Lettre des nations : Février 2020
« C’est par lui que tout est venu à l’existence »
Dieu est source de vie, en profusion du don et en partage de l’amour unique et qui se décline pourtant en de multiples manières. Dieu est vie, la source de tout, le fleuve qui abreuve tout au long du temps, la Création de multiples manières comme incarnation de l’amour dans la responsabilité de l’homme, et accompagne sa finitude dans la grande espérance du salut. La vie s’enracine dans la Parole, lieu de toute relation et de développement de notre choix de la vérité de l’amour. Ce désir d’être infini que nous portons comme lieu de réalisation de tout notre être, en tant qu’image de Dieu. « Nous devons célébrer la Vie éternelle, d’où procède toute autre forme de vie. C’est d’elle que reçoit la vie, suivant ses capacités, tout être qui, en quelque manière, participe à la vie. Cette Vie divine, qui est au-dessus de toute forme de vie, vivifie et conserve la vie. Toute forme de vie et tout mouvement vital procèdent de cette Vie qui transcende toute vie et tout principe de vie. »[i] Le projet de Dieu pour notre vie s’inscrit dans cette vie divine et la liberté de l’amour dans la fécondité de son œuvre. Une fécondité s’inscrivant dans la générosité et la gratuité. Il nous reste à être accueillants à la grâce qui nous est faite et de contempler avec action de grâce l’action du Dieu Créateur.
« C’est toi … qui m’as tissé dans le sein de ma mère. »[ii]
Tissé, façonné dès le sein de ma mère…. Est-ce une allégorie, une image pour me faire comprendre l’amour de Dieu, ou est-ce une réalité de ma propre existence ? Car si la Parole de Dieu doit être lue dans la radicalité de son sens, comme un lieu de révélation, alors mon élection à l’amour par mon baptême et ma confirmation me demande d’être témoin de cette vie de relation entre Lui et moi.
Au commencement de mon existence Dieu est. Je suis un projet de Dieu avant toute chose. Dès l’origine, ma vie a d’abord été un dialogue avec Dieu. Un dialogue silencieux mais bien réel, d’un amour qui m’a créé, m’a façonné, m’a donné le souffle de vie, et à mes côtés m’a laissé grandir dans cette liberté de fils de Dieu. « Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance, mon appui dès ma jeunesse. Toi, mon soutien dès avant ma naissance, tu m’as choisi dès le ventre de ma mère; tu seras ma louange toujours ! »[iii] Une reconnaissance de l’œuvre de Dieu dans ma vie dès l’origine et me fait percevoir la globalité de l’amour de Dieu pour moi dès le début. Il est fidèle dans l’amour et persévérant pour m’accompagner tout au long de mes jours. Au commencement de ma vie est l’amour de Dieu. Voici l’émerveillement du psalmiste qui reconnaît l’œuvre de Dieu dans le temps. Et l’incarnation du Fils nous introduit à la dimension de la pleine réponse à l’amour par le don sincère de soi-même. « C’est donc à partir de la parole, de l’action, de la personne même de Jésus que la possibilité est donnée à l’homme de « connaître » la vérité tout entière sur la valeur de la vie humaine; c’est de cette « source » qu’il reçoit notamment la capacité de « faire » parfaitement la vérité »[iv] La vérité jaillit de la vie donnée par Dieu et proposée en partage dans notre responsabilité de co-créateur. Mais cette vie est d’abord l’objet de l’amour de Dieu pour moi et pour mes frères.
1 Dès le sein de ma mère dans la Bible
L’expression dès « le sein de ma mère » apparait plusieurs fois, Dans le cantique des cantiques, l’expression rappelle la fraternité de la bien aimée au bien aimé, comme une proximité de l’amour d’une même humanité et en même temps l’expression du désir si fort, étranger aux liens familiaux. . « Ah! que ne m’es-tu un frère, allaité au sein de ma mère! »[v] La vie s’annonce comme un lent apprentissage d’une communion inaltérable d’une beauté de l’autre dans la vive flamme d’un amour éternel. « Flamme du Seigneur, Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour ni les fleuves le submerger »[vi]
Nous le retrouvons dans le livre d’Isaïe ou de Jérémie pour rappeler l’élection de Dieu pour chacun d’entre nous dans sa mission spécifique et pour le prophète d’être Serviteur. Une vocation qui trouve sa racine dans la faveur de Dieu pour Celui qu’Il a choisi et qui n’est pas resté vaine, puisqu’il a accepté cette grâce d’une vocation unique. Il « m’a façonné dès le sein [depuis le ventre] de ma mère pour que je sois son serviteur. » La vocation profonde de notre vie se médite dans le projet de Dieu pour chacun d’entre nous, et ce que nous avons à accomplir dans la liberté d’un oui d’accomplissement. Une vocation unique grâce à notre personnalité propre, et qui donne un éclat nouveau à l’annonce de la joie de Dieu. Une lueur de la foi qui a sa couleur propre même si elle est faite pour nous tourner vers Dieu notre unique bien. Nous découvrir uniques aux yeux de Dieu nous révèle ainsi précieux pour Lui et pour la création. Chaque être humain est un bien potentiel pour l’humanité, une joie de Dieu pour nous accompagner à la conquête d’une liberté de l’amour promis à chacun.
Il y a une difficulté de traduction, puisque le mot sein de ma mère peut traduire le sein en lui-même, le ventre qui le porte, ou les entrailles pour parler de l’utérus. L’autre difficulté est la polysémie de la langue hébraïque, et la traduction en langue grecque par la septante d’une part, et les Ecrits du Nouveau Testament d’autre part .Une différence de culture, que nous pouvons comprendre de manière schématique, par le monde grec comme celui des idées (d’où le développement spécifique de la philosophie) et le monde du proche orient de la réalité relationnelle (d’où le foisonnement religieux et l’affirmation spirituelle). Notre méditation est donc avant tout une contemplation des Ecritures avec ce que le Seigneur nous enseigne dans un langage du cœur à cœur .Comment le Seigneur me parle t’il à travers ces paroles transmises dans les traductions ? Quelles sont les relations de vie que je suis appelé à prolonger tout au long de mon existence. Comment je me laisse rejoindre par l’amour de Dieu et je viens à m’émerveiller de sa présence dans mon aujourd’hui ?
