Lettre du 3ième dimanche du temps ordinaire

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« Lève-toi, va à Ninive » et proclame « selon la Parole du Seigneur ». Oui, il y a un dynamisme de la Parole, une expression de l’amour qui demande notre participation afin de répandre par notre témoignage de vie la révélation de Dieu autour de nous. La Parole nous met toujours en chemin, car elle est opérante. Comme nous le révèle la Genèse, Dieu dit et cela est, de même la Parole est opérante dans la prière, car elle se dit en nous et nous enjoint d’être en elle comme réponse à l’amour premier de Dieu. C’est l’action de grâce que nous faisons lorsque nous nous savons écoutés par le Seigneur, la joie de voir l’œuvre de Dieu se manifester dans notre vie. Certes, les autres peuvent nous dire que c’est psychologique ou un hasard, mais nous, nous savons que Dieu a été à l’œuvre et continue d’œuvrer. Notre confiance en Dieu dans l’œuvre de ses mains nous pousse à l’émerveillement de sa présence dans notre vie, enracine notre foi, fortifie notre amour et irrigue notre espérance dans la promesse du Salut éternel.

 

Les Ecritures éclairent toute notre existence de la présence de Dieu et nous sommes irradiés par la joie des signes que Dieu nous donne dans nos vies, c’est pourquoi avec le psalmiste nous pouvons prier « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route. »[i] La lecture de la Bible, dans un partage généreux de notre temps, est une source de témoignage et parallèlement nous laisse entendre notre appel propre à vivre selon les charismes que Dieu nous a donnés. « Tu fais le bonheur de ton serviteur, Seigneur, selon ta parole. Apprends-moi à bien saisir, à bien juger : je me fie à tes volontés »[ii] Il y a une joie à écouter la voix du Seigneur, un tressaillement d’allégresse à vivre ses volontés, un bonheur à accorder notre vie à son appel et à vivre selon les grâces qu’Il nous donne. Concrètement il ne faut pas ouvrir la Bible par devoir, ou pour faire le minimum requis, mais bien être dans cette quête de la recherche d’une vérité intérieure qui se laisse découvrir, c’est-à-dire vivre la générosité de notre temps et développer la curiosité de notre intelligence pour se laisser pétrir par la grâce et enfin bien saisir la Parole aujourd’hui. Oui, il nous faut méditer les textes du jour, des revues peuvent nous aider, mais il faut aussi prendre du temps pour lire la Bible gratuitement, en prenant une page ou l’autre, par jour, comme ça, juste pour laisser le souffle de Dieu passer à travers la méditation de la Parole et, dans le moment présent, demeurer à l’écoute. C’est cela accomplir notre vocation baptismale prophétique de veilleur, dans l’étude de la Parole et le surgissement de l’inattendu de Dieu, non de manière très utile ou bien calculée, ou dans une démarche scientifique ou de connaissance, mais juste dans une présence à l’Eternel Présent, en recherchant sans cesse une relation plus intime avec Lui dans notre cœur, pour le rendre tout brûlant de sa présence. Bâtir sur le roc notre vie demande, entre autres, une familiarité avec les Écritures.

 

Nous le savons bien, cela n’exempte pas des combats spirituels et des situations difficiles, mais Dieu est toujours avec nous et il nous faut rechercher comment vivre notre appel à travers la croix et la joie de la résurrection. La Parole de Dieu est clarté dans notre vieet nous invite librement à une adhésion du cœur pour témoigner de cette relation profonde avec notre Seigneur. « Employons-nous à une meilleure formation, à un approfondissement de notre amour et à un témoignage plus clair de l’Évangile. »[iii] Ce témoignage de l’Evangile demande une connaissance de la Parole pour en faire notre feuille de route, …notre histoire de vie.

1     Une parole de reconnaissance de l’amour

Lorsque Dieu s’adresse à nous c’est par une parole d’amour, qui engendre la vie en abondance et appelle à redonner sens à la vie en puisant à la source originelle de la création à l’image de Dieu. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » La Parole nous ramène donc à méditer sur la source de la vie comme lieu de communion avec l’amour de Dieu et de recherche d’unité avec nos frères. « « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme »[iv]. Cela nous permet de reconnaître pleinement les dons précieux reçus du Créateur : la valeur de notre propre corps, le don de la raison, de la liberté et de la conscience »[v]Lorsque Dieu nous parle, c’est tout notre être qui résonne en écho et participe à la responsabilité de répondre aux exigences de vivre selon la Parole au nom même de l’amour. Or la lumière de la résurrection illumine notre regard sur la Parole d’un nouvel axe car l’incarnation enracine le principe de réalisation de la fraternité voulu par Dieu. « Dès le début, les chrétiens ont eu conscience que, dans le Christ, la Parole de Dieu est présente en tant que Personne. La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. »[vi] Il nous faut reconnaître cette Parole d’amour par nos cris de joie en nous rappelant la fidélité du Seigneur et sa tendresse pour chacun de nous.

