14 juin 2020. Fête Dieu. Méditation
« Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde »
L’aventure eucharistique est une histoire de communion dans tous les aspects de partage et d’unité, d’alliance et de fidélité, de rencontre et de relation, de présence et de témoignage. D’ailleurs, il n’est pas possible de les dissocier car tous ces aspects et bien d’autres sont l’expression du sacrement de l’amour qui est le don de Jésus nous révélant l’amour infini du Père et qui continue d’agir dans le souffle de l’Esprit : « Jésus continue de nous aimer « jusqu’au bout », jusqu’au don de son corps et de son sang. »[i] A chaque messe nous faisons mémoire du sacrifice d’action de grâce où la Passion ouvre à la Résurrection et nous invite comme témoin à partager la grande espérance du Salut. « Recevoir Jésus dans l’Eucharistie signifie participer déjà, dès ici-bas, à sa vie glorieuse, à sa communion avec le Père »[ii] et répondre ainsi à la vocation baptismale en nous laissant conduire dans la vie de l’Esprit à recevoir grâce sur grâce.
1. L’eucharistie, un don et non un dû
Le don de la personne par l’eucharistie et le don de la grâce dans le souffle de l’Esprit sont une même expression d’une communion qui s’exprime de plusieurs manières. « C’est donc en vertu de l’action de l’Esprit que le Christ lui-même demeure présent et agissant dans son Église, à partir du centre vital qu’est l’Eucharistie. »[iii] Et la communion avec Dieu, dans la docilité de l’accueil du don, nous pousse à le contempler et à venir l’adorer car il est la source de toute vie. « Communier chaque jour et prendre sa part du corps et du sang sacrés du Christ est aussi beau qu’utile…Qui peut mettre en doute que participer sans cesse à la vie revient à multiplier la vie en soi ? »[iv] Non seulement l’eucharistie est présence de Dieu dans notre vie, par la vie communautaire d’une part et le partage du pain et du vin d’autre part, elle est aussi un envoi en mission pour vivre cette communion dans l’expression de notre vie quotidienne.
Nous avons à vivre intérieurement cette présence de Dieu, à travers la prière et la méditation de la Parole, et l’exprimer dans le service de la charité et l’intelligence relationnelle avec le frère comme artisan de paix. C’est ainsi que tout baptisé, dans l’expression de sa vocation propre et « participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, » reçoit tout de Dieu et le partage avec tous dans l’annonce de la Parole portée par la prière et la charité fraternelle. Par l’Eucharistie « ils offrent à Dieu la victime divine et s’offrent eux-mêmes avec elle ; ainsi, tant par l’oblation que par la sainte communion, tous, non pas indifféremment mais chacun à sa manière, prennent leur part originale dans l’action liturgique. »[v] Le prêtre, en serviteur fiable, est la personne du Christ dans l’action consécratoire et chaque baptisé participe à cette action de grâce dans la ferveur de l’Esprit Saint. C’est participer à la vie en Dieu et mettre Jésus au milieu de nous ; le vivre au milieu de nous est en même temps avoir le cœur brûlant par les Ecritures, participer à la fraction du pain comme signe de communion et retourner à Jérusalem, c’est-à-dire à la vie que nous fuyons pour reconnaître notre propre transformation et inviter nos frères à entrer dans cette grâce de la conversion nous introduisant à la beauté de l’amour de Dieu et de sa création.
La recherche du beau est une recherche de vérité dans la contemplation, la laideur étant alors la confusion et l’expression d’une division, autrement dit d’un manque de goût dans la désharmonie proposée. « Le beau est capable, selon sa nature propre, d’attirer en quelque sorte quiconque regarde vers lui. Si donc l’âme est purifiée de tout mal, elle sera totalement dans le beau ; or le beau, en sa propre nature, c’est le divin, avec qui l’âme passée par la purification, sera unie »[vi] Le désir de Dieu est la communion, est donc l’expression même de cette recherche du beau dans l’ajustement à l’ordre établi par Dieu, en fuyant le chaos de la division et l’œuvre de celui qui est désajusté. « À travers le Sacrement de l’Eucharistie, Jésus fait entrer les fidèles dans son « heure »; il nous montre ainsi le lien qu’il a voulu entre lui et nous, entre sa personne et l’Église »[vii] Or le tentateur est là pour relativiser la présence dans nos communauté, il tient à nous isoler dans une pratique personnelle, voulant nous faire oublier l’importance de la communion fraternelle et la source de toute vie.
