Dimanche de Pâques. Homélies des messes du jour et du soir

Saint Dimanche de Pâques,  jour

12 avril 2020 – Dimanche 11 h

« Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut » Le temps de la résurrection est le temps de l’accueil de la joie de Dieu venu sauver le monde. Il nous faut alors entrer dans un chemin d’accueil de sa présence, non là ou nous voudrions qu’il soit, mais plutôt là où il nous attend, et regarder la source de vie comme lieu de fécondité humaine et spirituelle. La résurrection est alors accueil du salut pour chacun d’entre nous et demande un engagement pour le témoigner en nous convertissant et demandant le baptême d’une part, mais plus encore en vivant de notre baptême dans l’annonce explicite de la Parole de Dieu par nos paroles et par nos actes. L’évangélisation du temps que nous pouvons vivre d’une manière renouvelé à travers la pandémie que nous traversons, rappelle le sens des priorités et de mettre toujours Dieu en premier.

             « Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, » Le témoignage du Christ est avant tout l’aventure d’un bien pour notre humanité. Loin de s’imposer, il fait route avec nous sur le chemin et nous délivre du pouvoir du mal. Le Saint jour de Pâques nous rappelle cette délivrance du mal, et cette guérison de notre humanité par notre communion à Dieu et à nos frères. Et cette communion se vie d’abord comme une foi qui vient de la relation, c’est-à-dire de la rencontre intérieur, et de l’adhésion de notre cœur pour déborder d’amour dans le témoignage. La présence du Christ dans notre vie éclaire d’un sens nouveau ce que nous avons à vivre, et met en lumière ce qui est mal et ce qui est bien, et oriente notre marche vers la grande espérance du salut. « La foi affirme aussi la possibilité du pardon, qui bien des fois nécessite du temps, des efforts, de la patience et de l’engagement ; le pardon est possible si on découvre que le bien est toujours plus originaire et plus fort que le mal, que la parole par laquelle Dieu soutient notre vie est plus profonde que toutes nos négations »[i] Et la résurrection est d’abord une histoire de réconciliation et de pardon, ou le Christ redemande par trois fois à Pierre de savoir s’il l’aime, afin de lui faire comprendre que son amour a Lui ne s’est jamais absenté. Il en va pareillement de nous, quoique nous fassions, quoique nous vivions, Dieu nous aime complètement et totalement, et c’est lorsque nous vivons la réciprocité de l’amour que nous comprenons enfin qu’il faut craindre de ne pas le blesser, pour ne pas nous blesser nous-mêmes. La crainte de Dieu est cette force de l’amour jusqu’à prévenir toute chose afin de garder le lien de communion plus important que tout.

Combien il serait utile, dans nos conflits, de nous souvenir que c’est l’amour qui doit être premier dans nos rapports, et non nos individualismes. Or la division est le conflit est l’œuvre du malin, dont nous contribuons en nous laissant entrainer sur cette voie sans issue. Au contraire, le Christ par la Personne Don, l’Esprit Saint nous redonne la joie de la communion avec son Père, et en relation avec les hommes ses frères. Même si la fraternité du Christ, est une fraternité divine, et que nous ne pouvons pas la restreindre à la fraternité humaine, car elle autre, il n’empêche que nous avons à vivre la fraternité comme un lieu de réalisation de l’appel du Christ à la communion. Un nouveau regard vers la source de la vie, ou la lumière de la foi vient combler notre intelligence de la vérité sur Dieu.

« Il vit et il crut » En hébreux la lettre “aïn” désigne à la fois le regard et la source de vie. Avec le Christ, non seulement nous voyons, mais nous croyons, car la source de vie est celle qui nous enracine dans tout notre être pour retrouver notre vocation propre. « Le regard qui donne à tout être d’advenir, de venir au jour et de recevoir la vie, mais c’est aussi la source de vie sans laquelle nul ne peut subsister »[ii] La résurrection vient alors renouveler notre regard, pour embraser notre cœur à la suite du Christ et le reconnaitre en œuvre dans notre vie et dans ce monde. Et de cela nous sommes témoins. Le regard de Dieu sur le monde, est un regard de fécondité pour dynamiser ce qu’Il a créé, et apporter une croissance salutaire, dans la gratuité de son œuvre, car Il donne à profusion. La vie est beauté de Dieu. « C’est précisément dans sa mort que Jésus révèle toute la grandeur et la valeur de la vie, car son offrande sur la Croix devient source de vie nouvelle pour tous les hommes »[iii] . Accueillir le Christ c’est recevoir la vie en abondance et marcher vers la grande espérance du salut.

