2019. Lettre de l’Assomption
« Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ?»
En toute chose l’amour est premier. L’amour que nous avons reçu de Dieu, l’amour que nous donnons à Dieu et il trouve sa pleine réalisation dans le service du frère et le don de soi-même. Nous avons à vivre ce service du frère dans l’accueil et l’écoute, à donner ce témoignage de la disponibilité et de l’écoute bienveillante. « Forte est la mort ; aucun homme ne peut lui résister. Fort est l’amour, au point de pouvoir triompher d’elle, de briser son aiguillon de mater ses efforts, de changer sa victoire en défaite » Avec Dieu tout est possible dans l’amour. Marie en a été le modèle parfait tout au long de sa vie terrestre. L’assomption est une réponse de Dieu à cette perfection du croyant dans la recherche permanente d’être ajusté à sa volonté. En effet, la joie de l’assomption est l’accomplissement d’un ajustement permanent à la volonté de Dieu par l’écoute de la Parole, sa méditation à travers la prière, et sa réalisation dans la charité fraternelle.
La source de la vie dans la grande espérance du salut
Que nous dit la méditation de la Parole de Dieu pour nous en ce monde qui attend des témoins ? « Les enseignements du Seigneur sont au nombre de trois : L’espérance de la vie, commencement et fin de notre foi ; la justice, commencement et fin du jugement ; l’amour, attestation pleine de joie et d’allégresse des œuvres accomplies dans la justice. »[i]. La mort est un sas vers la vie éternelle et demande tout au long de notre vie une préparation pour recevoir cet amour infini de Dieu.
L’espérance de la vie éternelle a été consolidée par la source de la joie pascale dont l’assomption est une résonnance. En quelque sorte un germe d’espérance pour notre foi avec la réponse de l’amour de Dieu montrée à chacun d’entre nous. Une affirmation qu’avec le Christ, par notre baptême, nous sommes sauvés une fois pour toutes. « La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l’espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent: le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s’il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les efforts du chemin. »[ii]C’est vrai que parfois nous voudrions baisser les bras, dans un « à quoi bon » démissionnaire. D’autres fois les révoltes des situations, et la mise en procès de Dieu nous éloigne de cette espérance, dans un cynisme navrant. Mais l’espérance est d’abord cette certitude de l’amour qui nous habite et que rien ne peut arracher, parce que l’amour de Dieu est premier dans notre vie, dès notre conception, comme image de Dieu appelé à la ressemblance. Quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, je suis d’abord et avant tout le fruit de l’amour de Dieu. Et non pas une partie de moi-même ou une composante de ma vie, mais c’est tout entier que je suis aimé de Dieu et que j’aspire à rencontrer l’amour dans une vie de communion et d’unité. C’est dans cette unité de la foi que Marie a été élevée au ciel corps et âme afin de signifier l’ajustement de l’amour avec l’espérance par l’harmonie de la foi confiante.
« L’espérance s’enracine en pratique dans la vertu de patience, qui ne fait pas défaut dans le bien, pas même face à l’échec apparent, et dans celle d’humilité, qui accepte le mystère de Dieu et qui Lui fait confiance même dans l’obscurité. »[iii]La mort est alors ce passage à la communion avec l’amour éternel où le Christ Rédempteur nous fera entrer dans la joie de son Royaume en serviteur bon et fiable. La fidélité de notre engagement baptismal a un sens dans la grande espérance du salut. Nous ne sommes plus dans un catalogue d’obligations et de cases à cocher pour remplir les bonnes conditions, mais dans une écoute réceptive aux Ecritures, une conversion du cœur qui nous fait agir autrement, et un accueil inconditionnel de l’autre dans son histoire et dans ce qu’il est. Marie à Cana nous encourage face à nos responsabilités. Elle est une mère aimante toujours attentive à laisser à chacun sa place, et ses propres responsabilités pour lui permettre de faire les choix qui respectent sa liberté. Elle nous donne juste un merveilleux conseil « Faites tout ce qu’il vous dira »
Il y a un empressement à vivre cette espérance du salut dans le service, comme Marie. Elle part rejoindre sa cousine Elisabeth pour l’aider jusqu’à la naissance.Comme une mise à distance par rapport aux questions de doute de son entourage, un pèlerinage dans l’inconnu, et une reconnaissance de la manifestation de Dieu dans la vie des autres, avec un écho dans sa propre vie. La vraie joie dans l’espérance est la confiance en Dieu et l’ajustement de toute notre existence à la volonté du Père. C’est cela vivre la justice : être ajusté à la volonté de Dieu pour mieux vivre l’obéissance dans la disponibilité de tout son être et sa responsabilité propre de déployer l’amour dans les charismes qui nous habitent.