2. Trois mouvements intérieurs pour une même communion
Il y a bien une attaque de l’adversaire contre nos trois mouvements intérieurs qui est l’union extérieure, le désir que crée le manque et l’union réelle, ou la joie de l’union intérieure dans la profondeur de notre conscience au plus intime de nous-même, comme lieu de rencontre vraie.
En effet, par la vie de foi, nous sommes dans une rencontre personnelle et nous voulons suivre le Christ, mais nous ne le connaissons pas assez ; ainsi, nous avons le désir de vouloir être avec lui, et souvent pas très ajustés, la traversée du désert nous pousse alors à le recevoir comme notre Seigneur et notre Dieu, c’est-à-dire non plus dans nos propres rêves mais dans la réalité de son incarnation, qui s’offre à nous comme un don précieux et nous rend responsable de notre agir dans la recherche du meilleur bien. Or le diable attaque bien souvent sur les trois aspects pour nous écarter de la joie de Dieu et d’une vie de communion. Car il nous préfère chassé du jardin intérieur pour la folie d’un extérieur à soi, fait de relativisme et de superficialité, plutôt qu’en dialogue avec Dieu dans une recherche harmonieuse de la vérité. C’est pourquoi le sacrement de l’eucharistie est à comprendre comme un chemin de sanctification. Chemin d’ajustement à Dieu par l’accueil du don et la volonté de persévérer dans la communion. Une vie de joie commencée par la rencontre et l’union avec Dieu et continuée par sa réalisation dans la vie de nos frères. Mais cette richesse spirituelle est en même temps vécue dans un décentrement profond pour toucher l’intime de nous-même et vivre les situations de pauvreté qui sont en même temps les situations de recherche de Dieu. « La sainteté consiste dans un état de pauvreté telle qu’à tout instant on soit obligé de tout demander à l’Esprit Saint, on soit dans sa dépendance, suspendu à son secours, convaincu que sans sa grâce on ne peut rien faire. C’est la formation que Dieu impose aux âmes avec lesquelles il veut travailler. Il fait entrer en elles la docilité par la pauvreté, il en fait des mendiantes pour les rendre dociles »[viii] La première définition de la pauvreté est l’acceptation de nos limites et de l’attente de Dieu dans notre vie. L’autre nom de la pauvreté est la dépendance ; or, le Diable en sachant nous appeler à l’autonomie dans nos responsabilités de la grâce reçue, nous fait croire à l’indépendance. Comme si nous n’étions pas reliés à Dieu !!
2.1 La grandeur d’un Dieu Tout Puissant qui se révèle dans notre histoire
Le premier mouvement de notre être se vit dans les sens, une sensation de vertige devant la grandeur de Dieu, le cœur brûlant d’amour à l’écoute de sa Parole, les yeux rivés sur l’Eucharistie, en extase devant Lui. Bref, nous expérimentons de manière tangible la présence de Dieu, jusqu’à penser le toucher, à portée de main. C’est le temps du changement où nous voulons revivre cette union, et nous nous préparons à la rencontre comme à une fête. Nous y pensons et notre cœur est dans le ravissement, parce que Dieu est présent et que nous en avons conscience, peut-être pas pleinement, mais nous aimons, nous avons l’invincible foi de penser qu’Il est là et cela nous suffit. Nous nous laissons transformer dans nos façons d’agir et dans nos manières de nos positionner, pour essayer d’être au plus près de Lui et de le reconnaître dans la communion partagée, en supportant plus ou moins bien les imperfections de ce monde et de nos frères. Mais nous nous adaptons pour aller à l’essentiel et nous nous complaisons dans cette relation où nous L’avons reconnu à la fraction du pain et nous nous savons aimé parce qu’Il est présent.