Regarder le Christ c’est retrouver la source de notre vocation humaine, de vivre la pleine familiarité avec Dieu dans l’obéissance, seule liberté qui nous construit et nous pousse à agir vers le meilleur bien. Et la vie en Eglise à travers les sacrements et la participation à la vie communautaire sont autant de voie qui font de nous des témoins, et qui nous donne des raisons de croire. Mais c’est bien une conversion de tout notre être pour approcher le Seigneur un changement de regard pour contempler Dieu dans la gratuité de son amour donné en abondance. En effet, « C’est à la vie même de Dieu qu’il est donné à l’homme de participer. C’est la vie qui, par les sacrements de l’Eglise — dont le sang et l’eau sortis du côté du Christ sont le symbole —, est continuellement communiquée aux fils de Dieu, qui deviennent ainsi le peuple de la Nouvelle Alliance. De la Croix, source de vie, naît et se répand le « peuple de la vie. »[iv]. Comprendre la vie à la source de la croix, c’est accepter la vie en Dieu dans toutes ses dimensions, qu’elles soient de la Passion ou de la résurrection. Car tout prend sens en Dieu, et nous incite à vivre l’amour dans la force de l’Esprit comme un don toujours offert, pour Dieu, pour soi-même et pour nos frères. L’amour entre dans cette dimension Trinitaire, d’une réception de la création comme lieu de réalisation, de la rédemption comme lieu de pardon, et du dynamisme du don comme lieu de procréation animé par l’Esprit.

Si la foi vient du regard, c’est-à-dire d’une réalisation de la manifestation de Dieu dans notre vie, cela implique une intelligence de la vérité à la lumière de la raison. En quelque sorte la foi ouvre notre raison à une compréhension de la relation à Dieu et à la profondeur de l’être. Un secret de notre vie qui se révèle au jour dans cette vocation singulière d’image de Dieu appelé à vivre en Dieu le don de l’amour reçu, vécu et partagé. « Rien n’aide autant à aborder positivement le conflit entre la mort et la vie dans lequel nous sommes plongés que la foi au Fils de Dieu qui s’est fait homme et qui est venu parmi les hommes « pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance »[v]. La résurrection vient nous ouvrir à l’Evangile de la vie parce que l’amour de Dieu n’est plus extérieur à l’homme, mais qu’en devenant homme, Dieu nous devient intérieur, et nous révèle la beauté de notre origine.

Etre image de Dieu dans la foi nous demande alors de nous laisser transformer pour vivre sa ressemblance par tous nos actes, c’est notre responsabilité d’annoncer la foi au Ressuscité qui a vaincu la mort et qui nous a sauvé une fois pour toute. « En toi est la source de vie, par ta lumière nous voyons la lumière »[vi] Notre regard contemple à la lumière du Christ l’œuvre de création comme un chemin de vie ou nous sommes partenaire, co-créateur dira le pape Jean-Paul II. A la lumière du Christ nous faisons la vérité dans notre vie, et nous savons ce dont il faut nous débarrasser, et ce qu’il nous faut rechercher. »L’œil dans lequel je vois Dieu est l’œil même dans lequel Dieu me voit : mon œil et l’œil de Dieu ne sont qu’un œil, et une vision, et une connaissance, et un amour »[vii] Dans cette communion intense la foi résonne comme un chant de confiance quoiqu’il arrive, puisque Dieu est toujours fidèle, et m’accompagne tout au long de ma vie. « Puisque le Christ est ressuscité et nous attire au-delà de la mort, la foi est lumière qui vient de l’avenir, qui entrouvre devant nous de grands horizons et nous conduit au-delà de notre « moi » isolé vers l’ampleur de la communion. »[viii] La foi est un décentrement de nous-mêmes pour nous rapprocher de Dieu et faire de l’alliance un chant d’amour dans l’harmonie de notre désir de vivre la volonté de Dieu en toute chose.

