1019. Lettre de Pentecôte 1/2

« J’allais sans lumière, sans guide, que le feu brûlant en mon coeur »[i]

Télécharger la Lettre de Pentecôte

« Par essence, le joie chrétienne est participation spirituelle à la joie insondable, conjointement divine et humaine, qui est au cœur de Jésus-Christ glorifié »[ii].Le temps liturgique nous aide à garder la disponibilité du cœur pour être attentifs à l’action de Dieu, mais aussi à nous disposer à le recevoir.C’est vrai que lors de notre baptême et de notre confirmation nous avons reçu l’Esprit Saint, c’est vrai que certains par l’effusion ont vécu une histoire extraordinaire et un véritable renouvellement intérieur, c’est vrai que lorsque nous sommes en communion avec Dieu et nous laissons la grâce agir en nous, nous participons à l’œuvre de l’Esprit Saint. Tout cela est vrai mais en aucun cas cela ne doit nous rendre statiques. Car c’est tous les jours que nous devons demander à l’Esprit Saint d’agir dans notre vie, c’est tous les jours que nous devons nous rendre disponibles à la grâce qui passe, et accueillir le don comme une joie pour ma propre conversion et comme témoignage auprès de mes frères. C’est tous les jours que je dois progresser dans cette vie spirituelle en m’abreuvant sans cesse dans la contemplation de l’œuvre de Dieu et l’intelligence de la foi qui me fait comprendre ce que j’ai à vivre à travers un discernement ajusté.

 

            Le parcours de l’Esprit Saint proposé cette année se vit à travers l’amour de Dieu que nous sommes invités à contempler, puis la grâce de l’incarnation qui vient nous donner le Rédempteur, et l’envoi de l’Esprit Saint pour faire de nous des témoins. « Il s’agit toujours d’une expérience exaltante de libération et de restauration — au moins annoncées — ayant pour origine l’amour miséricordieux de Dieu pour son peuple bien aimé, en faveur de qui il accomplit, par pure grâce et puissance miraculeuse, les promesses de l’Alliance. »[iii]Soyons attentifs à laisser Dieu agir en nous et faisons Lui confiance pour tout le reste. Pour ce qui nous concerne soyons acteurs, pour ce qui le concerne soyons tout accueil. Car l’Esprit a encore à nous enseigner, même si nous en avons une expérience, Il vient nous surprendre dans les tiédeurs de notre printemps pour nous faire porter du fruit. La venue de la Personne Don est toujours un nouveau départ puisqu’il nous restaure dans notre vocation de Fils de Dieu et nous introduit à la révélation de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous. Il vient apporter une réalité nouvelle à l’homme intérieur blessé par le péché originel, il « implante en lui la racine de l’immortalité d’où jaillit la vie nouvelle » et la réception de la grâce. « Sous l’influence de l’Esprit Saint, cet homme intérieur, c’est-à-dire “spirituel”, mûrit et devient plus fort. Grâce à cette communication divine, l’esprit humain qui “connaît ce qui concerne l’homme” rencontre “l’Esprit qui sonde tout jusqu’aux profondeurs de Dieu”[iv]. »[v]

 

            La proposition du parcours se vit sur neuf jours pour terminer aux portes de la Pentecôte et laisser notre âme s’imprégner du feu de l’Esprit. Les questions posées dans la méditation du jour aident à faire le point, mais peut-être que d’autres interrogations pourront se faire pousser par les motions de l’Esprit Saint. Laissons-nous guider dans cette liberté des enfants de Dieu.

1.  Tu es bénie entre toutes les femmes, (31 mai visitation)

 

L’amour de Dieu se révèle d’une manière toute particulière dans la vie de Marie. Elle coopère au mystère de Dieu dans l’obéissance de la foi. Elle reçoit la révélation de l’amour et en fait son choix propre à travers une vie de confiance et d’abandon dans les mains de Dieu. La vie de l’Esprit Saint c’est découvrir l’amour de Dieu et contempler sa présence dans le monde de ce temps. Marie en même temps nous introduit au fruit de l’amour qui est l’élection. Dieu nous choisit chacun personnellement, dans une relation unique pour vivre la communion fraternelle et être témoin de la Source de toute vie.