2.2 Par le Christ, notre vie, nous transforme
Il nous arrive alors d’éprouver le manque lorsqu’Il est absent et de ressentir ce vide intérieur qu’Il remplit lorsqu’il paraît. Le Christ devient l’horizon de notre vie, comme lieu de transformation, et en même temps nous restons dans l’appel vibrant de sa présence. « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu. » Le désir est cette soif de Dieu que nous éprouvons à chaque eucharistie où nous voudrions une communion plus intense, une présence plus palpable et plus éclatante, afin de redynamiser notre foi, enraciner notre amour et soutenir notre espérance. Un désir qui se laisse éprouver par l’âpreté du temps et pourtant continue avec persévérance de rechercher Dieu afin de Le contempler. « Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ; quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ? » Une question qui se pose aux rythmes des eucharisties pour grandir en sa présence et ne pas connaître cette solitude originelle, qui est en même temps l’expérience de notre propre limite. Nous aurons toujours besoin de Dieu et c’est bien ainsi que nous continuerons notre chemin de sainteté. Le désir profond de sa présence nous pousse à le rechercher et à marcher à sa suite, en disciple pour le reconnaître lorsqu’il paraît. C’est de tout notre être que nous voulons aller vers Dieu et continuer d’espérer, car de Lui vient notre Salut. « Au long du jour, le Seigneur m’envoie son amour ; et la nuit, son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. » Une vie de communion dans le jardin intérieur de notre être, où nous désirons entendre les pas de Dieu et faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous y disposer. C’est bien Dieu qui a l’initiative de marcher mais nous savons aussi qu’il nous faut vouloir le reconnaître et que cela demande d’être en recherche pour mieux le connaître.
2.3 Une joie de la communion d’amour par la Personne Don
Alors, dans la communion eucharistique, nous connaissons la vraie joie d’un Dieu qui se donne et qui nous inonde de sa présence. Il est là et nous comprenons pleinement qu’Il nous aime. C’est dans l’intimité de notre être que nous le reconnaissons pleinement, et non pour ce qu’Il donne, mais pour ce qu’Il est. Nous ne le recherchons plus pour un instant magique où peut se manifester sa présence, mais bien dans l’émerveillement de l’amour. Une contemplation de ce qu’Il est et qui nous met en dialogue avec Lui, dans une relation unique et pourtant si fidèle. Un moment de pure extase où nous ne sommes plus que contemplation. Nous aimons, parce que Lui le premier nous a aimé, et qu’il nous offre de manière complète son amour, c’est-à-dire dans le don, la gratuité de la relation et l’éternelle fidélité. Cela nous introduit dans un bonheur plénier. Une joie que nul ne peut nous ravir. A chaque adoration, nous sommes appelés au silence devant sa face, à la prière silencieuse et en même temps à la rencontre du cœur où Il se révèle. Un dialogue où Il nous avise et où nous lui soumettons tous nos projets. Une union intime qui est l’espace d’une rencontre, d’union en préfiguration du Royaume. C’est là notre joie parfaite, car l’amour est à la racine de toute action, et la rencontre est le lieu de son accomplissement.
La joie de la rencontre est bonheur d’une présence qui nous met en paix avec nous-même, parce que nous répondons vraiment à notre vocation de fils de Dieu dans l’ajustement à la Parole. Une joie de la reconnaissance en Dieu qui le premier nous a aimés, et continue d’être fidèle malgré nos trop nombreux errements. Oui, nous entrons dans une autre dimension de l’amour au cœur de l’Eglise. « Le Christ ‘nous a embrassés avec trop d’amour parce qu’il nous a unis à lui jusqu’au point d’être en nous…, de pénétrer lui-même dans nos entrailles… l’amour divin produit une extase. Il est juste de dire cela de l’amour divin, parce qu’il met Dieu en nous, et nous met en Dieu »[ix] A travers le sacrement de l’Eucharistie nous sommes au cœur de l’amour par l’offrande du corps et du sang, et vivons la communion dans le partage autour de nous comme un témoignage du vivant. L’amour déborde ainsi dans le dynamisme du partage, pour toujours se propager autour de nous comme le feu dévorant d’une promesse de Salut exalté par la vertu d’espérance, et cela nous met dans une joie que rien ne surpasse, parce qu’elle est repos en Dieu et nous fait goûter l’éternité de la promesse réalisée.