Trop souvent l’homme a fait de l’alliance un champ de mine par le péché piégeant notre liberté à travers des actes idolâtriques sans lendemain, et toujours Dieu en démineur est venu nous rappeler que seul l’amour est lieu de régénération. « On affirme donc que ce Dieu communion, échange d’amour entre Père et Fils dans l’Esprit, est capable d’embrasser l’histoire de l’homme, de l’introduire dans son dynamisme de communion, qui a son origine et sa fin ultime dans le Père. »[ix] A la lumière de la résurrection du Christ nous comprenons que vivre notre foi est d’abord une histoire de communion, communion avec Dieu, communion avec nous-mêmes dans l’intégralité de notre corps et de notre âme, et communion avec nos frères dans ce désir du témoignage lumineux de la Parole. Vivre sa foi à la lumière de Pâques demande d’être à l’écoute de l’Esprit Saint dans l’inattendu de la rencontre, de scruter les Ecritures pour faire un bout de chemin, et par les sacrements vivre la présence de Dieu dans notre aujourd’hui.

« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? » « J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité. » Le témoignage de cette manifestation de Dieu dans notre histoire nous remplit d’espérance, et nous invite à l’annonce. Trop souvent notre témoignage est un secret à partager, comme si nous devions avoir honte de notre foi. Probablement manquons-nous de la vertu de force qui invite à garder confiance au souffle de l’Esprit Saint dans notre vie pour l’annoncer explicitement. « Eclairés par cet Evangile de la vie, nous sentons le besoin de le proclamer et d’en rendre témoignage dans la nouveauté surprenante qui le distingue: parce qu’il s’identifie avec Jésus lui-même, porteur de toute nouveauté [x] et vainqueur du « vieillissement » qui vient du péché et conduit à la mort,[xi] l’Evangile dépasse toute attente de l’homme et révèle à quelles hauteurs sublimes a été élevée, par la grâce, la dignité de la personne »[xii] Il nous faut donc réfléchir à savoir comment Dieu peut nous rejoindre, et rejoindre nos frères, et être inventifs dans l’annonce pour que tous puissent entendre la promesse du bonheur énoncé dès notre création d’image de Dieu. Une annonce qui trouvera bien des difficultés dans un monde refermé sur lui-même et dans l’orgueilleuse position de suffisance dans son savoir. Or c’est de Dieu que vient toute chose, et c’est Lui qui nous rappelle nos limites, lorsque nous nous croyons égale à Lui, en nous rappelant qu’à l’extérieur d’Eden nous sommes que du vent, et qu’il nous faut sans cesse le rechercher afin de vivre la complémentarité. L’annonce de Marie Madeleine, est une annonce de la vérité à retrouver en nous, malgré l’errance de notre vie, nous sommes amené à remettre Jésus au cœur de notre vie et à poser des actes pour renouer l’alliance, si Dieu est fidèle, c’est à nous de montrer aussi notre fidélité malgré nos limites humaines. Le témoignage au cœur de la vie des hommes nous rappelle à l’essentiel. Ce temps de pandémie est l’occasion de gagner en intériorité et de renouveler la relation pour retrouver le chemin du dialogue et de l’acceptation de l’autre dans toutes ses différences.