Le souffle de l’Esprit Saint est là pour nous conduire sur ce chemin de vie. A travers la méditation de la Parole, et en faisant mémoire de Dieu dans notre vie, nous sommes saisis par l’ajustement du dessein de Dieu. Il nous demande à chaque pas de poser un oui de confiance comme une invitation d’habiter en sa présence maintenant et pour l’éternité. « De l’amour envers Dieu découle la participation à la justice et à la bonté de Dieu envers autrui; aimer Dieu demande la liberté intérieure face à toute possession et à toutes les choses matérielles: l’amour de Dieu se révèle dans la responsabilité envers autrui. »[iv]Une réciprocité de l’amour de Dieu qui demande une réalisation dans la Création. L’ajustement de tout notre être se comprend comme une vie d’amour, comme don de soi-même, dans la gratuité du don, et en même temps dans sa radicalité. C’est tout entier que nous nous donnons au Seigneur, chacun selon son état de vie. Le témoignage de l’espérance du salut passe par l’ajustement de tous nos actes à la volonté de Dieu. Marie est toute fidélité au Seigneur dans ses engagements pour vivre une vraie joie de la rencontre à la recherche de la relation la plus juste. « La protestation contre Dieu au nom de la justice ne sert à rien. Un monde sans Dieu est un monde sans espérance[v]. Seul Dieu peut créer la justice. Et la foi nous donne la certitude qu’Il le fait. »[vi]
La joie de Marie est la reconnaissance de l’amour de Dieu dans sa vie. « Mon âme exalte le Seigneur » Mais elle est la jubilation de l’ajustement de sa vie car elle y reconnait alors la manifestation de Dieu dans son histoire. La vie dans l’amour apporte la joie. « l’homme, en vivant dans la fidélité au Dieu unique, fait lui-même l’expérience d’être celui qui est aimé de Dieu et qu’il découvre la joie dans la vérité, dans la justice, la joie en Dieu qui devient son bonheur essentiel »[vii]La fête de l’assomption, mort de Marie , montée au ciel corps et âme, exprime notre reconnaissance à Dieu. Une joie qui se comprend dans l’expression de l’espérance du salut. Nous savons Marie auprès de Dieu et elle continue son rôle de mère pour nous les croyants. Dans la foi nous comprenons que la belle histoire qu’elle a vécue parmi nous trouve son accomplissement avec Dieu. A l’école de Marie nous saisissons qu’être oui à la volonté de Dieu contribue au salut du monde, et nous fait être des missionnaires de l’espérance. Dans l’obéissance à la volonté de Dieu, nous témoignons concrètement de l’amour vivant dans notre vie.
« La foi est une façon de posséder ce que l’on espère. »
Croire signifie reconnaitre l’œuvre de Dieu dans notre histoire et nous souvenir de sa promesse de bonheur promis à tous. La Parole de Dieu nous donne cette sureté d’être sur le chemin et la solidité de la présence de Dieu dans les Ecritures alors que la prière nous aide à vivre en confiance l’œuvre de Dieu dans notre vie et nous donne la sécurité dans l’espérance du salut. C’est non seulement une promesse, mais aussi une assurance puisée dans la confiance et la quiétude. « La foi est …. une disposition constante de l’esprit, grâce à laquelle la vie éternelle prend naissance en nous et grâce à laquelle la raison est portée à consentir à ce qu’elle ne voit pas. »[viii]Une démarche de la volonté qui veut coordonner tous ses actes à la Parole de Dieu. Une démarche des facultés intellectuelles appelées à se laisser éblouir par la vraie connaissance de Dieu dans l’intelligence de la foi et avoir les clés de la compréhension afin de mieux répondre à notre vocation originelle. Une démarche de la mémoire pour nous souvenir de l’amour de Dieu toujours présent au long de notre histoire. « La foi n’est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, mais qui sont encore absents; elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore. »[ix]La foi est donc ce regard du cœur sur le monde et il y reconnait l’œuvre de Dieu dans toute sa beauté (sans avoir le cœur sclérosé où dur). Elle est la volonté non seulement de notre âme mais aussi de notre corps pour se conformer à la vocation première de tout notre être à la louange pour son Créateur. Une plénitude de présence dans la familiarité avec notre Seigneur dans la vie de chacun. Une vérité retrouvée à l’aune de la Parole et en même temps la foi redonne sens à ce que nous sommes.