3. Un partage de joie
« Et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints ». La joie de Dieu se donne à nous par l’Eucharistie, une rencontre de communion entre Lui et nous, car nous sommes invités à sa suite pour l’aimer encore plus et partager cette joie autour de nous. Le banquet eucharistique est bien ce partage d’une joie de Dieu mort et ressuscité, dont nous attendons le retour dans la gloire, et l’émerveillement que nous éprouvons à sa rencontre. Le pain est bien son corps, il me fait (personnellement) communier au banquet céleste, d’une union profonde et durable qui ne cesse pas de me transformer « la joie prévue pour nous par le Créateur nous offre un bonheur qui nous fait goûter par avance quelque chose du Divin »[x] Une expérience personnelle qui nous pousse à la rencontre communautaire, non dans le domaine du superflu, mais bien dans la profondeur du vital. Avec la Parole de Dieu, l’Eucharistie est partage de la présence de Dieu en moi et, lorsque je vis la charité, je partage cette joie autour de moi. « L’homme est créé pour le bonheur véritable et éternel, que seul l’amour de Dieu peut donner. »[xi] Et à chaque eucharistie, nous sommes invités à goûter cette joie de Dieu dans notre vie, à l’expérimenter et à la partager comme un temps de grâce. « Le banquet eucharistique est pour nous une réelle anticipation du banquet final, annoncé par les prophètes[xii] et décrit par le Nouveau Testament comme « les noces de l’Agneau »[xiii], qui doivent se célébrer dans la joie de la communion des saints.[xiv] »[xv] A chaque messe nous sommes invités à chanter les louanges de Dieu, à nous laisser transformer par sa présence et à le recevoir et le partager pour notre propre Salut et celui du monde entier. Un appel à vivre de la vie de Dieu dans l’accueil de son amour pour nous et pour nos frères.
4. L’expérience eucharistique
La messe est un temps de prière et de louange au Seigneur, d’expression de sa présence parmi nous et en même temps de partage et de don. Elle manifeste notre foi dans l’expérience de l’amour fraternel et fait grandir l’espérance du Salut. La célébration eucharistique nous invite à nous déposséder de nous-même pour être réceptif à l’accueil du Sauveur qui vient s’offrir. « L’Eucharistie récapitule quatre dons de Jésus aux hommes ; comme compagnon des hommes, comme nourriture, comme prix de la rédemption et comme récompense. Aussi l’Eucharistie est-elle sacrifice, banquet, présence réelle et promesse eschatologique »[xvi]. Nous le vivons à chaque moment de la messe par la louange, le partage, la conversion du cœur et l’annonce du Salut pour tous.
Comment vivons-nous le don ? En nous accueillant chacun au début de la messe et en reconnaissant nos limites humaines dans la contemplation du Seigneur. Une reconnaissance de son amour pour chacun d’entre nous. Puis nous recevons la Parole pour éclairer notre vie à nouveau de la présence de Dieu et nous partageons l’expérience de la vie de l’Eglise à travers l’homélie. Une invitation à partager l’efficacité de la Parole de Dieu dans notre vie et à entrer en action de grâce pour tous les bienfaits dont Il nous comble. L’Eucharistie est un sacrifice de louange et d’action de grâce mais aussi de réconciliation de Dieu avec le genre humain, pour éclairer toute notre vie de sa présence éternelle.