Qu’en ce temps de Pâques nous soyons assidus à la prière, à l’enseignement des apôtres dans les lectures pieuses que nous pouvons mener, et que nous sachions vivre une relation de communion entre nous. « Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! »

Sources

  • [i] &55 Lumen Fidei
  • [ii] Les sermons de Jean Tauler
  • [iii] cf. Jn 12, 32 – 33 Evangelii Vitae
  • [iv] &51 Evangelii Vitae
  • [v] Jn 10, 10 &28 Evanglii Vitae
  • [vi] Ps 35 (36),10
  • [vii] Maitre Eckhart, Sermont allemand n°12 in Jean Tauler Sermons p 20
  • [viii] &4 Lumen Fidei
  • [ix] &45 Lumen Fidei
  • [x] Cf. S. Irénée :”Omnem novitatem attulit, semetipsum afferens, qui fuerat annuntiatus”, Adversus haereses, IV, 34, 1 : SC 100/2, pp. 846-847.
  • [xi] Cf. S. Thomas d’Aquin:”Peccator inveterascit, recedens a novitate Christi”In Psalmos Davidis lectura, 6, 5.
  • [xii] &80 Evangelium vitae

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Saint Dimanche de Pâques veillée

11 avril 2020 – samedi 18 h 00 

« Au commencement ». La liturgie des textes de ce jour nous rappelle que pour notre création, il y a eu un commencement, comme un bornage de nos limites, malgré l’infini amour de Dieu pour chacun d’entre nous. Car, nous sommes limités, mais invités à partager dans nos limites, l’infini de l’amour de Dieu. C’est le paradoxe de Pâques. Participer à la vie divine grâce à la croix du Christ. Mais la folie de l’homme, dès Adam, a été de croire que participer à la divinité c’était être Dieu : l’homme a vécu la défiance comme une forme d’indépendance normale. Or même la norme trouve son assise en Dieu Créateur de toute chose. La morale est là non pour nous assujettir, mais pour nous apprendre à mieux aimer, à mieux respecter notre dignité de fils de Dieu, à mieux vivre notre vie en profondeur, en puisant à l’intérieur de nous-mêmes l’image que Dieu y a déposée, et à essayer de lui ressembler en toute chose. Une contemplation de Dieu que je reconnais comme « Mon Seigneur et Mon Dieu », c’est-à-dire, une reconnaissance du désir d’être en communion avec Lui. Le commencement en ce soir de Pâques est l’accueil de notre vocation propre. Il ne sert à rien de venir avec nos aromates, parfums d’une mort regrettée, car Il est Vie et lumière. Plus d’effluves de nos regrets amers, car Il est ressuscité, et nous pousse à l’avenir d’un monde meilleur fondé sur l’amour. Ne cachons plus nos douleurs et nos peines sur les effluves du temps qui passe, il vient à notre rencontre. « La résurrection de notre rédempteur fut bien notre fête, parce qu’elle nous a ramenés à l’immortalité, elle fut aussi la fête des anges, puisqu’en nous faisant revenir au Ciel, elle a complété leur nombre »[i]. Oui le mystère du Verbe incarné s’éclaire par l’aube de Pâques, Christ est vie, et nous entraîne avec Lui, nous donnant la grande espérance du salut, et affermissant notre foi pour ne plus vivre de façon extérieure à ce que nous sommes, mais à partir d’une rencontre intérieure qui s’approfondit, grandit et, en fait, nous humanise toujours plus.

            Au qui « cherchez-vous » de la Passion, nous avons la réponse de l’ange comme une reconnaissance de notre propre désir, un accueil de notre questionnement, un message de Bonne Nouvelle. « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié, il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit ! » Le « vous » qui insiste sur la reconnaissance de ce que nous sommes, des chercheurs de Dieu. La Parole n’est pas adressée à la ronde, mais bien à nous qui sommes là, nous les témoins de la Parole, nous, qui voulons rendre un culte à notre Dieu. Comme avec Marie à l’annonciation, l’ange nous appelle à être sans crainte, c’est-à-dire, à reconnaitre un signe de la présence de Dieu qui nous aime, et vient relever notre faiblesse pour nous entraîner dans la grâce de sa joie. Et en même temps, nous commençons à comprendre qu’il nous faut vivre un déplacement : Dieu ne nous attend pas là ou nous le cherchons. « Jésus le crucifié, il n’est pas ici » dans nos rêves abîmés par le désespoir, et la perte d’être qu’il nous semble entrevoir. Combien de fois cherchons nous Dieu là ou il n’est pas, plein de bonnes attentions, et d’obéissance aux Ecritures, le souffle de l’Esprit Saint nous entraîne pourtant à vivre ailleurs notre joie, dans cette communion d’amour en reconnaissant Dieu tel qu’Il est et non tel que nous voudrions qu’Il soit. La Toute Puissance de Dieu, c’est-à-dire sa manifestation dans notre histoire implique un mystère de relation que nous sommes, chaque jour, appelés à redécouvrir, une universalité à travers des rencontres en dehors de nos propres frontières de sécurité, afin de vivre l’amour pleinement dans le chemin de vie, en vérité avec nous-mêmes et avec nos frères.

