Lettre aux futurs mariés (2)

Joinville le Pont – Sainte-Anne et Saint-Joachim de Polangis – Saint-Charles Borromée

Doyenné de Saint-Maur – Joinville – Diocèse de Créteil

 

« L’amour rend service »

Il paraît difficile d’entendre cela aujourd’hui dans une société à forte dominante individualiste. Pourtant, s’il y a un bénéfice de la crise du Covid Wuhan, c’est justement une hiérarchie des valeurs qui redonne sens à l’homme et à la relation humaine, et l’attention à nos frères dans leurs pauvretés. Le service est alors compris comme don de soi et le prolongement de la patience dans la relation. Une dynamique de la patience se vit dans le service et l’amour trouve alors à faire le bien dans la réalité de nos actes. « C’est ainsi que le but fondamental de la famille est le service de la vie, la réalisation, tout au long de l’histoire, de la bénédiction de Dieu à l’origine, en transmettant l’image divine d’homme à homme, dans l’acte de la génération. »i La famille annonce et en même temps participe à l’avènement du Royaume, en permettant au plus grand nombre d’y accéder.

 

Le sacrement du mariage aide à cette transformation de la conscience dans la relation à l’autre et la confiance à vivre cette communion des personnes à travers les engagements de fidélité pour toujours. « L’éducation de la conscience morale, qui rend chaque homme capable de juger et de discerner les moyens adéquats pour se réaliser selon sa vérité originelle, devient ainsi une exigence prioritaire à laquelle on ne peut renoncer. »ii Les comportements dont nous devons alors témoigner sont, à travers la vie du couple, l’ouverture à la fécondité tant spirituelle que corporelle. Le cœur humain reçoit l’appel de Dieu comme réponse à son désir premier de réentendre ses pas familiers dans le jardin de nos vies et, à travers le mariage, affirmer cette force de la création comme lieu de réalisation de la beauté de la vie. C’est un appel que nous recevons aujourd’hui dans ce temps de pandémie, comme une volonté de la conscience de choisir les valeurs authentiques qui font sens, c’est-à-dire l’engagement de servir le bien d’autrui et, de manière plus spécifique dans le couple, dans la complémentarité de l’amour.

 

La louange de Dieu nous conduit à l’émerveillement devant la création, et le sacrement du mariage donne cette capacité d’émerveillement qui se concrétise par un engagement. « Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! » Il ne s’agit pas seulement de dire “je t’aime”, mais de le vivre dans l’engagement, en restant fidèle chaque jour à cette parole et entrevoyant l’avenir dans la grande espérance du Salut, sans faillir mais dans un don radical. La vie de famille est au cœur de ces deux axes de fidélité et de lien pour toujours, pour un don total de soi-même. La relation de confiance réciproque est, bien sûr, la promesse de fidélité qui nous permet d’accueillir toutes les autres relations, sans suspicion mais dans la disponibilité du disciple de Jésus, et de savoir que l’histoire commune est définitive jusqu’à ce que la mort nous sépare… et encore… L’enfant ne peut s’épanouir que dans ce climat de sécurité qui l’appelle à toujours savoir ses parents à côtés et, en même temps, construire son avenir à partir de leur histoire. C’est à travers ces deux axes que je pourrais apprendre que les choix s’expriment toujours dans le but d’un meilleur bien et qu’ils ne sont pas tournés vers eux-mêmes mais demandent une fécondité. L’amour a toujours ce dynamisme de la création pour prolonger l’œuvre de Dieu à travers la libre acceptation de notre appel particulier. « A l’intérieur du « peuple de la vie et pour la vie », la responsabilité de la famille est déterminante : c’est une responsabilité qui résulte de sa nature même — qui consiste à être une communauté de vie et d’amour, fondée sur le mariage — et de sa mission de « garder, de révéler et de communiquer l’amour ».iii C’est une grande mission pour qu’ensemble nous puissions bâtir cette civilisation de l’amour et rendre le monde plus humain en y intégrant plus de divin. La vocation de l’homme, image de Dieu, nécessite de prendre en compte les deux aspects pour manifester la présence de notre Père, comme lieu de régénération.