Après la liturgie de la Parole, nous continuons de partager, par les offrandes en participant au banquet divin par le pain et le vin, et d’une autre manière concrète par la quête et le partage de notre avoir. Nous prolongeons le don dans la prière eucharistique et l’appel de l’Esprit Saint pour la transsubstantiation du pain au corps et du vin au sang et le partageons dans notre assemblée pour la sanctification de chacun et du corps de l’Eglise. Le jeûne eucharistique (une heure avant la messe au minimum) que nous avons vécu avant la messe ainsi que notre manière de nous affréter est de notre responsabilité pour participer consciemment à cette offrande de nous-même dans la disponibilité de notre corps. D’ailleurs le catéchisme de l’Eglise catholique nous le rappelle bien. « Pour se préparer convenablement à recevoir ce sacrement, les fidèles observeront le jeûne prescrit dans leur Église[xvii]. L’attitude corporelle (gestes, vêtement) traduira le respect, la solennité, la joie de ce moment où le Christ devient notre hôte. »[xviii].De même le sacrement de réconciliation (au moins une fois l’an, avant Pâques) qui imprègne notre vie de la présence du Seigneur et de la promesse d’alliance est l’offrande de notre âme à Le recevoir pleinement, dans un état de confiance en sa puissance transformante. « L’Eucharistie et la Pénitence sont deux sacrements intimement liés. Si l’Eucharistie rend présent le Sacrifice rédempteur de la Croix, le perpétuant sacramentellement, cela signifie que, de ce Sacrement, découle une exigence continuelle de conversion, de réponse personnelle à l’exhortation adressée par saint Paul aux chrétiens de Corinthe : « Au nom du Christ, nous vous le demandons : laissez-vous réconcilier avec Dieu »[xix] L’expression de tout notre être dans l’effort que nous avons fait pour l’ajuster à disposition de Dieu est déjà participation à la volonté de communier car Dieu donne la grâce de la vivre pleinement. La vie de communion n’est pas un dû (« j’ai le droit ») rendant l’autre juge d’une demande de discernement, mais un don dans la vérité de ma vie avec un regard de miséricorde. Nul n’est digne de communier, mais la Parole nous restaure dans cette vie avec Lui, lorsque nous-même nous nous ajustons à ce travail de conversion en acteur, et non en victime.
5. Un témoignage de vie
Nous sommes alors invités à continuer ce partage, dans la prière personnelle et la contemplation de Dieu qui vient nous habiter, et à ne pas rester sur place, mais à aller aux carrefours du monde proclamer la Bonne Nouvelle. En effet « le Seigneur Jésus, Pain de vie éternelle, nous pousse à être attentifs aux situations de misère dans lesquelles se trouve encore une grande partie de l’humanité : ce sont des situations dont la cause implique souvent une responsabilité claire et inquiétante des hommes »[xx] L’appel à la conversion que nous vivons d’abord est un lieu de transformation en redonnant sens à notre vie, le sens de la joie plénière, parce qu’à travers la présence de Dieu je me retrouve dans mon intégrité humaine et j’expérimente le bonheur de la dignité que Dieu m’a octroyée. « La vraie joie est de reconnaître que le Seigneur demeure parmi nous, compagnon fidèle de notre chemin. L’Eucharistie nous fait découvrir que le Christ, mort et ressuscité, se manifeste comme notre contemporain dans le mystère de l’Église, son Corps. Nous sommes rendus témoins de ce mystère d’amour. Souhaitons-nous mutuellement d’aller pleins de joie et d’émerveillement vers l’Eucharistie, pour faire l’expérience de la vérité de la Parole par laquelle Jésus se sépara de ses disciples et pour l’annoncer »[xxi] En cela nous continuons le partage de ce que nous avons reçu et que nous annonçons avec ferveur, dans notre vie quotidienne, par nos actes et par l’annonce explicite.