Oui la résurrection est la fête de notre salut, l’ajustement de l’homme à la volonté de Dieu, et les retrouvailles d’une familiarité perdue au jardin d’Eden. Le jardin de la résurrection ouvre une nouvelle ère pour les témoins du Christ. En effet, « la Rédemption réalisée au moyen de la croix a définitivement redonné à l’homme sa dignité et le sens de son existence dans le monde, alors qu’il avait en grande partie perdu ce sens à cause du péché. C’est pourquoi la Rédemption s’est accomplie dans le mystère pascal qui conduit, à travers la croix et la mort, à la résurrection. »[ii] Dans cette période de confinement, peut-être pouvons nous vivre de manière plus intérieure, le passage de la croix à la résurrection, comme un lieu de mort et de vie où je suis invité à suivre le Christ pour transmettre la Parole et, par mes paroles et mes actes, témoigner. Trop souvent nous voyons la fin sans voir le chemin de sanctification à parcourir. Trop souvent nous lisons la résurrection en occultant parfois le passage de la croix, trop affreux pour les jeunes oreilles, et démodés, soyons moderne et parlons résurrection. La croix et la résurrection sont un même chemin de sanctification où j’ai à faire mourir le vieil homme en moi afin de redécouvrir l’homme nouveau de Pâques. Le rythme liturgique du chemin de carême amène à l’aboutissement de Pâques, certes, mais pour ensuite m’envoyer sur les chemin du monde, au souffle de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Recevoir le Christ Ressuscité, vivre sa présence au milieu de nous est faire l’expérience d’une vie renouvelée dans la confiance en Dieu et en sa promesse du salut, une vie renouvelée dans ce désir de Dieu qui prend pleinement sens, parce que n’est plus une idée mais une personne que j’ai rencontrée, que j’aime pleinement et que je veux suivre jusqu’au bout. C’est la porte ouverte à une vie sacramentelle où Dieu reste présent à coté de moi pour me guider sur le chemin de vie. « Le sacrement de la Passion, de la Croix et de la Résurrection semble renforcer et fortifier d’une manière toute spéciale cet appel dans nos âmes. L’Eucharistie et la Pénitence deviennent ainsi, en un certain sens, deux dimensions étroitement connexes de la vie authentique selon l’esprit de l’Evangile, de la vie vraiment chrétienne »[iii] Pas de communion sans sacrifice, pas de réconciliation sans pardon, pas de relation authentique sans authentique confiance en Dieu, pas de résurrection sans crucifixion. Nous sommes appelés à la joie. C’est une vérité. Mais que cette joie soit pleine de sens, et non pleine de nos sens. Cela demande d’accueillir avant de s’approprier, de s’abandonner pour suivre dans la simplicité le chemin de vie.

