Dimanche des Rameaux, année B. Méditation
« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
« Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » Avoir la foi, c’est d’abord accueillir le Christ dans sa vie, dans toutes ses réalités, celle de la promesse d’une vie bienheureuse éternelle, mais aussi la réalité d’une conversion qui demande le refus du mal et la recherche d’un meilleur bien, comme un « appel à former la conscience et à la rendre objet d’une conversion continuelle à la vérité et au bien. »[i]. La question de la vérité demande une cohérence de nos actes. Si nous acclamons Jésus comme notre roi à l’entrée de Jérusalem, Le prions-nous aussi au pied de la croix et L’accueillons-nous dans la joie de la présence du ressuscité au matin de Pâques ? Avons-nous le même entrain pour accueillir le Seigneur dans notre demeure, le suivre sur le chemin d’humanité, malgré le péché de nos frères et nos propres limites, sans jamais désespérer, tout en nous laissant saisir par la lumière de la résurrection. dans une logique de temps d’adoration et d’action de grâce ? « La Parole de Dieu « éclaire le croyant pour lui faire discerner ses péchés, l’invite à la conversion et à la confiance en la miséricorde de Dieu »[ii]. Au nom même de cette miséricorde de Dieu pour chacun d’entre nous, travaillons cette volonté d’établir un dialogue et ainsi d’accueillir sa présence, Il se montre sur un ânon et nous laisse exprimer notre joie. L’entrée triomphale à Jérusalem est en même temps la fête de la simplicité. Un chemin pavé de notre humanité, pour accueillir le Messie et lui faire place au milieu de nous, dans la construction de la civilisation de l’amour. Dès aujourd’hui, il nous faut bâtir un monde d’union à Dieu, de recherche de la familiarité de sa présence, dans la méditation de la Parole et le souci de chacun, au nom même d’une fraternité partagée.
Si nous continuons le questionnement, la recherche du bien ne demande-t-elle pas un discernement pour ne pas nous laisser tenter par l’éphémère, qui brille souvent en vain afin d’aller en profondeur ? Ne réclame-t-elle pas la transformation du cœur afin de nous laisser saisir à l’intérieur de nous-même par cet amour et y répondre dans le désir de se configurer au Christ ? « Jésus lui-même, dans sa prédication du Royaume de Dieu et de l’amour sauveur, a lancé un appel à la foi et à la conversion[iii]. Et Pierre, avec les autres Apôtres, quand il annonce la résurrection d’entre les morts de Jésus de Nazareth, propose de vivre une vie nouvelle, une « voie » à suivre pour être disciples du Ressuscité[iv]. »[v] Accueillir le Christ aux portes de la foi, et dans l’humilité de sa présence, même si nous lui offrons toute notre maison, doit être aussi l’occasion d’un vrai engagement dans la persévérance, afin d’accueillir la révélation dans toutes ses dimensions. « La foi est un don gratuit de Dieu qui demande l’humilité et le courage d’avoir confiance et de faire confiance, afin de voir le chemin lumineux de la rencontre entre Dieu et les hommes, l’histoire du salut »[vi] mais ce cheminement appelle à la responsabilité de chacun et à cette libre acceptation de suivre Jésus Christ.
1 Un chemin de liberté
Or cette liberté, si elle est d’abord individuelle, est aussi collective, et la marche vers la croix du Christ montre les conséquences d’un mauvais usage de notre liberté. Il en est de même des disciples, embarqués malgré eux sur le chemin de souffrance et de la radicalité de l’amour. Il nous faut bien comprendre que le témoignage de la foi peut demander la radicalité du don de notre vie par amour de Dieu et compassion pour les hommes. Rien ne remplacera cette liberté de l’amour, qui s’accueille au lieu de s’imposer, qui demande la persévérance au lieu de l’instantanéité, et vit les combats sans se laisser submerger par l’émotionnel mais garde au cœur la lumière du Seigneur dans la vérité de sa Parole. Le langage de la croix nous indique cette liberté de l’amour qui va jusqu’à l’essentiel, pour ne pas s’attacher à ce qui est visible, mais être signe d’un amour éternel. « Dans ce grand mystère, Jésus se manifeste comme la Parole de l’Alliance Nouvelle et Éternelle : la liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée, en un pacte indissoluble, à jamais valable. »[vii] L’apprentissage d’une relation éternelle se fait par par une reconnaissance de la source de vie en Dieu et de la vérité de notre être, qui se vit dans le cheminement de l’amour. Hélas la lecture de la Passion nous révèle « la possibilité dramatique de la part de la liberté de l’homme de se soustraire à ce dialogue d’alliance »[viii] et d’être l’accusateur pour accaparer ce qui nous est offert, comme des propriétaires imbus de nos biens et refusant la conversion nécessaire à l’accueil de celui qui nous pousse à l’intériorité. Alors la liberté devient l’espace d’un silence de l’amour lorsque nous refusons cet ajustement à Dieu.
