2018. Lettre de l’AVENT. 1/2
« Me voici, Je suis venu pour faire ta volonté »
Nous commençons une nouvelle année liturgique. Comme d’habitude, nous mettons nos couronnes de l’avent en place, comme d’habitude, nous préparons la crèche et œuvrons pour l’attente, oui …comme d’habitude. Et pourtant, le Seigneur vient nous visiter de manière spéciale, à travers le renouvellement d’une rencontre, le partage d’une présence, la manifestation d’un signe dans notre vie. Oui, tout est nouveau, dans cet élan de la grâce. Nous sommes invités à la partager autour de nous. Tout est renouvelé dans ce nouvel horizon où nous espérons parce qu’Il est vivant et que nous en sommes témoins.
Ainsi rien n’est comme d’habitude, car tout doit être dynamisé de cette loi nouvelle où l’amour est la joie communiquée. La Parole s’offre à nous par l’incarnation du Christ. Elle n’est pas une parole en l’air, une idée, mais bien une présence en notre monde, une parole qui prend chair et donne un sens nouveau à la vocation. De l’homme invité à trouver le bonheur, et blessé par le péché, l’incarnation du Fils venu vivre la communion a pris en compte cette nouvelle orientation en venant également nous sauver. « Toute la création participe à cette joie du salut : « Cieux criez de joie, terre, exulte, que les montagnes poussent des cris, car le Seigneur a consolé son peuple, il prend en pitié ses affligés »[i]. Une visitation de notre humanité pour renouveler notre vocation de fils de Dieu afin de nous laisser saisir par la grâce et revivre à nouveau cette liberté du bonheur auquel nous sommes appelés.
Tu seras dans la joie et l’allégresse, et beaucoup se réjouiront
La méditation de l’Evangile de Luc nous invite dans la joie de la Bonne nouvelle à partager avec ferveur la joyeuse espérance réalisée par la présence de Dieu et la manifestation de sa gloire. Nous sommes tous concernés par cette Bonne Nouvelle, elle n’est pas seulement pour les juifs orientaux (St Matthieu), ni pour ceux qui vivent dans le moderne occident de Rome (St Marc). La joie de l’Evangile éclaire les hommes de tous les peuples, de toutes les situations sociales, de toutes les situations de vie. « L’Évangile, où resplendit glorieuse la Croix du Christ, invite avec insistance à la joie. … La visite de Marie à Élisabeth fait en sorte que Jean tressaille de joie dans le sein de sa mère[ii]. … Son message est source de joie : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète »[iii]. Notre joie chrétienne jaillit de la source de son cœur débordant. »[iv] Car la joie puise dans l’amour la source de la vérité et abreuve puis consolide la foi. La fidélité s’ajuste dans la transformation de nos vies, et à travers l’acceptation du dialogue où nous quittons le bord des routes pour nous mettre en chemin. Parce que le Seigneur est Père de miséricorde, Il vient nous rejoindre dans nos faiblesses pour nous faire partager la joie du pardon et rebâtir la relation dans l’allégresse des rencontres. La lumière de la foi illumine tous nos actes d’un sens nouveau où nous saisissons la manifestation de Dieu (la Toute Puissance) dans le mystère. Cependant, nous ne saisissons pas toujours tout le sens, mais malgré tout, nous faisons confiance La rencontre de l’universalité où tout homme est d’abord mon frère, et l’amour ce dynamisme où nous bondissons et nous courons à la suite du Christ dans la fougue de l’annonce.
Jésus n’est pas un parmi l’étrange peuple élu, il nous rappelle que dans l’humanité nous sommes tous élus à être image de Dieu et appelés à passer à la ressemblance, c’est-à-dire à nous conformer à la volonté du Père qui est de rechercher le plus grand bonheur. « À faire partie du Peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés. C’est pourquoi ce peuple, demeurant uni et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et à toute la suite des siècles pour que s’accomplisse ce que s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la nature humaine dans l’unité, et décidant de rassembler enfin dans l’unité ses fils dispersés[v]. C’est dans ce but que Dieu envoya son Fils dont il fit l’héritier de l’univers[vi], pour être à l’égard de tous Maître, Roi et Prêtre, chef du peuple nouveau et universel des fils de Dieu. »[vii] En effet, Jésus n’est pas venu pour son peuple, mais pour le salut de toute l’humanité, il n’est pas particulier à une situation mais invite à nous laisser l’accueillir dans toutes les situations de nos vies, dans notre culture, dans notre langage, dans notre cœur. Et rien n’est inaccessible, si nous savons compter sur la grâce prévenante, si nous laissons le souffle de vie traverser nos agir, si nous faisons confiance en la Parole et délaissons tout orgueil. En synthèse, si nous regardons vers Dieu plutôt que vers nous-mêmes. L’illusion est de vouloir faire son propre bonheur en y oubliant que c’est Dieu qui en est le premier acteur. L’erreur est de penser se passer de Dieu au nom d’un principe perverti d’autonomie.
Il marchera devant, en présence du Seigneur,
Oui c’est vrai que le Père nous appelle à la liberté de l’amour en nous invitant à faire des choix qui nous relèvent. Mais cette maturation demande de notre part l’intelligence de la foi pour rester fidèles en toute chose, et vivre le bien commun comme une chance de fraternité. Oui, c’est vrai, nous pouvons chuter et connaitre la malice de l’adversaire. Mais nous sommes appelés à nous relever dans l’espérance, toujours confiants dans la puissance de Celui qui nous délivre et nous appelle à témoigner de sa présence. Une des illusions est de penser que nous ne tomberions pas. Le Seigneur Dieu, lui nous appelle toujours à nous relever. C’est cela l’espérance. Croire qu’Il est toujours là pour nous. Qu’il est toujours présent à nos côtés. Quoique nous fassions, quoique nous passions, quoique nous lui ayons dit. Il est là, vraiment là, vivant, présent, les bras ouverts pour nous accueillir dans cette humble route de la réconciliation. La miséricorde du Seigneur est sans limite. Ne lui en mettons pas, au nom de nos propres limites. Nous ne pouvons comprendre Dieu qu’à travers notre intelligence humaine, mais Il est bien plus que tout ce que nous pouvons penser, « ô Toi, l’au-delà de tout ».