            Comprendre la résurrection c’est être à l’écoute de la Parole. Jésus nous l’avait dit et il vient à notre rencontre pour annoncer qu’il reviendra juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin. « La Parole divine se révèle donc au cours de l’histoire du salut et elle parvient à sa plénitude dans le mystère de l’Incarnation, de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu. […] L’Écriture doit donc être proclamée, écoutée, lue, accueillie et vécue comme la Parole de Dieu, dans le sillage de la Tradition apostolique dont elle est inséparable[iv]. » La liturgie de la veillée pascale est particulièrement significative en nous proposant sept lectures de l’Ancien Testament, l’épître aux Romains et l’Evangile. La foi en le Ressuscité se relit dans l’histoire des hommes à travers l’alliance, c’est-à-dire dès la création du monde et dans la présence de Dieu dans notre histoire, tout au long de notre vie, lorsque nous avons été fidèle et lorsque nous ne l’avons pas été. Lui est toujours resté à notre coté, se réjouissant avec nous ou soupirant à cause de notre indocilité, à rechercher le malheur. L’adversaire, qui semble toujours efficace, a été vaincu une fois pour toutes par la résurrection. Le Christ nous libère de toute peur, de toute angoisse, de toute malédiction, car Il est Dieu, et la lumière de la résurrection transforme notre vie. Pas besoin de voyant, de marabout, de sorcier, ou de crainte de puissances occultes, Jésus par la mort sur la croix et la résurrection nous libère une fois pour toutes. Le croyons-nous vraiment ? Lorsque nous mettons notre espoir en des techniques médicales en omettant la prière, ou la rangeant sur l’étagère des bonnes résolutions à tenir, faisons-nous de Jésus le vainqueur de notre vie ? Lorsque nous regardons notre travail et nos finances avec une certaine appréhension, ou pire alors, avec une certaine suffisance, mettons-nous Dieu à l’œuvre dans notre vie ? La foi en la résurrection n’est pas la prière pour avoir un travail qui gagne beaucoup ou pour avoir des belles voitures, ou bien de démontrer la bénédiction de Dieu par notre espace de réussite mondaine, de finance, de pouvoir, ou de carnet d’adresse. La bénédiction de Dieu est la joie de la rencontre avec Lui dans notre vie. « Voyez le lieu où il gisait, … il est réveillé des morts et il vous attend », Il nous attend encore aujourd’hui sur la route d’Emmaüs, pour partager avec nous les Ecritures, ouvrir notre cœur à sa Parole, et le reconnaitre dans le partage et le service. La résurrection est donc à comprendre comme lieu de service à remplir pour le bien de notre âme, pour le bien de nos frères, et pour rendre grâce aux bienfaits du Créateur, qui le premier nous a aimé. Nous comprenons la joie de la résurrection comme une rencontre en profondeur de sa présence, ce qui demande un déplacement, pour ne pas rester en surface, mais nous unir à Lui pleinement et le reconnaître à chaque instant de notre vie. En effet, la lumière de la résurrection nous éclaire complètement, c’est-à-dire pas simplement nous mêmes dans une transformation de notre vie, mais l’intégralité de notre corps et notre âme, en l’imitant par amour et non plus par devoir, en œuvrant avec lui à l’œuvre de création en serviteur fiable, afin d’entrer dans la joie du maître, en témoin de l’amour reçu, vécu, et partagé.

            Il est ressuscité, allez en Galilée… bien difficile dans ce temps de confinement de sortir du salon pour aller à la cuisine ou à la chambre et de crier « Christ est ressuscité ! » en voulant donner du sens …. Mais c’est peut-être que la résurrection, avant d’être extérieure à nous même est une vie recentrée sur le Christ. Peut-être que la grâce de Pâques nous demande vraiment ce déplacement intérieur, pour goûter sa présence, nous laisser habiter par Lui, et en témoigner dans la simplicité de ce que nous avons à vivre. Oui, nous sommes morts au péché et vivant pour Jésus Christ mais nous rendons grâce pour ce don merveilleux du salut, qui nous restaure pleinement dans notre dignité de fils de Dieu. Quittons notre Jérusalem pour aller aux périphéries de notre vie afin de tout ordonner à Dieu. Il n’est pas simplement dans notre foi, mais dans tout ce que nous faisons. Alors, laissons-nous habiter de sa présence et nous goûterons une joie ineffable. « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. »

 Père Grégoire Bellut

Sources

  • [i] St Grégoire le Grand, Homélie 21 sur la résurrection p 263
  • [ii] &10 Redemptor Hominis
  • [iii] &20 Redemptor hominis
  • [iv] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10

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