2019. Lettre du mois de Marie

Télécharger la lettre en PDF

 

 « Une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds,

et sur la tête une couronne de douze étoiles. »[i]

 

ŒRôle de Marie dans le mystère du salut

 

La place de Marie dans l’histoire du salut est unique. En même temps nous sommes appelés à la vénérer comme le modèle de liberté du croyant qui par le oui de l’obéissance permet l’accomplissement de la réalisation de la Parole. « Sa foi obéissante place son existence à chaque instant face à l’initiative de Dieu. Vierge à l’écoute, elle vit en pleine syntonie[1]avec la volonté divine ; elle garde dans son cœur les événements de la vie de son Fils, en les ordonnant en une seule mosaïque[ii]. »[iii] Marie est bien un chemin de foi pour chacun d’entre nous. Elle nous exhorte toujours à regarder vers le Christ en nous priant de faire tout ce qu’Il nous dira. Une invitation à entrer dans le mystère de communion, chemin de docilité à la Parole, où la liberté retrouve tout l’espace de son expression. Comme un chemin de foi où l’espérance du salut s’obtient par l’obéissance de l’amour. « Chaque saint est un message que l’Esprit Saint puise dans la richesse de Jésus-Christ et offre à son peuple. »[iv]Particulièrement vrai avec Marie, car nous pouvons y voir une confiance en Dieu. L’expérience de la communion pleine et entière illumine tout son quotidien de la présence du Tout Puissant. La Sainteté de son Nom se vérifie dans l’actualité de sa révélation. Il est là comme un feu d’amour et distille la joie dans l’équilibre d’une relation ajustée avec Dieu et se vérifie par l’amour sincère dans le don. Le Seigneur, notre Dieu illumine l’existence de Marie à travers l’harmonie de la disponibilité de la Vierge, et de son oui à la grâce.« Marie, qui a su découvrir la nouveauté que Jésus apportait, chantait : « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur »[v] »[vi]Prier Marie, c’est découvrir d’une autre manière la joie de Dieu pour son peuple, et la grâce de l’obéissance confiante dans la collaboration d’une Parole qui agit. Dieu passe par Marie pour accomplir sa promesse et réaliser son alliance jusqu’à l’incarnation du Fils.

 

 Lorsque Marie dit oui, elle exprime une liberté que le péché originel avait ôté à l’homme, et qu’elle a retrouvée et dite de manière positive en écoutant la Parole de Dieu et en la faisant sienne. « La réalité humaine, créée par le Verbe, trouve vraiment son plein accomplissement dans la foi obéissante de Marie. De l’Annonciation à la Pentecôte, elle se présente à nous comme la femme totalement disponible à la volonté de Dieu. »[vii].Il en va de même pour nous, en effet, quand bien même nous sommes atteints par le péché originel, notre choix de suivre Dieu est toujours questionné, et notre liberté engagée, même si nous n’avons pas la pleine connaissance, puisque nous manquons de confiance. Faire mémoire de l’histoire de Dieu dans la vie des hommes nous invite à nous resituer de manière positive dans une volonté de le suivre jusqu’au bout, une volonté d’entrer en communion avec Lui et une confiance en sa grâce toujours première dans notre vie, puisqu’elle nous a permis d’être. C’est par grâce que Dieu nous a créés, et qu’Il continue de nous aimer malgré nos distances, et avec nos adhésions. « C’est Dieu qui gouverne le monde et non pas nous. Nous, nous lui offrons uniquement nos services, pour autant que nous le pouvons, et tant qu’il nous en donne la force. Faire cependant ce qui nous est possible, avec la force dont nous disposons, telle est la tâche qui maintient le bon serviteur de Jésus-Christ toujours en mouvement: «L’amour du Christ nous pousse»[viii]. »[ix]La Vierge Marie a cette force de l’amour qui pousse à rendre dynamique la Parole dans les choix de vie. Rien n’est impossible puisque c’est le Seigneur qui fait, et qu’elle fait confiance. Avec Marie nous saisissons ainsi le dessein de Dieu comme une providence offerte. Une action qui ne dépend pas de nous, et dont nous ne sommes pas propriétaires, et de plus ne repose pas sur nos forces, mais fruit de la Parole, action de l’Esprit Saint, chemin de vie. Nous retrouvons cette liberté parce que nous vivons la confiance. La liberté de la foi dans l’intelligence des Ecritures, nous amène à ne plus compter sur nous-mêmes, mais à laisser Dieu agir.  

 

 

 

 

Marie un visage de l’amour qui plait à Dieu et irradie la relation fraternelle de la communion

 L’amour de Dieu ne cesse pas de s’étendre dans les cœurs qui lui laissent une place. «  Les êtres humains ont toujours besoin de quelque chose de plus … Ils ont besoin d’humanité. Ils ont besoin de l’attention du cœur. Les personnes …. les Institutions caritatives …l’Église doivent se distinguer par le fait …qu’elles se consacrent à autrui avec des attentions qui leur viennent du cœur, de manière à ce qu’autrui puisse éprouver leur richesse d’humanité » La foi en Dieu est un chemin de l’amour, il vit sa réalité dans l’alliance par l’accomplissement de la Parole et trouve son prolongement dans le don de la grâce prévenante. Le Seigneur Dieu continue aujourd’hui,  de se révéler jusqu’à ce que nos cœurs lui laissent l’unique place du chant de l’amour à la suite de Marie. « L’Eglise acclame Marie de Nazareth comme son commencement [x]parce que, dans l’événement de la conception immaculée, elle voit s’appliquer, par anticipation dans le plus noble de ses membres, la grâce salvifique de la Pâque, et surtout parce que dans l’événement de l’Incarnation elle trouve le Christ et Marie indissolublement associés »[xi]La Vierge Mère a donc une présence active dans la vie de l’Eglise et lorsque Jésus nous la donne à la croix, non seulement elle est Mère de l’Eglise mais elle est la mère de chacun de ceux qui suivent la Parole révélée. Il y a bien une dimension ecclésiale et personnelle. La relation à Marie est le bien commun de l’Eglise, mais aussi une relation maternelle aimante. Elle m’invite à regarder vers le Rédempteur et à transformer ma vie au feu de l’Esprit pour vivre la volonté du Père

 