1 Un projet de vie pour un même sens

La célébration d’un engagement, qu’il soit religieux, sacerdotal ou pour le mariage, est toujours charpenté de la même manière. Avant de parler de la couleur des murs ou de la hauteur des fenêtres, il nous faut l’ambition de la maison et de ce que nous voulons y vivre. Ensuite, nous prenons un architecte pour construire nos rêves. Au cœur de la décision d’une vie de communion pour fonder une famille sous le regard de Dieu, il y a d’abord un projet de ce qui fait sens en nous et en l’autre. C’est important car il ne s’agit pas d’idéaliser l’autre ou de le soumettre à nos propres critères mais, dans une recherche de complémentarité, de choisir ensemble un projet qui nous fasse grandir harmonieusement et, dans la foi, accueillir pleinement notre dignité humaine. De rechercher un épanouissement de notre personne dans l’ajustement à notre vocation pour une pleine fécondité.

 

Au sujet du mariage, il ne s’agit pas tant d’un projet parental que d’une volonté de construire une histoire commune et de rechercher avec l’autre comment vivre le sacrement dans l’accueil des diversités. C’est une chance de pouvoir partager ensemble des rêves communs et de continuer de progresser dans l’échange d’une relation qui n’est pas fusion, mais construction d’un monde meilleur où l’autre a toute sa place. Etre attentif au conjoint, c’est être aussi attentif à la voix de Dieu. Plus encore, la capacité d’écoute rejaillit sur l’éducation des enfants et la disponibilité à la vie naissante. C’est toujours un chemin de dialogue constant, qui demande en même temps un cadre et une flexibilité pour laisser à chacun un espace d’expression dans l’impératif de communion. Travailler ensemble ce dialogue de l’alliance demande d’être sans cesse dans l’approfondissement de ce que nous devons vivre, et non dans le pourquoi nous nous sommes engagés, comme en écho à ce que l’autre allait faire dans cette galère. Comment passer son temps ensemble dans la réalisation de la promesse que nous nous faisons aujourd’hui est l’engagement de tous les couples, et devrait être leur feuille de route. « L’évêque Amphiloque exaltait le « mariage qui a du prix, qui est au-dessus de tout don terrestre » parce qu’il est comme « un créateur d’humanité, comme un peintre de l’image divine ».iv Cela dit la beauté humaine et spirituelle de cet engagement. Nous partageons ainsi l’œuvre de Dieu dans notre responsabilité propre. Le mariage comme les sacrements de l’initiation (baptême confirmation eucharistie), sont le commencement d’une route, et non la fin d’un parcours. C’est la difficulté des jeunes qui pensent la profession de foi comme la profession de la dernière fois. Or le sacrement n’est pas une fin mais justement le commencement d’un renouveau, où Dieu nous inonde de sa grâce. Par le sacrement du mariage, Dieu nous aide à progresser par étape et à découvrir la richesse de l’engagement.

 

Vivre sa foi au cœur de ce monde demande toujours d’avoir pour balise la Parole de Dieu et d’agir en témoin de l’espérance, en partageant l’amour qui nous anime. « Celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant ». Bâtir sur le roc de la parole son mariage c’est vivre la réalité du ciel dans l’engagement sur terre. Certes en vivant les réalités d’en haut nous devons garder les pieds sur terre et discerner ce qu’il nous faut vivre au quotidien dans le respect du devoir d’état. « En annonçant la Parole de Dieu, l’Église révèle à la famille chrétienne sa véritable identité, autrement dit ce qu’elle est et ce qu’elle doit être selon le dessein du Seigneur »v. Il faut donc ne jamais perdre de vue que la Parole de Dieu est à l’origine du mariage »vi et que la spiritualité conjugale puise dans la Parole les forces nécessaires à l’action de Dieu dans la réalité du quotidien. Lire la parole de Dieu n’est donc pas une option de couple, mais est au cœur de la vie de couple et de la vie familiale. Entendre cette parole résonner dans notre quotidien oriente la raison de notre cœur vers la grande espérance du Salut. Plus encore, à travers la méditation de la Parole, nous apprenons à l’enfant à écouter le Seigneur et à mieux obéir à ses parents dans le service de l’amour. C’est toute la famille qui vit la transformation par la Parole et peut ainsi rendre grâce à Dieu pour tous ses bienfaits. « Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour ni les fleuves l’emporter. » La Parole nous conduite sur le chemin de l’amour en faisant la vérité dans notre vie.