 

 

La vie dans l’Esprit Saint nous fait participer à cette générosité de Dieu qui ne nous demande qu’une chose, l’accueillir. La manifestation de l’amour de Dieu pour nous est l’humilité de la rencontre, car il ne demande rien d’autre que notre disponibilité. « L’offrande de soi est la réponse à l’amour d’une personneet en particulier à l’amour de la mère»[vi]La réponse à l’amour est le don de soi. Il conduit à l’émerveillement de l’œuvre de Dieu dans cette participation de l’Esprit Saint.

 

1/ Comment j’accueille la volonté de Dieu dans ma vie à la suite de Marie ?

2/ Quels sont les oui que j’ai à vivre ? (les disponibilités à témoigner et les encombrements à me débarrasser ?)

 

2.  Le Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé

 

Qu’est ce que l’amour sinon que de se laisser regarder par Dieu et l’accepter dans notre vie ? Se laisser traverser par l’amour et répondre à cet amour dans nos façons d’agir et le témoignage que cela porte autour de moi. Je ne cherche plus qu’une chose c’est d’aimer Dieu et en retour vouloir dans les actes bons correspondre à cet amour vivant, c’est-à-dire à retourner à notre nature propre. « Par nature l’âme n’aime rien d’autre que la bonté »[vii]Nous réalisons ainsi la promesse que Dieu a déposée sur nos vies lors de la Création, une promesse d’amour complètement comprise lors du jugement dernier et la communion au ciel. L’amour demande de discerner ce qui nous aide à grandir de ce qui nous blesse. C’est dans la vie de l’Esprit Saint que je suis amené à exercer le don du conseil pour entrer dans l’intelligence de la foi. « Comment savoir si une chose vient de l’Esprit Saint ou si elle a son origine dans l’esprit du monde ou dans l’esprit du diable ? …. Si nous le demandons avec confiance au Saint Esprit, et que nous nous efforçons en même temps de le développer par la prière, la réflexion, la lecture et le bon conseil, nous pourrons sûrement grandir dans cette capacité spirituelle. »[viii]Croissance spirituelle qui demande l’union des cœurs et nous fait habiter la demeure de Dieu comme lieu d’union et de contemplation.

 

Comme nous le rappelle la Madre, l’amour véritable n’est pas stationnaire[ix]mais demande un accomplissement dans l’exercice de notre volonté. Nous ne pouvons pas juste tout attendre de Dieu, dans une forme de tourisme spirituel, encore faut-il pratiquer les commandements de discernement et de fidélité à la parole dans ce qui est juste. « Il est possible de définir la percée de l’âme en Dieu comme un retour vers l’origine, une irruption de l’éternité au cœur de l’instant, un accomplissement de toute réalité ou encore une réalisation de l’homme dans son être essentiel et véritable. »[x]Ne peut-on pas dire  que l’attente et par conséquent l’arrivée de l’Esprit Saint dans notre vie est une re-création de notre humanité ? Il y a en tout cas une grâce qui nous permet d’agir avec justesse à la Parole de Dieu et ainsi montrer dans nos actes l’amour que nous portons sur sa personne. « Que nos désirs et notre oraison n’aillent pas à jouir, mais à prendre des forces pour servir Dieu ! »[xi]L’attente de la Personne Don dans l’amour nous ouvre les perspectives de la fraternité pour témoigner de la vraie nourriture et de la source d’eau vive qui nous abreuve à jamais.

 

1/ Suis-je disponible à cette source d’eau vive, et en recherche pour m’y abreuver ?

2/ De quel amour j’aime Dieu et comment grandir dans cette relation ?