L’évangéliste Saint Luc nous révèle alors, bien loin d’un père fouettard, un Dieu qui vient à notre rencontre, dans l’humble rencontre de notre humanité, à travers les déplacements nécessaires, les précarités d’une étable, de l’indigence d’une foule affamée de parole et de pain et qui attend la multiplication pour l’action de grâce, les obscurités tant extérieures qui empêchent de voir, qu’intérieures qui empêchent les conversions. Mais le Seigneur loin de juger, continue d’appeler et de transformer la vie de ceux qui acceptent sa présence au milieu d’eux. Il est tout proche de nous dans ce quotidien où nous sommes invités à l’entendre et l’écouter, et le faire entrer chez nous. A chaque fois que nous laissons résonner la Parole dans notre vie, c’est-à-dire à chaque fois que nous acceptons de lire la Bible, de nous laisser questionner par la Parole, que nous faisons des Ecritures la boussole de tous nos actes, alors notre cœur devient brulant et Il est là à nos côtés, à cheminer avec nous dans le partage de sa présence, et la manifestation de ses signes.
J’ai été envoyé pour te parler et pour t’annoncer cette bonne nouvelle.
L’œuvre de Luc est en deux tomes dont la première partie est la vie avec le Christ et la deuxième partie la vie de l’Eglise. Une séparation, dès le début de l’Eglise, a intercalé l’Evangile de Jean entre l’Evangile et les actes qui ne font qu’une seule et même œuvre (d’ailleurs les deux parties sont équilibrées en taille). Nous lisons les actes des apôtres chaque année durant le temps pascal, et nous nous laissons bercer par cet appel évangélique à témoigner. Comme nous relisons chaque année, des passages de l’Evangile de Jean, une méditation du pain de vie que nous sommes appelés à digérer dans les actes que nous faisons, et dont nous avons la responsabilité par le témoignage. Pour l’Evangile de Luc, nous avons deux grandes sections, après une introduction sur la naissance de Jésus et les commencements, la première partie se situe sur le ministère de Jésus en Galilée (4-9) puis le voyage vers Jérusalem (9-19) et se termine par la passion et la résurrection.
Faut-il le rappeler chaque évangile est une catéchèse, c’est-à-dire un cheminement de la foi vers Jésus, en nous expliquant sa vie à travers la découverte du dessein du Père. Il y a d’abord un appel à suivre le Christ et une annonce d’une espérance que nous avons raison d’attendre, parce qu’Il est fidèle notre Dieu. L’annonce que nous suivrons à travers les écrits prophétiques que Dieu vient s’inviter dans notre vie humaine pour apporter la paix dans la réconciliation. Lors de la Création du monde, Dieu savait qu’Il allait, au moment opportun s’inviter dans notre monde pour engager une relation de communion. L’alliance s’est perdue dans l’errance de l’homme et l’attaque du mauvais, mais Dieu reste fidèle, et continue son dessein d’amour. La volonté du Père est de révéler sa présence dans notre vie pour que nous puissions le choisir authentiquement. Une liberté qui est fondée sur la fidélité aux Ecritures, et la responsabilité de nos propres choix. « Le bien tend toujours à se communiquer. Chaque expérience authentique de vérité et de beauté cherche par elle-même son expansion, et chaque personne qui vit une profonde libération acquiert une plus grande sensibilité devant les besoins des autres »[viii] Car la liberté de l’amour se vérifie dans l’attention aux autres, et la recherche d’un plus grand bonheur pour chacun et pour tous.
L’alliance du 8ème jour
En créant l’homme, Dieu avait le projet de s’incarner nous disent les pères de l’Eglise. Le péché n’a pas changé le dessein de Dieu, mais sa nature, car d’un pur projet de don et de communion, le Fils est venu en Rédempteur pour sauver l’humanité. Or la volonté de Dieu est bien de vivre cette communion avec l’homme jusqu’au don. « Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation. »[ix] L’accueil du Christ est alors pour nous une redécouverte de notre appel d’image de Dieu. Tout ne s’est pas terminé avec la faute d’Adam, mais dans la générosité de l’amour de Dieu, nous voici invités à la vie de grâce. Tout homme est invité à se tourner vers l’avenir dans l’espérance du salut parce que la porte est ouverte, et que le chemin de confiance a été rétabli.
Le dessein de Dieu se manifeste par une volonté d’amour qui introduit à la liberté de la réponse. Un appel à se conformer intérieurement à notre vocation propre dans une unité de la personne. Cela demande une certaine exigence pour obéir à la Parole et conformer sa vie aux exigences de l’Evangile. Mais derrière cet effort de vouloir vivre la communion se trouve la volonté d’être toujours plus disponible à l’autre et au Tout Autre. C’est ainsi que notre volonté personnelle devient vraiment libre, et non attachée à d’autres contingences qui nous éloigneraient de la vérité. Justement, l’un des points fondamentaux de l’incarnation est bien là. En Jésus, l’humanité vit une communion inégalée. Une proximité en Dieu qui nous interpelle sur ce que nous avons à vivre vraiment. La Loi est là pour nous structurer, et obéir à la parole c’est mettre notre volonté personnelle en adéquation à notre vocation propre, et donc en parallèle avec la volonté de Dieu. Le dialogue, n’est pas simplement une écoute qui est un espace du temps poli, mais bien une rencontre où je rejoins l’autre dans ses préoccupations et je réponds aux attentes qui me paraissent bonnes. Une écoute qui n’engage pas sa responsabilité, n’aide pas à entrer en dialogue, mais au contraire devient une forme d’idéologie, voire de sectarisme.