2 Une célébration du corps, de l’âme et de l’esprit.

« Ma colombe, … que je vois ton visage, que j’entende ta voix. » L’amour passe par les sens, comme l’amour de Dieu qui m’éblouit de sa clarté, me fait goûter le bonheur d’être là, m’enivre de sa présence et répand le parfum de l’onction sur ma tête pour me consacrer, dans ma vocation baptismale, à vivre de la vie de Dieu. J’entends sa voix lorsque mon frère me parle de Lui, et je le saisis dans l’obéissance à sa volonté. La relation spirituelle nous fait entrer dans la dimension humaine du mariage pour nous entraîner à redire oui chaque jour à son amour. « Le corps dans le Cantique des cantiques est source de séduction mutuelle, mais c’est aussi par lui et par ses qualités que les personnes sont manifestées et révélées. »vii Ce pouvoir d’attraction que nous éprouvons pour l’autre dépend aussi de notre volonté, d’où l’importance de la fidélité à décider ensemble. Une fois trouvé, nous nous engageons sur un chemin d’humanité afin d’éduquer nos sens à nos choix de vie, et ainsi correspondre un peu mieux à l’appel de Dieu.

 

« Ta voix est douce et ton visage charmant. » L’accueil du corps de l’autre et de sa personne, avec un regard bienveillant, ouvre à la communion des sens, à un chant d’amour où le mariage est vécu comme une intériorité de l’engagement envers Dieu et envers l’autre. La communion que nous devons vivre est d’abord un désir de Dieu et une responsabilité de l’alliance dans le plaisir du service. La dimension corporelle n’est plus vue comme un objet, un amas de cellule, mais bien comme partie intégrante d’une personne, un sujet à respecter dans toutes ses dimensions. « Le corps est au service de l’homme, pour le salut de l’âme et il demeure le ‘véhicule de l’âme’ vers Dieu ; le corps est au service de l’âme et sera ressuscité avec l’âme pour la nouvelle vie en Jésus Christ et dans l’Esprit Saint, cette nouvelle vie qui est la vie de Dieu, puisque nos corps mortels reprendront vie à la parousie. »viii Nous comprenons alors que le mariage est une célébration de la personne humaine dans sa capacité de communion et de relation particulière, pour une contribution à un projet commun.

 

Il nous faut redéfinir la fécondité comme lieu d’excroissance de l’amour dans la relation à l’autre et non plus uniquement en termes d’enfant. Cette fécondité, que nous devons partager dans l’histoire commune, et notre disponibilité au monde nous permettent dans la vocation nuptiale d’offrir une pluralité d’interactions dans la complémentarité du couple. « Il y a de nombreux époux qui savent prendre généreusement la responsabilité d’accueillir des enfants comme « le don le plus excellent du mariage ».ixEt il ne manque pas de familles qui, au-delà de leur service quotidien de la vie, savent s’ouvrir à l’accueil d’enfants abandonnés, de jeunes en difficulté, de personnes handicapées, de personnes âgées restées seules. »x Combien de famille ont été un havre de paix pour un proche, un phare dans le tumulte de la société qui fait tanguer les personnes parfois avec sévérité. La disponibilité de la famille et sa capacité d’accueil, dans le respect de son devoir d’état, est la source d’une gratuité dans la relation aux autres et d’un partage de spiritualité irremplaçable. C’est le lieu de sainteté par excellence.

 

Le couple Beltrame Quattrocchi, avec ses quatre enfants, n’a pas cessé de se donner au monde et de montrer ainsi l’ouverture du mariage vers une spiritualité conjugale. Luigi, comme chef d’entreprise et comme homme de loi a toujours œuvré pour subvenir aux besoins de sa famille. En même temps, il a passé du temps auprès des jeunes de Rome, avec une attention pour les plus démunis pour vivre une vraie mixité sociale à travers le scoutisme, mélangeant les enfants issus d’un monde bourgeois avec ceux d’un monde plus populaire. Maria a prodigué ses conseils pour l’éducation des enfants et rappelé le rôle prépondérant de la femme au service de l’apprentissage de la liberté, à transmettre à sa progéniture. Non, l’éducation ne peut être dévolue à quelqu’un d’autre, mais doit être du domaine des parents qui ont seuls l’autorité pour le faire. Peut-être est-ce important de le rappeler dans un État, qui voudrait s’occuper de tout, et dans la permissivité d’une éducation collective qui néglige la richesse des personnalités de chacun, relié à son histoire.