Marie nous éduque à une liberté qui fait confiance et se vit dans la libre observance amoureuse de la Parole. Elle nous introduit au cheminement des Ecritures avec bienveillance. Par le mystère de l’incarnation, elle révèle la présence de la vie du Fils en chacun de nous, comme lieu de l’amour. « Il ne s’agit pas ici seulement de l’histoire de la Vierge Mère, de l’itinéraire personnel de sa foi et de la «meilleure part» qu’elle a dans le mystère du salut, mais aussi de l’histoire de tout le Peuple de Dieu, de tous ceux qui participent au même pèlerinage de la foi. »[xii]Vouloir marcher dans la foi demande alors de contempler la vie de Marie pour se mettre, à sa suite, au service du Rédempteur. La foi est un don de Dieu que nous devons travailler dans la vertu pour se mettre à disposition du Créateur et suivre la lumière de la Parole sur notre route afin de nous orienter et témoigner de l’amour vivant dans mes paroles et dans mes actes. « Ainsi Marie, fille d’Adam, donnant à la Parole de Dieu son consentement, devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant, au mystère de la Rédemption »[xiii]La volonté divine que Marie accomplit est pour nous un chemin, elle éclaire notre route et oriente notre vie à travers cette disponibilité à l’amour. La communion en Dieu me fait habiter sa présence et m’affermit dans ma vocation d’image de Dieu appelé à ressembler à mon Créateur dans le don de l’amour. Jésus en est l’accomplissement parfait, et Marie un chemin de l’humble réalisation sur la route de sainteté auquel nous sommes tous appelés, chacun selon sa grâce et ses charismes. Marie a cru en l’amour de Dieu et nous invite à ce chemin de confiance, cela demande de nous abandonner complètement à Lui. Suivre le souffle de l’Esprit a bien quelque chose de non maîtrisable, et en même temps déploie une fécondité dans la lumière de la foi qu’elle propage. L’amour redonne sens à toute vie. Annoncer l’amour à la suite de Marie est un chemin pascal car la charité illumine toute vie, chasse toute violence et amorce un témoignage d’artisan de paix.

.

 

ŽLa dévotion à Marie

            Il y a une authenticité de la foi à vivre la dévotion à Marie, comme une continuité de la Parole. Il ne s’agit pas simplement d’entendre la Parole mais aussi de la vivre, et de la témoigner avec audace. Marie nous montre ce chemin de foi. Il est d’abord réception du message de l’ange, et transformation de toute sa vie en recevant le Sauveur .Mais cette transformation n’est pas statique, La Vierge mère se met au service de sa cousine Elisabeth, et elle va en chemin. Parce que la foi se vit toujours en acte d’amour à travers la réalité de l’espérance du salut.

 

Ainsi par le service auprès de mon prochain je rends plus fort mon amour pour Dieu et j’en témoigne d’une manière plus efficace. Néanmoins Marie une fois chez Elisabeth témoigne de l’amour de Dieu dans sa vie à travers le Magnificat. Il est illusoire de croire que seul le témoignage de vie, les actes d’amour, sans annonce explicite, seraient féconds. Ce qui est premier c’est l’amour en acte. Mais l’annonce n’est pas secondaire, nous avons à partager la vie de Dieu en nous de manière explicite avec le zèle de l’Esprit Saint. Marie a puisé dans les Ecritures l’annonce de sa foi, comme Jésus à Emmaüs puise dans les Ecritures l’annonce de la résurrection. Aujourd’hui, nous avons à témoigner de ce qui nous fait vivre dans une contemplation des Ecritures, et une relecture de nos choix de vies. « Il y a un rapport étroit entre le témoignage de l’Écriture, comme attestation que la Parole de Dieu donne d’elle-même, et le témoignage de vie des croyants. L’un implique l’autre et y conduit. Le témoignage chrétien communique la Parole attestée dans les Écritures. Les Écritures, à leur tour, expliquent le témoignage que les chrétiens sont appelés à donner dans leur propre vie. Ceux qui rencontrent des témoins crédibles de l’Évangile sont ainsi amenés à constater l’efficacité de la Parole de Dieu chez ceux qui l’accueillent. »[xiv]La vie chrétienne ne peut être une vie d’ambiance affective, ou de réunions de valeurs communes, elle est d’abord une rencontre avec Dieu, une disponibilité au souffle de l’Esprit. Un engagement de bonheur que nous montre la vérité de  l’amour du Christ. La dévotion à Marie dans la contemplation des mystères du rosaire fait mémoire de l’action de Dieu dans la vie des hommes, et des choix que nous avons à poser pour témoigner du don de soi-même et la joie du service. « Cette relation intime entre la Parole de Dieu et la joie est manifestée avec évidence chez la Mère de Dieu. Rappelons les paroles de sainte Élisabeth : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur »[xv]. Marie est bienheureuse parce qu’elle a la foi, qu’elle a cru, et que dans cette foi, elle a accueilli dans son sein le Verbe de Dieu pour le donner au monde »[xvi]Elle est non seulement un modèle de vie, mais notre Mère, et nous apprend, à sa suite à aimer Jésus de manière ajustée.

 

A travers la dévotion à Marie nous sentons cette expérience de la confiance en Dieu  et nous faisons l’expérience de la protection maternelle. Elle a une expérience unique de la proximité de Dieu et nous sommes invités à ce partage d’expérience dans la prière confiante. « Le développement, que nous souhaitons, de la dévotion envers la Vierge Marie, … s’insère au centre du culte unique appelé à bon droit chrétien – car c’est du Christ qu’il tire son origine et son efficacité, c’est dans le Christ qu’il trouve sa pleine expression et c’est par le Christ que, dans l’Esprit, il conduit au Père –, est un des éléments qui qualifient la piété authentique de l’Église. Par nécessité intime, en effet, celle-ci reflète dans la pratique du culte le plan rédempteur de Dieu : à la place toute spéciale que Marie y a tenue correspond un culte tout spécial envers elle [xvii]; de même chaque développement authentique du culte chrétien entraîne nécessairement un accroissement proportionné de vénération pour la Mère du Seigneur »[xviii]C’est une tradition multi séculaire de mettre la Mère du Rédempteur à l’honneur, et de nous laisser guider par ses prières pour atteindre le cœur de notre Sauveur. Par elle, nous pouvons demander le don suprême de la foi qui est le bien le plus précieux pour entrer dans l’espérance du salut, et vivre l’amour dans la logique de Dieu et non dans l’esprit du monde. Marie nous montre comment l’amour se fait service et comble de bonheur ceux qui le vivent parce que cela correspond à la vocation première de chaque être humain. Nous sommes faits par l’amour, nous sommes appelés dans l’amour et nous témoignons l’amour par le don sincère de soi-même.

