouvons voir aujourd’hui, notamment en Chine, où les personnes sont kidnappées pour récupérer certains organes. Le beau modèle des sciences médicales introduit au monde des ténèbres où la valeur de l’homme se calcule en poids d’or.

            Une autre des illusions est de croire que cela ne changera rien. La PMA introduit déjà des effets pervers. Ainsi pouvons-nous lire une demande d’échange d’embryon de fille de bonne qualité contre un embryon de garçon. Mais n’ayez crainte, c’est pour des bons sentiments, de difficultés économiques cela permettrait ainsi de passer les vêtements du frère ainé au frère cadet. Ah le bon sentiment qui enrobe les perversions les plus sombres. Je ne parle pas de la promotion du don de gamètes de l’agence de la biomédecine et de la publicité qui va avec. Enfin si pour l’instant certains pays refusent l’achat et la vente des embryons, il faut s’interroger sur l’avenir, pour combien de temps résisterons nous ? Surtout si le statut n’est pas clairement défini. La PMA est accompagnée d’une marchandisation ubuesque de la personne humaine et des dérives que l’on peut déjà observer ici ou là. Le cannibalisme des techniques sur l’homme ouvre à une culture de mépris sur l’autre et d’une fermeture de soi dans une disparition du genre où l’inclusion devient le meilleur précepte d’exclusion de ceux qui ne sont pas dans la pensée. Parfois il faut savoir dire non et tenir ferme. C’est aussi très éducatif et très structurant. Le désir est un ogre, et la réalité du quotidien dans l’accueil du deuil pour poursuivre sa vie malgré les échecs et les frustrations ouvre à d’autres horizons. Or la résonnance du désir, par les embryons congelés aboutissent à une souffrance sur une pathologie de l’impossible deuil.

            L’embryon, le fœtus, l’enfant est-il une personne de droit ou un objet de consommation ? « L’embryon humain a donc, dès le commencement, la dignité propre à la personne. »[xvi]Nous rappelle avec raison le magistère et qui tire son enseignement de la tradition apostolique et des Ecritures.  Car la déclinaison de l’amas de cellules comme instrument de laboratoire induit ensuite une dignité relative pour l’enfant. Ainsi, lorsqu’aux USA si modernes, on fait des défilés d’orphelins devant les parents potentiels pour qu’ils puissent choisir ! Lorsqu’on retourne l’enfant adopté parce qu’il ne correspond plus à nos attentes. De quel monde parlons-nous qui induit une telle violence affective ? Quelles sont les normes qui mettent une telle hiérarchie dans l’égale dignité ? Un couple désirait des enfants ( et en projet parental avait décidé le nombre de trois) et n’y arrivant pas, adopte un bébé. Puis se déclenche naturellement la fertilité d’un premier et deuxième enfant biologique. Que s’est-il passé lorsque le troisième enfant biologique est né ? Le renvoi de l’ainé à l’orphelinat. Ça c’est la réalité, et non pas l’argumentaire commercial et sentimentaliste que l’on essaye de nous communiquer. Nous ne pouvons pas le contextualiser à une situation particulière, puisque c’est un usage accepté. Elle est une simple conséquence de l’immoralité qui bafoue la dignité de la personne dès sa conception. « Le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment, on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en premier lieu le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie »[xvii].

            Il serait une grave erreur de penser que ce n’est qu’un point dans le relativisme actuel et que cela ne me concerne pas, je laisse la porte ouverte. C’est une erreur, c’est toute une culture de mort qui avance sans faire de bruit, et qui au dernier moment mord et lâche son venin. Les exemples de pensées insidieuses qui croulent sous les bons sentiments, et qu’une fois acquises deviennent une police de la pensée posent la question de la relation à l’autre, et l’acceptation de ce qu’il peut ne pas être en accord avec moi. L’idéologie est mère de tous les vices dont le premier est la dénaturation de la personne humaine et pour notre étude dès sa conception.