 

3.  Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.

 

Accueillir l’amour de Dieu et vivre la communion, est œuvre de l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas tant de s’abandonner que de laisser Dieu agir, c’est-à-dire nous tourner vers Dieu et accomplir sa volonté en toute chose afin de faire écho à la joie de Dieu dans notre vie. L’unité se vit dans l’intégralité de tout notre être, corps, âme et esprit, comme un accueil de toutes les dimensions qui nous relient immanquablement à l’auteur de cette richesse existentielle et nous permet d’appréhender ainsi le mystère de communion que nous sommes appelés à vivre de manière totale lors du jugement dernier.

 

L’Esprit Saint dans la richesse de ses dons et la multiplicité de la richesse de la grâce nous invite aussi à vivre la complémentarité dans l’accueil de l’amour qui n’est ni le même, ni supérieur ou inférieur, mais d’un égal amour chacun selon ses propres forces. Or si nous manquons de confiance en l’œuvre de Dieu et que nous délaissons l’amour nous entrons dans l’irrationnel de la désespérance. « C’est une grande folie que l’âme soit sans celui qui est partout, et qu’elle ne soit pas avec celui, sans qui elle ne peut-être, et qu’elle n’aime pas celui sans qui elle ne peut aimer »[xii]  L’attente de l’Esprit Saint est cette porte d’espérance où Dieu agit, aujourd’hui, dans ma vie. Il est présence dans mon présent, et un sentiment de manque nous habite lorsque Dieu semble s’éloigner de nous. L’appel d’une vie dans l’Esprit Saint est bien cette recherche d’être uni à Dieu. « Qui donc pourra me guérir ! Achèvent enfin de te donner et garde toi de m’envoyer dorénavant des messagers car tout ce qu’on me dit ne peut me contenter »[xiii]L’Esprit Saint vient révéler l’amour du Père dans le don du Verbe incarné. La demande de l’Esprit Saint est alors une demande de communion où nous habitons notre vie de la valeur morale de la recherche du bien. Un exercice de la liberté dans une recherche d’un meilleur bonheur. Il ne s’agit plus tant de s’arrêter aux actes que nous posons que de leur signification à la lumière des Evangiles.

 

1/ quels sont les actes d’unité que je vais essayer de vivre aujourd’hui en mettant Jésus au centre ?

2/ Quels sont les occasions d’habiter ma prière et de prolonger ce cœur à cœur avec Jésus spécialement dans l’attente de l’Esprit Saint ?

 

4.  L’Esprit Saint vint sur eux, et ils se mirent à parler en langues 

 

L’amour de Dieu s’est révélé dans l’incarnation du Christ et sa résurrection a permis à l’Esprit Saint de se manifester dans le don. Une rencontre avec Dieu qui se voit, qui s’entend qui se comprend et nous ramène vers le Père à travers le chemin de vérité, le Christ notre Seigneur. Une plainte de Jésus qui ne voit pas son sacré cœur assez aimé des hommes et qui continue pourtant de nous accompagner vaille que vaille. « Suscitant l’homme au-dedans d’un univers qui est œuvre de puissance, de sagesse, d’amour, Dieu, avant même de se manifester personnellement selon le mode de la révélation, dispose l’intelligence et le cœur de sa créature pour la rencontre de la joie, en même temps que de la vérité. »[xiv]Le parler en langues est cet ajustement de notre être à la louange de Dieu en lui laissant la place d’exprimer cette louange à laquelle nous sommes tous invités. Cela nous apprend aussi que nous devons lâcher prise afin de laisser l’Esprit donner ce qu’Il pense utile pour notre vie, et ce qui nous construit spirituellement. Laisser à notre être spirituel toute la place nécessaire à la louange.