 

La dévotion à Marie nous conduit de façon inexorable au Christ par une conscience de la présence de Dieu dans notre vie. « Car si l’amour véritable est celui-là seul qui a la vertu d’unir les volontés, il est de toute nécessité que nous ayons cette même volonté avec Marie de servir Jésus Notre Seigneur… Quiconque veut que sa dévotion envers la Vierge soit digne d’elle et parfaite, doit aller plus loin, et tendre par tous les effort à l’imitation de ses exemples »[xix]La dévotion entraine une modélisation de notre vie à la suite de la Sainte Vierge, et une exemplarité de ce que nous avons à témoigner autour de nous. Par Marie nous regardons le chemin de pureté de tout notre être dans cette fidélité qui convient à la piété comme lieu de liberté, afin de se laisser saisir par Dieu dans l’appel à la sainteté, et vivre la communion dans la concorde de tout notre être.

 

Consécration du monde à Marie

La dévotion de notre prière à Marie nous apprend à garder la fidélité du cœur pour nous attacher à Dieu et vivre la communion en toute chose. « La consécration à la Mère de Dieu est un don total de soi, pour la vie et pour l’éternité ; ce n’est pas un don de pure forme ou de sentiment, mais un don effectif, accompli dans l’intensité de la vie chrétienne et mariale, dans la vie apostolique par le débordement spontané d’une vie intérieure surabondante, qui se reverse en toutes les œuvres extérieures d’une solide dévotion, en celles du culte, de la charité et du zèle. »[xx]Cela se vit dans une fidélité à la Parole, comme lieu de ressourcement intérieur et de lumière dans le cheminement de la foi.

 

 

Une fidélité qui demande l’amour.

La fidélité est d’abord une histoire d’amour et de recherche de communion. Dieu en premier dans tout ce que l’on fait. Cette recherche d’entrer dans le plan de Dieu jusqu’à demander « comment cela peut-il se faire ». Une foi qui dès l’annonciation demande de s’accorder au désir de Dieu et comme une biche désire l’eau vive, d’avoir l’âme assoiffée de la présence du Tout Puissant. « Il n’y a pas de fidélité, s’il n’y a pas, à la racine, cette recherche ardente, patiente et généreuse ; s’il n’y a pas dans le cœur de l’homme une question à laquelle seul Dieu peut apporter une réponse, ou plutôt dont Dieu seul est la réponse »[xxi]. Le chemin de foi est pour nous l’occasion d’avancer avec confiance en tenant la main de Marie qui nous conduit vers son Fils. C’est en cela qu’elle est médiatrice de toute grâce.

 

 

Une fidélité qui demande le don

Il ne s’agit pas simplement d’accueillir la Parole mais aussi de l’accepter et d’en produire les fruits nécessaires à la conversion. La transformation de tout notre être est dans l’acceptation du don, comme lieu de re-création vocationnel, comme lieu de récréation relationnelle. Nous ne pouvons pas mettre la main sur Dieu ou Lui dire ce qu’Il doit absolument faire. Il s’agit dans l’humble dialogue, de s’abandonner à sa providence, Lui faire confiance et accepter de mûrir dans nos cœurs ce mystère du dessein de Dieu, à la suite de Marie. Tout garder au fond du cœur afin de faire mémoire dans une relecture croyante des bienfaits que nous ne comprenons pas tout de suite, mais qui apparaissent lors du pèlerinage effectué. « C’est le moment où l’homme s’abandonne au mystère non avec la résignation de quelqu’un qui capitule devant une énigme ou une absurdité, mais avec la disponibilité de quelqu’un qui s’ouvre pour être habité par quelque chose – ou plutôt par quelqu’un – qui est plus grand que son cœur »[xxii]. Une adhésion du cœur qui entre dans le mystère – sans vouloir en faire le tour dans l’orgueil d’une connaissance suffisante – bien au contraire dans le puits de connaissance être toujours en recherche prompt à l’émerveillement et la confiance.

 

Une fidélité qui demande la cohérence

Les scandales de l’Eglise aujourd’hui font suite à d’autres scandales tels la simonie au début de l’Eglise ou la vie dissolue des prêtres au temps de Grégoire VII (à travers la réforme grégorienne, il rappelle l’importance du célibat sacerdotal). Autant de faits rappelant dans tous les temps l’importance du témoignage de vie et de la fidélité à la Parole donnée, un appel à la persévérance de nos choix dans les actes de notre vie, sans récrimination, ni murmure mais toujours avec disponibilité et offrande sincère de soi-même. Oui nous connaitrons nos départs précipités vers l’Egypte, et ces moments de fuites incompréhensibles avec la promesse de bonheur, oui, nous connaitrons le scandale de la croix et l’incompréhension qui nous touche mais l’alliance de Dieu demeure vivante en nous lorsque nous y répondons.  « Quelle promesse est-ce que je porte dans le cœur, à poursuivre ? Marie, sans aucun doute, aura eu une mission difficile, mais les difficultés n’étaient pas une raison pour dire “non”. Certes elle aura des difficultés, mais ce ne seront pas les mêmes difficultés qui apparaissent quand la lâcheté nous paralyse du fait que tout n’est pas clair ni assuré par avance. Marie n’a pas acheté une assurance sur la vie ! Marie … est forte, pour cela elle est une influencée, elle est l’influencée de Dieu ! Le “oui” et le désir de servir ont été plus forts que les doutes et les difficultés »[xxiii] ».Ainsià la suite de Marie, nous devons rester fidèles dans cette cohérence de notre vie de baptisés, engagés derrière le Christ pour être prêtre prophète et roi . Nous ne devons pas nous laisser envahir par l’esprit du monde, et rendre légitime ce que fait le plus grand nombre. La cohérence de la foi demande la vérité de nos actes, sans concession ni compromission. Qu’est-ce que tu me demandes Seigneur de vivre aujourd’hui ? Cela répond à la fidélité de l’amour comme lieu de cheminement pour nous laisser transformer et construire dans l’ajustement de notre vie la Parole de l’alliance comme lieu de résolution de la Promesse du Verbe incarné, d’accomplissement de la volonté du Père, de réponse au souffle de l’Esprit Saint. « C’est en définitive reconnaître pour quoi je suis fait, le pourquoi d’un passage sur cette terre, reconnaître quel est le projet du Seigneur pour ma vie. Il ne m’indiquera pas tous les lieux, les temps et les détails, que je choisirai avec sagesse, mais oui, il y a une orientation de ma vie qu’il doit me montrer, parce qu’il est mon Créateur, mon potier, et que j’ai besoin d’écouter sa voix pour me laisser façonner et porter par lui. Alors, je serai ce que je dois être et je serai aussi fidèle à ma propre réalité. »[xxiv]

