2016, mai. Jésus a connu la solitude

Giovanni Bellini - Orazione nell'ortoJésus a connu la solitude, beaucoup plus qu’on ne le pense, la solitude de ceux qui ne biaisent pas avec leur mission et qui acceptent de porter sans se faire porter, de servir sans se faire servir. Et de sa solitude, Jésus parle à plusieurs reprises.

Une première fois après son discours sur le pain de vie, dans la synagogue de Capharnaüm : “À partir de ce moment beaucoup de ses disciples reculèrent, et ils ne circulaient plus avec lui”. Au point que Jésus a demandé aux Douze : “Est-ce que vous aussi, vous allez partir ?” (Jn 6,66s).
Un autre moment, terrible, de la solitude de Jésus a été la nuit de l’agonie, lorsque, revenant vers ses disciples, il les trouva endormis : “Ainsi, leur dit-il, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ?” (Mt 26,40).
Mais lors de la Cène, ce dernier repas qu’il a partagé avec un traître et onze lâches, Jésus a entrevu une autre désertion des disciples, celle qui allait avoir lieu au moment de son arrestation : “Alors, raconte saint Marc, ses disciples l’abandonnèrent et prirent la fuite” (Mc 14,50).

Savons-nous vivre notre solitude ?
Solitude des parents, qui voient leurs grands enfants “partir chacun de son côté”;
solitude des époux, qui traverse parfois même l’amour le plus fidèle ;
solitude des consacrés, qui ont voué à Dieu, en une fois, toutes leurs forces d’aimer, misant loyalement sur la force du soutien fraternel, et qui s’aperçoivent, les années passant, que la communauté est avant tout le lieu où l’on donne, où l’on sert, où l’on s’oublie, avant d’être le lieu où l’on trouve stimulation et réconfort.
Nous que Jésus a rassemblé(e)s pour que nous offrions ensemble, au nom de toute l’Église missionnaire, le sacrifice de louange ou le sacrifice “du soir” de la vie, savons-nous habiter, assumer, dépasser notre solitude ? Savons-nous en faire un lieu d’intimité avec le Père ?

“Je ne suis pas seul, disait Jésus, parce que le Père est avec moi“.
Vivre sa solitude comme Jésus l’a vécue, c’est ne rien attendre, ne rien guetter, ne rien réclamer pour soi, et se remettre chaque jour en route vers la solitude des autres ; c’est s’estimer heureux, “bienheureux”, d’être regardé, aimé, visité, par Dieu au cœur de Père ; c’est ne jamais s’étonner de rencontrer la croix à la suite de Jésus ou de trouver, à certains jours, même les meilleurs amis dispersés ou endormis.
Vivre notre solitude comme celle de Jésus, c’est laisser, au cours de nos journées, une place grandissante à la tendresse de Dieu.
Alors il devient possible, non seulement d’aller jusqu’au bout de notre dévouement, mais de vivre chaque heure pour le plaisir du Père et de rester en acte d’offrande. Alors notre solitude devient “sonore”, toute bruissante des louanges de l’Église et de la rumeur du monde à sauver. Au creux de cette solitude, Jésus nous donne un cœur universel.
On n’est jamais seul quand on vit pour Lui seul.
fr. Jean Lévêque