1.1 Projet d’amour dans l’intégralité de notre être
L’unicité dans le projet de Dieu demande de prendre conscience de l’intégralité de tout notre être dans son projet d’amour. C’est tout entier que le Seigneur nous aime, et c’est tout entier que nous devons répondre à son amour. Ce n’est pas un amour d’agenda, où il y aurait des heures chrétiennes et des heures païennes. Ce n’est pas une partie de nous-mêmes, l’âme au ciel et le corps en enfer. Ce n’est pas un supermarché des valeurs où tout se relativiserait suivant les besoins. Non, c’est vraiment dans la profondeur de notre être et en même temps toute son étendue que Dieu veut irradier de sa présence.
En même temps cela nous révèle aussi l’unicité de Dieu qui est Un et Trine. Et en contemplant Dieu dans son unicité je comprends alors la grâce qu’il m’a faite de partager cette unicité dans le projet qu’il a pour chacun d’entre nous, c’est-à-dire pour moi et pour mes frères. Une compréhension d’abord personnelle dans la conscience et communautaire dans l’expression pour savourer la beauté de toute vie créée. « Nous sommes appelés à reconnaître que les autres êtres vivants ont une valeur propre devant Dieu et, « par leur simple existence ils le bénissent et lui rendent gloire »[vii], puisque « le Seigneur se réjouit en ses œuvres »[viii]. Précisément en raison de sa dignité unique et par le fait d’être doué d’intelligence, l’être humain est appelé à respecter la création avec ses lois internes, car « le Seigneur, par la sagesse, a fondé la terre » »[ix]. La beauté de la création et l’émerveillement de l’amour reçu de Dieu nous porte à comprendre la juste unité de la création dans le rapport unique de chacun face au projet du Créateur, et de l’invitation à l’harmonie que nous sommes appelés à vivre et à développer.
Le projet d’amour de Dieu pour l’homme est vécu au cœur de la création comme un service de croissance et de sain développement des fruits où par nature le monde végétal et animal coopèrent. La domination de l’homme est donc à recentrer sur un appel premier à la responsabilité de croissance et d’harmonie. Et cela est vrai dans une vision écologique intégrale, où c’est tout le vivant en partant de l’homme pour rejoindre la nature que nous pouvons comprendre en vérité notre vocation première. Dès le ventre de notre mère, nous entendons l’appel de Dieu à continuer son œuvre créatrice et à participer au déploiement de l’amour dans toutes ses œuvres. « Ce qui se produit en Dieu de toute éternité se produit de la même façon pour moi en ce moment même. L’instant porte alors toute la force de l’éternité »[x] Il y a bien dès le sein de ma mère un commencement, et pourtant le projet d’amour de Dieu m’apporte aussi une cohérence dans mon histoire et dans l’histoire des hommes, une cohérence dans le rapport que j’ai au monde créé par Dieu et donc à Dieu lui-même source de toute vie, éternité d’amour qui se révèle sans cesse et m’abreuve dès que je le reçois et que je le partage. « L’union vient de la ressemblance, et l’union véritable vient à partir des choses ressemblantes comme la lumière à partir de la lumière »[xi] Se recevoir de Dieu nous laisse contempler ce qu’Il est vraiment à partir de nos pauvres expériences et nos limites, mais éclairé par sa sagesse et le souffle de l’Esprit.
Comprendre l’intégralité de tout notre être dans l’unité de ce que nous avons à vivre en tant que personne ouvre à notre connaissance une porte de contemplation de ce qu’est Dieu, l’Unique. Par ressemblance nous participons à une vision bienheureuse de ce qu’Il est vraiment, et comprenons le mystère du salut à l’aune de notre prière et l’intelligence de la foi. L’amour de Dieu et la contemplation de son mystère nous font entrer dans la révélation et nous y participons en découvrant la beauté de l’amour qui va jusqu’à identifier dans notre être ce qu’Il est « selon sa ressemblance ». Et notre reconnaissance est un chant d’action de grâce, car il a su mettre dans la limite de notre nature, l’amour illimité de sa présence.
Un des dangers du projet d’amour de Dieu pour nous est de le comprendre comme si tout avait été fait à notre place, sans notre participation. C’est une erreur non seulement d’interprétation mais aussi d’élection. L’accueil de sa vocation, se fait non comme une prédestination mais comme l’accueil de l’amour et de notre choix de nous conformer à cet amour, ou plutôt devrions nous dire à nous ajuster à cet amour pour donner le meilleur de nous-mêmes. Nous ne pouvons pas voir le projet de Dieu sans émerveillement de sa bonté pour nous, et notre responsabilité à recevoir le don dans notre vie et à le partager autour de nous en ressemblance avec Lui. Lui et moi c’est un projet de communion intense, sans calcul ni récrimination, mais dans l’accueil et l’offrande. Le choix de Dieu n’est donc plus de l’ordre de la simple destinée, mais du choix d’être en communion avec Lui et participant actif à sa création. C’est aussi dans cette vocation particulière que nous retrouvons l’expression dans la vie de Sanson. « Le rasoir n’a jamais passé sur ma tête, lui dit-il, car je suis nazir de Dieu depuis le sein de ma mère. »[xii] Chaque projet que nous faisons avec Dieu est posé en germe dans le projet qu’il avait pour nous, et c’est ce qui est merveilleux. Car lorsque nous répondons à ce projet tout prend sens, tout est sens, et ajustement à la communion promise dans la liberté de l’amour.