C’est pourquoi, la foi invite à marcher dans la lumière en tenue de service pour la gloire de Dieu et pour un témoignage authentique auprès de nos frères. Si Dieu est vivant dans ma vie je dois le vivre, et le témoigner autour de moi comme un bonheur en profusion qui grandit et me fait grandir comme Marie l’a signifiée tout au long de sa vie. « Dans la foi, le « moi » du croyant grandit pour être habité par un Autre, pour vivre dans un Autre, et ainsi sa vie s’élargit dans l’Amour. Là se situe l’action propre de l’Esprit Saint. »[x]En effet, la foi non seulement nous est propre, mais elle nous est commune, et demande de témoigner pour aider nos frères en humanité à reconnaitre la vérité et trouver le sens de leur propre vie. « Dans la foi, …nous reconnaissons qu’un grand Amour nous a été offert, qu’une bonne Parole nous a été adressée et que, en accueillant cette Parole, qui est Jésus Christ, Parole incarnée, l’Esprit Saint nous transforme, éclaire le chemin de l’avenir et fait grandir en nous les ailes de l’espérance pour le parcourir avec joie. »[xi]La promesse d’un amour qui nous attend, change notre regard, nous demande une transformation de tout notre être, de toute notre vie, par une humble écoute de la Parole de Dieu, une douce présence du Seigneur à travers les signes qu’Il nous donne de voir, et par la réalité fraternelle de l’amour vécu comme lieu de conversion et de transfiguration.
A la suite de Marie, laissons notre cœur s’ouvrir à la réalité de Dieu dans notre existence, et soyons responsables des talents qui nous sont confiés en vivant notre foi avec ferveur et à travers le partage. Vivons ce bonheur de Dieu dans notre vie. « il faut permettre à la joie de la foi de commencer à s’éveiller, comme une confiance secrète mais ferme, même au milieu des pires soucis »[xii]Sachons lâcher prise pour mieux nous laisser habiter par le souffle de l’Esprit et vivre la volonté de Dieu dans l’acceptation de sa présence, comme un oui donné pour toujours qui nous transforme et nous envoie. Car croire ne nous rend pas statiques mais missionnaires. « Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.»
Une conversion à vivre et à faire vivre
Le chemin de Marie est celui de la confiance en Dieu. « Marie se mit en route »Une marche d’espérance entrainée par la Parole vivante où la foi est dynamisée et la prière trouve son accomplissement dans la charité inventive. L’assomption de Marie est la célébration de sa mort sur terre et sa montée glorieuse au ciel. La mort est comme un lieu de jugement pour la vie éternelle, auquel notre existence sur terre nous prépare. Ô Marie « Quand remplie d’une sainte joie tu as traversé en hâte les monts de Judée pour rejoindre ta parente Élisabeth, tu devins l’image de l’Église à venir qui, dans son sein, porte l’espérance du monde à travers les monts de l’histoire. »[xiii]Ta fête en ce jour nous enseigne la réalisation de la promesse et le destin unique de ta foi qui va jusqu’à connaitre l’incorruptibilité du corps.
Le mystère de la foi dans l’accomplissement du oui de Marie nous introduit à la grande espérance du salut par l’expérience de l’union du corps et de l’âme en face de Dieu. Nous attendons le retour du Christ pour la résurrection de la chair comme nous le prions chaque fois dans la Credo. Notre vie sur terre est donc une préparation à vivre l’amour du ciel, c’est pourquoi dès ici-bas nous devons être des artisans de la civilisation de l’amour. Il nous faut savoir être dans le don sincère de soi-même à travers le service fraternel. Lorsque je vis l’amour il y a toujours une virginité de la relation, car elle est nouvelle et accueillante dans l’espérance d’une fidélité. Il y a une maternité car la fécondité de l’amour partagé doit grandir dans notre vie et la vie des autres. La mort est alors ce temps d’une réalité espérée du salut, à l’amour réalisé dans la contemplation de Dieu.
Virginité et Maternité
Nous avons à opérer une conversion permanente de notre vie pour accueillir la volonté de Dieu en toute chose, et nous rendre disponibles à son appel. En même temps cela nous enjoint à vivre une fécondité dans la foi. « Que l’être humain accueille Dieu en soi, c’est bien et dans cet accueil il est vierge. Mais que Dieu devienne lui fécond c’est mieux, car la fécondité du don est seule la reconnaissance pour le don et alors l’esprit est femme dans la reconnaissance qui à son tour enfante Jésus en retour dans le cœur paternel de Dieu ». A chaque fois que nous recevons le don et le partageons nous traversons le mystère de la virginité dans l’accueil nouveau et absolu, et en même de la maternité dans la fécondité de ce que nous avons reçu par le partage et que nous témoignons dans notre vie.