La volonté de Dieu se construit dans une écoute bienveillante qui nous transforme et nous invite à faire d’autres choix, et non à nous justifier. Seul l’amour nous justifie. La communion des volontés nous aide à développer la vérité de l’amour et d’en témoigner dans un dialogue respectueux et toujours dynamique (c’est-à-dire ni autosuffisant, ni autocentré). En fait la communion est une participation à l’histoire que Dieu écrit par notre oui. Nous voyons bien qu’il ne s’agit pas d’une fatalité mais d’une proposition qui attend un choix libre de notre part. Une participation à l’action divine du Père à travers son dessein.
Il y a dans le temps de l’avent une forme d’annonce de libération par la venue promise du Rédempteur appelé Messie. C’est-à-dire de celui qui accomplit pleinement et complètement la volonté du Père pour l’humanité. La Parole de Dieu est alors comprise comme une mise en acte de la volonté de Dieu, et un accomplissement dans son projet divin. Cela nous demande toujours une réciprocité dans le dialogue avec Dieu comme un engagement de notre part dans une libre acceptation d’être saisi par l’amour et de n’être qu’au service du véritable amour. « À cause de cela, l’amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand commandement. L’Écriture, pour sa part, enseigne que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain »[x]
Ainsi nous pouvons comprendre la volonté de Dieu comme une source de bénédictions où l’obéissance nous introduit à la joie de la communion et à la célébration d’une paix durable, et d’autre part une éducation à la liberté qui sait choisir pour une progression vers un meilleur bien, et non dans l’intempérance du moment. La grâce de l’interdit nous évite l’écueil de la dépendance des désirs de l’instant pour nous ancrer dans l’attitude éducatrice qui permet des choix libres.
A cause du péché d’Adam Dieu ne révèle sa volonté qu’au peuple élu pour le former à l’avènement du salut, et par l’incarnation du Christ, cette promesse devient universelle. Le don de la Loi devient l’expérience de la béatitude et introduit à la loi nouvelle de la vie dans l’Esprit Saint. Une vie où les motions intérieures nous font comprendre l’exigence de la loi, et l’intelligence de la foi pour les assimiler. Cette loi de grâce, où les dons de l’Esprit Saint nous font expérimenter l’immédiateté de Dieu à travers son action dans nos vies. La contemplation de l’œuvre de Dieu nous fait expérimenter la sagesse de sa volonté sur nous, et l’accomplissement du bonheur promis. La jubilation de Marie qui a dit Oui à son Seigneur nous fait comprendre que l’humilité de l’obéissance aux Ecritures nous fait entrer en joie. Oui le bonheur est de dire oui au Seigneur. Comme au bonheur d’un oui de deux amoureux lors du mariage, le oui à la Parole de Dieu est fête de joie. Tout ne sera pas rose, mais la recherche de communion invite à ce dynamisme de la rencontre qui ne laisse rien pour soi-même, mais donne tout à l’autre. La réciprocité de l’échange loin de vider, enrichit, approfondit et conduit à l’extase de la rencontre personnelle avec son Seigneur. Ce cœur à cœur unique où le temps s’arrête et où tout n’est qu’échange d’amour dans le silence d’une relation qui s’émerveille de voir enfin la beauté divine. « Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu »[xi]
1- « Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »
La fin d’un temps n’est pas la fin de tout. Ainsi après le temps de l’homme nous entrons dans l’éternité de Dieu. L’attente de la venue du Christ dans la gloire se comprend dans la volonté d’incarnation où il participe avec nous au projet d’humanité voulu par le Père. La recherche de l’amour de plus en plus débordant portant comme un sceau de vérité notre témoignage. L’appel à la sainteté que nous devons entendre vient de cet amour de Dieu dont nous sommes comptables. Nous avons bien une responsabilité à répondre de l’amour que nous avons reçu et que nous devons partager. Nous ne pouvons rester sur le bord du chemin blessés par la vie, nous ne pouvons pas enterrer cet amour pour ne pas en disposer librement. Nous ne pouvons pas monter sur les arbres pour prendre de la distance et refuser l’amour dans notre demeure. « Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie[xii]; ….Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du Peuple de Dieu s’épanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat à travers la vie de tant de saints … »[xiii]
L’appel à faire de nouveaux progrès vient dans l’attente de ces jours-là où nous attendrons la venue du Seigneur. « Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. » ceux-là qui ont laissé leur foi dépérir pour les désirs du monde et de sa culture mortifère et individualiste (ou communautariste) de désespérance. Quant à nous, en nous tenant sur nos gardes, nous chasserons toute peur parce que nous serons éveillés, et ancrés avec persévérance dans la prière.
Il nous faut faire une différence entre la peur et la crainte, pour ne pas tomber dans des contresens. La peur vient du péché, la crainte, vient de la grâce. Le premier acte de peur est juste après le péché originel. “J’ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l’homme; j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché.”[xiv] La peur est une conséquence de notre nature pècheresse dans les treize utilisations de la genèse[xv], et que nous pouvons reprendre dans les Evangiles. « Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables »[xvi] Chez Saint Jean comme chez les autres évangélistes la peur est un manque d’intelligence de la foi Le manque de lumière du Sauveur, Lui qui illumine notre vie et nous enlève de l’esclavage du péché. La peur vient par la tentation du diable dans Matthieu[xvii] et Luc[xviii], en travestissant la parole de Dieu et le manque de conversion chez St Marc[xix]. Il y a comme une volonté de fuite dans la peur et cela conforte les dérèglements de nos vies. La peur de la responsabilité du péché nous fait fuir la présence de Dieu, c’est l’une des difficultés pour aller au confessionnel. La peur est liée à la honte, mais plus encore à la désespérance de son acte qui semble vouloir exclure toute responsabilité. Nous le voyons parfois dans certains actes ou la peur n’a plus rien de rationnel et répond à un désordre des sentiments cela demande, en face, une réaction saine pour remettre en perspective. La peur est liée au manque de confiance en Dieu et à l’affaiblissement de la foi. Elle rend nerveux les disciples sur la barque. « Il leur dit: “Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi?” »[xx]Ainsi avoir peur lors des évènements des derniers temps est lié à une preuve d’un manque d’amour de Dieu et d’un refus d’espérance du salut dans un attiédissement dramatique de la foi. La prière nous aide à vivre cette relation de la liberté de l’amour, cette respiration d’âme implique la fidélité ou nous fait goûter à cette relation ouverte sur d’autres choix de vie.
