2019. Mars, réponse à la lettre des AFC du Val de Marne

Le 18 février 2019, les AFC du Val de Marne ont écrit à tous les prêtres de notre département pour les soutenir en ces temps difficiles :

Lien vers la lettre des AFC94

Le 1er mars, réponse du père Grégoire :

Madame la Présidente

Depuis des siècles, notre Eglise traverse des tempêtes décisives, avec le Seigneur qui semble dormir, comme nous demandant de nous enraciner dans la foi ou bien qui s’approche de nous, marchant sur les eaux, comme pour nous amener dans cet inattendu de Dieu à travers nos responsabilités. La démarche de foi comme le combat spirituel sont inhérents à toute rencontre avec Jésus le Christ. Hélas les événements récents montrent s’il le fallait, la vigilance que nous devons maintenir face aux attaques de l’adversaire,  le regard indiscutablement tourné vers Dieu avec confiance et persévérance. Nous sommes une communauté de croyants dans le monde de ce temps et nous avons tous ensemble à annoncer avec ardeur cette joie de croire. « L’Eglise prend part aux joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses[i]  de la marche quotidienne des hommes, dans la conviction intime que c’est le Christ lui-même qui l’a envoyée sur tous ces sentiers : c’est lui qui a confié l’homme à l’Eglise, qui l’a confié comme « route » de sa mission et de son ministère. »[ii]

La crise que nous traversons aujourd’hui avec la caisse de résonnance que sont les mass-médias, nous rappelle le devoir d’exemplarité qui est lié d’ailleurs à notre exigence de l’Evangile que nous annonçons. Le témoignage se vit dans la relation fraternelle authentique, le don de soi jusqu’au bout du service. Une réalité de notre vie où la genèse se vit dans la première cellule d’Eglise : la famille. « Notre travail nous a amenés à reconnaître, une fois de plus, que l’ampleur du fléau des abus sexuels sur mineurs est malheureusement un phénomène historiquement répandu dans toutes les cultures et toutes les sociétés. »[iii] et touche toutes les réalités de la vie de l’homme.

Aujourd’hui le mouvement sociétal dit des Gilets jaunes, et les rencontres que nous avons faites dans nos paroisses à partir du questionnaire de la conférence des évêques de France ont éclairé un vrai mal-être qui a pour origine le manque d’écoute. Il est revenu presque systématiquement dans les remontées. Or la première écoute est pour nous, d’être attentifs à la parole de Dieu dans la réalité du frère. De plus il nous faut être vigilants à ne pas faire d’autisme devant certaines situations par fatigue, par indifférence ou encore par ignorance crasse. Le Seigneur nous accompagne sur le chemin, à nous d’y être avisés.

Qu’il est beau de voir des familles qui s’appuient sur la Parole de Dieu pour construire leur avenir. Lire la parole de Dieu pour les petits en commençant par les paraboles et les événements de vocation et d’alliance qui jonchent les Ecritures, par les plus grands dans une méditation mnémotechnique des événements, pour les jeunes une vraie réflexion sur le sens de la vie par rapport à la Parole de Dieu et pour les adultes une méditation de la volonté de Dieu à travers les Ecritures. Nous devons danser la parole dans notre vie. Exulter la Parole de vie dans nos actions. Jubiler de confiance à travers l’émerveillement de la présence de Dieu en nous et autour de nous. Vivre notre foi se vérifie aussi à l’attachement aux Ecritures et à notre capacité à ouvrir la Bible chaque jour. Et c’est en famille que nous apprenons ce premier B.A. BA de la vie spirituelle. La Parole de Dieu nous introduit à la rencontre du Seigneur, et au réchauffement du cœur pour faire sa volonté. Peut-être que nous n’avons pas mis assez l’accent sur ce point en Eglise. Notre évêque nous rappelle l’importance des maisons d’Evangile comme lieu de rencontre et d’Evangélisation. Nous ne pouvons pas rester sourds à cet appel de la proximité de la Parole, quelle qu’en soit la forme. Il y a 8 ans le Pape Benoit XVI à l’issue du synode sur la Parole de Dieu a écrit une exhortation apostolique extraordinaire « Verbum Domini » qui a repris l’intégralité des propositions des pères synodaux. Elle resitue de manière très contemporaine la Parole de Dieu au sein de notre vie de foi. « Pour accueillir la Révélation, l’homme doit ouvrir sa conscience et son cœur à l’action de l’Esprit Saint qui lui fait comprendre la Parole de Dieu présente dans les Écritures Saintes »[iv]. A travers la crise, nous devons puiser à la source de la Parole la volonté de Dieu et de ce que nous avons à vivre en fidélité au magistère et dans le bon sens des fidèles.