L’acclamation du Christ aux portes de Jérusalem est certes l’expression d’une liberté qui accueille la joie, mais elle ne doit pas être prétexte à refuser le sacrifice de la croix. Quelque fois nous entendons la liberté comme l’expression d’un désir non contraint, sans discernement, et refusons l’espace du choix lorsqu’il demande une rupture ou un appel à changement. « La liberté ne consiste pas seulement à choisir telle ou telle action particulière ; mais elle est, au centre de tels choix, une décision sur soi et une façon de conduire sa vie pour ou contre le Bien, pour ou contre la Vérité, en dernier ressort pour ou contre Dieu. »[ix] De trahison en trahison, quand bien même nous voudrions nous rapprocher du Christ et être à ses côtés, nous finirons par le renier, parce que la charge est trop lourde et que nous refusons d’être à son service. Terrible moment de solitude de l’homme, de laisser le coq chanter et de s’apercevoir de sa propre lâcheté. Ne nous y trompons pas, ce n’est pas l’histoire d’un moment ou d’une personne, mais de chaque fidèle qui, dans son chemin de foi, doit reconnaître aussi le chemin de croix et faire les choix vers un meilleur bien, même si ce n’est pas populaire ou au goût du jour. « L’appel de Jésus, « viens et suis-moi », montre le haut degré de liberté accordée à l’homme et, en même temps, il atteste la vérité et la nécessité des actes de foi et des décisions dont on peut dire qu’elles relèvent de l’option fondamentale. »[x] Un appel, une voix, un regard de Dieu sur nous, appelant sans cesse à la conversion et à la disponibilité envers l’Esprit pour marcher à sa suite. L’acte de foi dans l’acclamation de Jérusalem, est la même acclamation au pied de la croix par le centurion, préfigurant la reconnaissance du monde païen : « vraiment cet homme était fils de Dieu ». Il en est de même dans l’incrédulité d’une foi qui passe par des femmes, et pas forcément celles qui ont eu une vie équilibrée, disant la joie d’avoir vu le ressuscité. Car Dieu dans la liberté s’exprime toujours avec humilité, laissant à l’homme l’espace de la rencontre et le désir de le voir face à face dans l’acceptation de sa divine providence. Même s’il faut toucher les plaies du Christ et la marque du clou, il n’en reste pas moins la nécessité de faire les gestes signifiants. La foi est toujours un déplacement parce que la rencontre de l’amour est dynamique.
2 Accueillir le Royaume
Cette bénédiction du Christ n’est pas tant sur l’utilité d’un roi qui nous donne du pain, que de celui qui nous donne l’espace de la liberté nécessaire pour dire notre amour et vaincre dans le combat spirituel les attaques de l’adversaire. Oui, il y a bien un retournement à vivre. « La foi, qui prend conscience de l’amour de Dieu qui s’est révélé dans le cœur transpercé de Jésus sur la croix, suscite à son tour l’amour. »[xi] Et nous sommes témoins de cet amour, le vivant autour de nous, car c’est le sceau de notre baptême, le signe de notre confirmation et l’œuvre de notre vie eucharistique. Nous le vivons dans la disponibilité à nos frères comme don sincère de nous-mêmes à travers le mode de vie que nous choisissons par le mariage, l’ordination, la vie religieuse ou le célibat. Orientés vers le Christ, nous lui rendons gloire.
Certes, en Israël en ce temps-là, le Christ est salué comme un roi, parce qu’il a multiplié les pains, nourri les foules, chassé les démons et guéri les malades. Mais retenons aussi que la parole qu’Il donne est efficace, elle se voit, elle se vérifie : Il ne dit pas seulement, Il fait. Par sa présence, Il manifeste l’œuvre de Dieu, et cela se voit. Alors chacun vient à sa rencontre, rameaux en main, pour l’acclamer et lui faire allégeance dans ce bonheur qu’Il annonce, sans en comprendre toujours les conséquences. Mais la fête des rameaux est la porte royale qui nous mène à la résurrection. « Il vient à notre rencontre, Il cherche à nous conquérir – jusqu’à la dernière Cène, jusqu’au Cœur transpercé sur la croix, jusqu’aux apparitions du Ressuscité et aux grandes œuvres par lesquelles, à travers l’action des Apôtres. »[xii] Dans la tradition apostolique, en laissant entrer le Christ dans notre vie, nous nous laissons accueillir à sa table pour Le servir, nous comprenons que cela demande un détachement de nous-mêmes jusqu’à offrir notre vie, mais que la promesse du Salut se réalise vraiment. Car Il est vivant, une personne que je rencontre dans le pain et le vin.