 

Une fidélité qui demande la persévérance

C’est peut être un des aspects les plus marquants de notre foi. C’est tout entier, tout le temps, à chaque âge de la vie que nous avons à persévérer dans l’amour de Dieu. Au printemps nous sommes pleins d’espérance et le oui résonne comme une promesse d’un avenir, à l’été nous récoltons le fruit de notre terre, comme un lieu savoureux d’un désir plus intense de l’amour, commencent les vendanges de l’automne, et de ses morsures, où nous avons à approfondir dans l’obscurité de notre vie la grâce de Dieu, et l’hiver de nos combats spirituels, comme un lieu de passage vers d’autres relations plus dépouillées, et en même temps plus généreuses d’une communion intense. Marie, de la jeune fille de Nazareth à la mère de l’Eglise lors de la Pentecôte nous fait entrer dans cette fidélité du temps  qui tient l’épreuve de la durée comme une exigence dans la constance. Cohérent un jour, cohérent toujours en persévérant dans le oui donné une fois et qui nous engage pour l’éternité. « De toutes les leçons que la Sainte Vierge donne à ses fils, c’est peut-être la plus belle et la plus importante »[xxv]. Ce oui qui dure pour l’éternité et ne dépend pas de l’histoire des hommes mais bien de la volonté de Dieu et de notre disponibilité à lui obéir en toute occasion. Combien de couples, en méditant cette persévérance de la fidélité pourraient rénover leurs relations dans un fruit d’amour qui demeure. C’est le chemin de chacun d’entre nous, dans le oui du mariage, comme dans celui de l’engagement religieux ou sacerdotal, nous avons à laisser la joie de l’appel rayonner sur toute notre vie dans ce dynamisme missionnaire où nous accueillons l’inattendu de Dieu et à la suite de Marie nous montrerons cette disponibilité sans faille.

 

Synthèse sur la fidélité

Nous trouvons alors cette joie de l’espérance, et nous marchons à la suite du Christ en disciples, accompagnés par Marie sa mère et notre mère. Une joie qui vient de l’Esprit Saint et qui commence à enlever les chaînes du péché, dans nos propres peurs, nos angoisses et la tristesse de nos fautes qui nous entravent. Oui l’amour et la dévotion pour Marie doivent continuer d’être dans nos cœurs comme un modèle.  « Apprends nous à croire comme toi-même tu as cru! Fais que notre foi en Dieu, en Jésus, dans l’Eglise, soit toujours limpide, sereine, courageuse, forte, généreuse… Cause de notre joie, prie pour nous ! Apprends-nous à savoir choisir, avec foi, le paradoxe de la joie chrétienne qui nait et fleurit de la douleur, des privations, de l’union avec ton Fils crucifié ; fais que notre joie soit toujours authentique et pleine »[xxvi]afin d’en témoigner. La consécration à Marie est chemin de fidélité à Dieu, par celle qui l’a vécu et qui nous accompagne sans cesse, dans ce lien maternel fait de bienveillance et d’accueil de nos limites pour nous faire progresser.

 

 

Quelques apparitions

Dans l’histoire de l’Eglise il y eut plusieurs apparitions mariales, et le Père Laurentin les a patiemment étudiées. Certaines ont été reconnues, d’autres (comme Catherine Labouré à Paris du 19 juillet au 27 novembre 1830) ne l’ont pas été faute d’enquête officielle, et certaines ont été contestées. Cela nous invite à une certaine prudence dans le discernement de ce que nous avons à vivre. D’autre part les premières apparitions mariales remontent au début de l’Eglise et n’apparaissent pas dans les reconnaissances officielles qui commencent au Moyen Age.

Elles n’en demeurent pas moins sérieuses et toutes ont des points spécifiques avec un schéma commun. Les apparitions mariales se font auprès des pauvres en esprit, Notre Dame de Guadalupe se montre à un obscur indigène, ce qui indispose l’évêque espagnol à qui il rend des comptes. Notre Dame de Lourdes apparait à une fille asthmatique et analphabète ayant un gros retard scolaire du fait de son incapacité financière à suivre les cours. Notre Dame de Fatima se montre aussi à des jeunes enfants préposés à garder les troupeaux et de surcroit analphabètes dans un village reculé. A chaque fois, la Vierge Marie se montre à ceux qui ont une disposition du cœur et une innocence de l’esprit les rendant disponibles à la grâce.

Notre Dame de Guadalupe le 12 décembre 1531

Ce lieu de pèlerinage au Mexique à Tepeyac est le plus grand centre marial au monde en termes de fréquentation. C’est le lieu, avec la cathédrale Notre Dame de Paris, le plus visité d’après les statistiques du Vatican. La vierge apparait A Diego Cuauhtlatoatzin fraichement baptisé, et lui demande d’aller voir l’évêque pour construire une Eglise sur le lieu de l’apparition. Le prélat espagnol rabroue l’indigène en lui rappelant que si la Vierge devait apparaitre, c’est d’abord à des gens de savoirs et de sang supérieur. Néanmoins, il demande comme signe d’avoir des roses en plein hiver. Juan Diego tourne autour du lieu de l’apparition sans pourtant y aller pour ne pas rendre compte à la belle dame de son échec. Puis il s’y résout. Celle-ci lui fournit pourtant les plus belles roses jamais vues en saison sèche. Pour les conserver il les entoure de son manteau (tilma) et va courir les montrer à l’évêque (après un long périple), il déploie le manteau pour présenter les roses, et l’image de la Vierge y apparait revêtue d’un manteau étoilé couvert d’or comme mentionné dans l’Apocalypse. Une demande qui est exaucée par deux signes.  