 Une des formes d’autisme que nous pouvons vivre dans nos communautés paroissiales est de vivre l’Eglise en touriste spirituel, ou dans un engagement syndical minimum, d’une messe le dimanche (et encore). Combien de réunions du soir ou de rencontres des week-ends fédèrent si peu de personnes ?… à rendre le prêtre heureux lorsqu’il rassemble 1 ou 2 % de sa population paroissiale habituelle… Combien de baptêmes se révèlent sans lendemain, dans une vie du quotidien où la révélation du Christ passe après les études, le sport et la musique ou les loisirs et les événements familiaux ? La hiérarchie de nos choix est elle toujours juste face aux propositions paroissiales et à l’appel à vivre ensemble notre foi ? Ne doit-on vivre les réunions qu’à travers une utilité qui  semble pour nous, avant de la vivre en communauté, pour ensemble présider à l’appel de l’Esprit Saint à propager le feu des Ecritures sur la terre ?

Certaines situations que nous connaissons aujourd’hui révèlent une mise à l’écart de la Vertu de prudence. Nous retrouvons d’ailleurs cela dans les débats sociétaux, notamment sur la bioéthique, et le rapport Touraine en est l’exemple patent. Un rapport conséquentialiste qui sous prétexte de ne pas vouloir être attentiste manque du plus simple devoir de discernement. L’éducation qui est d’abord et avant tout le rôle des parents assure à chacun sa pleine responsabilité dans la vie de la cité, et ne peut (ni ne doit) être déléguée par quelque institution que ce soit. La communauté ecclésiale est là pour rappeler l’importance du discernement et la grâce de l’altérité pour faire grandir en humanité. « La première vérité qui émerge des données disponibles est que ceux qui commettent les abus, autrement dit les violences (physiques, sexuelles ou émotionnelles), sont surtout les parents, les proches, les maris d’épouses mineures, les entraineurs et les éducateurs. »[v]. Cela nécessite un dialogue constant avec les enfants, et une écoute des parents qui respecte chacun dans sa dignité et dans son autorité. Combien de repas à table, ou de discussions à travers les jeux, les rencontres familiales, les échanges quotidiens développent chez le jeune cet éveil à l’autre, et permet aux parents d’être soucieux des valeurs à transmettre, même en rupture avec l’enseignement doctrinaire des idéologies de la culture de mort. A travers cette écoute, qui s’apprend dès le plus jeune âge, et qui ne cesse de se déployer dans notre vie, nous apprenons à identifier les situations qui sont problématiques et émettre une parole pour prendre la distance nécessaire.

 Il est vrai qu’aujourd’hui, le fléau d’une société d’écran induit une norme individualiste de plus en plus forte, une désespérance dans le rapport aux autres, et une forme de violences issues de la solitude et du non-sens de nos manques de relations. Nous devons résister pour empêcher nos jeunes d’avoir un superficiel enfermant. Est-ce vraiment raisonnable d’avoir des collégiens avec des portables ? D’autant plus lorsqu’ils servent à autre chose qu’à appeler ? La télévision doit-elle servir de baby-sitter pour les jeunes enfants ? Cet enfermement ne permet-il pas à certaines attitudes perverses de mieux s’implanter puisqu’un culte du secret peut s’y sceller, à travers une incommunicabilité familiale de fait ? Oui nous devons acter ensemble des conversions qui doivent être de vigoureuses remises en question de nos façons de vivre.