 

Vivre en confiance cet amour de Dieu, qui est de toujours à toujours, nous dit le psaume[vii] est une invitation permanente à rechercher l’ajustement à la Parole et écouter l’Esprit parler dans notre cœur et discerner aussi les attaques de l’Adversaire. Or la vie chrétienne, notamment à travers les sacrements, nous aide à progresser dans la foi. Sachons-le, « sans la reconnaissance de la présence réelle du Seigneur dans l’eucharistie, l’intelligence de l’Écriture demeure incomplète. »[viii] Dans la vie de prière et le sacrement de charité qu’est l’eucharistie, nous sentons notre cœur brûler au feu des Écritures et nous témoignons d’une vie réconciliée en Dieu. L’importance de l’adoration eucharistique est un murissement de la vie intérieure. Nous avons à progresser pour faire silence et écouter notre Seigneur. Or, toutes les pensées nous assaillent et l’adoration nous met en repos pour nous laisser toucher par la présence divine, arrêter ce qui vagabonde dans notre tête et entendre résonner l’appel au bonheur.

 

L’amour demande d’être toujours en dialogue, dans l’écoute de la prière et le silence, mais aussi à travers la méditation de la Parole pour nous laisser transformer. « Une authentique vie de prière ne pourra que faire grandir… le désir de connaître toujours plus le Dieu qui s’est révélé dans sa Parole comme amour infini. »[ix] Cette connaissance de Dieu amour introduit au service de son œuvre et dans le don sincère de nous-mêmes, parce que nous savons que l’amour est don. Nous devons impérativement passer par la médiation du temps pour grandir dans l’amour et porter du fruit. « Aime-Le comme Il le mérite, bonté immense ; mais il n’y a pas d’amour de qualité sans la patience. »[x] La recherche du meilleur bien demande de vivre avec patience toutes les épreuves de notre vie pour entrevoir la réalisation du Royaume dans cette civilisation de l’amour à laquelle nous aspirons et que nous devons construire. « L’espérance s’enracine en pratique dans la vertu de patience, qui ne fait pas défaut dans le bien, pas même face à l’échec apparent, et dans celle d’humilité, qui accepte le mystère de Dieu et qui Lui fait confiance même dans l’obscurité »[xi] C’est un chemin de conversion, dans ce monde qui passe, et d’attente de la réalisation de la promesse dans la seconde venue du Christ.

 

La vie du Christ est pour nous une relecture de l’histoire de l’homme en adéquation avec la volonté de Dieu et un chemin de vérité dans le dialogue afin d’accueillir la volonté du Père. « La foi, donc, reconnaît le Verbe de Dieu, en accueillant les gestes et les paroles par lesquels il se présente lui-même à nous. »[xii] L’enjeu pour notre vie est de nous laisser saisir par l’amour et d’y répondre dans un engagement intégral, parce que Dieu nous veut tout entier à son service, chacun suivant son charisme. « Comment, jeune, garder pur son chemin ? En observant ta Parole. De tout mon cœur, je te cherche ; garde moi de fuir tes volontés. »[xiii] La pureté du cœur est contemplation de notre Seigneur, c’est-à-dire résonnance intérieure à la voix de Dieu et l’écoute de ses pas, qui révèlent sa présence. C’est pourquoi, chaque jour, le regard tourné vers le Christ nous oriente inéluctablement dans le souffle de l’Esprit vers une responsabilité de nos actes en tant que fils de lumière. Que ferait le Christ à notre place ? devrait être la question permanente et le questionnement qui sous-tend tous nos choix responsables.