1.2 Projet sans responsabilité ? la prédestination…
Or parfois nous sommes dans la désillusion, nous croyant prédestinés à faire les choses, comme une machine informatique à répondre de manière binaire aux sollicitations. C’est une vision bien triste de la fécondité luxuriante des choix de Dieu pour notre vie. Une châtaigne marron, peut faire un arbre très haut, ou très large. Elle peut donner lieu à la construction de tables ou la charpente d’une maison ou d’un bateau ou servir comme bois de chauffage, ou tout simplement faire avec d’autres une bonne crème de marrons. Chacun peut servir la nature dans la symphonie des vocations. L’important est bien de répondre à l’appel particulier de nous accorder à la grâce que Dieu a déposée en chacun de nous, une joie de la rencontre, appel à la profondeur de l’intime où se vit l’union de l’âme à son Seigneur. En effet la question n’est pas de savoir si j’ai mal répondu à mon élection propre, mais bien plutôt y ai-je répondu pleinement ? Dans le premier cas, il y a une forme d’incertitude, de manque de confiance en soi-même et d’interrogation sous-jacente de confiance en Dieu. Douter d’avoir répondu à une unique élection voudrait dire que Dieu n’avait qu’un projet et un seul ,limité et déresponsabilisé d’un maître dur qui moissonne là où il n’a pas semé. Dans le deuxième cas, j’accueille l’œuvre de Dieu dans ma vie et j’essaye de m’y ajuster tout au long de mes choix, par une volonté de plus en plus intense de communion.
Mais le psalmiste lui, parle de la matrice de la mère, pour dire que Dieu est là dès la conception. « C’est toi qui as créé mes reins, qui m’as tissé dans le sein de ma mère. Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis »[xiii] Reconnaitre la création c’est faire honneur au créateur, dans une humilité de la beauté qui resplendit vers Celui qui l’a fait et non dans un référencement sur soi-même, source de tout orgueil. « C’est seulement grâce à cette … nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence. Nous parvenons à être pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le plus vrai. »[xiv] La contemplation de l’œuvre de Dieu nous parle de Dieu, lui l’unique nécessaire de notre vie et nous invite dans l’intelligence de la foi à comprendre notre histoire comme un prolongement de son amour pour chacun d’entre nous et de l’appel au témoignage que nous avons à vivre auprès de nos frères. « Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère ; dans sa grâce, il m’a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations païennes. »[xv] Lorsque je réponds à son appel alors je retrouve ma vocation propre, et je deviens témoin devant tous de ce que j’ai vu et entendu. Je le réalise dans l’écoute de la Parole, le discernement des signes et la prudence de la tradition apostolique, et je suis appelé à vivre ce témoignage au souffle de l’Esprit. La Personne Don me conduit en dehors de moi-même sur les routes du monde à annoncer la joie de la rencontre unique avec Mon Seigneur et Mon Dieu.
Dieu se révèle dans sa création, puisqu’il nous a créés et qu’il se révèle à chaque création d’une manière constante et en même temps nouvelle. « A toi je fus confié dès ma naissance ; dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu. »[xvi] La confiance de l’homme en son Dieu est la réponse du premier amour de Dieu pour chacun d’entre nous et l’audace d’alliance qu’il nous propose de vivre. Une continuité de notre être dès sa conception pour montrer cette intégrité de tout l’homme de sa conception jusqu’à sa mort et la résurrection de la chair. Un même appel à ajuster sa vie dans la familiarité avec son Seigneur et la fraternité avec son prochain. Un même appel de communion des saints qui ne peut se comprendre qu’à travers la contemplation de Dieu et l’union mystique, chemin naturel de sanctification de tout notre être. Pour Dieu dès l’origine nous avons de la valeur, celle de l’amour qu’il y a déposé, appelés à s’ajuster dans tous nos choix de vie. Mais ce n’est qu’une complémentarité à l’amour de Dieu et non l’échelle d’une comparaison possible ou d’une désolidarisation d’une partie de notre vie.
Pour Dieu mille ans sont comme un jour, comme un zygote[xvii] a autant de valeur qu’un vieillard. « De même que tu ignores les routes du vent et comment se forment les os de l’enfant dans le ventre de la mère, de même tu ne comprends pas l’œuvre de Dieu qui fait toute chose. »[xviii] L’accueil de l’amour demande beaucoup d’humilité pour avoir l’intelligence nécessaire à la contemplation de son œuvre. Un cœur suffisamment pur pour ne jamais se désorienter, mais réunir tout l’être dans l’admiration de l’œuvre du Créateur.
1.3 La trace du péché…
Oui je suis une merveille de Dieu dès le commencement, dans un projet de vie par une présence d’amour de tout instant. Mais notre liberté a été entachée par le péché originel « Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère. Mais tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, tu m’apprends la sagesse. »[xix] Notre nature est bonne puisque créée par Dieu mais le Clivant nous a trompés en inclinant nos choix vers le péché, et c’est pourquoi il nous faut combattre et restaurer la communion avec Dieu. Or l’Esprit Saint est là pour nous conduire sur ce chemin qui nous fait redécouvrir ce beau projet de Dieu pour nous, et lorsque nous l’accueillons nous entrons dans ce chant nuptial de tout notre être avec Dieu, « Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis »[xx] L’accueil de la communion avec Dieu nous fait réaliser ce que nous avons à vivre dans une histoire commune où Dieu n’a jamais été absent, une relation commune de confiance, de persévérance et de vérité de l’amour. Et pourtant nous pouvons aller sur les chemins des idoles, et nous éloigner de lui, c’est là le péché premier, nous défier de Dieu et de son amour inconditionnel.