La recherche sur l’embryon

Créer une recherche sur l’embryon pour le plaisir de la recherche avec une interdiction de naissance n’est pas sans interroger. Depuis le 6 aout 2013il est permis de faire de la recherche sur l’embryon pour des essais médicaux[xviii]. On comprend assez bien que la loi demande en même temps qu’il n’y ait pas de gestation (c’est-à-dire de naissance). Recherche oui, viabilité de l’enfant non. Bref, un morceau de viande que l’on traite à part, comme les vainqueurs antiques disposaient de l’esclave comme un meuble. A défaut de pouvoir se dire moderne, on assiste à une vraie régression sociétale dans un néo-barbarisme qui se veut être pensée. La convention d’Oviedo dont la France s’est un peu affranchie stipule bien que la « constitution d’embryons humains aux fins de recherche est interdite »[xix]

A travers la recherche nous pouvons nous interroger sur quels critères se ferait la pertinence scientifique (quand bien même l’agence de la biomédecine donne quelques indications), et sur la finalité de ces expérimentations. De plus le retrait des cellules souches dans le développement embryonnaire détruit la personne en devenir et pose ainsi une vraie question éthique sur le sens de la vie, et l’intrusion de la mort comme mode opératoire (modus operandi) d’un plus grand bien. Ne nous y trompons pas, le travail sur la recherche des cellules souches a aussi pour but par exemple de rechercher des thérapies dans le cancer ou d’autres pathologies. Il y a toujours les bonnes intentions. Mais le but justifie-t-il toujours les moyens lorsqu’il s’agit de vie et de mort programmée pour la personne en devenir ?

On a du mal à évaluer ce qu’entrainerait la technique de modification du génome sur les effets collatéraux induits. Le travail des chimères (entre espèce animale et l’homme), pourrait s’avérer une possibilité puisqu’il est possible de franchir la barrière génétique entre espèces, et bientôt d’entrevoir des réalisations viables. Qui ne rêverait pas d’avoir la force d’un lion pour transporter les meubles, les dents de requins qui se changent naturellement dès qu’elles sont usées, la vue d’un aigle et l’agilité du chamois. A travers les bonnes intentions quelle est le monstre que l’on prépare et les incidences pour les générations futures ? N’entrons nous pas dans une course vers l’homme parfait à décrire comme un principe de droit au nom de notre volonté ?

Plus prosaïquement, «  des ovocytes d’animaux ont été utilisés pour la reprogrammation des noyaux de cellules somatiques humaines. Cette méthode, généralement appelée clonage hybride, a pour but de prélever des cellules souches embryonnaires sur les embryons produits, sans avoir à recourir à l’utilisation d’ovocytes humains. »[xx], de plus pour des vaccins, « des lignées de cellules, qui sont le produit d’intervention illicite contre la vie et contre l’intégrité physique de l’être humain »[xxi]sont utilisés et posent le problème de la coopération au mal et restent source de scandale. Néanmoins « il existe naturellement des responsabilités différenciées et des motifs graves qui peuvent être moralement proportionnés pour justifier l’utilisation de ce « matériel biologique ». Par exemple, face au danger pour la santé des enfants, les parents peuvent autoriser l’utilisation d’un vaccin pour la préparation duquel on s’est servi de lignées cellulaires d’origine illicite, restant sauf le devoir de tous d’exprimer leur propre désaccord à ce sujet »[xxii]Le principe de raison proportionnée[xxiii]nous engage à une prudence dans le discernement et une mobilisation dans la culture de vie et la civilisation de l’amour.

Il nous faut développer la vertu de prudence pour avancer avec précaution sur toutes les nouvelles interactions génétiques possibles. Cela ne doit pas se faire sans respect de l’intégrité de la personne et la non stigmatisation. Enfin cela nécessite un devoir de protection des générations futures pour ne pas modifier durablement des accidents génétiques avec des répercussions  dramatiques (par exemple la limitation de la durée de vie). La recherche sur l’embryon peut être promue tant qu’elle respecte l’intégrité et en vue d’un meilleur diagnostic. « L’Eglise catholique, en proposant des principes et des jugements moraux sur la recherche biomédicale dans le domaine de la vie humaine, s’appuie tant sur la lumière de la raison que sur la foi, en contribuant à élaborer une vision intégrale de l’homme et de sa vocation… elle exprime le vœu que les fruits de cette recherche soient rendus disponibles même dans les zones pauvres et dans celles qui sont touchées par la maladie, afin de répondre aux besoins les plus urgents et les plus dramatiques du point de vue humanitaire. Enfin, elle veut être présente aux côtés de toute personne souffrante dans son corps et dans son âme, pour offrir non seulement un réconfort, mais aussi la lumière et l’espérance, à travers lesquelles la maladie ou l’expérience de la mort retrouvent un sens. »[xxiv]