Quelle est la différence avec la crainte, et pourquoi celle-ci est-elle une grâce ? La proximité des mots n’exclut pas le champ lexical complètement différent. La crainte n’est pas du domaine du péché mais de l’amour. Je crains d’offenser parce que j’aime. Elle trouve son fondement dans le mal que je veux fuir et parallèlement fuir la source de tout mal. La crainte de Dieu est dans cette réalité de fuir la source de tout mal, pour respecter l’amour qu’Il a mis comme image dans notre nature. La crainte est alors liée à cette espérance du salut, et de ce que je peux exercer par ma volonté pour répondre à cette exigence de vivre en conformité avec la volonté du Père. Elle nous tourne vers Dieu pour le servir d’un cœur en paix et recevant la joie de sa présence. Oui, elle nous introduit à la conversion de notre vie pour vivre la communion de plus en plus intensément, et c’est en cela que c’est une grâce que l’Esprit Saint nous fait découvrir. Car la crainte est ce service de Dieu que je vis dans l’espérance de la communion parfaite des derniers jours. Elle fuit le péché pour s’attacher à vouloir ce que Dieu veut dans une volonté de communion et la fidélité à la Parole. La Parole travaille en nous, nous transforme, et nous aide à entrer dans ce dessein de Dieu pour tous, chacun selon son appel. Cultiver la crainte nous ouvre alors à vivre la modestie comme un axe de vie et où la simplicité en est le fruit, nous permet de progresser dans la continence et la chasteté, chacun selon son état, afin de rendre témoignage de l’espérance en nous. Si nous devions résumer, la crainte de Dieu est la juste attitude devant la loi d’amour qui demande un ajustement toujours plus grand.
Il y a bien une confusion entre la peur et la crainte, et les dérives que l’on a pu entendre, comme Dieu en père fouettard, et une morale de la peur devenue casuistique parce qu’elle en perdait le sens de l’amour de Dieu. Même Saint Thomas, parle de la crainte dans toutes ses acceptions, qui prend sur la peur et l’angoisse, et qu’il différencie de la crainte salutaire de Dieu. La confusion des mots n’aide pas à l’expression de la pensée. Mais peut-on changer un langage où est introduit une ambiguïté entre les deux notions, les rendant tellement similaires, qu’il nous faut une longue explication pour en faire une différence claire ? Notre discernement portera alors sur la notion de liberté face à la peur et à la crainte pour connaitre le fondement de toutes nos actions. La peur emprisonne et désespère de soi-même et des autres, la crainte libère dans l’amour et ouvre à l’espérance du salut pour soi-même et pour les autres « ‘Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse ‘ – c’est ainsi que, par une belle expression, la Seconde Lettre à Timothée[xxi] caractérise l’attitude fondamentale du chrétien. »[xxii] Il nous faut demander à l’Esprit Saint de nous guider sur cette semaine de l’avent pour garder le cap et être vigilants à ce qui est de la culture de mort et ce qui est de la civilisation de l’amour. « C’est l’Évangile qui m’effraie » [xxiii]– cette crainte salutaire qui nous empêche de vivre pour nous-mêmes et qui nous pousse à transmettre notre commune espérance. »[xxiv]
2- « Préparez le chemin du Seigneur, »
Ne pas rester au bord du chemin, mais bien être disciple en suivant le maître car Il nous enseigne toujours sur l’amour comme un projet en extension. « à tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est avec joie que je le fais, à cause de votre communion avec moi, dès le premier jour jusqu’à maintenant, pour l’annonce de l’Évangile. » Préparer le chemin du Seigneur c’est donc laisser sa Parole féconder notre cœur pour porter un témoignage de paix autour de nous, et d’amour à chacune de nos relations. « la paix n’est jamais chose acquise une fois pour toutes, mais sans cesse à construire. Comme de plus la volonté humaine est fragile et qu’elle est blessée par le péché, l’avènement de la paix exige de chacun le constant contrôle de ses passions et la vigilance de l’autorité légitime. ».[xxv] L’attention à l’autre est œuvre de paix et nous invite à orienter toute notre volonté à établir ce règne de Dieu par l’attention au prochain.
Aujourd’hui, dans notre pays, gronde une sourde colère et il nous faut entendre et en même temps discerner dans notre vocation propre d’image de Dieu appelé à témoigner d’une civilisation de l’amour dans l’intégralité de toute notre vie. Ce qui veut dire, ni se taire avec les uns, ni crier avec les autres, mais prendre notre vocation propre de témoin de la justice pour redire la fidélité à Dieu et les conséquences inhérentes, jusqu’à l’éthique économique. Rien ne sert de parler de la Bonne Nouvelle si nous ne témoignons pas de la préoccupation de la justice. Mais avec la prudence du Christ, Il n’a pas fait sienne les récriminations des zélotes prêts à affronter le romain au nom même de leur foi. Il nous faut redire ce qui est juste, refuser toutes les formes d’esclavages, qu’ils soient par l’asservissement aux nouveaux jeux du cirque médiatique, dans l’arène de l’informatique où nous nous laissons dévorer par l’absence du temps présent. Sans parler de l’inconséquence de nos choix sociétaux qui introduisent des coûts qui deviennent impossibles à tenir dans un budget, quand bien même certains veulent les mettre à la marge de l’ensemble des dépenses.