 

Vivre le commandement de l’amour laisse place à l’action de l’Esprit Saint dans notre vie de façon parfois inattendue et en même temps nous apporte beaucoup de joie et de paix. Si nous laissons les valeurs de l’Evangile transformer notre vie alors l’amitié du Seigneur grandit et notre volonté devient peu à peu la sienne dans l’obéissance de la foi. « Le chemin de la sainteté est une source de paix et de joie que nous offre l’Esprit, mais en même temps il demande que nous soyons avec « les lampes allumées »[xv]et que nous restions attentifs : « Gardez-vous de toute espèce de mal »[xvi]»[xvii]Demander l’Esprit Saint nous invite à la vigilance sur notre vie pour ne pas nous laisser étourdir par la nouveauté et laisser refroidir la chaleur de notre premier engagement. L’arrivée de l’Esprit Saint est celle d’un renouvellement qui se vérifie dans le temps et se voit par l’audace du témoignage.

1/ Quelles sont les joies que j’ai à vivre dans l’inattendu de Dieu ?

2/ Comment je reste disponible à la fécondité des dons de Dieu ?

 

5.  j’ai servi le Seigneur en toute humilité, dans les larmes et les épreuves

 

A la suite du Christ nous sommes amenés à servir dans le discernement de ce que nous avons à vivre, à travers les épreuves comme à travers les joies. Nous pouvons murmurer contre Dieu, et connaitre un certain désarroi dans notre foi, mais l’amour inconditionnel du Seigneur est premier, et le passage par la passion et la mort sur la croix, nous configure au mystère de la rédemption, comme un passage de la mer de notre humanité afin de nous déposséder de nous-mêmes et de conquérir la maison de Dieu, conduits par l’Esprit Saint. « Le don réciproque de soi-même à Dieu – un don dans lequel l’homme concentrera et exprimera toutes les énergies de sa propre subjectivité personnelle et en même temps psychosomatique – sera la réponse au don que Dieu a fait de lui-même à l’homme »[xviii].Vivre dans le don nous configure au Christ, et à notre vocation première. Dès l’origine Dieu qui est pur don par l’Esprit Saint appelle l’homme à répondre par son existence à cette liberté de l’amour.  « L’homme seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même peut pleinement se trouver que par le don sincère de lui-même »[xix]La sincérité du don demande l’humilité de notre condition humaine et en même temps la vérité de nos propres limites et de la réalité de ce que nous vivons, et nos insuffisances montent en nous comme autant d’accusations.

 

 

L’attente de l’Esprit Saint est bien de venir assouplir ce qui est raide, et de rendre droit ce qui est dévié. Cela ne se fait pas dans un volontarisme solitaire, mais bien dans l’accueil de l’Esprit Saint qui incline notre volonté à vouloir comme Dieu, notre intelligence à comprendre ce que Dieu veut et notre mémoire à se préparer à célébrer ses bienfaits dans notre vie. Justement la venue de l’Esprit Saint, c’est faire mémoire de la promesse du Christ réalisée à Pâques et toujours en déploiement jusqu’à l’annonce de notre foi. « Un regard de foi sur la réalité ne peut oublier de reconnaître ce que sème l’Esprit Saint. »[xx]c’est pourquoi il nous faut toujours marcher avec humilité, afin de voir même dans les épreuves, une marque de confiance de Dieu pour nous, et ne jamais penser que son amour s’est éloigné. Il n’est pas là où nous l’attendions, mais il est là où nous lui faisons place.  « C’est l’Esprit Saint, envoyé par le Père et le Fils, qui transforme nos cœurs et nous rend capables d’entrer dans la communion parfaite de la Sainte Trinité où tout trouve son unité. »[xxi]L’épreuve est une tentative de parcellisation de notre corps, de notre histoire, mais intégrer cela dans l’histoire du salut, et en regardant toutes les autres composantes de notre corps, nous invite alors à dépasser le moment présent pour avancer dans la foi.

 

1/ Comment j’accueille ce que Dieu me demande de vivre ?

2/ Suis-je toujours en service ou en possession lors de mes relations aux autres ?