La course eugénique vers l’Homme parfait – le mythe du bébé parfait

            Dans la recherche d’une pureté génétique qui a remplacé la pureté de la race, nous voyons la proposition de l’avortement comme une purification nécessaire d’une ‘bonne vie’. Un mouvement existe pour que les personnes atteintes de la trisomie 21 soient les premières personnes sur la liste des espèces en voie de disparition. Certaines pathologies ont été épurées et ont disparues en France depuis plusieurs années (parce que l’IMG est pratiquée avec zèle). 97 % des personnes porteuses de la trisomie 21 n’existent plus, ce qui induit la fermeture des structures et la répartition des moyens sur d’autres niveaux. Oui, la France a le record mondial du dépistage prénatal mais pour quelle société ? La vulnérabilité peut être aussi une réelle source d’humanité dans le renouvellement de la relation et un changement de regard qui nous oblige à interroger nos pratiques. Sans parler d’un renouvellement du lien social et du développement économique et dans la recherche qui peut y être liée.

            La défense de l’eugénisme comme une méthode à viser l’amélioration du patrimoine génétique de l’espèce humaine, pente du progrès interroge véritablement sur la notion de vulnérabilité et d’apport induit des situations de handicap qui peuvent être aussi une chance pour la famille et pour la société. Le raccourci sur les fléaux de la pathologie, sans vision d’espérance sur tout ce que cela apporte d’humain est non seulement tronqué, mais c’est une modification idéologique de la réalité beaucoup plus complexe de l’enrichissement du frère dans toutes ses composantes. Avec ce genre d’argument nous pourrions souhaiter une société uniquement de femmes, projetant la procréation dans la manipulation des ADN afin de permettre la fécondation, et ainsi mieux maitriser l’altérité qui est source d’inégalité !!! Tout peut s’argumenter une fois que l’on relativise les situations ou que l’on ne voit que par un biais partiel.

            Faut-il alors laisser les maladies génétiques se développer sans pour autant y apporter une aide médicale ? L’impact de la trisomie 21 sur la personne est très inégal, l’un ne pouvant pas apprendre à lire, tandis que l’autre a pu faire des études scolaires suffisantes. D’autres formes de trisomie existent ayant des conséquences qui demandent des prises en charges spécifiques. Néanmoins travailler sur la résolution de la mucoviscidose ou d’autres formes de maladies, dans un traitement œuvrant pour le respect de la vie doit être promu. Il s’agit de rendre le corps capable de fonctionner et de soigner entre autres  les troubles respiratoires et digestifs. Nous sommes bien dans une volonté de traiter les maladies et non dans un dépistage pour connaitre son impuissance et prendre les décisions de non-sens en supprimant la vie. La manipulation génétique a pour conséquence une stigmatisation de certains critères sur des valeurs d’exclusion et de mort. Il faudrait déterminer alors ce qui serait positif, de ce qui ne l’est pas, et ainsi intégrer pleinement une mentalité eugénique qui ne voit plus en l’autre un frère, mais un être imparfait.

            Le problème de l’eugénisme touche tous les aspects de notre vie. Une fois que l’on autorise ceux qui peuvent naitre de ceux qui ne peuvent pas, nous pouvons avoir le même argumentaire pour ceux qui doivent finir leur vie et ceux qui méritent de vieillir. En un mot ceux pour qui cela rapporte et ceux pour qui cela coûte. Une vision utilitaire dramatique et dans la barbarie technique qui nous mettrait à l’ère de la régression humaine. Il y a un vrai risque de fragilisation de l’accueil de la vulnérabilité humaine, et de ses conséquences, nous le voyons d’ailleurs pour le traitement du grand âge. C’est une grave fragilisation du principe de fraternité, ou cela dépendrait plus de la volonté que de la réalité de l’autre. Créer une société qui fait une véritable purge de la trisomie 21 revient à créer une réalité maitrisée de l’autre, et une fiction à partir de décision d’épuration. La prière certes est nécessaire pour demander à Dieu pardon, mais encore l’action devient plus que légitime, un témoignage de notre engagement pour une civilisation de l’amour qui respecte toute vie.