Dieu nous a créés dans nos limites humaines pour répondre à son amour illimité. C’est donc une beau projet réalisable qu’Il nous demande de vivre « Nu, je suis sorti du ventre de ma mère, et nu je retournerais là-bas. Le Seigneur a donné, le Seigneur a pris. Que le nom du Seigneur soit béni »[xxi] Le péché se situe exactement sur cette incapacité chronique à regarder le Seigneur et à nous décentrer de Lui. Qu’avons-nous à regarder notre vulnérabilité au lieu de faire confiance en son projet d’amour et d’avancer avec Lui sur le chemin de vie ? Tout vient de Dieu et retourne vers Lui comme sa Parole, non sans avoir fécondé la terre. Notre vie offerte à Dieu devient une semence pour nos frères et une joie au ciel .L’utérus de la terre qu’est la tombe ne peut rien contre la résurrection du Christ et la grande espérance du salut. Une joie de la vie en plénitude promise dès le projet de notre création. Il n’y a pas ceux qui sont créés pour être damnés et ceux qui sont créés pour être sauvés, cette vision manichéenne de la prédestination est encore plus peccamineuse.
Le refus de conversion est un dévoiement de notre vocation première d’image de Dieu. Persévérer dans l’erreur est un refus explicite de Dieu en toute connaissance, définition du péché mortel. Choisir le mal en sachant que c’est mal et en voulant faire le mal est diabolique. Cependant on peut aussi avoir un jugement enfermant comme le psalmiste désemparé devant l’emprise du mal. « Les méchants sont dévoyés dès le sein maternel, menteurs, égarés depuis leur naissance »[xxii] Il signifie aussi l’incapacité du changement qui peut avoir l’origine dans des mauvais choix dès le commencement et qui perdurent dans la vie. La conversion à laquelle nous sommes appelés justement dénonce le déterminisme pour nous rappeler que Dieu frappe à notre porte et nous autorise toujours à revenir vers lui de cœur et d’âme. Le péché est détruit une fois pour toutes par la mort et la résurrection du Christ. Prier notre rédempteur a tout son sens dans le combat spirituel, et en même temps nous fait redécouvrir au fond de notre misère la beauté de l’amour que Dieu y avait déposé, et qui demeure toujours présente.
1 Synthèse
Cette œuvre de Dieu est en même temps une prise de conscience de notre fraternité dans la beauté de la conception. « Si j’avais eu du dégout pour le droit de mon serviteur et de ma servante, dans leur procès avec moi qu’aurais-je fait quand Dieu se serait levé ? Et quand il m’aurait examiné, que Lui aurais-je répondu ? N’est-ce pas dans un ventre que Celui qui m’a fait l’a fait aussi ? N’est-ce pas qu’Il l’a préparé dans un utérus unique ? »[xxiii] La rencontre des cellules sexuelles mâle et femelle, formant le zygote est déjà le projet d’amour de Dieu pour moi et pour mes frères quel que soit les situations culturelles, sociales ou familiales. En cela toute vie dès le début loin d’être un tas de cellules entre dans le projet créateur.
Ne nous laissons pas voler ce temps d’émerveillement de l’amour par la réalité du péché. Ce qui est premier c’est l’amour de Dieu pour nous, et son projet merveilleux de nous avoir faits dans notre être sexué, appelés à la complémentarité dans la communion. En effet nous sommes invités à contempler Dieu d’abord et avant tout, de nous laisser abreuver par cette oraison de l’amour, celle de l’union de notre être à l’amour du Très Haut. Facilement nous détournons nos yeux pour voir la réalité du péché et donc trouver une excuse pour être ce que nous sommes, où dans une forme d’excuse de ne pas être en harmonie complète. Or nous sommes bien conviés au banquet du royaume et à nous extasier de sa présence en premier lieu. C’est bien dans ma relation vivante en Jésus, que je prends conscience des transformations que j’ai encore à vivre. Parler de péché, avant d’être dans la grâce de la relation est mettre la charrue avant les bœufs. L’amour de Dieu dès le sein de ma mère, est premier. C’est l’essence même de mon existence, alors que le péché n’en est qu’un accident. A travers les difficultés que nous pouvons traverser parfois, il nous faut vivre ce temps d’adoration pour reconnaitre l’amour de Dieu dans ma vie, même si c’est un temps de tempête et que les épreuves s’accumulent. L’adoration est lieu d’amour du Christ Sauveur qui nous envoie l’Esprit Saint pour embraser notre cœur et nous tourner résolument vers notre Père.
Ainsi nous sommes appelés à réaliser la vocation à l’amour en fils de lumière et cela nous entraîne à accomplir la mission dévolue par Dieu et dont nous sommes les serviteurs. La souffrance est alors comprise comme un possible passage pour aider à grandir en humanité et se référer ainsi, à l’abandon de sa propre volonté. L’utérus unique invite à comprendre l’histoire de l’homme comme une complémentarité de fraternité vers une même adoration envers le Créateur source de tout bien. Notre élection vécue dans la fraternité, loin d’être une tâche ingrate, nous nous apercevons dans l’action de grâce du terrain qu’Il nous a préparés, déjà labourés par sa grâce, fécondés par sa Parole, et que nous avons à entretenir jusqu’à la moisson. Notre mission vocationnelle trouve toujours la prévenance de Dieu, car Il nous accompagne et nous assiste toujours lorsque nous faisons appel à Lui, et nous laisse cette belle autonomie chacun selon nos propres forces afin de vivre la vérité de l’amour dans les choix que nous ajustons en artisans de paix. Certes parfois nous pouvons vivre des combats et subir l’humiliation en serviteurs souffrants « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. »[xxiv] Les limites humaines et notre péché entravent notre liberté mais ne la suppriment pas, et lorsque nous acceptons la révélation de Dieu dans notre vie alors tous les possibles sont permis.
2 Lorsque l’amour répond à l’amour dans la communion spirituelle
La lumière de la foi éclaire l’amour et lui donne les couleurs de la vie. Une vie pleine de la grande espérance du salut, et de la gratuité de la relation à Dieu et à nos frères. Lorsque nous répondons à cet amour alors nous entrons en communion d’amour et la Parole devient la vérité d’une réalité à vivre. Cela demande d’entrer dans le don sincère de soi-même et en même temps de s’émerveiller de ce que nous donne à voir Dieu : Lui-même et la création.