 

6.  Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. 

 

La vie dans l’Esprit Saint me demande d’être attentif à la Parole dans tout ce que je fais. Accueillir la bonté de Dieu dans notre cœur et nous laisser consumer par cet amour dans la grâce de sa présence. Le bonheur se trouve dans Ce désir inexprimable de communion avec Dieu et de retrouver cette vocation première d’image appelée à la ressemblance. Une soif inextinguible que l’Esprit Saint vient combler par son action vivifiante et régénératrice. Alors nous prenons conscience dans notre cœur tout brûlant de sa présence, de la douce consolation qu’il nous apporte et de la joie de la Parole, car elle nous restaure dans le dialogue et nous retrouvons ainsi pleinement notre dignité de fils bien aimés du Créateur.

 

Dans cette maturité de la relation à Dieu nous voici invités à découvrir le don comme lieu d’accomplissement de notre vocation à l’image du Christ. « En réalité le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné »[xxii]Il s’agit bien de reconnaitre l’action de Dieu et de se mettre à son service dans la maturité spirituelle qui est la nôtre et en même temps de l’accueillir dans la disponibilité de notre cœur. Dans l’incarnation du Fils nous comprenons ce qu’est une vie bonne que nous sommes invités à imiter, et l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse pour nous aider à progresser sur le chemin de vie. 

 

Le bonheur du don se vit à travers la relation à Dieu et la contemplation de son œuvre. Sinon nous risquons vite de tomber dans l’activisme. La joie de notre âme est d’abord une joie de la rencontre avec Dieu et du service que nous faisons avec lui . L’attente de l’Esprit Saint est l’attente de la joie de communion promise aux disciples. Une Parole du Seigneur prononcée sur notre vie et qui fait sens dans tout ce que nous faisons. Car le bonheur n’est pas dans la vaine course des biens matériels mais de vivre la réalité des biens éternels. Ces deux biens ne s’opposent pas ni ne s’attirent. Ils sont des réalités que nous avons à vivre avec discernement. Le bonheur est dans cet accueil de Dieu et l’illumination de la présence de Dieu dans notre vie, cette lumière éternelle qui nous appelle à la vigilance pour ne pas faire obstacle.

 

Ne soyons pas extérieurs à nous mêmes dans une forme d’activisme qui en oublie la contemplation de Dieu et nous ôterait la joie de la rencontre. L’autre travers est de refuser la réalité du temps pour ne plus agir parce que c’est Dieu qui fait, une forme de tourisme spirituel dans le vagabondage des réalités humaines. Etre à l’écoute de la Parole c’est reconnaitre Dieu dans notre vie et être libérés de tout ce qui nous enferme dans l’immédiateté, où l’égoïsme est une forme de rétractation de l’âme.

 

1/ Suis-je en recherche de Dieu dans tout ce que je fais ?

2/ Suis-je libre d’un entre-soi pour m’ouvrir aux autres et être disponible à la grâce ?

3/ Ai-je ce dépouillement nécessaire pour accueillir la Personne Don dans sa prolixité ?

7.  Ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi

 

Dans les étapes de vie avec Dieu nous pouvons connaitre l’angoisse de l’épreuve. Une plainte monte de notre vie pour devenir parfois une accusation de Dieu. La vie dans l’Esprit nous apprend alors à reconnaitre sa présence, même lorsque nous souffrons, surtout lorsque nous souffrons, Il est là avec nous, et continue de nous conduire dans l’apparent silence. Alors en écho apparait ce cri de Job « Je t’implore mais Tu ne me réponds pas et tu me regardes fixement. Tu me portes sur le vent et Tu me le fais chevaucher puis le vacarme me dissous Car je sais que Tu me fais retourner vers la mort, vers la maison de rendez-vous de tout vivant »[xxiii]Justement dans une vie de présence de Dieu nous lui gardons confiance malgré l’épreuve ,et le mystère de la passion du Christ nous permet de conformer notre vie à son don. Le mal peut être une cause de nos propres turpitudes, autrement dit de notre péché, mais il est aussi l’insondable mystère où la purification de tout l’être passe par la liberté de l’amour. Non qu’il soit nécessaire, mais même l’absurdité du mal sert à l’annonce du royaume dans l’expression de cette liberté de toujours faire confiance en Dieu. Car c’est bien l’amour qui vainc tout.