Préparer le chemin du Seigneur demande une responsabilité dans nos choix pour être fidèles à la relation avec Dieu et une volonté d’obéir aux Ecritures parce que cela nous structure et nous maintient dans une homogénéité de vie. Il y a un refus du clivage des situations que propose la culture de mort. « Rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu. » Il n’y a pas de demi-mesure, mais bien un engagement à une radicalité de l’espérance du salut. Cela demande une véritable transformation des vies. Parallèlement l’annonce du Messie est là pour nous rappeler qu’il nous faut être réceptifs à sa venue en nous préparent au mieux à sa venue. « L’homme a besoin de Dieu, autrement, il reste privé d’espérance. …. Il n’y a cependant pas de doute qu’un « règne de Dieu » réalisé sans Dieu – donc un règne de l’homme seul – se conclut inévitablement par « l’issue perverse » …il n’y a pas de doute que Dieu n’entre vraiment dans les choses humaines que s’il n’est pas uniquement pensé par nous, mais que Lui-même vient à notre rencontre et nous parle. »[xxvi] L’annonce du règne de Dieu nous enjoints alors de nous préparer à sa venue et de nous rendre disponibles à la grâce qui passe, rejetant les manteaux de nos immobilismes, refusant de rester sur le bord des routes, où attendant juste de traverser le chemin, mais à l’écoute de la Parole prendre la route et témoigner de la bonne Nouvelle.
L’annonce de celui qui vient est un rappel de la dignité de tout homme comme image de Dieu et elle nous fait prendre conscience que nous avons à réaliser le bien commun dans la réalité de la fraternité comme une égale responsabilité. La fraternité prend en compte les besoins de chacun, et elle n’est pas dans une lutte pour vivre où suivant les situations nous entrons dans l’acceptable ou sommes considérés comme des déchets nécessaires à la culture de l’autosuffisance et du rejet. « La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter. »[xxvii]
L’annonce du messie qui vient nous invite alors à œuvrer dans la tendresse du frère pour annoncer cette joie promise. « Je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. » Nous ne pouvons pas laisser dans notre société des gens se marginaliser juste par manque d’argent, et non à cause d’un besoin de se mettre à l’écart ou de situation incontrôlable. Comme il nous faut réfléchir sur ce grand hôpital psychiatrique ouvert que propose une partie de ceux qui sont dans la rue. Ce qui est vrai pour la marginalisation, doit nous positionner aussi sur les personnes qui dans leur jeunesse ont connu la DASS[xxviii] et les œuvres de l’ASE[xxix] et qui une fois majeures, lorsqu’elles connaissent des accidents de vie remplissent le flot des laissés pour compte. Il y a des solutions à entreprendre, et une réflexion politique avec une demande d’un vrai travail de fond et d’un engagement de chacun. La prière dans nos communautés est primordiale, ne la sous-estimons pas dans une pensée utilitariste. Mais l’engagement citoyen, et le travail avec les œuvres de charité ne nous dispense pas d’une présence active, chacun selon ses moyens, et ses possibilités. Certes tout le monde ne peut adhérer au secours catholique ,à la société St Vincent de Paul, mais certains peuvent aussi proposer des aides ponctuelles dans un partage du temps pour une mission, aidant ainsi l’ensemble de la communauté dans son devoir de charité. Le Seigneur vient dans une étable et non dans le palais d’Hérode.
La charité n’est pas une proposition parmi d’autres, mais une vocation de chaque baptisé qui doit se saisir, selon son charisme, de ses possibilités pour proposer d’être acteur afin de maintenir aussi une certaine paix sociale. La course à la modernité entraine un travail toujours plus accru sur des nouvelles possibilités, avec les errances qui lui sont jointes. « Le risque particulier de la guerre moderne consiste en ce qu’elle fournit pour ainsi dire l’occasion à ceux qui possèdent des armes scientifiques plus récentes de commettre de tels crimes ; et, par un enchaînement en quelque sorte inexorable, elle peut pousser la volonté humaine aux plus atroces décisions »[xxx] La colère ne doit pas orienter notre volonté vers des choix destructeurs, mais doit nous inviter à vivre la béatitude de la justice afin d’être artisans de paix dans ce cœur pur qui voit Dieu et sait pardonner. La fidélité à la Parole de Dieu revient à observer le droit juste et assurer une équité entre tous. Le refus d’équité est mère des violences et des vices telle que la colère, la tristesse et la désespérance entrainant la mort. Il nous faut retrouver le sens de Dieu dans le désir de le servir et la volonté de faire tout ce qui est en notre pouvoir afin d’être témoin de la bonne nouvelle.
3- « Annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »
L’annonce vient d’un appel que nous avons reçu. Il a transformé notre vie et nous voulons le partager. Il est une générosité du don de l’amour. L’annonce vient de cette rencontre que nous avons faite et qui nous met en joie. « Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. » L’annonce est une réponse à une relation vécue qui nous met dans la joie et change notre regard sur le prochain parce que nous ne sommes inquiets de rien avec le Seigneur car Il nous tient la main. Il suffit juste de garder notre cœur et toutes nos pensées dans le Christ, c’est-à-dire, vivre cette simplicité de vie où nous nous attachons à l’essentiel en refusant l’esprit du monde qui passe, pour s’attacher à la grâce de celui qui ne passe pas. Envoyé dans ce monde, pour être par anticipation citoyen du ciel. Il y a bien une réalité de notre histoire qui demande une implication dans la cité, tout en gardant ce principe d’être toujours dans une volonté de servir Dieu à travers nos frères. « ‘La joie de l’Évangile qui remplit la vie de la communauté des disciples est une joie missionnaire…Cette joie est un signe que l’Évangile a été annoncé et donne du fruit. Mais elle a toujours la dynamique de l’exode et du don, du fait de sortir de soi, de marcher et de semer toujours de nouveau, toujours plus loin… Quand la semence a été semée en un lieu, il ne s’attarde pas là pour expliquer davantage ou pour faire d’autres signes, au contraire l’Esprit le conduit à partir vers d’autres villages. »[xxxi] L’annonce nous met sur le chemin pour entrer et sortir de la terre promise afin de partager ce règne de Dieu promis à tous, que j’accepte ou que je refuse, mais j’ai toujours la possibilité de l’ouverture à l’amour. Parfois dans nos annonces nous manquons de disponibilité et de douceur. Vivant en mercenaire de la foi, et avec une certaine dureté dans l’affirmation de la vérité. Tout cela peut être vrai, mais nul ne peut se dispenser d’annoncer la Parole, quand bien même des conversions sont encore nécessaires. Le Seigneur ne demande pas des parfaits, mais des hommes et des femmes en chemin qui acceptent dans leurs richesses et leurs pauvretés d’annoncer l’émerveillement de leur rencontre avec Dieu et de la joie que cela produit. « La parole a en soi un potentiel que nous ne pouvons pas prévoir. L’Évangile parle d’une semence qui, une fois semée, croît d’elle-même, y compris quand l’agriculteur dort[xxxii]. L’Église doit accepter cette liberté insaisissable de la Parole, qui est efficace à sa manière, et sous des formes très diverses, telles qu’en nous échappant elle dépasse souvent nos prévisions et bouleverse nos schémas. »[xxxiii] L’annonce de la Parole est une reconnaissance de ce que Dieu a fait dans notre vie, et en même temps un partage de ce qu’il peut faire dans la vie de mon frère. Un appel à la fraternité où se vit la communion et se prolonge une recherche efficace d’un bien commun.
« Que devons-nous faire ? » Vivre ce temps de l’avent comme un temps de préparation à l’accueil de Dieu dans notre vie de manière toute particulière. La grâce de Noël est grâce de l’incarnation, elle n’est pas simplement corporelle mais aussi spirituelle. Corps et âme nous devons recevoir le Seigneur dans notre vie et lui faire place pour conformer notre vie à l’appel du royaume. « La proposition est le Royaume de Dieu[xxxiv] ; il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde. Dans la mesure où il réussira à régner parmi nous, la vie sociale sera un espace de fraternité, de justice, de paix, de dignité pour tous. Donc, aussi bien l’annonce que l’expérience chrétienne tendent à provoquer des conséquences sociales. »[xxxv]La proposition d’annoncer la Bonne Nouvelle est d’abord de changer nos rapports entre nous pour faire place à un témoignage de notre foi vécu dans la civilisation de l’amour. Point de lâcheté, mais cette force d’être fidèle au Seigneur et juste devant nos frères. Une prudence pour discerner ce qui nous amène au bonheur afin de refuser la culture de mort et le clivage de notre être en dispersion de sens. C’est par la vie dans l’Esprit Saint que nous ferons notre annonce dans la joie. Nous avons à développer notre intelligence de la foi pour être vraiment missionnaires et être attentifs aux signes de l’Esprit. Il nous faut nous laisser saisir, car au moment opportun Dieu agit vite. Aussitôt nous sommes appelés à laisser nos filets pour rejoindre le Christ sur le chemin de l’annonce.
« On y a rappelé que la nouvelle évangélisation appelle chacun et se réalise fondamentalement dans trois domaines.[xxxvi] En premier lieu, mentionnons le domaine de la pastorale ordinaire, « animée par le feu de l’Esprit, pour embraser les cœurs des fidèles qui fréquentent régulièrement la Communauté et qui se rassemblent le jour du Seigneur pour se nourrir de sa Parole et du Pain de la vie éternelle ».[xxxvii] …. En second lieu, rappelons le domaine des « personnes baptisées qui pourtant ne vivent pas les exigences du baptême »,[xxxviii] qui n’ont pas une appartenance du cœur à l’Église et ne font plus l’expérience de la consolation de la foi. ….Enfin, remarquons que l’évangélisation est essentiellement liée à la proclamation de l’Évangile à ceux qui ne connaissent pas Jésus Christ ou l’ont toujours refusé. Beaucoup d’entre eux cherchent Dieu …Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. »[xxxix]
Aucune annonce n’est crédible sans un témoignage authentique. Comment laissons-nous la lumière de Dieu transformer notre vie ? Comment nous inviter à innover dans cet inattendu de Dieu proposé dans la rencontre ? Ce n’est pas à la force des poignets, mais dans la grâce de l’Esprit que nous pouvons accomplir la volonté de Dieu et nous conformer à son dessein pour le salut de tous. La volonté œuvre alors à garder courage dans la Parole, elle nous est transmise et elle continue chaque jour de nous transformer pour nourrir notre désir missionnaire et annoncer avec entrain cette joie à partager. L’annonce est l’émerveillement de Dieu dans la vie des hommes que nous devons rejoindre et que nous devons partager. L’amour est non seulement une promesse, mais encore une réalité que je vis et que je partage. Une relation nouvelle où tout prend un sens nouveau pour moi et un appel pour toi, car la Parole peut t’aider à vivre le vrai bonheur. Nous comprenons alors le sens de la vie comme un bonheur qui se prodigue à tous et ne cesse de croître dans cette fécondité. « Ce ne sont pas ceux qui disent « Seigneur, Seigneur! » qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté du Père[xl] et qui, courageusement, agissent. Car la volonté du Père est qu’en tout homme nous reconnaissions le Christ notre frère et que nous nous aimions chacun pour de bon, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la vérité »[xli]
4- « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. »