2.1 Un dialogue d’amour pour entrer en relation dans le don
Ma relation avec le Seigneur est donc un dialogue dans la profondeur de l’intime de tout mon être. Lorsque je pose la question où est Dieu ? Il ne me répond pas je suis juste là, mais bien Je suis toujours là, fidèle,. présent à chaque instant de tes pas.
Et même là dans cette relation à Dieu, dans le dialogue que nous mettons en place, il y a toujours de l’indicible, car même les mots s’arrêtent aux portes du grand amour pour devenir contemplation. « O mon grand Dieu Tout-Puissant ! Que vos secrets sont impénétrables ! Et que les choses de l’esprit sont différentes de tout ce qu’on peut voir et comprendre ici-bas, puisqu’il n’est pas de mots capables de donner l’idée de celle-ci, si petite pourtant à coté de tant d’autres merveilles que vous opérez dans les âmes »[xxv] De cette contemplation de Dieu qui m’ouvre à l’union sponsale[1] c’est-à-dire comme à l’union de l’époux à l’épouse, nous sommes unis à Dieu dans le don sincère de soi-même.
Même les mots s’estompent dans le souffle de la prière pour devenir offrande dans la rencontre, une joie nouvelle à travers le renouement au jardin de l’alliance. Dieu est en nous et pourtant nous ne cessons de le contempler.
L’union sponsale est communion d’amour dans la fécondité du don et l’incarnation de la relation. Une redécouverte du projet créateur dans l’harmonie des volontés qui est symphonie de partage des joies retrouvées. « Les trois divines Personnes se montrent distinctes, et, par une notion admirable qui lui est communiquée, l’âme sait avec une certitude absolue que toutes trois ne sont qu’une même substance, une même puissance, une même science et un seul Dieu »[xxvi] L’amour sponsal révèle en même temps les richesses des personnes et sans l’uniformiser voit dans les différences une complémentarité d’un même amour, l’expression d’un même attachement, et quels que soient les yeux qui regardent, c’est vers un même horizon. Ce qui est vrai dans la contemplation de la Trinité, est par analogie vrai pour la relation fraternelle d’une même foi, d’un même baptême et dans la communion apostolique. Et plus largement nous sommes tous enfants d’un même Père et malgré nos diversités nous sommes amenés à un partage de nos richesses vers une même action de grâce vers Dieu. « Le Seigneur apparait dans le centre de l’âme sans vision imaginaire, mais par une vision intellectuelle,… Il dit la paix soit avec vous »[xxvii]. Trouver cette communion avec Dieu et avec nos frères nous rend artisans de paix, et nous ouvre à la joie profonde, c’est là un émerveillement pour nous.
Ainsi répondrais-je pleinement et en vérité à l’amour premier de Dieu qui dès le sein de ma mère était présent. L’amour sponsal est le don sincère de soi-même, il est la totalité de la confiance que j’ai en Dieu ajustée à mon désir de retrouver la communion avec Lui. L’esprit de pauvreté nous fait redécouvrir la simplicité de la relation dans la beauté de la réponse à l’amour, et c’est pourquoi nous partageons le règne de Dieu, parce que nous sommes avec Lui dans la beauté du don de soi, la bonté de la relation par communion.
La grâce de l’effusion de l’Esprit Saint est cette puissance intérieure qui met mon cœur au diapason du cœur du Christ et me pousse alors à aimer comme lui a aimé. La contemplation amène au témoignage de notre vie auprès des frères. Car si dès le sein de ma mère, il m’a formé, il a aussi formé ainsi mes frères et sœurs, et je dois non seulement le témoigner, mais me convertir pour répondre à l’appel de ma vocation propre et être un audacieux témoin de l’amour.
2.2 Prendre conscience de Dieu – le temps de l’émerveillement
Il s’agit bien de prendre conscience de l’intervention de Dieu dès l’origine de ma vie pour saisir que c’est un choix d’amour. C’est pourquoi je peux entrer dans un temps d’émerveillement de sa présence dans mon aujourd’hui comme une évidence que parfois ma surdité à rendue difficile à entendre. Mais il m’a donné vie, et m’a permis d’être là pour entrer dans une histoire d’alliance, une vie de communion avec Lui. Quand bien même le péché originel vient contrarier le projet initial, la venue de notre Rédempteur réajuste ce lien de confiance, nous sommes vraiment aimés parce qu’il ne s’arrête pas à nos erreurs mais continue son projet créateur de nous aimer et nous le prouve dans l’incarnation du Fils. L’incarnation du Christ Sauveur démontre la gratuité de l’amour et nous pousse à la contemplation de son œuvre comme lieu d’une vraie joie et d’une juste paix. « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré »[xxviii]: l’existence de tout individu, dès son origine, est dans le plan de Dieu »[xxix] Faisons silence en nous-mêmes pour accueillir l’amour. Ni jugement ni comparaison, ni reproches ou étalage de souffrance, mais cette juste appréciation de la beauté de la vie comme lieu initial de l’amour de Dieu pour moi. Simplicité d’une rencontre où la gratuité de l’amour dit la beauté du don.
L’amour offre cet étonnement de l’élection de Dieu pour moi d’une part et l’admiration de la beauté de son œuvre d’autre part. Il m’a choisi par amour. Comme un choix étrange et en même temps si merveilleux d’une union des cœurs où je finis par m’ajuster à sa Parole, à comprendre son dessein, à m’inscrire dans l’histoire du salut. Une beauté de la réalité qui me dépasse, certes, mais en même temps m’envahit d’une présence de l’être aimé. « L’âme se consume de désirs et ne sait pourtant que demander, parce qu’elle sent clairement que son Dieu est avec elle »[xxx] C’est là sa source d’émerveillement, que malgré ses limites humaines Dieu soit aussi présent, et nous laisse autant libres de répondre à son amour. « Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit. »[xxxi] L’union avec le Christ nous introduit à la joie indicible, parce que nous marchons dans la vérité de l’amour et que nous continuons de marcher sur le chemin de vie ajusté à la Parole du Seigneur. L’oubli de soi en Dieu devient le don de soi pour Dieu. Une complémentarité de l’amour qui n’annihile pas ma volonté mais au contraire demande l’exercice de ma volonté pour, en conscience garder cet harmonieux ajustement en Dieu. L’émerveillement est cette constance dans l’ajustement grâce à l’amour de Dieu et sa providence dans notre vie, toujours présent, toujours vivant.