 

Lorsque nous accueillons la Parole dans notre vie et que nous répondons à son appel, l’amour devient un chemin d’évidence et d’accroissement de notre liberté, service et relation étant ajustés au don de soi. Tout prend un nouveau sens, parce que l’amour de Dieu nous transforme et nous envoie sur les chemins du monde, afin de révéler sa présence à tous. « Je trouve en tes commandements mon plaisir, je n’oublie pas ta Parole. »[xiv] Le plaisir de laisser notre être répondre à ce désir de Dieu nous fait tout voir sous l’angle de l’amour mystérieux et universel de Dieu. C’est pourquoi ne rien préférer à l’amour de Jésus au milieu de nous, c’est témoigner d’une relation authentique et prophétique. En effet, nous redonnons un sens nouveau à notre existence par ce qui a été contaminé par l’immédiateté de ce monde et le naufrage d’une culture de mort.  Plus nous aimons Dieu, plus nous en témoignons, et plus notre amourgrandit jusqu’à Lui donner toute notre vie. La folie du monde est d’ignorer la présence de Dieu, la sagesse de la Parole nous recentre sur ce qui est essentiel. Le désir de Dieu et la recherche de notre liberté à accueillir nous appellent à cultiver la ferveur dans la prière, afin de laisser Dieu faire son œuvre. Travailler ce désir de Dieu, c’est ouvrir notre volonté à vouloir le servir et nous mettre sous son ombre, c’est œuvrer pour la liberté dans la vérité de l’amour. La Parole est vérité, et nous conduit sur le chemin de vie.

2     Une parole d’espérance dans ce monde qui passe

 

L’amour est la grande porte du dialogue avec Dieu, qui demande la vérité de nos actes pour pleinement être en relation. Le monde passe, mais l’amour demeure, c’est pourquoi il ne sert à rien de s’agiter. « Nous devons nous élever au-dessus de nous-mêmes et de tout ce qui n’est pas Dieu, ne voulant et n’aimant que Lui seul en toute pureté, et rien d’autre chose. »[xv] Qu’importe les joies et les peines de ce monde, nos peurs et nos angoisses, rien ne doit nous troubler dans l’attente du Royaume, car il nous faut rechercher Dieu et nous le faisons dans la méditation des Écritures et la lecture assidue de la Bible. « Une expérience de la présence de Dieu dans l’esprit par la jouissance intérieure que nous donne un sentiment tout intime. »[xvi] La Parole de Dieu est ce lieu d’intimité qui nous est offert avec notre Seigneur. Il est là, et Il nous parle, l’Esprit Saint nous ouvrant à l’intelligence de l’Ecriture. « Que confiance et foi vive maintiennent l’âme, celui qui croit et espère obtient tout »[xvii] et qu’importe le temps, Dieu est toujours présent. La Parole est aussi ce lieu de collégialité, où nous méditons en communauté les Ecritures pour nous laisser guider dans l’Esprit vers le Fils et pour construire ensemble cette civilisation de l’amour au rythme de nos prières, de la vie sacramentelle et du service de la charité.

 

Peut-être faut-il nous rappeler en ce temps de pandémie que la Parole de Dieu est un phare sur notre route personnelle et un soleil levant pour notre vie fraternelle. « Rappelle-toi ta parole à ton serviteur, celle dont tu fis mon espoir. Elle est ma consolation dans mon épreuve : ta promesse me fait vivre. »[xviii] Le temps est au service de l’homme pour s’ajuster à la vérité de l’amour dans une liberté de choix à poser de manière constante pour accueillir Dieu tel qu’Il est, et non tel que nous voudrions qu’Il soit car nous tomberions alors dans l’idolâtrie. Il nous faut opérer les conversions nécessaires afin de Le voir dans la révélation de sa présence. Le véritable amour de Dieu se vit dans la simplicité de notre vie et le temps qui passe concrétise la fidélité, afin de recueillir sa tendresse dans la confiance en notre vocation première d’images de Dieu et jouir de sa miséricorde au moment opportun. Nous prendrons ainsi nos responsabilités pour faire fructifier le dynamisme créateur de l’amour autour de nous avec nos frères afin de rendre témoignage à Celui qui est à l’origine de tout. Ce monde, malade de son refus de Dieu, cherche paradoxalement cet essentiel de la transcendance et de son origine. Tout ce qui touche l’homme trouve écho dans la foi, dans notre relation fraternelle et dans la filiation avec Dieu. « La même charité nous presse du désir de vivre davantage pour lui, qui est mort pour nous et ressuscité[xix]. »[xx]

 