 

Il nous faut rappeler la sacralité du corps pour ne pas oublier qu’il manifeste aussi la gloire de Dieu dans son expression première d’image de Dieu. Mais si le mariage est la célébration du corps et de toute la personne, il existe bien des écueils. « Quand je regarde pour désirer, je regarde pour m’approprier l’autre, pour le soumettre à ma propre satisfaction, pour le réduire à l’état de moyen, donc pour le ‘chosifier’. Par conséquent je m’établis dans une rupture avec la signification sponsale du corps qui est une signification de don et de communion. »xi D’où l’importance d’accueillir l’autre dans ce désir de complémentarité et de complicité spirituelle pour connaître une belle communion. « Mon bien-aimé est à moi et moi, je suis à lui. Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l’amour est fort comme la mort. » L’exigence de l’amour vécu dans le don devient pour chacun une transformation de l’être, une création nouvelle sous le regard de Dieu et du prochain, un témoignage de la vie en Dieu à travers la belle vocation du mariage. Comme toute vocation, le mariage a aussi ses exigences, ne l’oublions pas, et demande une maîtrise de soi pour canaliser nos désirs dans la recherche du bien commun et l’accomplissement de nos engagements pris.

3 Le service de l’autre dans l’intimité du couple

Il nous faut comprendre le service comme lieu de réalisation de l’amour par excellence, à travers tous les choix. En conscience, nous utilisons notre liberté pour vivre la volonté de Dieu à travers le service du frère. « Vous avez été appelés à la liberté; seulement, que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair; mais, par la charité, mettez-vous au service les uns des autres. »xii Tout commence par la famille, entre époux, puis au service des enfants par l’éducation, avec une ouverture au monde afin de rappeler l’impératif de fraternité liée à notre dignité humaine d’images de Dieu.

 

L’Esprit Saint dans notre vie scelle le sacrement du mariage comme lieu de pleine réalisation, en confiance de la relation humaine et d’une vie de l’Esprit où la dignité de l’homme prend toute son ampleur dans la solidité de la relation. Nous sommes libérés de tous nos devoirs, car nous aimons et nous le faisons par amour, c’est là le secret de tout engagement. Nous devons le vivre comme un prolongement de l’amour dans la réalité du quotidien. Le oui d’un jour est pour toujours et, en même temps dans l’amour, se dit tous les jours. Un investissement précieux au service de l’autre qui demande une grande disponibilité du cœur pour sans cesse rechercher à s’accorder. A travers notre expérience baptismale, dans une vie de prière ancrée dans la Parole de Dieu et le regard fixé sur le Christ, nous atteignons la pureté du cœur qui est la pleine communion avec Dieu dans la relation à l’autre. C’est un chemin spirituel qui, dans le mariage, a un sens particulier et très concret de réalisation de sa vocation propre, à travers le don sincère de soi-même et la réalité du prochain dans ce qu’il y a de plus intime de l’être. Tout sacrement de mariage n’est-il pas un chemin diaconal ? Ce chemin passe à travers le service de sa famille et de la communauté chrétienne et se témoigne par le service de la cité.

 

On peut me trouver un peu idyllique dans la rugueuse vie du quotidien qui nous rappelle toujours au principe de réalité et du moment présent. En même temps, redonner sens, c’est retrouver l’amour premier et avoir la volonté de poursuivre jusqu’au bout dans cette reconnaissance de l’amour pour en faire mémoire dans chacun de nos actes. Trop souvent nous regardons les échecs comme l’impossible de l’amour, et nous oublions tout ce qui marche, continue de témoigner de la présence de Dieu dans ce monde et nous incite à progresser à la suite du Christ en toute circonstance. Cette liberté de l’amour ne va pas au gré de l’esprit du monde moderne et de la culture de mort mais, au contraire, s’enracine dans le respect de toute vie humaine et l’aide à la croissance de nos frères en humanité. C’est pourquoi nous ne pouvons pas opposer l’esprit et le corps, laissant le spirituel à tout ce qui touche à l’esprit et nous laissant dominer par les passions du corps. C’est dans une écologie intégrale que nous pouvons comprendre l’engagement du sacrement du mariage.

 

L’écologie intégrale prend l’homme dans toutes ses dimensions, son rapport à lui-même, à ses frères, à la nature et à ce qui l’entoure. C’est un plein développement de notre humanité, dans toutes les approches et toutes les réalités, ne pouvant en disséquer aucune par rapport aux autres, ni en détacher ou en satelliser un acte par rapport aux autres. C’est tout entier que l’homme se dit dans le moindre de ses actes. « Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence « ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée»xiii. »xiv Cela prend du temps et demande beaucoup de patience, ainsi qu’un déploiement de tendresse pour s’accorder au rythme de l’autre et percevoir la révélation de Dieu à travers la relation du sacrement. C’est pourquoi nous ne pouvons pas réduire le sacrement à une histoire de contrat ou de permis et défendu, ou encore de rituel social et de statut juridique.