Néanmoins, il peut y avoir un refus de conversion, et une rigidité de tout notre être qui va enterrer le talent et attendre le retour du maitre en victime de la situation. « Beaucoup de dons bénéfiques sont accueillis dans la virginité et ne sont pas, en retour, enfantés en Dieu par la fécondité de la femme avec une louange reconnaissante. Ces dons se corrompent et s’anéantissent tous, si bien que l’être humain ne s’en trouve jamais plus heureux ni meilleur. »[xiv]Le partage est inhérent à la réception du don. La foi se communique par nos façons de faire, par nos façons de vivre, par nos façons d’être. Il ne s’agit pas simplement d’agir que d’exister dans une responsabilité de nos actes. En d’autres termes, de participer à l’œuvre de Dieu dans la réception du don et la fécondité que nous y apportons dans notre vie en prenant ce qui nous revient puisque la grâce de Dieu nous suffit.
Marie nous montre le chemin de confiance qu’il nous faut parcourir dans l’abandon à la providence, et le détachement de ce monde pour ainsi vivre ce silence et être pleinement à l’écoute de la Parole qui porte du fruit. « Le commandement de l’amour détermine la mesure véritable des tâches et des exigences que doit se donner tout homme – les personnes et les communautés – pour que tout le bien inhérent à l’agir et à l’exister « en commun avec d’autres « puisse se réaliser en vérité. »[xv] Il y a bien une dimension personnelle et communautaire de notre propre existence qui demande un cheminement dans les profondeurs de l’intime et en même temps un accompagnement fraternel dans le discernement de ce qui doit être vécu selon la volonté de Dieu. Ce principe de réalité qui voit ce que d’autres espèrent dans une vision béatifique de l’œuvre de Dieu dans le monde de ce temps.
« Heureuse celle qui a cru à … »
Croire à l’écoute de la Parole de Dieu c’est vivre cette réalité du bonheur, une promesse qui s’accomplit aujourd’hui dans la confiance de la foi. La confiance en Dieu nous introduit dans une nouvelle familiarité de sa présence et nous octroie les grâces nécessaires à un cheminement intérieur de communion et d’adoration. « La réalité humaine, créée par le Verbe, trouve vraiment son plein accomplissement dans la foi obéissante de Marie. De l’Annonciation à la Pentecôte, elle se présente à nous comme la femme totalement disponible à la volonté de Dieu. »[xvi]Une disponibilité où elle rentre dans l’action de grâce, « Mon âme exalte le Seigneur ». Une reconnaissance de l’œuvre de Dieu dans sa vie, une réponse à la vocation première de tout le genre humain, d’être louange envers son Créateur. L’expression de la foi est méditation de la Parole, et expression de sa vie à travers la Parole expérimentée. « Notre action … pastorale ne pourra jamais être efficace si nous n’apprenons pas de Marie à nous laisser modeler par l’œuvre de Dieu en nous : « l’attention pleine d’amour et de dévotion à la figure de Marie comme modèle et archétype de la foi »[xvii]
La prière mariale est donc un compagnonnage de notre vie à travers la Parole de Dieu vécu par la Mère du Rédempteur. Prier Marie c’est marcher sur un chemin de foi avec une mère qui nous éduque et nous forme à l’écoute de son Fils, une sœur qui nous ouvre les portes de la nouvelle humanité, une Vierge qui nous apprend à accueillir de façon toujours renouvelé l’amour comme lieu d’accueil et de conversion, une mère dans le partage et l’appel à la fécondité. L’assomption est le passage d’une vie de l’amour d’une vie avec Dieu, à la vie de l’amour dans la contemplation de sa gloire.