Nous devons garder ce goût de la recherche de Dieu et le poursuivre dans cet avant-goût de la vérité de l’amour pour établir un bien meilleur, donné par la civilisation de l’amour éternel. «  Le salut s’éloigne des impies qui ne cherchent pas tes commandements. Seigneur, ta tendresse est sans mesure : selon ta décision fais-moi vivre. »[xxi] La vie dans l’amour poursuit les desseins de Dieu et les accomplit dans la disponibilité de tout notre être. Nous sommes tendus vers l’espérance de la vie en Dieu pour toujours.  En cela notre temps est limité, parce que nous poursuivons le temps du Royaume qui est d’éternité. « Car il passe ce monde tel que nous le voyons » alors que nous sommes conviés à vivre l’éternité de l’amour en Dieu, par la louange éternelle et le service comme lieu d’expression de cette louange.

 

La prière est lieu de résonnance de la Parole, et aussi d’efficacité du dialogue, en effet nous entendons Dieu nous parler et nous nous rendons ainsi disponibles à la grâce. Cette présence de Dieu est un jour de fête, mais parfois peut devenir si difficile dans le combat spirituel ou l’absence de signe. Néanmoins, Dieu est toujours présent et nous devons gardons notre ferveur, même si cela peut sembler obscur. « L’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. »[xxii] C’est ainsi qu’en communauté nous devons vivre de cette vertu d’espérance, en rappelant la promesse du salut, et en orientant tous nos choix à la lumière de la fidélité du Seigneur et du bonheur promis, dans l’accomplissement de nos vocations propres. L’espérance ouvre au dialogue de l’amour par la relation confiante en la fidélité de notre Dieu et sa tendresse pour chacun d’entre nous. Tous les Evangiles sont une école du dialogue, qui passe par un partage spirituel très incarné. Et les lettres apostoliques ainsi que la tradition de l’Eglise nous rappellent l’impératif de traduire par des gestes et des actes concrets les vérités de l’Evangile

 

Dans cette persévérance du dialogue, nous scellons notre fidélité indéfectible envers le Seigneur, nous exprimons la liberté de notre amour, et nous révélons la vérité de notre être tourné vers Dieu. Aussi nous ne devons pas nous refroidir, mais au contraire savoir que Dieu est bien présent et que c’est à nous de redoubler d’effort pour faire de cette rencontre une joie de la relation. C’est par là que nous marquerons notre fidélité au Seigneur, qu’importe le moment, car tout passe, Dieu seul demeure. « Votre temps, pour monter, est de tous les instant. Mais son temps à lui, celui où il veut et doit se manifester, se révéler n’est pas de tous les instants. »[xxiii] Nous devons nous en remettre à Lui, dans ce temps limité, pour reconnaître l’amour et le vivre dans la simplicité de vie et l’audace d’une recherche de la civilisation de l’amour, car c’est là qu’Il se laisse trouver, même si nous n’approcherons véritablement de la connaissance de son être que dans le face à face éternel. Si le monde passe, la Parole de Dieu continue son œuvre et ne retourne pas vers Dieu sans avoir produit effet, sans avoir fécondé la terre et lui avoir fait porter le fruit nécessaire au jaillissement de la vie nouvelle.

 

La Parole de Dieu est alors à développer dans la première cellule d’Eglise qu’est la famille, afin d’initier les enfants dès le plus jeune âge à la prolixité des Ecritures et à la beauté de l’amour déployé par le don de la vie. « La famille a vocation d’annoncer, de célébrer et de servir l’Evangile de la vie. C’est une mission qui concerne avant tout les époux, appelés à transmettre la vie, en se fondant sur une conscience sans cesse renouvelée du sens de la génération, en tant qu’événement privilégié dans lequel est manifesté le fait que la vie humaine est un don reçu pour être à son tour donné. »[xxiv] Ancré dans la Parole de Dieu, le sens de la vie trouve toute sa luminosité nécessaire, à une saine compréhension et à l’intelligence de la foi, pour discerner et reconnaître la présence de Dieu. A l’heure des la génération d’ecrans, il peut sembler fastidieux de pousser à lire sur du papier quelques lignes génératrices de vie, mais c’est l’éducation que doivent porter les parents, pour solliciter l’intelligence de l’enfant afin de lui donner les vraies valeurs de la vie, celle qui fait sens, qui l’humanise et le construit. Prendre du temps avec chaque enfant pour lire une parole de Dieu et réfléchir avec lui sur sa résonnance dans notre vie, ouvre d’autres horizons auxquels nous n’avions pas pensé. Les catéchistes en font l’expérience concrète dans le cheminement de la foi avec les enfants, où ils redécouvrent leur propre foi. Rien n’est statique dans la relation, mais c’est toujours un échange et une meilleure compréhension de la révélation dans l’humilité de notre foi.