Nos propres turpitudes sociétales, issues des maitres du soupçon qui ont proposé l’absurdité d’un monde sans Dieu amènent à une rupture des normes, et à une contestation qui va à l’encontre de la vérité première d’un ordre établi par Dieu et qui promeut le bonheur sur terre comme au ciel. Le dénigrement de toute morale chrétienne et le rejet d’une vie de vertu, qui parfois en est même moquée nous rappelle l’importance de revenir à l’essentiel et de persévérer malgré les attaques incessantes et les critiques systématiques que nous pouvons subir, ou les dégradations des lieux de culte, autre forme d’atteinte à la liberté de croire. Il nous faut reconnaitre que dans l’Eglise nous avons parfois laissé place à cette relativité des normes dans un esprit pastoral qui en oubliait la vérité de l’amour. Une forme de légitimisme de la pensée qui a laissé des actes s’accomplir sans prendre conscience de toutes les portées et les conséquences. Cette destruction liée au scepticisme entraine une forme de tyrannie des attitudes et de la perversité des actes, tant dans le désir de satisfaction qu’offre l’appétit sexuel, si (trop) bien étudié par Freud, tant par le désir de possession et la violence du frère avec l’assourdissement de toute altérité chez Marx, que la notion de surhomme, se retrouvant dans une déclinaison de l’homme amélioré, chez Nietzsche. Les dérives sexuelles ne sont qu’une conséquence moderne d’une réalité où les normes ont été modifiées, sur d’autres critères que la Parole de Dieu et la loi naturelle. En poussant le raisonnement d’ailleurs plus en avant, en légitimant l’adultère, en favorisant l’homosexualité, sur d’autres critères, la pédophilie n’est-elle pas l’expression d’une restriction culturelle dont il nous faudrait nous affranchir ? A force de discuter de toutes les normes, et de les relativiser, on arrive à une absurdité de la vie commune et une absence du bien commun, car pensons bien qu’aucune société ne peut vivre dans la dérive des lois naturelles.

Nous voyons bien dans les maitres du soupçon (autrement appelés maitres de l’absurde) arriver toutes les dérives sociétales que nous connaissons aujourd’hui. Elles vont à l’encontre de l’alliance que Dieu a faite avec l’homme dès l’origine. Or la foi en Jésus Christ nous apprend à vivre le don comme une logique de l’amour, le service comme son expression et le partage comme un témoignage. « La vérité vient à la lumière », en toute chose être serviteur du Seigneur et témoin de l’amour qui brule en nous et qui se partage autour de nous. L’amour est le lieu de notre conversion en vérité. Et par-delà l’amour existe le pardon comme une rencontre en vérité de notre réalité humaine. Cela demande de revoir notre propre discours sur les normes non pas d’un point de vue relativiste ou en partant de l’expérience humaine pour infléchir la parole de Dieu, mais dans cette liberté responsable de conformer notre vie à la Parole et d’en faire un chemin de croissance et de conversion. Sans cesse la relation au frère doit nous amener à interroger notre propre vie pour comprendre l’amour de Dieu et le vivre dans la réalité de la relation comme un lieu d’échange et de fécondité.  Mais elle doit se faire en vérité et dans une relation de confiance et un regard de bienveillance. Votre lettre est un réconfort pour cela.

Il nous faut rappeler que c’est bien lorsque nous sommes au cœur de la désolation, que nous sommes le plus à même d’entendre Dieu nous parler. « Ne crains pas car je suis avec toi, depuis le levant je ferai revenir ta descendance »[vi] La source du salut se vit dans la rencontre de l’amour dans la vérité de nos réalités et la fin de nos surdités et de nos aveuglements. Il nous accompagne humblement sur ce chemin d’humanité qui est le nôtre, et Il se fait reconnaitre. A nous d’agir en conséquence sur le discernement à opérer dans nos vies. « Faites sortir le peuple aveugle mais qui a des yeux, les sourds qui ont cependant des oreilles »[vii] La réalité du mal ne doit pas empêcher notre appel à vivre le bien comme un bonheur promis, et non en termes de privation ou de restriction. La liberté demande une responsabilité dans nos choix et une fidélité dans ses conséquences, c’est ce que rappellent d’ailleurs les parents en mettant l’enfant devant la réalité de ses actes. Lorsque l’amour est présent ce n’est jamais une condamnation mais bien un redressement libérateur qui introduit à la promesse du Seigneur. Dans ce cheminement avec le Seigneur nous sommes rappelés à cette réalité d’une pauvreté désertique qu’il veut reprendre en terre promise où coulent le lait et le miel. « Oui dévastation désolation, terre de démolition que tu es, oui désormais tu seras trop étroite pour l’habitant tandis que prendront le large ceux qui t’engloutissaient »[viii] Dans la tempête et les vents contraires, il nous faut rester fidèles au Seigneur et garder le cap pour arriver à bon port, puisque là-bas, il nous y précède déjà.