L’acclamation non loin du mont des Oliviers est à comprendre comme un acte d’adoration du Christ et, pour les croyants, une montée vers Pâques, sans oublier l’espace de notre trahison et de la fuite devant l’adversité, si nous ne sommes pas enracinés dans le Christ. Nous sommes nourris par le Christ à travers la Parole et le don de son corps. Dans toute eucharistie, nous vivons cette rencontre particulière où Dieu se rend présent et nous vivifie. « Dans la célébration du sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, il faut respecter la pleine dimension du mystère divin, le sens plénier de ce signe sacramentel dans lequel le Christ réellement présent est reçu, l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné. »[xiii] Or, justement, recevoir le Christ demande bien plus qu’une acclamation dans la rue, elle demande un engagement de tout notre être à sa suite. Oui nous avons à lui rendre gloire pour tous les bienfaits, mais aussi à accueillir son sacrifice pour la rémission de tous nos péchés.
Il vient nous rétablir dans notre dignité de fils de Dieu, en recevant le corps et le sang du Christ. Sa crucifixion est lieu de notre rédemption et, comme signe, Il nous envoie l’Esprit Saint afin que nous puissions vivre cette rémission des péchés et conformer notre vie sur le chemin du Salut qu’il nous a montré pour obtenir la vie éternelle. « L’humanité, soumise au péché dans les descendants du premier Adam, est devenue en Jésus Christ parfaitement soumise à Dieu et unie à lui, tout en étant remplie de miséricorde à l’égard des hommes. »[xiv] Peut-être pouvons-nous vivre cette fête des rameaux comme une entrée dans la miséricorde de Dieu, à travers notre esprit de louange et notre disponibilité à accepter que Dieu nous fasse grâce ? Par notre disponibilité extérieure à L’acclamer, nous préparons notre disponibilité intérieure à Le recevoir, Lui qui est vrai Dieu et vrai homme. A recevoir cet amour gratuit, qui se propose et qui demande une réponse de notre part. La vie eucharistique est un acte de liberté de notre foi et, en même temps, une trace de notre témoignage dans la confiance en la providence de Dieu. Il est là, présent au milieu de nous, et à chaque fois que je vis la rencontre avec le Christ, je la vis dans sa dimension fraternelle avec la communauté, comme un appel à ne pas dissocier l’un de l’autre, une volonté de nous faire marcher ensemble vers la réalité du Royaume.
3 L’appel au témoignage
L’entrée dans la semaine sainte par la procession des rameaux et la crucifixion du Christ nous fait comprendre que le règne de Dieu n’est pas à valeur humaine, mais bien dans le langage de l’amour cette offrande totale, radicale qui n’admet pas d’à peu près mais qui demande tout, au nom même du témoignage et de la cohésion de notre engagement. « Ce Règne et ce salut, mots-clés de l’évangélisation de Jésus-Christ, tout homme peut les recevoir comme grâce et miséricorde, et pourtant simultanément chacun doit les conquérir par la force — ils appartiennent aux violents, dit le Seigneur[xv] — par la fatigue et la souffrance, par une vie selon l’Evangile, par le renoncement et la croix, par l’esprit des béatitudes. »[xvi] La conversion devient rencontre de l’amour, offrande de notre être dans une recherche de communion avec Dieu et avec nos frères, par une familiarité active avec les Écritures, dans la prière personnelle et le partage d’Evangile vécu en cellule d’Eglise. Entendre Dieu nous parler et Lui répondre dans cette liberté de Fils. « Tu m’as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères. » L’ouverture de la semaine sainte rappelle la beauté du témoignage et, en même temps, préfigure l’épreuve de la croix, c’est-à-dire du dépouillement total pour entrer dans l’héritage des fils de Dieu.