3     Jonas une parole de conversion

Dieu s’adresse à nous par des prophètes, dans l’Ancien Testament ou à travers le Verbe fait chair dans le Nouveau Testament afin d’ajuster nos pas à la volonté de Dieu et de fuir tout ce qui conduit au mal et à la résultante du péché. Il ne s’agit pas de vivre la Parole comme lieu de consolation, mais d’entendre la rupture que nous devons vivre dans la conversion de toute notre vie. « Elève ta pensée, monte au ciel, ne t’angoisse de rien, que rien ne te trouble. Suis Jésus Christ d’un grand cœur, et quoi qu’il arrive, que rien ne t’épouvante. Tu vois la gloire du monde ? C’est une vaine gloire ; il n’a rien de stable, tout passe. »[xxv] Il faut nous défaire de tout ce qui nous entrave et faire silence pour vivre les ruptures nécessaires et les transformations qui nous permettent d’accueillir pleinement cette vie dans l’Esprit. « La Parole de Dieu est un appel puissant à une conversion personnelle permanente de celui qui l’écoute »[xxvi]. C’est une mobilisation de tout notre être pour nous conformer à la volonté de Dieu dans les événements que nous devons vivre aujourd’hui. La question que nous devons nous poser sans cesse est : quelle est la volonté de Dieu pour nous aujourd’hui, qu’avons-nous à discerner pour notre quotidien, à quoi Dieu nous appelle-t-Il vraiment ?

 

La voix prophétique de Jonas, comme de Jésus, est un appel à la conversion pour laisser la Parole pénétrer au plus profond de notre âme. « La prophétie dénonce une conduite, exige une conversion et finalement interpelle la liberté de l’homme. »[xxvii] Comprenons le bien, la conversion est toujours un appel à réorienter nos choix afin d’opter pour la créativité de l’amour et ne pas s’aliéner à des choix de mort qui conditionnent nos existences. L’inventivité de l’amour offre plus d’ouverture, même si les apparences semblent contraires, car l’amour est supérieur à tout, et c’est dans une conversion authentique que nous le comprenons pleinement. Notre aveuglement ne vient pas du fait de tomber de cheval, mais bien dans cette vaine course sur des objectifs qui n’honore pas Dieu, et en oublie les frères. L’amour est rencontre, illumination, témoignage de la beauté de la relation, et se termine alors par l’accueil de la grâce jusqu’à en être comblé.

 

L’appel à la conversion se vit dans la Parole et se prolonge dans l’écho que nous lui donnons. Dieu parle et c’est à nous d’écouter, c’est-à-dire de suivre, il ne s’agit pas simplement d’entendre mais d’agir. A travers la proclamation de la Parole de Dieu il y a une prise de conscience extérieure du désordre intérieur. Comme un retournement de situation où la folie de notre vie se brise sur le mur de la vérité et nous rappelle à la réalité de nos choix. Il s’agit de laisser Dieu agir en nous et de retrouver notre filiation d’enfant de Dieu. « Fais donc attention à ce que tu aimes, à ce que tu crains, à ce qui te réjouit ou à ce qui te contriste et tu verras parfois que… tu restes un homme du monde… Que ton amour se convertisse de sorte que tu n’aimes rien sinon le Seigneur ou bien que tu n’aimes rien que pour Dieu. Que ta crainte se tourne aussi vers lui car toute crainte qui nous fait redouter quelque chose en dehors de lui et non pas à cause de lui est mauvaise. Que ta joie et ta tristesse se convertissent à lui ; il en sera ainsi si tu ne souffres ou ne te réjouis qu’en lui… »[xxviii] La véritable conversion est bien une orientation intérieure vers notre Seigneur, dans la vérité de tout notre être, nul besoin de faire semblant ou de vouloir s’éloigner mais, avec assiduité, laisser le Seigneur nous guider sur le chemin de vie.

