Vendredi Saint. Homélie
Vendredi Saint
10 avril 2020
« Qui cherchez-vous? »
La question de la passion résonne encore aujourd’hui. Qui cherchons nous en appelant Jésus à se manifester dans notre vie ? Un héros de bande dessinée, une belle idée lointaine, ou une présence qui m’invite à la conversion. Car rechercher Jésus, c’est se laisser transformer par sa présence d’amour, et d’ajuster sa vie à la Parole de Vie. Ce n’est pas tant le que cher chez-vous d’une perte de sens, d’une béquille psychologique, qu’une demande de relation. L’impasse du confinement que nous vivons est justement l’absence de relation que l’on essaye ensuite de transformer en relation de désir, mais qui reste un leurre. Seul Jésus peut me combler et me guérir de la lèpre du péché. Seul Jésus me conduit sur des chemins tranquilles pour l’honneur de son Nom, et il nous faut le suivre, certes avec le principe de précaution, mais en tenant ferme sur la vertu de prudence, qui demande un discernement éclairé sur ce que j’ai à vivre. Que le remède ne soit pas pire que le mal. C’est là ou notre recherche de Jésus, c’est trouver le chemin de vie qui nous mène vers la vérité de l’amour. Un chemin de restauration de la communion en scrutant les Ecritures, et en nous laissant enseigner dans les profondeurs du cœur, non extérieur à nous même, mais une volonté de suivre le Christ.
Et la tradition mystique nous y invite « Dégage toi, en vérité de toi-même et de toutes choses créées, et élève pleinement ton âme à Dieu au-dessus de toute créateurs, dans le profond abîme ; là, plonge ton esprit dans l’esprit de Dieu, dans un véritable abandon… dans une véritable union avec Dieu »[i] Celui que nous recherchons nous demande de vivre l’abandon en sa présence, pour mieux vivre la relation, car la communion ne se vit que dans la relation et non dans l’imprécation ou juste un désir sans finalité concrète. Celui que nous recherchons vient faire en nous la vérité pour illuminer notre âme en profondeur de sa présence et nous guider vers le don sincère de soi-même, dans un esprit de service et de gratuité dans l’échange. Une conversion qui nous demande en fils de Dieu, c’est-à-dire en fils de Roi d’être toujours au service de l’autre, pour vraiment entrer dans le service du Tout autre. « ‘L’amour …doit être compris, vérifié et pratiqué à la lumière de la vérité. … nous aurons …contribué à rendre crédible la vérité en en montrant le pouvoir d’authentification et de persuasion dans le concret de la vie sociale. »[ii] La Passion du Christ et la mort sur la croix démontre bien l’engagement total que nous avons à vivre dans le service du frère et le don de soi-même. L’absurdité de la croix nous dévoile en même temps la grandeur de l’amour qui surpasse tout jugement pour se révéler dans la générosité même de sa nature propre. L’amour est l’infinie gratuité du don sans retour.
Or souvent dans notre relation à nos frères nous demandons une réciprocité, ou l’engagement se fait en fonction de l’autre, ou de ce qu’il dégage. En témoin du Christ, c’est vers Lui que nous prenons appui pour vivre la gratuité de l’amour, et c’est avec Lui que nous nous engageons jusqu’au bout. Lui seul est venu nous sauver, et nous envoyer l’Esprit Saint pour nous conduire tout au long du jour sur le chemin de la joie en Dieu. Lui seul a accompli pleinement l’humanité dans la libre obéissance à la volonté du Père, redonnant à l’homme sa vocation première, l’image de Dieu éclairé par le mystère du Verbe incarné nous fait entrer dans la ressemblance. A travers lui notre quotidien a le gout d’éternité lorsque nous remettons Dieu présent dans tout ce que nous faisons, lorsque nous agissons en demandant toujours à Dieu sa grâce pour ce que nous avons à faire. Une attitude de prière qui demande aussi la confiance en Dieu pour nous laisser surprendre et nous emmener vers la grande espérance du salut.
« Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. »
Le témoignage à la vérité demande de nous sortir de l’arbitraire du jugement pour entrer dans la méditation des Ecritures, et l’ouverture de notre intelligence à la volonté du Père. « Dieu peut se montre comme il veut, et il peut se cacher comme il veut…. Le Christ pensait ; en écoutant, on l’accueille et on l’attire à soi, comme s’il voulait dire ; tu le reçois et tu n’en sais rien. Sache que Dieu ne peut rien laisser vide et vacant…c’est pourquoi, même s’il te semble que tu ne l’éprouves pas et que tu es encore vide, il n’en est pas ainsi »[iii] Le mystère de la croix nous révèle une autre vérité, celle de l’offrande pour notre salut, et de l’absurdité du refus de la Parole qui va jusqu’à vouloir faire mourir Celui qui est vie. Dans le domaine du paradoxe, en refusant la Parole nous crucifions le Christ, en relativisant celle-ci, nous sommes au pied de la croix entrain de l’injurier, en oubliant de nous assujettir à la Parole, et à la méditer jour après jour dans notre cœur, nous sommes comme cette foule aveugle qui invective notre Seigneur. Car nous nous sommes laissé égarer.
La vérité se vit dans l’accomplissement de la Parole, quand bien même elle peut traverser le scandale de la croix et l’absurdité du mal dans l’instant cela n’empêchera pas la résurrection pour l’éternité ! « Le sommet de la révélation de Dieu le Père est offert par le Fils à travers le don du Paraclet[iv], Esprit du Père et de son Fils, qui nous « guide vers la vérité tout entière »[v] La vérité se comprend à travers la communion Trinitaire et nous porte alors à contempler l’œuvre de Dieu et dans sa globalité, la croix est un passage de l’amour dans la libéralité du don. Le Sauveur est prêt à tout pour nous racheter, l’amour participe à notre humanité pour lui redonner la genèse de son histoire, et l’appel à réaliser la promesse de Dieu dans sa vie. « la religion du Verbe incarné ne pourra que se montrer profondément raisonnable à l’homme qui cherche sincèrement la vérité et le sens ultime de sa propre vie et de l’histoire »[vi] Et l’Esprit Saint continue d’éclairer notre vie de sa présence pour nous dévoiler la vérité reçu par la Parole et que nous avons à réaliser dans l’ordre et le chaos, c’est-à-dire en toute occasion, laissant Dieu conduire notre histoire jusqu’à son achèvement.
« Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut »
Dieu est à l’origine de notre vie et nous a mis au monde pour remplir notre vocation propre. Comprendre comme vocation propre l’appel que nous avons à vivre dans l’aujourd’hui de nos actions et qui peut se manifester de plusieurs manières, mais va toujours dans le même axe d’ajustement à la volonté du Père. Vivre notre vocation, n’est donc pas enfermer dans une forme particulière, mais demande en toute occasion d’être au service de l’amour c’est ce qui fait notre joie. « Dieu fait reposer notre béatitude dans un pâtir, car nous pâtissons plus que nous agissons, et nous recevons incomparablement plus que nous donnons »[vii] Recevoir la grâce demande donc une disponibilité de tout notre être, pour être comme les vierges sages, les lampes allumées attendant le retour du maitre. Se tenir prêt et laisser Dieu agir, car notre joie se fonde sur cette révélation de Dieu dans notre vie qui fait de nous des témoins, une révélation qui enthousiasme tout ce que nous sommes et nous donne le dynamisme nécessaire pour nous accorder alors à l’amour reçu que nous consumons dans notre vie et dont nous illuminons nos frères par l’annonce explicite de la Parole et la cohérence avec nos choix de vie. Parce que Dieu dans sa présence nous unifie et nous rétablit dans notre dignité propre, en nous permettant d’agir avec amour, laissant notre humanité transparaitre de plus en plus comme lieu de familiarité avec Lui.
Que ce temps du Vendredi Saint soit celui de l’union à Dieu, ou nous méditons dans nos confinements, cet appel à l’intériorité de l’Esprit Saint afin de laisser son œuvre s’accomplir. Le mystère de la croix est un appel à faire la vérité dans notre vie, pour rappeler la radicalité de l’appel, et du don. L’amour se donne gratuitement et jusqu’au bout comme un souffle de Dieu. « Parce que l’amour est riche de vérité, l’homme peut le comprendre dans la richesse de ses valeurs, le partager et le communiquer »[viii] Alors témoignons par notre vie de cet amour de la vérité dans l’accomplissement de la Parole dans la totalité de notre vie. « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. »
Sources