Devant l’incompréhension de l’amour de Dieu pour moi et l’admiration de son amour pour chacun d’entre nous et pour toute sa création j’entre et nous entrons alors dans une vraie contemplation de l’extraordinaire qui s’offre à tous. « Quand l’âme se fond totalement d’amour en Dieu, elle ne sait rien d’autre que l’amour. Elle s’imagine que tous le connaisse comme elle… elle ne peut longtemps se détourner de l’amour, elle ne peut pas prononcer d’autre mot que l’amour… »[xxxii] Une forme de ré-enchantement de notre existence au diapason de l’amour et dans l’harmonie d’une recherche du beau et du bien.
L’émerveillement est alors cette découverte de l’amour qui ne cesse pas de se révéler en moi et de révéler Dieu à mes frères. Il est aussi la capacité de voir en mes frères l’amour que Dieu y a disposé et s’émerveiller des fruits que cela porte. Au-delà du regard de bienveillance, l’émerveillement est cette capacité à voir Dieu en toute chose et de se laisser envahir par cette joie profonde d’un Dieu pour toujours présent. Aller au-delà d’un simple regard des sens et d’interprétations hâtives pour entrer en profondeur dans cette découverte des personnes. Une admiration de l’œuvre de Dieu et de ce qu’Il est vraiment. Une forme de joyeux étonnement, et en même temps d’admiration de ce que Dieu donne à voir, et qui introduit à une paix intérieure extraordinaire. « Ce que Dieu est dans l’âme par sa grâce porte en soi plus de lumière que ne peut en réaliser tout l’intellect, et toute la lumière que peut réaliser l’intellect est comparable à cette lumière, comme une seule goutte comparée à la mer, et mille fois encore plus petite. Il en est ainsi pour l’âme qui est dans la grâce de Dieu ; pour elles sont petites et étroites toutes choses et tout ce que l’intellect peut réaliser et saisir. »[xxxiii] En d’autres termes notre intelligence (intellect) ne peut saisir la splendeur de la lumière de Dieu, ni la schématiser sous des logiques particulières. Dieu va au-delà de notre intelligence, mais Il se révèle aussi en elle pour signifier sa présence aimante, et sa fidélité dans notre vie.
L’émerveillement est alors l’admiration de son amour pour nous et l’étonnement de toutes les possibilités que Dieu nous donne. Une émerveillement de ce qu’Il nous montre à voir par la Création et la juste place des choses pour le bien de l’ensemble. Une sérénité acquise par la confiance en l’œuvre de Dieu et ouvre alors à l’étonnement de l’humilité dans son œuvre qui se découvre dans une précision extraordinaire et infinie. La luxuriante gratuité de l’amour dans l’expression de toute vie. Une merveilleuse prolixité de la création qui ouvre à l’admiration de ce que nous observons et qui pourtant nous dépasse. L’abondance des œuvres loin de nous engloutir, ordonne chaque chose à la gloire de Dieu et nous communique cette profusion de l’amour à travers le créé. Un émerveillement de l’amour qui introduit à la grande espérance du salut et nous fait vivre la joie de l’incarnation du Christ et de sa mort et sa résurrection pour nous entrainer avec Lui à la complémentarité de l’amour. C’est vraiment avec Dieu que tout prend sens. « L’union de Dieu à l’âme est si grande que c’est incroyable, et Dieu est si élevé en lui-même qu’aucune connaissance ni aucun désir ne peuvent parvenir jusque-là… là où prennent fin la connaissance et le désir, ce sont les ténèbres, et là brille Dieu »[xxxiv] Là où nous faisons à nouveau silence et où nous éteignons en nous tout ce qui gêne alors nous pouvons entendre la Parole de Dieu et voir sa lumière éclairer tout notre être. C’est un peu comme une voiture la nuit, si nous allumons de la lumière dans l’habitacle nous voyons mal ce qui est extérieur, mais lorsque l’habitacle est ténèbres alors nous pouvons accéder à la lumière extérieure. Nous entrons dans l’émerveillement du paysage qui se découvre à nous et que nous n’avions pas soupçonné, étonnés d’autant de prodigalité. Une admiration contemplative de l’œuvre de Dieu et de l’expression de son amour pour nous. Et rien n’est mal fait, même moi je suis une merveille. Accueillons l’absolu de l’amour de Dieu et laissons nous transformer par sa Parole pour chaque jour nous ajuster toujours plus. Une visitation de notre être dans ce désir d’aimer plus, d’aimer mieux. L’émerveillement de la vie entre dans la logique de l’amour pour lui donner son dynamisme fondamental. Un regard de l’amour pour y voir l’œuvre de Dieu et se laisser transformer par cette joie de la création afin d’établir un juste rapport.
L’émerveillement prend aussi le sens d’une plénitude intérieure et l’amour devient un je de chaque personne et une réponse dans le tu qui confirme la complémentarité de l’amour et du don partagé. Le témoignage de vie est fondé sur la liberté de l’amour et la vérité de la réalité fraternelle et divine. Une complémentarité de Dieu qui s’offre à voir et de l’homme qui accomplit pleinement sa vocation de merveille de Dieu appelé à une transformation de tout son être pour être incliné vers la recherche du beau et du bien.