 

L’invitation à la prière pour ce pays marqué par une effroyable violence, tout au long de son histoire et notamment l’anticatholicisme du gouvernement soutenu par les USA et conduisant à la guerre des Cristeros (1926-1929) montre l’importance de la prière, et du rétablissement du lien fraternel contre l’exploitation des personnes, et l’arrogance de l’argent prétendant régenter l’humain. Lorsque le laïcisme s’entend comme un combat contre la foi catholique, il faut réagir en artisan de paix, promouvoir la prière comme lieu de fraternisation, et voter en cohérence avec sa foi, refusant l’obscurantisme du clivage et des oppositions manichéennes. Notre Dame de Guadalupe invite à la prière pour recentrer notre regard sur le Christ et ne pas nous affoler dans l’esprit du monde, et les perversités idéologiques.

 

Avec Marie toutes les adversités peuvent être traversées avec sérénité car nous marchons sur le chemin de vie, poussés par la grande espérance du salut, enracinés dans l’intelligence de la foi. Le message n’est pas seulement pour une région mais pour tout un continent. « L’apparition de Marie à l’Indien Juan Diego sur la colline de Tepeyac, en 1531, eut des répercussions décisives pour l’évangélisation.[xxvii]Son influence dépasse largement les frontières du Mexique et s’étend au continent tout entier. Et l’Amérique, qui a été au long de son histoire et qui demeure un creuset de peuples, a reconnu dans le visage métissé de la Vierge de Tepeyac « le grand exemple d’évangélisation parfaitement inculturée qu’est sainte Marie de Guadalupe »[xxviii]. C’est pourquoi, non seulement au centre et au sud mais aussi au nord du continent, la Vierge de Guadalupe est vénérée comme la Reine de toute l’Amérique.[xxix] »[xxx]Peut-être est-il important de rappeler que quel que soit le contexte historique, l’annonce de la foi est une vérité première que les circonstances historiques particulières ne peuvent amoindrir. Le fait que des conquistadors, puis des colonisateurs aient annoncé la foi n’enlève rien au message du christianisme ni à la vérité de l’amour qui est toujours premier. Notre Dame de Guadalupe nous rappelle ainsi que l’évangélisation est d’abord un lieu de rapprochement des peuples, et d’une annonce dans une culture donnée, et non quelque chose d’extérieur. Dieu continue de nous parler à travers la Vierge Marie de la beauté de la richesse culturelle dans une même foi en Jésus Christ.

 

Notre Dame du Laus de mai 1664 jusqu’en  1718

L’apparition mariale de Notre Dame du Laus est l’une des plus longues. La Vierge apparait à Benoit Rencurel, pour déployer la miséricorde divine, dans ce souci de conversion, par la lecture des consciences que Benoit a reçues de l’Esprit Saint à la demande de la Vierge Marie. C’est l’occasion pour les pèlerins d’une véritable conversion et en même temps pour la voyante un appel au dépouillement dans une relation patiente, malgré les doutes, une démarche de persévérance amenant à une vraie réconciliation avec Dieu pour tous ceux qui font la démarche de s’ouvrir à la grâce de la prière en ce lieu. « Un appel à former la conscience et à la rendre objet d’une conversion continuelle à la vérité et au bien. … à ne pas se conformer à la mentalité de ce monde, mais à se transformer en renouvelant notre jugement[xxxi]. En réalité, c’est le « cœur » tourné vers le Seigneur et vers l’amour du bien qui est la source des jugements vrais de la conscience. En effet, « pour pouvoir discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait »[xxxii], la connaissance de la Loi de Dieu est certes généralement nécessaire, mais elle n’est pas suffisante : il est indispensable qu’il existe … les dispositions vertueuses de l’homme lui-même »[xxxiii]La grâce de l’apparition mariale est justement de servir d’étincelle qui amène au feu de l’amour ; la conversion est d’abord un chemin de vérité dans la transformation de nos vies, dans la réalité de nos limites et l’obscurité du péché, savoir se réconcilier et aller de l’avant.

 

Depuis 1665, des témoignages de grâces, de conversions, et de guérisons tant physiques que psychologiques et spirituelles ont lieu. La laïcisation ambiante de la France a mis ce lieu de pèlerinage en déshérence, mais grâce au charisme de Mgr di Falco Léandri, et le financement obtenu par la collecte des prêtres chanteurs, l’endroit a vécu une renaissance. L’huile de Laus est une source de fréquentes guérisons.

                                  

Notre Dame de Lourdes du 11 fevrier au 16 juillet 1858

 La Vierge apparait 18 fois à Bernadette Soubirous entre le 11 fevrier et le 16 juillet 1858. (il est raisonnable de penser qu’elle a eu d’autres interventions célestes … mais faute d’enquête officielle de l’Eglise il parait difficile de se positionner). Ces apparitions à Lourdes affirment le dogme prononcé trois ans plus tôt par le Pape Pie IX de l’immaculée Conception. C’est une des rares apparitions à confirmer un dogme et à prendre le titre même de ce qui venait d’être proclamé. Ce qui a fait sensation pour le curé de l’époque qui pensait bien que la pauvre Bernadette n’avait jamais entendu parler de ce terme dit en patois lourdais « Que soye era immacula da conception ». Une annonce qui permet en même temps de comprendre que sa vocation première lui permet d’attendrir le bras de son fils et de faire venir l’Esprit Saint dans la guérison des personnes. « Il est normal que Marie, mère et modèle de l’Église, soit invoquée et vénérée comme Salus Infirmorum. Première et parfaite disciple de son fils, elle a toujours fait preuve en accompagnant le cheminement de l’Église d’une sollicitude particulière pour qui souffre… En célébrant les apparitions de Lourdes, lieu choisi par Marie pour manifester sa sollicitude maternelle envers les malades, la liturgie re-propose justement le Magnificat…qui n’est pas le cantique de ceux à qui sourit la fortune. Il est le merci de ceux qui connaissent les drames de la vie et mettent leur confiance dans l’œuvre rédemptrice de Dieu… Comme Marie, l’Église porte en elle les drames humains et la consolation divine au long de l’histoire… Acceptée et offerte, partagée sincèrement et gratuitement, la souffrance devient un miracle de l’amour… »[xxxiv]Lourdes est connu pour son eau miraculeuse, et les nombreuses guérisons octroyées dans ce lieu. Officiellement une soixantaine ont été reconnues, mais nous savons bien que l’intervention de Dieu n’est pas dans une comptabilité humaine, et que la miséricorde s’est opérée dans le secret des cœurs permettant des véritables conversions, des guérisons tant psychique que physiques, et un renouvellement de la foi des grands et des petits. Parmi les premiers miracles de Lourdes, notons la guérison de l’enfant de l’Empereur Napoléon III. L’impératrice ayant pu obtenir de l’eau de Lourdes, elle demande que cesse les tracasseries de l’Etat sur le lieu, et l’Eglise après une enquête des apparitions, le reconnut comme lieu de pèlerinage. Dans un climat très laïcard, et scientiste remettant en cause tout ce qui est religieux, il est important de voir que cette petite bourgade oubliée du sud de la France devient l’un des principaux lieux de convergence des voyageurs aujourd’hui, qu’ils viennent de France, d’Europe ou de tous les continents.