Il nous reste à peine quelques jours avant Noël, et nous voici invités à vivre la foi comme l’accomplissement de la volonté de Dieu dans notre vie. En effet la foi est confiance en la volonté de Dieu pour nous, et une communion qui se vit en toute circonstance dans cette liberté de la fidélité qui dit oui, résolument oui à Dieu. Or notre raison peut être obscurcie par les visions idolâtriques. « Échangeant « la vérité de Dieu contre le mensonge »[xlii] ; même la capacité de connaître la vérité se trouve alors obscurcie et sa volonté de s’y soumettre, affaiblie. Et ainsi, en s’abandonnant au relativisme et au scepticisme[xliii], l’homme recherche une liberté illusoire en dehors de la vérité elle-même. »[xliv] La venue du messie est alors cette obéissance dans la foi à la volonté du Père afin de partager l’Esprit Saint, dispensateur de tout don. Elle révèle à l’homme sa condition de serviteur dans un don de soi que la grâce nous communique et que nous sommes appelés à témoigner par la transformation de notre vie. « Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. »
Souvent nous restons enfermés sur nous-mêmes en refusant de reconnaitre notre vocation propre et le dessein merveilleux que le Seigneur veut pour nous. Il n’est qu’amour et nous appelle à n’être que confiance, dans ce oui toujours prêt à notre bouche pour répondre au dessein qu’il a écrit pour nous. « Par le don de l’Esprit, l’homme parvient, dans la foi, à contempler et à goûter le mystère de la volonté divine »[xlv]. Demeurer dans la foi c’est connaitre cet espace de confiance qui dans le temps connait la persévérance pour répondre à l’amour dans une libre fidélité responsable. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » » La méditation des Ecritures, et la prière nous aide à percevoir la volonté de Dieu et à comprendre ce que nous avons vraiment à vivre en nous décentrant de nous-mêmes pour nous rapprocher de Dieu, le connaitre vraiment et vivre une communion où tout n’est qu’une incandescence de sa présence, un buisson ardent qui nous pousse juste à l’adoration, puisque nous ne pouvons rien faire d’autre qu’être à l’écoute et à le contempler. Ce moment d’union ou tout prend sens dans la relation unique. « quand Dieu élève l’âme à l’union , il suspend l’action naturelle de toutes ses puissances, afin de mieux imprimer en elle la véritable sagesse. Ainsi elle ne voit, ni n’entend , ni ne comprend, pendant qu’elle demeure unie à Dieu; …. Dieu s’établit lui-même dans l’intérieur de cette âme de telle manière, que quand elle revient à elle, il lui est impossible de douter qu’elle n’ait été en Dieu, et Dieu en elle; et cette vérité lui demeure si fermement empreinte, que quand elle passerait plusieurs années sans être de nouveau élevée à cet état, elle ne peut ni oublier la faveur qu’elle a reçue, ni douter de sa réalité. »[xlvi] Le chemin de l’avent est aussi le chemin de la mémoire où nous nous souvenons de notre histoire sainte, de notre relation à Dieu et des moments importants dans notre vie où nous avons vécu cette expérience mystique forte.
La venue du Seigneur nous invite à garder intacte notre foi pour être pleinement à son service. « c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au cœur, impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. Pour transmettre cette plénitude, il y a un moyen spécial qui met en jeu toute la personne, corps et esprit, intériorité et relations. »[xlvii] L’incarnation de Dieu nous aide à comprendre cette transmission du corps et de l’esprit que nous sommes appelés à ordonner au plan divin, et à vivre dans la communion. L’incarnation du Christ est en même temps une présence de Dieu à notre monde, mais aussi un appel à respecter et notre corps, et notre âme pour le salut final. La foi est alors cette porte d’ouverture à l’appel d’une écologie humaine qui prend en compte tous les aspects de notre vie et de notre être pour tendre à la volonté de Dieu. « L’acceptation de son propre corps comme don de Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout entier comme don du Père et maison commune ; tandis qu’une logique de domination sur son propre corps devient une logique, parfois subtile, de domination sur la création. Apprendre à recevoir son propre corps, à en prendre soin et à en respecter les significations, est essentiel pour une vraie écologie humaine. »[xlviii] Cela nous rend responsables de nos choix pour être attentifs à l’intégrité de la personne humaine corps et âme, et à respecter le dessein de Dieu dans l’acceptation de notre existence et non dans l’exigence d’autres aspects étrangers à ce que nous sommes. Dieu donne et l’homme est là pour servir dans l’écoute, l’accueil et le partage. Aujourd’hui parler de domination de Dieu et de soumission de l’homme est biaisé dans une culture amputée d’une logique de transcendance, alors pourrions-nous parler du don de Dieu qui non seulement se reçoit mais s’intègre dans tous les choix que nous faisons. « Le développement humain authentique a un caractère moral et suppose le plein respect de la personne humaine, mais il doit aussi prêter attention au monde naturel et « tenir compte de la nature de chaque être et de ses liens mutuels dans un système ordonné »[xlix]. Par conséquent, la capacité propre à l’être humain de transformer la réalité doit se développer sur la base du don des choses fait par Dieu à l’origine[l]. »[li]
Synthèse
L’attente de l’incarnation du Christ est une joie pour nous, et en même temps nous pousse à réfléchir sur ce Dieu qui se fait homme et sur l’importance de la dignité humaine. Or ce qui fait la personne c’est d’exprimer une volonté qui me permet de m’affirmer en soi, et en même temps doué de raison (à ne pas confondre avec l’intelligence), et capable ainsi de recevoir l’amour de Dieu et de le partager à ses frères. La volonté est l’écoute de sa conscience pour trouver l’intelligence de la confiance en Dieu et de l’écoute de ses commandements, comme d’une sécurité qui nous permet de grandir avec bienveillance. Jésus par son incarnation s’est fait pleinement homme, lui qui est pleinement Dieu. Il intègre son humanité dans la divinité pour être totalement homme et totalement Dieu. Ignorer l’un nous rendrait nestorien, c’est-à-dire Dieu a pris une enveloppe charnelle et a fait le théâtre dans notre humanité. Ignorer l’autre nous rendrait arien en affirmant que Jésus est un homme super, mais il n’est pas Dieu. Je rappelle ce que nous dit le Concile. « …Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme[lii], il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché[liii] »[liv]. Je passe sur toutes les hérésies, pour que nous puissions comprendre que dans notre vie spirituelle, la prière doit nous ouvrir au mystère de la foi. Nous avons à prendre le temps de réfléchir sur le sens de ce que nous croyons. Si Dieu nous a donné un cerveau c’est pour nous en servir avec confiance dans le dessein du Créateur.