Marie, visage du disciple à l’écoute de Dieu
C’est par la foi que Marie nous apprend la bonne attitude du disciple, d’être à l’écoute de la Parole de Dieu et l’accueillir pleinement et complètement dans sa vie. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » La fête de l’assomption nous édifie, car la réalité de la vie n’est pas simplement terrestre, mais elle est réalisation d’un amour prolongé pour les siècles des siècles. « À partir du consentement qu’elle apporta par sa foi au jour de l’Annonciation et qu’elle maintint sous la croix dans sa fermeté, cette maternité de Marie dans l’économie de la grâce se continue sans interruption jusqu’à la consommation définitive de tous les élus. »[xviii]La fête mariale est donc l’accueil de la joie de Dieu, c’est-à-dire de la grâce sanctifiante que nous pouvons laisser déborder dans la louange et l’action de grâce « Il s’est penché sur son humble servante, désormais tous les âges me diront bienheureuse»
« La mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts »Le mystère de l’assomption est en même temps l’introduction à une bonne mort et à une joyeuse espérance qui nous sont promises à tous et que Marie a vécues par anticipation. « Après l’Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas : par son intercession multiple, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel[xix]. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, et qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. »[xx]La méditation de l’assomption est alors une compréhension de notre propre rédemption, et l’affermissement de notre espérance vers un terme où le Christ nous accueillera dans son royaume. Parce que nous aimons, nous sommes sûrs d’être rachetés par Celui qui est venu nous sauver, et Marie nous ouvre la voie en premier disciple de la foi. « Dans le mystère de l’Assomption s’exprime la foi de l’Eglise, selon laquelle Marie est «unie par un lien étroit et indissoluble» au Christ, car si, en tant que mère et vierge, elle lui était unie de façon singulière lors de sa première venue, par sa continuelle coopération avec lui elle le sera aussi dans l’attente de la seconde venue; «rachetée de façon suréminente en considération des mérites de son Fils»[xxi] »[xxii]La mort devient la porte d’entrée de notre salut, et de la vision béatifique de communion avec Dieu Tout puissant, dans le mystère et l’universalité de son amour pour chacun d’entre nous.
Méditer sur la mort de Marie et sa montée glorieuse au ciel nous introduit à la place des collaborateurs de Dieu qui sont invités à partager la joie du Seigneur. « Dans son assomption au ciel, Marie est comme enveloppée dans toute la réalité de la communion des saints, et son union même à son Fils dans la gloire est toute tendue vers la plénitude définitive du Royaume, lorsque «Dieu sera tout en tous». »[xxiii]A chaque fois que nous exerçons notre charité, à chaque fois que nous annonçons notre foi, à chaque fois que nous vivons ces regards d’espérance sur nos frères, et que nous persévérons dans cette confiance en Dieu, alors nous contribuons à l’histoire du salut, et nous témoignons de cette espérance qui nous habite.
A l’école de Marie nous chantons l’œuvre de Dieu dans notre vie. Nous déployons la promesse de Dieu à travers notre histoire, et cela redonne du sens, malgré les forces hostiles et les tentations, malgré nos chutes et nos désespoirs, malgré les apparences trompeuses, nous sommes sûrs d’être attendus par l’amour au bout du chemin. « Comme l’agir, la souffrance fait aussi partie de l’existence humaine. Elle découle, d’une part, de notre finitude et, de l’autre, de la somme de fautes qui, au cours de l’histoire, s’est accumulée et qui encore aujourd’hui grandit sans cesse. »[xxiv]Mais le Christ est venu nous sauver, et Marie nous montre le chemin du disciple disponible à la grâce.
Par la foi, nous laissons grandir l’espérance du salut, dans laquelle l’amour prend pleinement ses racines. « Au moment du Jugement, nous expérimentons et nous accueillons cette domination de son amour sur tout le mal dans le monde et en nous. La souffrance de l’amour devient notre salut et notre joie »[xxv]Or l’amour ne se vit jamais de manière solitaire, mais toujours en communion dans l’annonce et le partage. Par notre baptême nous sommes invités à être prophètes pour nos frères, c’est à dire d’annoncer la Parole et que d’autres soient sauvés. L’espérance n’est pas simplement une réalité personnelle, une rencontre de Dieu qui se referme dans ma propre vie, mais bien un feu débordant que je partage dans la joie de l’Esprit Saint, un feu d’amour jaillissant de mon cœur et il touche ceux qui acceptent de vivre la transformation nécessaire à l’accueil de l’amour. L’assomption est alors ce trop-plein de Dieu pour notre humanité, avec une place particulière pour Marie premier disciple du Christ, et mère de l’Eglise.