 

Peut-être est-il utile de réfléchir sur nos brisures pour nous en remettre à Dieu et accueillir l’Esprit Saint dans la réalité de nos vies. Car il redressera ce qui est courbé et assouplira nos raideurs, mais l’important est de garder la foi et de Le laisser œuvrer dans notre vie.  « Cependant Dieu, qui veut agir avec nous et compte sur notre coopération, est aussi capable de tirer quelque chose de bon du mal que nous commettons, parce que « l’Esprit Saint possède une imagination infinie, propre à l’Esprit divin, qui sait prévoir et résoudre les problèmes des affaires humaines, même les plus complexes et les plus impénétrables »[xxiv].  Il s’agit de ne pas laisser le péché entrer dans notre vie par la récrimination mais bien faire confiance, et porter attention à ce que Dieu me demande de vivre dans la fidélité à la Parole. La venue de l’Esprit Saint est un rétablissement de toute notre vie et une nouvelle compréhension dans un sens renouvelé de tout l’homme, et du dessein d’amour promis pour l’éternité.

 

1/ Quels sont les fardeaux que j’ai à déposer devant le Seigneur, et les marques de confiance que je dois vivre ?

2/ Comment transformer tout ce qui m’arrive aujourd’hui, les joies, comme les peines, en action de grâce ?

8.  Simon, fils de Jean, as-tu une vraie amitié pour moi ?

 

Deux fois Jésus interpelle Pierre pour savoir s’il est capable de répondre à l’amour (agape) de Dieu et à chaque fois Pierre répond qu’il a une vraie amitié (philéo). La troisième fois Jésus reprend le terme de Pierre pour l’amener au don de l’amour que l’on témoigne en donnant sa vie pour notre Rédempteur. Et bizarrement cette vraie amitié deviendra dans le cheminement de la foi l’amour (agape) dans le martyr de Rome. Nous ne pouvons pas accorder notre amour à Dieu, c’est Lui qui accorde son amour infini à nos limites humaines. Néanmoins, plus qu’un accord, l’amour est une symphonie qui se déroule jusqu’à la rencontre ultime où nous connaitrons notre repos en Dieu.

 

L’invitation à suivre le Christ est un chemin de bonheur. La vraie béatitude est d’accomplir la Parole de Dieu dans notre vie, et l’Esprit Saint nous aide par grâce à nous accorder à cette promesse de communion. « La joie nait toujours d’un certain regard sur l’homme et sur Dieu… sa vocation au bonheur passe toujours par les sentiers de la connaissance et de l’amour, de la contemplation et de l’action »[xxv]Dans ce dialogue entre Jésus et Simon il y a une reconnaissance de l’autre, et un accomplissement de l’amour infini dans les possibilités qui s’offrent à Pierre. Le Christ lui propose une relation dynamique de l’amour qui permet d’exister ensemble dans une coopération du bien pour l’Eglise dont il charge l’apôtre. Il n’y a point de réduction de l’acte à la personne, mais une découverte de l’insondable de l’amour qui ouvre les horizons en posant d’autres actes qui régénèrent.

 

Les trois questions de l’amour dans l’Evangile de Jean, répondent aux trois reniements de Pierre à la Passion. Mais il répond aussi à la dimension Trinitaire d’un Dieu qu’il nous faut adorer. L’amour du Père demande l’engagement de toute notre humanité, et le dépouillement nécessaire pour le suivre. L’amour du Fils demande une relation dans les profondeurs pour goûter aux profondeurs du mystère de l’incarnation et de l’accueil du Tout Autre. L’amitié est grâce de l’Esprit Saint, un chemin de grâce afin de reconnaitre l’œuvre de Dieu dans notre vie et de discerner avec prudence et justesse, le service à accomplir.