 

Notre Dame de Fatima du 13 mai au 13 octobre 1917

 L’apparition de Fatima a commencé en 1915 avec la vision de l’ange de la Paix qui se présente comme l’Ange du Portugal et invite les enfants à la prière. « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas » Il prépare l’apparition mariale de l’année 1917 et de l’invitation à la pénitence et à la prière, au vu des affres du monde qui s’abattent sur les nations. Car l’apparition mariale n’est pas simplement un phénomène de l’histoire portugaise, elle invite à la conversion des hommes en mettant en garde contre les menaces du communisme en Russie, et de la seconde guerre mondiale concernant principalement l’hémisphère nord. Notre Dame de Fatima insiste pour la récitation du chapelet afin d’obtenir la paix dans le monde et la fin de la guerre. La prière que l’apparition promeut, demande d’intercéder auprès du Sauveur pour le salut du monde. Cette apparition ouvre à une lecture mystique de la fin des temps et par les miracles opérés de manière spectaculaire oriente à une intervention puissante de Dieu. La vision de l’Enfer travaille la conscience pour orienter la volonté vers le bien à rechercher. Les conséquences de nos prières sont la recherche du salut, et non une occupation passagère. « De l’amour envers Dieu découle la participation à la justice et à la bonté de Dieu envers autrui; aimer Dieu demande la liberté intérieure face à toute possession et à toutes les choses matérielles: l’amour de Dieu se révèle dans la responsabilité envers autrui.[xxxv] »[xxxvi]Marie nous invite à prendre conscience de la puissance de la prière et de ce qu’elle déclenche dans le cœur de Dieu et la relation fraternelle que nous avons à vivre.

 

Notre Dame de Kibeho (Rwanda) du 28 novembre 1981 au 28 novembre 1989

L’apparition de Kibeho commence dix ans avant le double génocide du Rwanda. Il y a un appel urgent à la conversion des cœurs dans cette demande insistance de repentance. La conversion est une demande pressante de la Vierge de Kibeho. Une constatation d’un monde qui court à sa perte en refusant l’amour de Dieu et la vie fraternelle en paix. La dissolution des mœurs et une complaisance au mal amène inéluctablement à une société fragmentée capable du pire au nom d’une folle indépendance. « Si cette autonomie impliquait la négation de la participation de la raison pratique à la sagesse du Créateur et divin Législateur, ou bien si elle suggérait une liberté créatrice des normes morales en fonction des contingences historiques ou de la diversité des sociétés et des cultures, une telle prétention d’autonomie contredirait l’enseignement de l’Eglise sur la vérité de l’homme[xxxvii]. Ce serait la mort de la liberté véritable : « Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort »[xxxviii]. »[xxxix]D’autre part la place de la souffrance comme lieu de rédemption amène à comprendre la croix du Christ comme un passage vers Pâques. Expier les péchés du monde, nous fait participer aux souffrances du Christ dans la réalité du lien fraternel. Nous sommes bien solidaires jusqu’à vivre dans une société qui structure le péché et nous rend solidaire des choix mortels. Cette apparition (comme celle Pontmain), annonce des événements pour la population. Elle est prophétique dans les tribulations que connaitra le Rwanda, et en même temps conforte la foi catholique par le témoignage des croyants tel Cyprien et Daphrose Rugamba. Ils n’ont pas cessé de dénoncer les appels à la violence entre Hutu et Tutsis, dont l’une des genèses est le clivage dans l’attribution des postes de la société et la disparité selon l’ethnie du pouvoir et de l’argent dans une forme de mépris affiché pour les sans dents hutus. Ils ont rappelé à chaque Rwandais que l’autre est d’abord un frère. Rappelons que justement, Cyprien a vécu une conversion personnelle lors d’un pèlerinage à Kibeho et qu’il a retrouvé la pratique religieuse mettant en acte l’Evangile du Christ.

Synthèse

 

« …Marie est présente dans la mission de l’Eglise, présente dans l’action de l’Eglise qui fait entrer dans le monde le Règne de son Fils [xl]. Cette présence de Marie connait de multiples modes d’expression à l’heure actuelle comme dans toute l’histoire de l’Eglise. Son action rayonne aussi de multiples manières: par la foi et la piété des fidèles individuellement, par les traditions des familles chrétiennes ou des «églises domestiques», des communautés paroissiales et missionnaires, des instituts religieux, des diocèses, par la force d’attraction et de rayonnement des grands sanctuaires où non seulement les individus ou les groupes locaux, mais parfois des nations et des continents entiers cherchent la rencontre avec la Mère du Seigneur, avec celle qui est bienheureuse parce qu’elle a cru, celle qui est la première parmi les croyants et pour cela est devenue Mère de l’Emmanuel… C’est là ce qu’évoquent les innombrables sanctuaires que la foi chrétienne a élevés au cours des siècles à Rome et dans le monde entier. C’est là ce qu’évoquent des centres comme Guadalupe, Lourdes, Fatima et d’autres dispersés dans différents pays, …. On pourrait parler peut-être d’une véritable «géographie» de la foi et de la piété mariale, qui comprend tous ces lieux de pèlerinage particulier du Peuple de Dieu à la recherche d’une rencontre avec la Mère de Dieu pour trouver, dans le rayonnement de la présence maternelle de «celle qui a cru», l’affermissement de sa propre foi. ….Dans la foi que Marie professa à l’Annonciation comme «servante du Seigneur» et dans laquelle elle «précède» sans cesse le Peuple de Dieu en marche sur toute la terre, l’Eglise, «perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière… sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit»[xli]. »[xlii]