Le magnificat est le chant d’action de grâce. Il relie la promesse du salut à travers l’histoire des hommes, et l’expérience de la souffrance. Les trois axes du magnificat sont l’accueil personnel de la promesse de Dieu dans la vie de Marie, la réalisation de la promesse du salut pour tous, et enfin le mystère d’Israël et de l’histoire du salut, passage du monde ancien au monde nouveau. Mais Marie par la voie de la prière nous apprend à continuer de nous tourner vers Dieu. « Après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas: par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel»[xxvi]. C’est avec ce caractère d’«intercession», manifesté pour la première fois à Cana en Galilée, que la médiation de Marie se poursuit dans l’histoire de l’Eglise et du monde. »[xxvii]Laissons nos prières s’épandre dans le cœur de Marie pour qu’elle puisse les présenter à son divin Fils et nous obtenir les grâces nécessaires à notre salut.
« Saint est son nom ! » Nul ne peut comprendre l’action de Dieu, nous sommes invités à recevoir les effets de sa grâce et à nous laisser transformer dans la joie du salut qui nous est proposé. La solennité de l’assomption est cette fête du salut unique de Marie qui nous enseigne à persévérer dans l’amour pour la promesse de communion avec Dieu. Suivre Marie c’est reconnaitre Dieu dans notre vie et lui laisser toute la place. « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
Conclusion
Marie est un modèle pour nous les croyants, parce qu’elle a su être réceptive à la Parole de Dieu et qu’elle y a ajusté sa vie. La Théotokos comprenait les Ecritures d’autant plus qu’elle en avait la présence qui lui permettait d’ouvrir son intelligence de la foi, aux mystères de Dieu. Tout ce qui pousse à l’œuvre créatrice s’accomplit par l’Esprit Saint et Marie nous montre cette proximité qui va jusqu’à être don avec la Personne Don. « L’Esprit Saint qui, par sa puissance, prit sous son ombre le corps virginal de Marie, réalisant en elle le début de la maternité divine, rendit en même temps son coeur parfaitement obéissant à l’égard de cette communication que Dieu fit de lui-même et qui surpassait toute pensée et toute capacité de l’homme. »[xxviii]La méditation de l’assomption est alors à comprendre comme ce don parfait de Marie corps et âme a pu remonter sans la corruption du péché vers Dieu. C’est l’anticipation de la Parousie, et en même temps une conséquence de la vie de Marie et de son obéissance totale à Dieu. « L’Eglise sait et enseigne que «toute influence salutaire de la part de la bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une disposition purement gratuite de Dieu: ….Cette influence salutaire est soutenue par l’Esprit Saint: de même qu’il prit la Vierge sous son ombre, déterminant en elle le commencement de la maternité divine, de même il affermit sans cesse sa sollicitude pour les frères de son Fils. »[xxix]A travers la solennité de l’assomption, à la suite de Marie laissons l’Esprit Saint guider notre vie et notre mort, pour garder intact la grande espérance du salut et être face à Dieu selon le désir de son amour. « son amour s’étend d’âge en age sur ceux qui le craignent »
Père Greg – Curé
Ensemble paroissial de Joinville le pont
[i]Lettre attribuée à Barnabé
[ii]&1 Spe Salvi
[iii]&39 Dieu est amour
[iv]&28 Spe Salvi
[v]cf. Ep 2, 12
[vi]&44 Spe Salvi
[vii]&9 Deus Caritas
[viii]&7 Spe Salvi
[ix]&7 Spe Salvi
[x]&21 Lumen Fidei
[xi]&7 Lumen fidei
[xii]&6 Evangelii Gaudium
[xiii]&50 Spe Salvi
[xiv]P 495 Sermon 81 – Maitre Eckhart
[xv]P 335 personne et acte
[xvi]&27 Verbum Domini
[xvii]&28 Verbum Domini
[xviii]& 62 Lumen Gentium
[xix]Cf. Kleutgen, textus reformatus De mysterio Verbi incarnati, chap. IV : Mansi 53, 290. – Cf. Saint André de Crète, in nat. Mariae, Sermon 4 : PG 97, 865 A. – Saint Germain de Constantinople, In annunt. Deiparae, PG 98, 321 BC ; In dorm. Deiparae, III : col. 361 D – Saint Jean Damascène,in dorm. B. V. Mariae, hom. 1, 8 : PG96, 712 BC – 713 A.
[xx]& 62 Lumen Gentium
[xxi]Dogmatic Constitution on the Church “Lumen Gentium,” 53
[xxii]&41 Redemptoris Mater
[xxiii]41 Redemptoris Mater
[xxiv]&36 Spe salvi
[xxv]&47 Spe Salvi
[xxvi]Ibid.,” 62
[xxvii]&40 Redemptoris Mater
[xxviii]&51 Dominum et vivificantem
[xxix]&38 Redemptoris Mater