 

1/ Quel service je peux accueillir aujourd’hui ? 

2/ Quelle réponse, ou quel engagement à déployer pour répondre à l’amour de Dieu  et me mettre au service ?

9.  il vous conduira dans la vérité tout entière.

 

L’Esprit de vérité est d’accueillir Jésus dans notre vie et de nous transformer dans la relation fraternelle afin de vivre la communion préambule du ciel. L’amour répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint[xxvi]nous entraîne à devenir des instruments de la grâce par le lien de l’amour. Nous vivrons la vérité de l’amour dans la réalité de nos actes, et nous porterons témoignage. C’est par une vie dans l’Esprit Saint que nous laissons Dieu agir dans notre vie et dans celle de nos frères. « La vérité préserve et exprime la force de libération de la charité dans les événements toujours nouveaux de l’histoire. Elle est, en même temps, une vérité de la foi et de la raison »[xxvii]Il nous manque souvent l’audace du témoignage, parlant de présence pour masquer nos propres tiédeurs, nous en appelons au laïcisme, ou au dialogue interreligieux et nous oublions notre vocation baptismale de prêtre, prophète et roi. Néanmoins le témoignage doit aussi tenir compte de l’humilité de l’amour qui ne s’impose pas à coups d’injonctions et de petites phrases. Le jugement dernier portera sur la capacité à porter le nom du Christ en toute occasion, la vertu de prudence nous fera discerner les moments opportuns, sans jamais se défiler, mais toujours avec la hardiesse d’une vie comblée par l’Esprit de Dieu. « C’est l’humilité du cœur qui reconnaît que la Parole nous transcende toujours, que nous n’en sommes « ni les maîtres, ni les propriétaires, mais les dépositaires, les hérauts, les serviteurs».[xxviii]

 

Attendre la venue de l’Esprit Saint est une chose, derrière nos portes closes, et nos fenêtres fermées. Vivre de l’Esprit Saint est une autre réalité où nous sortons de nous-mêmes pour partager le feu brûlant de cet amour qui se vit dans la communion. La rencontre de Jésus, entraîne une conversion du cœur pour ceux qui disent oui à son amour, et l’Esprit Saint nous y prépare. « Avec [le Christ], la foi prend la forme de la rencontre avec une Personne à laquelle on confie sa propre vie. Le Christ Jésus reste présent aujourd’hui dans l’histoire, dans son corps qui est l’Église ; ainsi, l’acte de notre foi est simultanément un acte personnel et ecclésial. »[xxix]La vie dans l’Esprit Saint n’est pas une vie solitaire, mais demande d’être attentif au frère pour toujours se révéler dans l’amour. Dieu est amour et il se vit, il se témoigne, il se partage dans une dynamique qui est force de proposition et en même temps lieu de rédemption. « L’Esprit Saint possède une imagination infinie, précisément de l’Esprit divin, qui sait dénouer les nœuds même les plus complexes et les plus inextricables de l’histoire humaine».[xxx]Soyons en sûrs, et avançons avec confiance, car Il nous conduit et nous en sommes témoins !

1/ Comment dans nos actes concrets nous portons témoignage ?

2/ Comment vivre la vérité de Dieu dans ma vie ?