 

4 L’inventivité de l’amour

« Il est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité. » Il nous faut remettre ce sacrement du mariage dans une foi confiante en l’œuvre de Dieu et être responsables de nos choix pour toujours accueillir l’inattendu de Dieu dans notre vie. C’est justement ce qui s’est passé à la Pentecôte. Que Marie, mère de l’Eglise nous aide sur ce chemin de progression et que par son intercession nous sachions accueillir le Seigneur pour qu’Il fasse en chacun de nous sa volonté. « Les yeux sur toi, tous ils espèrent ; tu leur donnes la nourriture au temps voulu. »

 

Qu’importe les mots que nous employons, la richesse du mariage est dans l’inventivité de l’amour à chaque instant, par tel regard, tel geste, comme une attente de l’autre et de son contact. Sentir ce qui ferait plaisir à l’autre et goûter la joie d’être ensemble. Oui, « une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme. »xv Le danger serait d’entrevoir le mariage comme une privation de liberté, alors qu’au contraire il est l’expression d’une richesse de possibilités à deux. Or, plus nous avons de choix nous conduisant vers le bonheur, plus nous sommes libres. Le mariage est donc une libération de l’esprit humain vécue à travers la prière, le service de la charité et la contemplation du Christ à chaque pas. Etre au service, dans le couple, c’est se donner soi-même pour une fécondité du couple. C’est là un appel à la complémentarité pour être plus fécond. Lutter contre les égoïsmes et la violence du repli sur soi, c’est reconnaître la liberté du service et comprendre que l’amour doit être le principe premier de toutes nos décisions. C’est une

réalisation de la civilisation de l’amour dans l’intégration de toute la cellule familiale pour la recherche du meilleur bien. En cela, le mariage redit la grande espérance du Salut en accomplissant les œuvres du Royaume, dans l’attention aux autres, la vie sacramentelle et l’accomplissement de notre vocation à vivre dans la vie de Dieu. C’est pourquoi « l’amour espère tout, endure tout » parce qu’en Dieu tout se résout. Ce n’est pas nous qui faisons mais Dieu qui agit à travers les oui de notre histoire. Il nous faut signifier par l’histoire de notre vie cette phrase prophétique « L’amour ne passera jamais » car Dieu est amour et Il est éternel.

 

C’est bien l’enjeu, d’ailleurs rappelé par l’évangile, d’un commandement unique qui a deux facettes : celle d’aimer Dieu « de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » et celle d’aimer « ton prochain comme toi-même. ». Les deux commandements résument parfaitement la Torah du décalogue et les 613 commandements que le Talmud enseigne dont 248xvi positifs (fais), et 365 négatifs (ne fais pas), c’est dire la vigilance de la relation qui est de chaque jour alors que le bonheur est toujours un dynamisme du quotidien qui dure plusieurs jours. L’amour dans le mariage est un continent qu’il faut conquérir : en temps de paix, cultiver, semer, ramasser les fruits de la récolte ; en temps de combat, garder ferme notre foi, vouloir aimer, les yeux fixés sur la grande espérance du Salut, afin de traverser les épreuves et savoir en toute occasion se pardonner pour aller plus loin. L’orgueil est le poison qui tue la relation. Qu’il soit en société dans ce voyeurisme médiatique qui étale sur la place publique à outrance tous les sujets sans discernement, qu’il soit dans la relation familiale à travers la rigidité des fonctionnements, qu’il soit dans l’histoire personnelle en refusant d’avancer à cause de ses propres blessures. L’orgueil est le refus de soin, le refus d’aide, un isolement de soi dévastateur, car il empêche la liberté de s’exprimer. C’est pourquoi le péché contre l’esprit est impardonnable, car il est un orgueil qui refuse le Salut. Un tel enfermement n’est qu’une suite de mauvais choix. La chance du mariage est justement d’avoir quelqu’un à ses côtés pour redonner confiance et amener à dépasser les épreuves. Il peut y avoir des tempêtes et des désastres, conséquences de la réalité du moment extérieures au couple ; mais justement, à ces moments-là, l’importance de la communion est de servir de ciment impénétrable.