La prière est le lieu de notre restructuration tant intérieure qu’extérieure. La famille comme première cellule d’Eglise invite d’abord à la prière des époux, comme source féconde du sacrement du mariage qu’ils se donnent lors de l’échange des consentements et dont le prêtre par la bénédiction de Dieu fait écho. La prière que nous apprenons aux enfants ensuite, à chaque étape de leur vie forme un enracinement solide qui sait voir les limites, discerner ce qu’il convient dans un dialogue de vérité, et toujours attentif à être le plus ajusté possible à la volonté de Dieu. « Il est significatif que, précisément dans la prière et par la prière, l’homme découvre, d’une manière on ne peut plus simple et profonde à la fois, sa véritable personnalité : dans la prière, le « je » humain saisit plus facilement la profondeur de sa qualité de personne. »[ix] Toute épreuve comme tout passage dans la lumière de la vérité nous engage à nous enraciner dans la prière pour puiser à l’aune de l’Esprit Saint les grâces nécessaires du salut. L’amour devient alors cette recherche de communion où nous nous débarrassons de toutes les scories pour nous enraciner dans le Christ. L’amour est le lieu de notre transformation à l’écoute de la Parole et dans la relation fraternelle. En aimant jusqu’au don gratuit de soi-même, un amour désintéressé, et sincère, dans ce contrat d’alliance et fidèle aux commandements, nous faisons retentir la Parole du Seigneur au-delà de nos enceintes sécurisées pour toucher chacun dans sa vocation de ressemblance à Dieu. Il nous faut impérativement refuser une rigidité, autre forme de violence,  d’un retour de vengeance et de compromission dans l’addition d’intérêt sur des pénalités de préjudice au nom même du ravage de la culpabilité et de l’incapacité à assumer les choix posés à un moment donné. Oui, témoignons de cette douceur de Dieu, car Il nous a rejoints dans l’humilité de notre vie. Tout passe, mais l’important est bien d’ancrer sa vie en Dieu et de lui être fidèle. En ouvrier de paix, nous avons à rechercher la justice comme lieu de réconciliation et d’ajustement de nos relations fraternelles, afin d’en rassasier tous ceux qui nous côtoient.  L’ajustement de nos relations est le lieu d’une continuelle conversion pour laisser Dieu nous conduire dans l’histoire des hommes, et reconnaitre dans le frère ses limites (ses fragilités) et en même temps ses richesses. En d’autres termes, retrouver l’image de Dieu que le Créateur a mis en chacun d’entre nous. Il est facile de parler de fidélité lorsque tout va bien, mais c’est dans les tempêtes que nous avons à apprécier ce vrai lien de vérité de l’amour. L’adage populaire le dit très bien, l’on reconnait ses amis dans l’épreuve. Il nous faut prolonger ce pardon jusqu’à puiser à la miséricorde de Dieu pour chacun d’entre nous comme un lieu d’éblouissement dans toutes nos relations fraternelles. Comme je le dis dans la lettre pastorale de Carême de 2019, le pardon est un lieu du combat spirituel. Nous comprenons alors immédiatement la dimension divine de la miséricorde et la puissance de la grâce dans le rétablissement de la relation fraternelle à travers ce renouvellement du dialogue qui se vit dans la vérité et porte la paix.

Hélas nous savons que l’amour peut connaitre une instrumentalisation perverse pour des intérêts particuliers qui nuisent à l’annonce du royaume. C’est vrai dans le couple par le refus de communication, et la vie ensemble qui parfois tourne à la colocation quand ce n’est pas dans une cohabitation bancale.  Il nous faut rappeler que « L’amour entre l’homme et la femme, l’accueil de la vie, la tâche éducative, se révèlent être des lieux privilégiés où l’Eucharistie peut manifester sa capacité de transformer et de porter l’existence à sa plénitude de sens.[x] »[xi]. C’est vrai que parfois des difficultés jaillissent dans la famille, où l’éducation devient une forme d’autisme à double langage entre les vieux qui ne comprennent jamais rien et qui n’ont jamais été jeunes, et les enfants qui n’en font qu’à leur tête et ne savent plus respecter les anciens. Le témoignage de la foi doit au contraire être le lien d’une communication qui révèle la beauté de la foi à l’image de la Trinité. « Dans l’Eucharistie se révèle le dessein d’amour qui guide toute l’histoire du salut[xii]. En elle, le Dieu Trinité, qui en lui-même est amour[xiii], s’engage pleinement avec notre condition humaine. »[xiv] Nous avons à témoigner de notre amour en vivant la communion dans un relationnel apaisé, et en sachant vivre la vérité avec bienveillance sur les réalités d’ici-bas. Les problèmes de pédophilie nous apprennent à vivre l’humilité, même s’il faut reconnaitre une certaine instrumentalisation. Néanmoins « Une vie spirituelle intense … permettra au prêtre d’entrer plus profondément en communion avec le Seigneur et l’aidera à se laisser prendre par l’amour de Dieu, en devenant son témoin en toute circonstance, même difficile et sombre »[xv] Nous n’avons pas à désespérer mais à toujours regarder le Christ et Lui faire confiance en toute chose. C’est au cœur de l’Eucharistie, source et sommet de notre vie que nous comprendrons vraiment le sens du don et du sacrifice pour entrer au banquet de l’amour où tout est joie. C’est bien dans le rassemblement communautaire, au moins chaque dimanche, et dans nos actions pastorales chacun selon sa mission, que nous pouvons faire vivre l’amour que nous avons reçu de Dieu et que nous partageons à nos frères dans la réalité du quotidien.