            A quand la naissance de l’enfant suivant des critères sexués, des critères physiques et intellectuels (autant qu’on le puisse) ? Si nous pouvions choisir l’enfant, dans un contexte de naissance restreinte, ce ne serait plus 52 % de garçons pour 48 % de filles en Chine, mais vraisemblablement 90 % de garçons. Faut-il rappeler que ce pays est en train d’imploser du fait du trop grand déséquilibre (la norme dans tous les pays étant 48 % de garçons pour 52 % de fille), et l’âge moyen du chinois a dépassé les 50 ans. La recherche de femme dans des pays étrangers devient objet de marchandisation, telle est la nature humaine, que la loi, fût- t-elle de l’intelligence d’une dictature communiste, est incapable de réguler. Le tripatouillage génétique est une boite de pandore, la vertu de prudence n’est pas simplement un souhait mais une nécessité pour le bien commun et la dignité de la personne humaine. Sans parler des applications militaires ou les expérimentations hasardeuses créant des déséquilibres monstrueux.

Synthèse

            Sur les questions de bioéthique, un des grands absents est l’éthique économique comme vecteur de réflexion sur le sens des dépenses et les priorités que l’on donne. Concept difficile à manier tant les raccourcis du genre « pourquoi construire Versailles, il y avait tant de pauvres, l’argent aurait été mieux utilisé » semble une conception courante d’un point de vue utilitariste. L’autre pendant du raccourci étant puisque j’ai l’argent je le peux, sans se soucier ni de l’équilibre ni de ce que cela induit. Sur les débats en bioéthique nous pourrions laisser résonner la célèbre citation « la vie n’a pas de prix mais elle a un coût » soulignant le paradoxe moral entre l’exigence des valeurs et la réalité économique qui correspond à d’autres valeurs pas moins nobles.

            D’autre part l’interrogation de la prise en charge du handicap est préoccupante pour un modèle de société qui promeut en même temps la fraternité. Comme si avec certains on pourrait être moins fraternel qu’avec d’autres, et notamment sur le thème de la santé. C’est une question que pose Rosavalon sur l’Etat providence. Le principe de solidarité repose aussi sur l’inconnu. A partir du moment où nous connaitrions les possibles accidents de vie (grace à la recherche génétique), pourquoi alors pour ceux qui sont voués à une vie sans accident participer à la sécurité sociale ? Derrière le principe de la solidarité, il y a certes une volonté de fraternité, mais aussi une vertu de prudence dans cet inconnu que sera demain. Le dévoilement génétique pourrait avoir pour effet pervers un manque de générosité (dans une amnésie incontrôlée et une irresponsabilité qui oublieraient que les accidents de santé ne sont pas tous réductibles à une histoire de génétique). Cela interroge clairement sur le regard de la société que nous voulons.

            Un enfant né d’une forme de PMA est image de Dieu, nous sommes tous d’accord, mais cela ne justifie en rien l’acte, ni le devoir de réparation. Certaines fois il faudra donner des parents légitimes par rapport aux parents marchands où l’enfant apparait un bien comme un autre. Il n’y a pas à tergiverser dans la foi mais rappeler la vérité de l’amour qui demande en même temps la juste place de chacun pour la paix sociale. « L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science »[xxv]La question de l’aide à la procréation médicale (AMP) ne doit pas oublier la dignité de la personne qui ne peut être ni objet de fabrication, ni un produit de marchandisation sous peine de cliver durablement la relation humaine en faisant des catégories de citoyens au vu des portefeuilles plus ou moins remplis et des pays pauvres une réserve naturelle pour pratiquer un marché honteux.