Comprendre la volonté de Dieu, et aborder la volonté de l’homme nous aide à entrer dans l’étude de la personne humaine, et de ce qui fait sa dignité propre. La volonté doit s’opérer dans le service du bien et à travers ce désir de liberté qui fait grandir dans la maitrise de soi. Il est important dans le débat éthique de comprendre la source de la volonté pour exprimer ensuite des orientations qui tiennent en compte toute la dignité de la personne, et pas uniquement l’aspect que je voudrais asservir comme un droit à mourir. La dignité de l’homme trouve sa source dans la volonté de son existence, de sa vie qu’il reçoit et qu’il accueille comme un don et non comme un fardeau. « Cependant continue de s’imposer à chaque homme le devoir de sauvegarder l’intégralité de sa personnalité, en qui prédominent les valeurs d’intelligence, de volonté, de conscience et de fraternité, valeurs qui ont toutes leur fondement en Dieu Créateur et qui ont été guéries et élevées d’une manière admirable dans le Christ. »[lv] Le chemin de foi se vit dans une confiance au dessein de Dieu et en même temps dans la contemplation de son œuvre dont nous sommes témoins et appelés à témoigner. Le Christ nous envoie à partager cette joie de croire parce que l’amour nous presse et que nous avons à répondre à cet empressement dans la vérité de nos choix. A la lumière de la résurrection tout prend sens, le Christ ressuscité s’invite dans notre humanité pour accomplir le choix de l’amour du Père et du souffle de vie de l’Esprit Saint. « L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle,… Aujourd’hui, …vous est né un Sauveur qui est le Christ[lvi], le Seigneur. »
Père Greg – Curé
Ensemble paroissial de Joinville le pont
Sources :
[i] & 4 Evangelii Gaudium – Is 49,13
[ii] cf. Lc 1, 41
[iii] Jn 15, 11
[iv] &5 Evangelii Gaudium
[v] cf. Jn 11, 52
[vi] cf. He 1, 2
[vii] &13 Lumen Gentium
[viii] &9 Evangelii Gaudium
[ix] &22/1 Gaudium et spes
[x] &24/2 Gaudium et spes
[xi] &11/1 Gaudium et spes
[xii] Cf. Pie XI, Encycl. Rerum omnium, 26 janvier 1923 : AAS 15 (1923), p. 50 et 59-60. – Id. Encycl. Casti Connubii, 31 décembre 1930 : AAS 22 (1930), p. 548. – Pie XII, Const. apost. Provida Mater, 2 février 1947 : AAS 39 (1947), p. 117. – Alloc. Annus sacer, 8 décembre 1950 : AAS 43 (1951), p. 27-28. – Alloc. Nel darvi, 1er juillet 1956 : AAS 48 (1956), p. 574.
[xiii] &40 Lument Gentium
[xiv] Gn 3,10 la septante la traduit par le verbe phobeo (fobew) ne se trouve que dans l’ancien Testament et traduit l’hebreu אִירָ֛א
[xv] Un seule référence est sujette à discussion
[xvi] Jn 3,20
[xvii] Mt 4,6
[xviii] Lc 4,11
[xix] Mc 4,12
[xx] Mt 8,26
[xxi] 2 Timothée 1,7
[xxii] &9 Spe salvi
[xxiii] Sermon 339, 4: PL 38, 1481.
[xxiv] &29 Spe salvi
[xxv] &78/1 GS
[xxvi] &23 Spe Salvi
[xxvii] &78/2 GS
[xxviii] En général les orphelins, et les personnes ayant un placement par le juge, souvent à cause de famille deficiente
[xxix] Aide Sociale à l’enfance
[xxx] &80/5 GS
[xxxi] &21 Evangelii Gaudium
[xxxii] (cf. Mc 4, 26-29
[xxxiii] &22 Evangelii Gaudium
[xxxiv] Lc 4, 43
[xxxv] &180 Evangelii Gaudium
[xxxvi] Cf. Proposition 7.
[xxxvii] Benoît XVI, Homélie de la Messe conclusive de la XIIIème Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques (28 octobre 2012) : AAS 104 (2012), 890.
[xxxviii] Ibid.
[xxxix] &14 Evangelii Gaudium
[xl] Cf. Mt 7, 21
[xli] &93/1 GS
[xlii] Rm 1, 25
[xliii] cf. Jn 18, 38
[xliv] &1 Veritatis splendor
[xlv] &15/4 G.S.
[xlvi] 5ème demeure, chapitre 1 – Thérèse d’Avila
[xlvii] &40 Lumen Fidei
[xlviii] &155 Laudato si
[xlix] Jean-Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 34 : AAS 80 (1988), 559.
[l] Cf. Id., Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 37 : AAS 83 (1991), 840.
[li] &5 Laudato si
[lii] Cf. Conc. de Constantinople III : « De même sa volonté humaine divinisée n’a pas été supprimée » : Denz. 291 (556).
[liii] Cf. He 4, 15
[liv] &22/2 GS
[lv] &61/1 GS
[lvi] Christ est l’appellation de Jésus Ressuscité, l’Evangéliste ici fait un lien entre la naissance de Jésus et sa résurrection.