 

Cette lettre ne traite que des apparitions mariales, afin d’amener les cœurs à se souvenir que la Théotokos est pour nous un modèle de foi. Elle nous invite à sa suite à vivre la confiance dans le Verbe incarné, sous le souffle de l’Esprit pour vivre l’aventure du Père dans l’obéissance à sa volonté qui est tout amour. D’autres apparitions mariales continueront d’être reconnues, puisque la Vierge ne cesse pas d’exercer sa présence auprès du peuple des croyants. Elle vient nous soutenir sur le chemin de la foi, nous réconforter dans l’amour et nous faire cheminer dans l’espérance du salut donné par Dieu. Il faut noter d’autres lieux de pèlerinage dont un des derniers reconnus par Rome est le calvaire de la paroisse Ste Trinité de Koumassi, en Côte d’Ivoire où la croix du Christ produit des miracles. Une femme ayant une vision du Christ demandant que la croix soit retirée des gravats, et après l’attente, le Christ demande qu’elle reste à terre comme lieu d’adoration et d’exercice de la miséricorde de Dieu dans une des paroisses les plus pauvres des quartiers d’Abidjan. Le mystère du salut s’opère sous différentes formes, et Marie en est une des voies.

 

‘La vierge Marie dans notre vie

 

La présence de la Vierge Marie nous relie à la maternité de la Mère qui nous aide à progresser dans la foi, et a la féminité nécessaire dans l’engagement particulier qui fait entrer en relation. L’Eglise a , dès sa naissance ,eu un rapport particulier avec la Mère de Jésus, qui au mystère du Calvaire a été donnée. Comme si la Mère de Jésus nous rappelait sans cesse la nécessaire fraternité que nous avons à vivre et comme à la Pentecôte, l’attente joyeuse de la réception de l’Esprit Saint qui nous envoie en mission. En éducatrice de la foi, elle nous lance sur les chemins de la civilisation de l’amour en nous protégeant de l’attaque du mauvais par la prière du chapelet, et nous invite à entrer dans une relation sincère à l’amour qui se partage.

 

Par le mystère de la Vierge Marie, nous saisissons aussi l’approche de la femme nouvelle, car elle rappelle à la dignité de l’homme, l’égale dignité de la femme dans une communion à retrouver à l’image de la Sainte Trinité. Marie est la servante du Seigneur mais révèle la splendeur de la vocation féminine dans la sagesse et le don de soi à travers la participation active à l’œuvre de Dieu et la réalisation de l’Alliance. « Si chaque femme peut se regarder dans la Vierge comme en un miroir de sa dignité et de sa vocation, chaque chrétien devraient être capable de reconnaitre dans le visage d’un enfant, d’une jeune fille, d’une mère, d’une personne âgée, quelque chose du mystère de celle qui est la Femme nouvelle ; comme motif salutaire de pureté et de respect , comme raison puissante pour assurer à la femme chrétienne, à toutes les femmes, la promotion humaine et le développement spirituel qui lui permettent de se refléter dans son modèle unique »[xliii]Marie. Peut-être pourrions-nous réfléchir plus intensément sur la grâce d’être femme[xliv]et de sa place qui n’est pas interchangeable avec celle de l’homme, mais qui n’est pas non plus étrangère dans les relations sociales et l’exercice du bien commun. « C’est pourquoi nous devons rejeter tout ce qui est contraire à l’Evangile ; la haine, la violence, les injustices, le manque de travail, l’imposition d’idéologies qui rabaissent la dignité de l’homme et de la femme »[xlv]ou refusent la beauté de l’altérité qui se vit dans la complémentarité. La Vierge Marie nous rappelle cet accueil de l’autre comme mon frère, et son fils, et elle nous invite à la fidélité à la Parole comme lieu de ressourcement pour nous approcher du Seigneur. Elle est un modèle des vertus théologales (la foi, l’espérance et la charité) pour nous accompagner sur ce chemin de persévérance à suivre les Ecritures et à les actualiser dans notre quotidien. Marie nous invite à une spiritualité d’accomplissement des Ecritures dans la méditation de la Parole, l’obéissance et la libre acceptation de l’inattendu qui nous envoie sur le chemin du monde partager notre joie. Une disponibilité du cœur, une vraie harmonie, la joie de Dieu avec l’acceptation de notre vocation, une suite d’accord de la joie qui devient symphonie de vie. Celle qui a connu l’intimité du Fils comme Mère, nous propose à une intimité avec Jésus comme frère, celle que nous vivons à travers l’Eucharistie et dans la charité que nous exerçons autour de nous.

 

Notre foi en Dieu un et Trine est indissociable du mystère de la révélation, et de l’histoire du salut. La place de  Marie et de son acte souverain de confiance en la Parole de Dieu y a toute sa place. Notre vie spirituelle passe par le oui de Marie et du don que le Fils de l’homme du haut de sa croix a fait à l’Eglise. En effet« La Vierge Mère est constamment présente dans ce cheminement de foi du Peuple de Dieu vers la lumière. Nous en avons pour témoignage particulier le cantique du «Magnificat» qui, jailli des profondeurs de la foi de Marie lors de la Visitation, ne cesse de résonner dans le coeur de l’Eglise à travers les siècles. Il est en effet répété quotidiennement dans la liturgie des Vêpres et dans bien d’autres actes de piété personnelle et communautaire. »[xlvi]Ne nous y trompons pas, Marie nous mène toujours au Fils, et nous invite à l’obéissance aux Ecritures, elle ne distord ni ne déroute, mais nous accompagne dans la transformation de notre vie et la conversion que nous avons à faire, en nous encourageant et nous octroyant les grâces de consolation nécessaires que seule une Mère est capable de produire.