Tout au long de l’Evangile, Jésus monte vers Jérusalem pour son sacrifice, en nouvel Isaac. Avec Lui l’alliance éternelle est scellée. Sans cesse Il prépare notre cœur à la dimension pascale qui passe par la croix. « C’est le chemin du grain de blé tombé en terre qui meurt et qui porte ainsi beaucoup de fruit. Mais il décrit aussi par ces paroles l’essence de l’amour et de l’existence humaine en général, partant du centre de son sacrifice personnel et de l’amour qui parvient en lui à son accomplissement. »[xvii] Il nous faut découvrir jour après jour sa présence, dans toutes les dimensions des fêtes pascales qui commencent le jeudi saint et se prolonge jusqu’à la Pentecôte. En effet, nous avons à accueillir le roi des rois, dans le pain et le vin devenant le corps et le sang du Christ ; il nous faut vivre la croix pour combattre ce qui encombre notre vie et dévie notre volonté de servir le Seigneur, et accueillir la résurrection comme une espérance nouvelle, une alliance éternelle. « Dans sa mort sur la croix s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l’homme et le sauver – tel est l’amour dans sa forme la plus radicale. »[xviii] La radicalité de l’amour n’est pas dans la revendication ni même l’imprécation de préceptes parfois extérieurs à nous-mêmes, mais concerne une présence qui s’authentifie dans notre volonté de vivre cette libéralité du don en vérité.
4 Le langage des disciples
« Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples. » Suivre le Christ, c’est parler le langage de l’amour dans tous les modes, celui du témoignage comme celui de la confiance, du pardon comme de la bienveillance. Etre à l’écoute de la Parole qui éveille chaque matin notre âme et nous conduit sur ce chemin de communion qui est offrande de nous-mêmes et don de notre vie. Le témoignage de vie est témoignage de grâce, qui illumine l’existence de la présence de Dieu et qui donne à Le voir à ceux qui me rencontrent. Ce chemin de carême nous a appris à vivre ce détachement de nous-mêmes pour nous attacher à la Parole de Vie et l’annoncer comme une délivrance pour tous. « Comme noyau et centre de sa Bonne Nouvelle, le Christ annonce le salut, ce grand don de Dieu qui est libération de tout ce qui opprime l’homme mais qui est surtout libération du péché et du Malin, dans la joie de connaître Dieu et d’être connu de lui, de le voir, d’être livré à lui. »[xix] Il s’agit de cette petite voie de Thérèse qui demande pour chacun d’entre nous de vivre la confiance en l’amour de Dieu comme expérience de vie. Ne rien faire d’extraordinaire mais à chaque instant essayer de vivre en adéquation avec la Parole, choisir Dieu en faisant des actes bons, accepter les sacrifices comme offrande pour les pécheurs et mortifier notre âme. La conversion de notre vie, demande un changement de comportement qui se voit, qui s’authentifie dans le temps, qui se montre en toute circonstance. L’Evangile change notre regard pour rechercher ce bonheur en Dieu que nul ne peut ravir.
« Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. » L’accueil du Christ fait de nous des disciples, et nous demande un témoignage de vérité, avec tout ce que nous sommes, nos limites, nos dons, et en même temps l’acceptation d’une conversion permanente pour ajuster notre vie à sa parole et ainsi accueillir pleinement son amour. « Le chrétien voit déjà poindre là, de manière voilée, le mystère de la Croix : Dieu aime tellement l’homme que, en se faisant homme lui-même, il le suit jusqu’à la mort et il réconcilie de cette manière justice et amour. »[xx] Par la croix, nous comprenons que nous sommes impliqués dans l’amour, et nous sommes invité à dialoguer avec Lui par une réponse libre. Prions pour que la Parole de Dieu prenne pleinement vie en nous et soit féconde, que nous puissions accueillir la grâce de sa présence et nous rendre disponibles à son appel. « Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté »
5 Le silence comme lieu de compassion
Le récit de la passion ‘n’est pas exempt de la bonté humaine. Joseph d’Arimathie va à la croix pour ensevelir Jésus, et préparer le signe de Salut pour chacun de nous au matin de Pâques. Les femmes de Jérusalem pleurent devant le sacrifice injuste et sur la malédiction que cela engendrera pour la ville de Jérusalem, rasée quelques années plus tard. Cette tendresse de ceux qui accompagnent Jésus jusqu’au bout, sa mère, quelques femmes et saint Jean le disciple fidèle de la charité, présences silencieuses. Puis vient la mort sur la croix, de la sixième à la neuvième heure, c’est-à-dire de l’heure des passions et de l’acédie à l’heure de la prière du soir au Temple.