Synthèse

 

« Grâce à la relation d’intimité avec Dieu dans l’Esprit Saint, l’homme se comprend également lui-même d’une façon nouvelle, il comprend sa propre humanité. L’image, la ressemblance de Dieu qu’est l’homme depuis le commencement est ainsi pleinement réalisé[xxxi]. »[xxxii]C’est pourquoi la joie de l’amour c’est de vivre la vie de l’Esprit Saint et de glaner les fruits qui y sont adjoints. « Paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. »Il y a une harmonie à vivre les fruits de l’Esprit Saint dans notre vie comme une rencontre qui nous fortifie et nous redonne le sens de notre vocation de fils de lumière. Une invitation à marcher sous la conduite de l’Esprit et à se laisser guider à travers la Parole qui nous éclaire, qui nous accompagne, qui nous console et nous remplit d’espérance. La Parole de Dieu dans la vie de l’Esprit devient une compagne familière que l’on veut partager comme on partage le pain. La vie dans l’Esprit nous ouvre à la vérité de la Parole et illumine notre vie de sa présence, pour faire toute la lumière sur la réalité de nos actes et nous apprendre à faire des choix d’enfants de Dieu responsables. L’Esprit Saint est là pour nous enseigner de façon renouvelée le Verbe fait chair et nous amener à en faire mémoire pour mieux comprendre l’histoire du salut.

 

Nous pouvons accéder aux manifestations de Dieu par la présence de l’Esprit Saint dans l’aujourd’hui de l’homme.  Comme une prise de conscience de sa présence dans notre vie et au cœur des croyants. Action efficace de l’Esprit de Vérité qui doit être accueilli et compris comme source de toute vie. Nous ne sommes plus sur des normes et des lois, mais bien sur la respiration de l’amour qui nécessite un retournement intérieur, et un engagement vers Celui qui peut tout pour nous. La vie dans l’esprit transforme alors tout notre être dans cette conscience droite de vouloir faire le bien, et de le proposer à tous comme lieu de régénération fraternelle. L’appel de l’Esprit Saint nous prédispose alors à recevoir la grâce de Dieu et la rendre intelligible dans notre vie.

 

Père Greg. BELLUT

Curé de l’ensemble paroissial de Joinville le Pont

 

 

 

[i]Au milieu d’une nuit obscure – St Jean de la croix

[ii]&14 Gaudete in Domino – Paul VI

[iii]&17 op cité

[iv]Cf. 1Co 2,10-11

[v]&58 Dominum et vivificantem

[vi]&45 Redemptoris Mater – JPII

[vii]&Sermon 85 maitre Eckhart

[viii]&166 Gaudete et exsultate

[ix]7èmedemeure chapitre 4 – Ste Thérèse d’Avila

[x]P 82 Maitre Eckhart ou la profondeur de l’intime Eric Mangin

[xi]7èmedemeure chapitre 4 – Ste Thérèse d’Avila

[xii]Citation d’autustin, la Trinité in &85 Semon Maitre Eckhart

[xiii]Le cantique spirituel B Jean de la croix

[xiv]&8 Gaudete in Domino

[xv]Lc12, 35

[xvi]1Th5, 22

[xvii]&165 Gaudete et exsultate François

[xviii]TDC 068 – Catéchèse du 16 décembre 1981 JPII

[xix]&23 Gaudium et Spes – Vatican II

[xx]&68 Evangelii Gaudium

[xxi]&117 Evangelii Gaudium

[xxii]&22 Gaudium et Spes – Vatican II

[xxiii]Job 30,20.22-23 

[xxiv]&80 – laudato si – François citant  Jean-Paul II, Catéchèse (24 avril 1991), 6 : Insegnamenti 14/1 (1991), 856.

[xxv]&69 Gaudete in Domino – Paul VI

[xxvi]Rm 5,5

[xxvii]&5 Amour dans la vérité

[xxviii]&146 Evangelii Gaudium – François

[xxix]&25 Verbum Domini – Benoit XVI

[xxx]Jean-Paul II, Catéchèse (24 avril 1991): Insegnamenti14/1 (1991), 856.

[xxxi]Cf. Gn 1,26-27 S. THOMAS D’AQUIN, Somme théol., I 93,4 I 93,5 I 93,8.

[xxxii]&59 Dominum et vivificantem