J’aimerais insister, sur un point, aujourd’hui mis à mal par une ambiance de fossoyeur de l’histoire qui recherche des cadavres sans toujours faire œuvre de discernement. Le suicide de certains prêtres, et nous pouvons citer celui du dominicain de Lyon ou du diocésain d’Orléans sur des accusations calomniatrices, la suspension de ces prêtres espagnols, durant trois ans pour découvrir en fait qu’il s’agissait d’une cabale, montre aussi un envers du décor. Ce qui est vrai pour les prêtres l’est aussi pour les instituteurs. Et lorsqu’on entend un ministre de l’éducation nationale répondre, c’est mieux dans ce sens-là que dans l’autre, on en reste saisis d’effroi. Aucune des situations n’est acceptable. Aucune.

Faut-il rappeler dans ces cas-là, le fiasco de la relation avec l’équipe dite commission d’écoute qui prend un tour d’inquisition espagnole, et les maladresses de épiscopat qui se voulait exemplaire et ont conduit au suicide dans les fragilités des uns et des autres. La rumeur et le jugement sont un grave délit d’entrave au pardon et une manière de retirer de l’Evangile son message d’amour gratuit. Ne nous faisons pas voler le pardon au nom des comportements pervers, et ne nous engageons pas dans la discrimination pastorale à travers des calomnies non étayées et qui produisent des drames. Il est important de répondre sainement sur la prise en charge des accusations, et de ne pas nous laisser aveugler par l’appétit médiatique de l’immédiateté afin d’entrer dans une forme de discrétion pour enquêter sérieusement et étayer ce qui est dit. Cela demande beaucoup d’humilité afin de rendre compte de notre témoignage en vérité sans nier, mais sans martyriser.

Le décalage entre la médiatisation sur l’un ou l’autre cas, et la vie des milliers de prêtres dans l’humble service du ministère est parfois saisissant. Le brouillage de sens, entre l’appellation pédophile, des détournements d’enfant de moins de 12 ans et de jeunes de 16-17 ans posent question. L’appellation pédophile et détournement de mineurs lorsqu’il s’agit de garçons ou de filles interrogent. Le mélange des genres entre le prédateur à plusieurs dizaines de victimes, avec la faute avec tel ou tel jeune surprennent, même si en tout cela on ne peut pas légitimer les situations quelles que soient les circonstances, à cause du simple choix librement effectué lors de l’engagement sacerdotal de la chasteté appelant les célibataires à la continence. Néanmoins le discernement doit être prudentiel quant aux conséquences et aux réparations à demander. « Nous sommes, donc, devant un problème universel et transversal qui, malheureusement, existe presque partout. Nous devons être clairs : l’universalité de ce fléau, alors que se confirme son ampleur dans nos sociétés[xvi], n’atténue pas sa monstruosité à l’intérieur de l’Église. »[xvii] Pour autant il ne faudrait pas en faire la réalité unique du sacerdoce !