2.3 La vie prend sa source en Dieu et non dans la fascination de la technique bien humaine
Accueillir la vie comme un don va à l’encontre de l’esprit de ce monde qui le prend plutôt comme une charge. Néanmoins « Comment imaginer qu’un seul instant de ce merveilleux processus de l’apparition de la vie puisse être soustrait à l’action sage et aimante du Créateur et laissé à la merci de l’arbitraire de l’homme? »[xxxv] La vie en Dieu et le projet d’amour du Créateur pour chacun d’entre nous demande à ce que nous ne soyons pas fascinés par les artifices de la technique. La procréation médicalement assistée, que l’on devrait appeler technique assistée, à défaut d’être un crime contre l’humanité, est un crime contre le divin. Nous ne pouvons pas être tièdes sur ce sujet, suivant les circonstances, ou les problématiques rencontrées. Aucune PMA n’est acceptable quelle qu’en soit la base de décision et l’histoire de chacun, en d’autres termes quelles que soient les circonstances. Si Dieu nous forme dès le sein de notre mère, c’est bien qu’il y a un projet avant chaque acte, et qu’il est d’abord projet divin avant d’être un ‘projet parental’. La dignité de la procréation ne peut se réduire à des données techniques sur une échelle des valeurs bien humaines mais sans aucune gratuité. Le projet divin est premier, et antérieur à tout choix humain. La contemplation de l’amour nous fait comprendre cela dans l’intelligence de la foi.
On est tout d’un coup saisi par la vanité des revendications et la séduction de la culture de mort et de son œuvre de division. « Dès le sein de ma mère » Dieu sait ce qu’il fait pour mon histoire, et dans l’invitation à l’amour qu’il me propose de vivre en vérité. La prière doit alors m’amener à prendre des positions claires et sans faille sur ce qu’il convient de vivre et de rétablir dans l’ajustement à la Parole de Dieu. « Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. » La valeur de l’amour de Dieu pour moi n’a pas de prix, mais redonne sens à tout ce que je vis. La valeur aux yeux de Dieu redonne la notion de la grande espérance du salut et dynamise le partage fraternel dans la fidélité à la Parole. Oui les Ecritures sont vérifiées dans l’expérience personnelle avec mon Seigneur et mon Dieu et orientent ma quête du bien vers trois personnes dans une même et unique réalité divine, Dieu un et Trine.
Laissons-nous illuminer par la présence de Dieu dans notre vie. « La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. …. À présent, en vivant avec [Jésus ressuscité]et par lui, nous pouvons vivre dans la lumière. »[xxxvi] Il nous faut être vigilants à chaque instant de notre vie pour mettre la Parole de Dieu au cœur de notre prière, et regarder nos frères dans cette bienveillance de la création du Père pour chacun d’entre nous. Il nous faut travailler à notre communion pour contempler l’œuvre de Dieu en chacun. Le témoignage de notre foi passe par la confiance fraternelle et la fidélité à la Parole. Annoncer le Christ demande de contempler sa gloire, de manifester sa présence et de partager sa Parole. « je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »
La seule manière de ne pas être étranger à moi-même c’est de me voir tel que Dieu me voit, de me recevoir de Dieu tel que Dieu me donne à moi-même. Cette explicitation est que l’homme est donné à lui-même. J’ai à me recevoir tel que Dieu me donne à moi-même, à me recevoir de Dieu. Et tout le sens de la responsabilité, c’est d’accueillir pleinement ce don que Dieu fait à moi-même. Alors dans cette reconnaissance de sa présence, et la contemplation de son œuvre je ne peux qu’être saisi d’émerveillement. En même temps reconnaitre ma situation « éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur » et en même temps lui redire tout mon amour « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ». L’émerveillement nous introduit à « l’étrange beauté d’une réalité qui dépasse la pensée »[xxxvii], et se fait présence. Correspondre à ce don que je suis moi-même pour moi-même, et c’est dans le mesure où je me saisis comme don, que je peux me donner à Dieu et à mon conjoint, à mes enfants.
Synthèse Générale
Il « m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur. » La vocation de tout homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Serviteur souffrant, le Christ notre Seigneur ,et annonce la joie de la résurrection dans le don sincère de soi-même. Le prophète Isaïe rappelle cette vocation du service dans l’annonce prophétique de la Parole et d’être au service de la charité par l’attention au peuple de Dieu et l’appel qu’il transmet de la conversion à vivre. Il ne s’agit pas de se bercer d’illusions, mais de transformer notre vie à l’écoute de la Parole du Seigneur. D’ailleurs le rôle prophétique est justement de vivre ce que l’on annonce et de se laisser transformer pour attester la puissance libérante de la Parole de Vie dans la civilisation de l’amour.
Nous noterons également le paradoxe de l’instant où l’enfant est indésirable dans cette culture de mort à travers l’avortement, et dans l’autre instant une impérative necessité à travers la procréation technique qui enregistre un haut pourcentage d’échecs et souvent tue les embryons surnuméraires, comme simple matériel biologique. Or la vie est en Dieu et dès la conception Il est présent. Nous ne pouvons pas être indifférents. « La procréation ne doit pas s’apparenter à une fabrication, ni à une marchandisation, ni à une instrumentalisation »[xxxviii] Il nous faut être engagés pour refuser que l’amour ait un prix. La gratuité de l’amour est le don de l’Esprit Saint, l’expression le plus simple du service, la disposition prophétique de la relation fraternelle. Nous devrions nous émerveiller de l’émergence de la vie et non la nier, ou alors en faire une donnée technique. Oublier cet aspect c’est oublier l’œuvre créatrice de Dieu et se défier de Lui. Qui se défie de Dieu a l’illusion de se déifier et s’enfonce dans une culture de mort où la désespérance est la norme, l’injustice la loi et la violence la réalité quotidienne. Pourtant nous sommes appelés en artisans de paix à vivre la simplicité dans la création, a retrouver la douceur dans la relation et à être ajustés à nos frères dans le partage tout en sachant toujours pardonner pour faire vivre l’amour dans la gratuité de ce que nous sommes et dans la gratuité de ce qu’est l’autre, cette gratuité de l’amour reçu de Dieu et que nous partageons autour de nous par don du Saint Esprit.