 

Dans la réalité de l’amour nous redécouvrons la beauté de la vérité comme un équilibre de la relation. Cela demande toujours un regard bienveillant, une capacité à pardonner et la volonté d’aller toujours plus loin ensemble. C’est un travail de longue haleine qui n’est jamais fini, mais qui est merveilleux lorsqu’il se fait à deux. « J’aurai beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien j’aurai beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. »

Synthèse

Le mariage introduit à la belle réalité d’être père et mère. Le dynamisme de l’amour dévoile une fécondité dans le partage et prolonge cette bénédiction de Dieu pour la vie du couple. « Une certaine participation de l’homme à la seigneurie de Dieu est aussi manifeste du fait de la responsabilité spécifique qui lui est confiée à l’égard de la vie humaine proprement dite. C’est une responsabilité qui atteint son sommet lorsque l’homme et la femme, dans le mariage, donnent la vie par la génération, »xvii Néanmoins, la parentalité peut se vivre d’une autre manière par l’adoption ou l’investissement dans d’autres réalités pour le bien de la cité. C’est un appel à vivre les choses autrement, pas toujours de manière simple ni forcément apaisée mais, lorsque nous accueillons la réalité de la stérilité physique, nous découvrons d’autres horizons dans la vie de couple qui peut aboutir à une vraie fécondité sociale, éducative ou spirituelle. Mais pour cela, il nous faut garder le tablier de service pour nous tenir prêts à l’heure où le maître viendra à notre rencontre.

 

La vie à deux nous découvre d’autres chemins pour Dieu et, à travers les enfants, une responsabilité éducative qui demande toujours d’être présents sans déléguer les tâches qui nous incombent. « Du grand mystère nuptial, provient une incontournable responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants. En effet, c’est à la paternité et à la maternité vécus de façon authentique qu’il revient de communiquer et de témoigner du sens de la vie dans le Christ : à travers leur fidélité et l’unité de la vie de famille, les époux sont pour leurs enfants les premiers messagers de la Parole de Dieu. »xviii En toute chose, même dans le mariage, il nous faut prendre conscience de notre devoir de témoigner de la Bonne Nouvelle, et cela par l’exemple de vie et l’attention à l’éducation des enfants pour les éveiller aux réalités spirituelles. Le témoignage d’une famille est pour la société un exemple de vie qui doit se propager comme le feu d’un amour brûlant pour le Seigneur. Que ce temps de la préparation en famille soit l’occasion d’une joie sincère.

 

 

26 mai 2021 – Père Greg BELLUT– Curé

Saint Charles Borromée – Joinville-le-Pont

i &28 Familiaris Consortio ii &8 familiaris Consortio iii &92 Evangelium Vitae FC 17 (22 novembre 1981): AAS 74 (1982), p. 100. iv &43 Evangelium Vitae citant Homélies, II, 1 : CCSG 3, p. 39. v Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 49 : AAS 74 (1982), pp. 140-141. vi &85 Verbum Domini vii P 134 Le mariage selon Jean Paul II – Yves Semen viii P 81 Corps, âme, Esprit – Valerry DA Wilson ix GS 50. x &26 Evangelium Vitae – Jean Paul II xi P 171 Le mariage op cité xii Ga 5,6 xiii Exhort. apost. Evangelii Gaudium (24 novembre 2013), n. 71 : AAS 105 (2013), 1050. xiv &225 Laudato Si xv &230 Laudato Si xvi Les commandements divins se répartissent en 248 préceptes positifs et 365 interdictions. Selon nos Sages, le corps humain est divisé en 248 organes et 365 tendons.’(Cette répartition n’est pas basée sur une méthode scientifique, mais sur le nombre des organes qui tiennent une place importante dans la loi juive. Ils sont répertoriés dans l’Encyclopedia Talmudit (hébreu), vol. 1, p. 114 et suiv.) Nos sages enseignent que les 248 membres correspondent aux 248 préceptes positifs, et les 365 tendons correspondent aux 365 prohibitions. Chaque commandement est associé à un membre ou un tendon particulier, et tout comme nous prenons soin de nos membres et nos tendons physiques, nous avons aussi besoin de prendre soin de nos « membres et tendons » spirituels. 248, 2 entre Ciel et Terre, 4 les points cardinaux, 8 la perfection de Dieu. xvii &43 Evangelium op cite xviii &85 Verbum Domini – Benoît XVI