La joie de la rencontre avec Dieu est la redécouverte de notre intégrité humaine, elle qui est si souvent fractionnée par le péché et nos choix entraînant une culture de mort. Nous sommes ainsi invités à l’humilité pour nous remettre toujours en chemin dans la vérité de la Parole ainsi que par la vie de charité dont nous devons témoigner en contemplant le Christ. « Car le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est lui-même fait chair, afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et récapitule toutes choses en lui » [xxii] C’est Lui qui nous conduit et que nous contemplons dans sa gloire, c’est-à-dire dans ce qu’Il manifeste pour nous aujourd’hui. La Fête-Dieu nous invite à la joie de la contemplation de Dieu et de son œuvre afin d’entrer pleinement dans la louange et reconnaître en Lui le cœur de notre existence dans le projet d’amour créateur.
6. Conclusion : l’eucharistie une invitation à l’unité
Dans cette joie et cet ajustement à l’amour de Dieu dans nos limites humaines, nous comprenons que l’unité entre nous est la source de toute paix. Or l’unité n’est pas l’histoire d’un compromis, mais d’abord et avant tout une invitation à la communion. Mettre Jésus au milieu de nous c’est décentrer nos regards pour revoir l’importance que nous mettons dans ce que nous vivons à l’échelle de la Parole de Dieu. Ni plus, ni moins, mais toujours en vérité, discerner ce que l’Esprit nous invite à vivre dans la communauté de foi. Lorsque nous ne voyons que l’espace de nos instants et que nous attendons dans l’étroitesse d’esprit[xxiii] en nous inquiétant de façon déraisonnable pour ce monde qui passe, nous sommes comme un aveugle devant Dieu, incapable de crier vers Lui car tellement centré sur nous, recouvert d’un manteau pour nous cacher du regard des autres
L’appel de l’Eucharistie fait résonner en nous le désir de Dieu et nous pousse à la contemplation. A ce moment-là nous comprenons l’importance d’être en communion avec nos frères en vérité « Lorsque nous sommes seuls, séparés de la communauté, nous prenons conscience de toute notre fragilité. Nous nous sentons perdus, faibles, indécis »[xxiv] L’unité entre nous est un travail plus approfondi de la dignité humaine et du respect que nous devons à chacun dans la recherche du meilleur bien commun qui trouve sa source en Dieu et son déploiement dans la richesse des personnalités, chacun selon sa grâce. L’Eucharistie nous recentre sur cette recherche d’unité et de contemplation du Christ à travers nos frères. « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain. »
Père Greg BELLUT
Curé de St Charles Borromée
Fête du St Sacrement 14 juin 2020
Sources :
- [i] &1 Sacramentum Caritas est Benoit XVI
- [ii] P 41 – 6 sources pour puiser Dieu – Chiara Lubich
- [iii] &12 Sacramentum Caritas
- [iv] Saint Basile lettre 93, p 115 in à l’écoute des pères de l’Eglise MP Bussières
- [v] Lumen Gentium 11 – Vatican II
- [vi] P 139 Grégoire de Nysse sur l’âme et la résurrection
- [vii] &14 Sacramentum Caritas op cité
- [viii] P 134 le démon de midi – JC Nault – citant Marie Eugène de l’Enfant Jésus
- [ix] P 25Jésus Eucharistie – Chiara Lubich citant saint Albert le Grand
- [x] &3 Dieu est amour – Benoit XVI
- [xi] &30 Sacramentum Caritas
- [xii] (cf. Is 25, 6-9
- [xiii] Ap 19, 7-9
- [xiv] Cf. Proposition 3.
- [xv] &31 Sacramentum Caritas
- [xvi] Communion XXXI f 2006 Cardinal Avery Dulles p 6 présentations
- [xvii] cf. CIC, can. 919
- [xviii] &1387 CEC
- [xix] &36 Ecclesia de Eucharistia
- [xx] &90 Sacramentum Caritas
- [xxi] &97 Sacramentum Caritas
- [xxii] &45*2 Gaudium et Spes
- [xxiii] P42 6 sources pour puiser Dieu
- [xxiv] P 140 6 sources pour puiser Dieu