Mais tout n’est pas fini, le corps est encore enveloppé du mystère de l’absurdité du mal et de la mort. Les amis de Jésus vont chercher le condamné pour ne pas laisser le corps durant le saint jour du sabbat, du repos de Dieu lors du passage de la Mer Rouge et de l’accomplissement de l’alliance. Ce jour du silence qu’est le samedi saint où nous sommes appelés à la prière, lieu de dialogue avec Dieu et de contemplation de son œuvre. Jour de dialogue silencieux dans la bénédiction et l’action de grâce pour la fidélité de son alliance. Tout se contemple et le silence pousse à l’intériorité de la prière. « Prier ne signifie pas sortir de l’histoire et se retirer dans l’espace privé de son propre bonheur. La façon juste de prier est un processus de purification intérieure qui nous rend capables de Dieu et de la sorte capables aussi des hommes. Dans la prière, l’homme doit apprendre ce qu’il peut vraiment demander à Dieu – ce qui est aussi digne de Dieu. Il doit apprendre qu’on ne peut pas prier contre autrui. Il doit apprendre qu’on ne peut pas demander des choses superficielles et commodes que l’on désire dans l’instant – la fausse petite espérance qui le conduit loin de Dieu. Il doit purifier ses désirs et ses espérances. Il doit se libérer des mensonges secrets par lesquels il se trompe lui-même: Dieu les scrute, et la confrontation avec Dieu oblige l’homme à les reconnaître lui aussi. »[xxi] La prière du sabbat, pour Marie et les disciples de Jésus, est le jour d’après, où la souffrance est toujours vive, mais la fidélité à Dieu enracinée et inébranlable. Le sabbat est vécu comme l’obéissance aux Ecritures et à ce repos qu’il nous est demandé de vivre, comme une action de grâce dans ce que Dieu a donné durant toute la semaine. Le premier don que Dieu nous donne est la vie, qu’il nous permet de continuer au souffle de sa présence. Le samedi saint par excellence, il n’est ni temps de faire les courses, ni même d’écouter la radio ou la télévision ou de vouloir consommer cette société des écrans, mais c’est le jour de la prière, de la préparation de Pâques, dans la confiance en l’œuvre de Dieu. Une journée sans téléphone, ni voiture, sans tracas du quotidien mais une disponibilité totale au sacrifice de Dieu dans la méditation des Ecritures et le service de la charité fraternelle.
La présence de Marie, comme témoin de la foi et première des disciples, est en même temps un exemple pour nous de vivre notre foi, elle nous montre la place du croyant au côté du crucifié. C’est justement à Marie que Jésus confie son Eglise, et à saint Jean d’accueillir la nouvelle Eve pour nous montrer le chemin de libération intérieure. Peu de mot, mais une présence, un accueil dans le silence de la mort et l’attente de la résurrection. La prière de Marie à côté de ceux qui quittent le monde est signifiée par sa présence au pied de la croix. Elle reste la mère proche de l’humanité, quand bien même elle se retrouve seule, dans le courage de l’amour elle persévère. « Marie a été et est présente pendant les jours de la pandémie, auprès des personnes qui ont malheureusement conclu leur chemin terrestre dans une situation d’isolement, sans le réconfort de la proximité de leurs proches. Marie est toujours là, à nos côtés, avec sa tendresse maternelle. »[xxii] Elle n’est pas mentionnée dans l’arrivé à Jérusalem, car son oui de l’annonciation vaut la plus grande des fêtes, et la joie de la naissance la meilleure des reconnaissances. Mais là encore elle nous montre le cheminement à parcourir dans cet épreuve du temps vécu dans le silence du cœur et les profondeurs les plus intimes pour y découvrir l’image de Dieu.
28 mars 2021 – Père Greg – Curé
Saint Charles Borromée – Joinville-le-Pont
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Sources
- [i] &64 Veritatis Splendor
- [ii] &61 Verbum Domini – citation Rituel de la Pénitence et de la Réconciliation. Orientations doctrinales et pastorale, n. 17.
- [iii] cf. Mc 1, 15
- [iv] cf. Ac 2, 37-41 ; 3, 17-20
- [v] &107 Veritatis Splendor
- [vi] &14 Lumen Fidei
- [vii] &12 Verbum Domini
- [viii] &26 Verbum Domini
- [ix] &65 Veritatis Spendor
- [x] &66 Veritatis Splendor
- [xi] &39 Dieu est Amour
- [xii] &17 Dieu est Amour
- [xiii] &20 Redemptor Hominis
- [xiv] &40 Dominum et Vivificantem
- [xv] Cf. Mt 11, 12 ; Lc 16, 16.
- [xvi] &10 Evangelii Nuntiandi
- [xvii] &6 Dieu est Amour
- [xviii] &12 Dieu est Amour
- [xix] &9 Evangelii Nuntiandi
- [xx] &10 Deus Caritas est
- [xxi] &33 Spe Salvi
- [xxii] Catéchèse sur la prière -27 prier en communion avec Marie