            Nous ne pouvons penser l’enfant que dans un projet familial où il serait le fruit d’un désir et d’abord d’un projet de couple. Un accueil de l’autre pour un enrichissement de la relation humaine et un passage générationnel de ce qui fait notre identité personnelle. A travers la PMA se pose la question des embryons surnuméraires et du recours à un tiers, d’autant plus que le marché médical pourrait ouvrir à une forme d’eugénisme dans les attentes des parents non maitrisées (et d’ailleurs par qui ?). Un des argumentaires sont les techniques de PMA sans recours à des embryons surnuméraires et pour les parents légitimes (c’est-à-dire biologiques) deviendrait permise au nom même du traitement de la fertilité, comme l’on traite de l’appendicite en ouvrant le corps et prélevant l’organe. Dans une hiérarchie des valeurs, ce serait un moindre mal, mais cela ne légitime en rien le recours à la PMA, de plus le comparer à une opération qui n’a rien à voir avec la notion de respect de la personne humaine, c’est fallacieux. Le premier interdit de la PMA est l’intervention d’un tiers, fût-il médecin au nom même de la réponse du don de soi et de la gratuité de son expression. En premier lieu ce qui pose question d’un point de vue éthique est « la dissociation de la procréation du contexte intégralement personnel de l’acte conjugal:la procréation humaine est un acte personnel du couple homme-femme qui n’admet aucune forme de délégation substitutive. »[xxvi]D’autres arguments aggravent la première démarche, mais en aucun cas ne peuvent permettre une atténuation induisant une certaine moralité dans les actes. La lumière de la foi invite à vivre la vertu de prudence, tant invoquée dans cette lettre, comme la première (en terme de hiérarchie) dans les vertus cardinales et une ouverture à la sagesse du discernement pour conformer sa vie à la relation à Dieu et s’impliquer dans une communion qui comporte l’action de grâce du Jeudi Saint, la souffrance du Vendredi Saint et l’exultation de Pâques. Vouloir une vie sans don, en évitant la croix et en relativisant la joie pascale est pure folie. Dieu est amour. L’amour est vie, présence insistante d’une relation qui ouvre à la liberté de la rencontre dans le don de soi. N’ayons pas peur de témoigner, d’argumenter et de défendre notre foi dans la confiance au magistère, la réflexion à partir de la méditation des Ecritures, et le dialogue comme lieu d’une conscience droite qui s’ouvre à la rencontre.

«La vie vaincra: pour nous, cela est une espérance certaine. Oui, la vie vaincra, car la vérité, le bien, la joie, le véritable progrès sont du côté de la vie. Dieu, qui aime la vie et la donne avec générosité, est du côté de la vie »[xxvii].

Père Greg – Curé

Ensemble paroissial de Joinville le pont

Notes : 

[i]cf. Rm 2, 15
[ii]&12 Veritatis Splendor
[iii]Gn 3,6
[iv]&9 Dignitas Personae – Congregation de la Doctrine de la foi
[v]&48 Veritatis Splendor
[vi]Cf. s. Thomas d’Aquin, Somme théologique, I-II 94,2.
[vii]&51 Veritatis Splendor
[viii]&72 Veritatis Splendor
[ix]L 1110-5 Code de la Santé Publique
[x]Lettre de carême 2018 2/2 – la raison proportionnée
[xi]Interruption volontaire de grossesse
[xii]Interruption médicale de grossesse (suite à un problème médical sur l’embryon, handicap ou maladie)
[xiii]&9 Dignitas Personae
[xiv]& 50 Veritatis Splendor
[xv]&16 Dignitas Personae
[xvi]&5 Dignitas Personae
[xvii]&4 Dignitas Personae
[xviii]Loi 2013-715 du 6 aout 2013. “Aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d’un embryon humain ne peut être autorisé que si 1 la pertinence scientifique de la recherche est établie, 2 la recherche s’inscrit dans une finalité médicale, 3 l’état des connaissances scientifiques ne peuvent se faire sans recourir à des embryons ou cellules souches embryonnaires, 4 les projet respecte les principe éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires et plus loin l’alinéa  4 Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. (En clair ne doivent pas naitre).”
[xix]Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine – Oviedo 4 avril 1997 – La France a signé le 4 avril 1997, ratifié le 13 décembre 2011 et entré en vigueur le 1eravril 2012 – (Les pays limitrophes n’ayant pas ratifié, Royaume Uni, Allemagne et Belgique)
[xx]&33 Dignitas Personae
[xxi]34 Diginitas Personae
[xxii]&35 Dignitas Personae
[xxiii]Lettre de carême 2/2 – l’homme est appelé à une plénitude de vie
[xxiv]&3 Dignitas Personae
[xxv]Art 2 de la convention d’Oviedo  – 4 avril 1997 ibid
[xxvi]&16 Dignitas Personae
[xxvii]&3 Dignitas Personae