 

Vivre la conversion demande la foi, et d’accepter de donner une nouvelle orientation à notre vie c’est-à-dire quitter les attaches qui nous privent de liberté comme l’idolâtrie. Il n’y a guère le choix car refuser Dieu c’est devenir idolâtre. « Celui qui ne veut pas faire confiance à Dieu doit écouter les voix des nombreuses idoles qui lui crient : « Fais-moi confiance ! ». Dans la mesure où la foi est liée à la conversion, elle est l’opposé de l’idolâtrie ; elle est une rupture avec les idoles pour revenir au Dieu vivant, au moyen d’une rencontre personnelle. Croire signifie s’en remettre à un amour miséricordieux. »[xxix] Or Jonas, comme le Christ, annonce une possibilité de retournement intérieur pour se laisser habiter par la présence de Dieu et ainsi se détourner des conduites mauvaises. C’est pourquoi la conversion amène à la redécouverte de la foi, car toutes les images idolâtriques sont à terre et se révèle alors le seul et unique Seigneur. L’annonce de la Bonne nouvelle est également « l’appel à former la conscience et à la rendre objet d’une conversion continuelle à la vérité et au bien. »[xxx] Il ne s’agit pas simplement d’éveiller les consciences, mais aussi de les rectifier pour éclairer nos choix à la lumière de l’amour de Dieu et du Salut pour l’homme. Une vie nouvelle dans une hiérarchie des valeurs qui mettent Dieu en premier. Cela nous laisse entendre alors notre vocation profonde à suivre le Christ dans l’unique réponse d’un bonheur qui remplit le désir du cœur humain.

Synthèse – Une parole d’élection

La Parole de Dieu est une parole d’élection car elle nous ouvre le chemin qui mène vers la source de toute vie. « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Parce que nous sommes à l’écoute de la Parole nous pouvons entendre le Seigneur nous parler et nous inviter à Le suivre. Il demande une disponibilité immédiate : « aussitôt, ils le suivirent. » L’appel de la Parole est toujours opérant dans l’immédiateté de notre vie. La conversion nous introduit dans une nouvelle disponibilité où nous refusons les ersatz du temps qui passe pour nous laisser habiter par Celui qui donne sens à notre vie. Comme les apôtres, nous devons l’accueillir dans l’immédiateté de notre vie : « aussitôt, ils partirent à sa suite. » Partir à la suite du Christ c’est lui laisser le gouvernail de notre vie et faire confiance malgré les tempêtes et les vents contraires, pour nous laisser mener à bon port. Marie a vécu pleinement l’Ecriture comme Parole d’élection, et la rencontre de l’ange, lui confirma son chemin de sainteté et de grâce auprès de Dieu. Nous ne sommes pas seuls, et nous ne devons pas nous décourager malgré les épreuves, malgré nos péchés, malgré nos surdités, mais dans une conversion sincère reconnaître l’amour qui agit et laisser la Parole être le levain de notre vie pour retrouver le sens de notre vocation première de fils de Dieu. Que la Parole d’élection soit pour nous l’occasion de formuler une parole de communion. « Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car Tu es le Dieu qui me sauve. »

 

24 janvier 2021 – Père Greg – Curé

Saint Charles Borromée – Joinville-le-Pont

 

 

[i] Ps 118,105

[ii] Ps 118,65-66

[iii] &121 Evangelii Gaudium

[iv] Gn 1, 27

[v] &9 Verbum Domini

[vi] &12 Verbum Domini

[vii] Ps 24

[viii] &55 Verbum Domini

[ix] &82 Verbum Domini

[x] Œuvres complètes – Thérèse d’Avila

[xi] &39 Deus Caritas Est

[xii] &56 Verbum Domini

[xiii] Ps 118,9-10

[xiv] Ps 118,16

[xv] P 78 Sermons – Jean Tauler

[xvi] P 78 Sermons – Jean Tauler

[xvii] Thérèse d’Avila – Œuvres complètes

[xviii] Ps 118,49-50

[xix] cf. 2 Co 5, 15

[xx] &48 Lumen Gentium

[xxi] Ps 118, 155-156

[xxii] &1 Gaudium et Spes

[xxiii] P 79 Sermons Jean Tauler

[xxiv] &92 *Evangelii Vitae

[xxv] Thérèse d’Avila Œuvres complètes

[xxvi] &61 Verbum Domini

[xxvii] P 147 la nuit de l’intellect chez Maître Eckhart E. Mangin

[xxviii] Saint Bernard, 2e sermon pour le premier jour du carême

[xxix] &13 Lumen Fidei

[xxx] &64 Veritatis Splendor