 

’Synthèse Générale

 

La prière du chapelet, comme toutes les prières mariales trouvent leur source dans le mystère de la révélation et la place unique de Marie comme compagne de foi. Elle marche avec nous, à travers sa tendresse maternelle et se soucie de nous amener à son Fils, de nous révéler le Verbe Incarné et d’entrer dans la joie de la rencontre avec le Rédempteur .Marie ne nous détourne pas de son Fils comme pourrait le penser certains qui sont dans l’erreur de la foi, elle nous y conduit. Il n’y a pas d’Eglise, c’est-à-dire de frère, sans le rapport à la Mère du Sauveur, et son exemplarité à vivre la Parole de Dieu en toute obéissance, et dans la joie d’une liberté retrouvée pour tout homme. Le Christ vient nous sauver, et nous ouvre au bonheur de la communion, Marie, la première nous montre l’ajustement nécessaire afin de nous aider à ce passage de la communion à Dieu dans le don de l’amour. « La Vierge Marie … lors de l’Annonciation angélique, reçut le Verbe de Dieu à la fois dans son cœur et dans son corps, et présenta au monde la Vie, est reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur. Rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils, unie à lui par un lien étroit et indissoluble, elle reçoit cette immense charge et dignité d’être la Mère du Fils de Dieu, et, par conséquent, la fille de prédilection du Père et le sanctuaire du Saint-Esprit, don exceptionnel de grâce qui la met bien loin au-dessus de toutes les créatures dans le ciel et sur la terre»[xlvii]Il nous faut faire confiance en la providence divine pour nous laisser guider par Marie afin d’être en vérité avec la révélation de l’amour qui s’est fait connaitre à nous. Les apparitions de la Vierge Marie à travers tous les continents sont là pour nous rappeler son rôle premier et si proche de nous. Laissons nous guider par l’étoile du matin qui nous introduit au soleil levant, le Christ notre Sauveur. N’ayons pas peur de prier Marie. « Car toute influence salutaire de la part de la bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une disposition purement gratuite de Dieu : elle ne naît pas d’une nécessité objective, mais découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où elle tire toute sa vertu ; l’union immédiate des croyants avec le Christ ne s’en trouve en aucune manière empêchée, mais au contraire favorisée. » [xlviii]Sachons à travers la prière du chapelet et de la méditation des mystères approfondir l’intelligence des Ecritures et nous rendre disponibles à la grâce de l’Esprit Saint. Marie n’est peut-être qu’un passage « pas obligatoire », mais quelle grâce de faire la route avec elle à nos côtés. Combien d’attaques du malin peuvent être déjouées ! Laissons-nous aimer par Dieu et gardons au cœur le lien exceptionnel avec Marie qui nous permet par anticipation de profiter de la grâce du royaume.

 

Marie est héraut d’un Dieu Trinitaire, annonce d’un amour toujours présent, elle actualise la promesse dans la disponibilité d’un « que tout se fasse selon ta parole ». Elle redit la fidélité à Dieu en héroïne d’une confiance absolue et d’un abandon à la divine providence. Une joie de la rencontre et de la présence de Dieu qui demeure toujours fidèle. Oui, comme elle le chante dans le Magnificat : « Désormais tous les âges me diront bienheureuse ».

 

Père Greg. BELLUT

Curé de l’ensemble paroissial de Joinville le Pont

 

 

 

[1]Syntonie : Une solidarité entre la volonté humaine de Marie et la volonté de Dieu, une harmonie dans une communion pour régler la conduite sur les exigences de la foi, un accord de toute la personne (corps et âme) à la volonté de Dieu. (Synonyme : harmonie, avec une dimension psychique forte, c’est tout l’être qui est en harmonie, ce n’est pas juste un accord…)

[i]Ap 12,1

[ii]cf. Lc 2, 19.51 – Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 33 : AAS99 (2007), pp. 132-133).

[iii]&27 Verbum Domini

[iv]&21 Gaudete et exsultate

[v]Lc1, 47

[vi]&122 Gaudete et exsultate

[vii]&26 Verbum Domini

[viii]2 Co 5,14

[ix]&35 Dieu est amour

[x]Cf. “Roman Missal”, Preface of 8 December, Immaculate Conception of the Blessed Virgin Mary; Saint Ambrose, “De Institutione Virginis,” XV, 93-94: PL 16, 342; Second Vatican Ecumenical Council, Dogmatic Constitution on the Church “Lumen Gentium,” 68

[xi]&1 Rédemptoris Mater

[xii]&5 Rédemptoris Mater

[xiii]&56 Lumen gentium – Vatican II

[xiv]&97 Verbum Domini

[xv]Lc1, 45

[xvi]&124 Verbum domini

[xvii]Cf. Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, n. 66: AAS57 (1965), p. 65.

[xviii](intro) Marialis Cultus – Paul VI

[xix]Ad Diem Illum St Pie X, 2 fev 1904

[xx]Pie XII aux congrégations mariales 21 janv 1945

[xxi]Homélie a mexico le 26 janvier 1979 – Pape JP II

[xxii]idem

[xxiii]&44 Christus Vivit reprenant le Discours de la veillée des XXXIVèmesJournées Mondiales de la Jeunesse à Panama (26 janvier 2019):  L’Osservatore Romano, éd. française, n. 6 du 5 février 2019, p. 9.

[xxiv]&256 Christus Vivit

[xxv]idem

[xxvi]Homélie 31 mai 1979 JP II

[xxvii]Cf. Proposition 6.

[xxviii]Jean-Paul II, Discours d’ouverture de la IVe Conférence générale de l’épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, 12 octobre 1992), n. 24: AAS 85 (1993), p. 826; La Documentation catholique 89 (1992), p. 1030.

[xxix]Cf. National Conference of Catholic Bishops, Behold Your Mother Woman of Faith(Washington 1973), p. 37.

[xxx]&11 Ecclesia in america – JP II

[xxxi]cf. Rm 12, 2

[xxxii]Rm 12, 2

[xxxiii]&64 Veritatis Splendor

[xxxiv]Benoît XVI, le 11 février 2010 (source: VIS 100212 520)

[xxxv]Cf. ibid.PG 90, 962-966: SCh 9 (1943), pp. 69-75.

[xxxvi]&28 Spe Salvi

[xxxvii]Cf. GS 47

[xxxviii]Gn 2, 17

[xxxix]&40 Veritatis Splendo

[xl]Cf. “ibid.,” 13

[xli]Ibid.,” 13

[xlii]&28 Redemptoris Mater

[xliii]Homélie à ND de Suyapa (Honduras), 8 mars 1983 JPII

[xliv]Livre de Georgette Blaquière

[xlv]idem

[xlvi]&35 Redemptoris Mater

[xlvii]&52 Lumen Gentium

[xlviii]&60 Lumen Gentium