Dans le discernement je rappelle très souvent à la suite de St Thomas d’Aquin d’ailleurs, la vertu de prudence. Dans le réactif nous manquons de prudence, et nous devenons injustes. Au cœur de la famille, nous devons être éduqués à cette vertu de prudence, dans le rapport aux autres et la distinction entre la familiarité du cercle familial et l’échange dans la relation sociale. La parole par un dialogue habituel, et libre traitant de tous les sujets, et mettant en lumière toutes les difficultés amène à vivre la vérité de nos choix dans la responsabilité de nos actes. Si la parole circulait mieux, certains seraient freinés dans la culture du silence et de l’entre-soi mortifère. La culture des écrans aujourd’hui grève cette dynamique de l’échange…

Nonobstant le fait que la vertu de prudence est aussi l’expression de notre humanité dans les choix que nous posons. « La prudence, le jugement sain et le bon sens ne dépendent pas de facteurs purement quantitatifs de croissance, mais de toute une chaîne d’éléments qui se synthétisent dans la personne ; pour être plus précis, au cœur de sa liberté. »[xviii] Ne perdons pas cette liberté dans une suspicion systématique ou une déformation de la relation qui devient problématique, comme aux USA où parait-il les prêtres ne doivent plus donner la main aux enfants… Apprendre la vertu de prudence, n’enlève pas l’obligation de confiance qui doit se faire entre l’enfant et l’adulte, et la juste relation de paternité spirituelle, où le prêtre est témoin de Jésus Christ.

Madame la Présidente, merci pour votre confiance dans le travail que nous faisons, malgré nos propres faiblesses et nos limites, malgré le spectacle affligeant d’hommes qui se sont révélés être des prédateurs pervers, et l’incompréhension de la léthargie qui a régné, parfois par manque de compréhension et de connaissance.  « Il n’y a pas d’explications satisfaisantes pour ces abus sur des enfants. Humblement et courageusement, nous devons reconnaître que nous sommes devant le mystère du mal, qui s’acharne contre les plus fragiles parce qu’ils sont images de Jésus »[xix]

 Comme nous le rappelle le pape, dans son discours de clôture que j’ai déjà cité dans cette lettre, « Nous portons tous – Eglise, personnes consacrées, peuple de Dieu, voire Dieu lui-même – les conséquences de leur infidélité. Je remercie, au nom de toute l’Église, la très grande majorité des prêtres qui non seulement sont fidèles à leur célibat mais se dépensent dans un ministère rendu aujourd’hui encore plus difficile par les scandales provoqués par un petit nombre (mais toujours trop nombreux) de leurs confrères. Et merci également aux fidèles qui connaissent bien leurs bons pasteurs et continuent de prier pour eux et de les soutenir. » Je rajouterai aux propos du Pape, un merci pour l’association familiale catholique (AFC) de nous aider à traverser cette douloureuse épreuve et pour le fructueux travail en collaboration qu’ils font avec nous en nous aidant dans un témoignage missionnaire. Que Marie qui nous conduit au Christ en nous invitant à faire tout ce qu’il nous dira, nous accompagne sur le chemin de vérité en témoin lumineux de l’Evangile. Qu’elle nous escorte à une nouvelle pentecôte, où l’Esprit Saint nous conduit sur des près d’herbes fraiches, là où coule l’’audace de l’amour et le miel de la vérité de la foi. Qu’elle nous apprenne à conformer notre vie au Père Créateur, dans l’obéissance de sa volonté et des commandements qu’Il nous a donnés.

 Père Greg – Curé

Ensemble paroissial de Joinville le Pont

Lien vers la lettre au format .pdf

Sources

[i] Gaudium et Spes

[ii] &1 Lettre au famille 1994 – JP2

[iii] Discours du 24 fevrier 2019 du pape François

[iv] &25 Verbum Domini reprenant la Proposition 4.

[v] Discours du 24 fevrier 2019 du pape François

[vi] Is 43,5

[vii] Is 43,8

[viii] Is 49,19

[ix] &4 Lettre au famille 1994 – JP2

[x] Cf. ibidem.

[xi] &79 Sacramentum Caritas

[xii] cf. Ep 1, 10; 3, 8-11

[xiii] cf. 1 Jn 4, 7-8

[xiv] &8 Sacramentum Caritas

[xv] &80 Sacramentum Caritas

[xvi] « Si cette très grave calamité est parvenue à toucher certains ministres consacrés, on se demande dans quelle mesure elle est profonde dans nos sociétés et dans nos familles ? » (Discours à la Curie romaine, 21 décembre 2018).

[xvii] Discours du 24 fevrier 2019 du pape François

[xviii] &262 Amoris Laetitia

[xix] Discours du 24 fevrier 2019 du pape François