C’est là le premier enseignement que nous avons à vivre envers tous, une joie de la rencontre de Dieu en artisans de paix, par les actes et les gestes comme première annonce de la foi. « Les différences entre les personnes et les communautés sont parfois inconfortables, mais l’Esprit Saint, qui suscite cette diversité, peut tirer de tout quelque chose de bon, et le transformer en un dynamisme évangélisateur qui agit par attraction »[xxxix] Car dans le service il y a plus de joie à donner qu’à recevoir, plus de joie à se donner et ainsi s’ajuster à notre vocation première appelés à ressembler au Christ Serviteur, doux et humble de cœur. « le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté »[xl]. Ce service de sanctification , en ramenant les rescapés d’Israël à la maison du Père prodigue qui sans cesse attend et espère toujours scrutant l’infini de l’horizon. Le serviteur fait écho à l’amour de Dieu dans sa vie en l’annonçant avec zèle et ardeur, dans le courage malgré le silence contemporain, voire le mépris ou la totale indifférence. L’émerveillement de la présence de Dieu alors que notre espérance était mal en point par la culture de mort, nous redonne la force nécessaire à poursuivre le chemin. La véritable rencontre avec le Christ nous introduit à l’infini de la présence de Dieu et à sa fidélité de toujours à toujours.
Nous mettre au service du Seigneur dans l’état de vie qui est le nôtre et de rappeler sans cesse l’impératif de vivre sa foi et de l’annoncer, de choisir Dieu en toute chose et de demander à l’Esprit Saint de nous accompagner dans toutes les heures du jour et de la nuit. Nous voir comme une merveille de Dieu est notre ressort pour avancer avec confiance, malgré nos manques, dans une transformation de toute une vie. Alors se réalise la promesse de la présence de Dieu dans notre nuit et de la portée du témoignage. « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » Car l’annonce est non seulement un lieu de sanctification de ma propre vie, mais porte au-delà des frontières sur l’avenir de tous les hommes en annonçant le règne de Dieu. « Les chrétiens sont « un »[xli], sans perdre leur individualité, et, dans le service des autres, chacun rejoint le plus profond de son être »[xlii] et c’est dans cette unité qu’ils peuvent rejoindre toutes les cultures, chacun dans sa dignité propre d’image de Dieu. Le service s’entend alors comme l’annonce explicite d’un bonheur déjà là. Nous sommes sanctifiés dans le Christ Jésus, et nous avons à répondre à l’appel de la sainteté dans le service du frère et de continuer l’ajustement de notre vie à la Parole de Dieu.
Dès le sein de notre mère, nous sommes un projet de Dieu et nous avons à vivre ce projet en communion avec Lui, c’est pourquoi nous devons être irrigués par la prière et la méditation de la Parole de vie, ancrés dans le service de la charité, et portés par l’annonce de l’Evangile en tout lieu et en tout temps et nous émerveiller de sa présence dans les lieux les plus improbables de notre vie. « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. »
Père Greg – Curé modérateur
Paroisse St Charles Borromée
[1] L’amour sponsal est une relation du don de soi-même dans l’amour. Il va au-delà de l’amour – éros qui est l’amour à travers le corps, l’amour philia, qui est une amitié ou l’amour agapé qui est l’amour gratuit, de l’attachement à l’autre. L’amour sponsal va jusqu’au don de soi-même. Même si « sponsal » est un néologisme de sponsus (époux en latin), il concerne tous les états de vie. Car chacun d’entre nous est capable de vivre le don sincère de soi même dans l’amour.
[i] &84 Evangelii Vitae
[ii] Ps 138 (139), 13
[iii] Ps 70 (71) 5-6
[iv] &29 Evangelium vitae
[v] Ct 8,1
[vi] Ct 8,6b-7
[vii] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 2416.
[viii] Ps 104, 31
[ix] Pr 3, 19 in &69 Laudato Si
[x] P 76 Maitre Eckhart ou la profondeur de l’intime – Eric Mangin
[xi] Le silence et le verbe, Maitre Eckhart, p 99 Sermon 95b
[xii] Jg 16,17
[xiii] Ps 138 (139), 13-14a
[xiv] &8 Evangelii Gaudium
[xv] Ga 1,15-16a
[xvi] Ps 21(22) 10
[xvii] Zygote, terme employé pour la fusion des chromosomes de l’homme et de la femme. Autre terme, cellule-oeuf
[xviii] Ecl 11,5
[xix] Ps 20 (51) 7-8
[xx] Ps 138 (139) 14
[xxi] Job 1,21
[xxii] Ps 57(58),4
[xxiii] Job 31,13-15
[xxiv] Jr 1,6
[xxv] VIème demeure chapitre 2 p 1070 œuvres complètes – Thérèse d’Avila
[xxvi] VIIème demeures chapitre 1 p 1138 œuvres complètes – Thérèse d’Avila
[xxvii] VIIème demeure chapitre 2 p 1141 op cité
[xxviii] Jr 1, 5
[xxix] &44 Evangelium Vitae
[xxx] VIème demeure chapitre 2 p 1070 œuvres complètes – Thérèse d’Avila
[xxxi] 1 Co 6,17
[xxxii] P 418 Sermons pour les Saints –Maitre Eckhart (sermons traités poèmes)
[xxxiii] P 441 Sermons pour les Saints –Maitre Eckhart (sermons traités poèmes)
[xxxiv] P 379 Sermons pour le temps –Maitre Eckhart (sermons traités poèmes)
[xxxv] ibid
[xxxvi] &12 Verbum Domini
[xxxvii] P 133 La nuit de l’âme – Maitre Eckhart – Eric Mangin
[xxxviii] P 27 la dignité de la procréation
[xxxix] &131 Evangelii Gaudium
[xl] &9 Lumen Gentium.
[xli] cf. Ga 3, 28
[xlii] &22 Lumen Fidei