20-21 juin 2020. 12ème Dimanche du Temps ordinaire. Méditation

« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! Car le Seigneur écoute les humbles, »

La première dimension de la vocation chrétienne est de désirer Dieu et d’étendre le don de piété à toute notre existence. Cette vertu de piété, qui commence par le sacrement du mariage, et la vie de couple ou en famille, où la prière est au centre de l’action et contribue à ajuster notre vie à la Parole de Dieu. Cette vie de piété qui contribue tout au long de notre existence à vouloir trouver le sens de ce que nous faisons à travers l’appel de Dieu. La vie dans l’Esprit présuppose un désir de Dieu et une vie de prière. « Ton désir est ta prière ; si le désir est continuel, la prière est continuelle… Il y a une autre prière intérieure qui est sans relâche ; c’est le désir. Que tu te livres à n’importe quelle autre occupation, si tu désires ce loisir du sabbat, tu ne cesses pas de prier. Si tu veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer »[i] Il y a comme une logique de l’amour dans ce dialogue entre la prière et le désir de Dieu, une complémentarité de tout notre être à vouloir s’abreuver à la source des eaux vives. Même « au milieu d’une nuit obscure d’angoisse »[ii], notre cœur désire l’amour enflammé du Seigneur et nous le recherchons dans les ténèbres : Il est la lumière qui jaillit de la nuit pour nous mener à la reconnaissance de sa présence. Le désir nous pousse à la communion avec Dieu et nous redonne la bonne généalogie de fils de Dieu, appelé à vivre sa volonté en toute chose.

1. Une présence qui me transforme

C’est là que nous trouverons la joie de sa présence, comme un lieu de rencontre et de transformation de tout notre être. Être enfant de Dieu, c’est me laisser chaque jour modeler par sa grâce. Car, dans l’abandon en Dieu, je deviens docile au souffle de l’Esprit et j’accueille la joie comme un lieu de reconnaissance entre Lui et moi. La joie vient de l’expérience d’être aimé par Lui et de pouvoir l’accueillir dans les profondeurs de l’âme, pour fonder toutes nos actions sur l’amour de Dieu et notre réponse libre dans la vérité de nos choix. En effet, l’homme « comme fils, …est appelé à l’intimité même de Dieu et au partage de son propre bonheur. »[iii] La vérité de la relation engage à un partage de la vie divine et créé une attirance toujours nouvelle à marcher à sa rencontre. Il faut parfois beaucoup de patience, mais Il est là, toujours là, et encore là, même si nous L’avons laissé sur le bord de la route. Il passe dans notre vie et nous appelle à Le rejoindre dans le bonheur de sa présence. Si les biens de ce monde passent, de même que l’engouement pour la prospérité matérielle, la joie de Dieu et les biens spirituels sont éternels et nous font goûter la vie de communion comme avant-goût du Royaume. Ce n’est pas le bonheur humain face au progrès et à une activité qui va jusqu’à l’évanouissement de notre quotidien dans un activisme exacerbé, mais bien un bonheur véritable qui fait confiance au dessein du Créateur et garde dans le cœur le souvenir de ses promesses. Dans ce désir de Dieu, la Parole nous conduit et nous enseigne, elle est la lampe sur la route pour éclairer tous nos pas. Elle ne se lit pas comme un SMS au bord de la table, mais demande à chacun d’entre nous une préparation rigoureuse pour la laisser germer dans notre vie, afin qu’elle devienne la lumière sur notre route quotidienne ; elle n’est pas un SMS oublié sur un portable mais bien un courrier d’amour que l’on garde à la main pour continuer de le méditer jour après jour.

2. Une Parole qui me renouvelle

La parole s’est incarnée dans le Christ pour venir nous sauver et elle a répandu en abondance la joie de Dieu dans notre vie et dans la vie des hommes tout au long de l’histoire. La joie de la présence de Dieu au milieu de nous par la Parole transforme notre quotidien en fête et réoriente nos priorités pour contempler notre Sauveur. « L’annonce de la Parole crée la communion et apporte la joie. Il s’agit d’une joie profonde qui jaillit du cœur même de la vie trinitaire et qui se communique à nous dans le Fils. Il s’agit de la joie, comme don ineffable, que le monde ne peut donner »[iv] Une joie de transmettre la Parole, de discerner l’action de Dieu dans notre vie et de Le voir se manifester autour de nous par des délivrances et des guérisons. Le Seigneur continue d’agir par sa Parole et nous en sommes témoin lorsque nous l’annonçons, lorsque nous répandons sa Parole autour de nous, lorsque nous la méditons dans notre cœur, lorsque nous en faisons notre livre de chevet. La Parole, comme un trésor, nous accompagne tout au long de notre vie et, plus je la partage, plus le trésor grandit, miracle que Dieu ne cesse de bénir dans ce paradoxe exaltant. Le partage de la Parole est la plus grande richesse de notre vie, car nous le faisons en vérité au service de la charité, dans l’attention aux pauvres et aux faibles, et avec une responsabilité de co-création. « La joie provenant de la Parole peut maintenant s’étendre à tous ceux qui, dans la foi, se laissent transformer par la Parole de Dieu. …Jésus révèle le secret de la vraie joie : « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »[v]. Jésus indique la vraie grandeur… la possibilité de cette béatitude qui naît de la Parole écoutée et mise en pratique. »[vi] La Parole de Dieu construit notre aujourd’hui et nous fait connaître la vraie vie en Dieu.

3. Au service de l’autre pour le Tout Autre

Oui la parole fait de nous des serviteurs de l’amour de Dieu et des témoins de cette joie de l’amour autour de nous. Nous sommes tous appelés à témoigner de l’Evangile, mais chacun selon sa vocation propre, certes par le mariage et la création de foyer authentiquement chrétien, c’est-à-dire mettant la prière au cœur de leur sacrement, dans le couple et avec les enfants, mais aussi dans la vie religieuse ou sacerdotale, comme dans la vie de ceux qui connaissent le célibat pour être disponibles d’une autre façon ou ceux qui souffrent ou qui sont malades. Autant de témoignages de vie pour qui, chacun selon son charisme, est appelé à revoir son regard d’émerveillement de la présence de Dieu dans la vie des hommes. Mais dans cette action de grâce des dix ans de sacerdoce, permettez-moi de rappeler la grâce du ministère. « La nouvelle évangélisation a besoin de nouveaux évangélisateurs, de prêtres qui s’engagent à vivre leur sacerdoce comme un chemin de sainteté… Jean Paul II nous rappelle aussi le devoir de tendre à la sainteté, afin d’être des ‘ministres de sainteté’ pour les hommes et pour les femmes confiés à notre service pastoral. »[vii] Le programme est ambitieux, mais il se fonde sur l’amour de la Parole, sur le don dans le service fraternel et sur la vérité de tous nos actes comme une actualisation de la Parole dans notre vie. La joie de Dieu devient notre joie lorsque nous nous ajustons à sa Parole et que nous la faisons nôtre, en serviteur inutile mais toujours disponible. Une joie d’être collaborateur de la lumière divine et de l’annoncer à tous. « Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : »

4. Une joie vécue et pourtant indicible

C’est dans la Parole que nous pouvons annoncer avec audace la joie de l’Evangile et en être témoins par nos vies et par nos œuvres. Car nous ne pouvons pas ne rester qu’à un niveau d’annonce sans montrer par nos mains notre responsabilité de co-créateur. L’annonce de l’Evangile n’est pas une démission de la responsabilité de notre Terre. « En même temps que nous pouvons faire un usage responsable des choses, nous sommes appelés à reconnaître que les autres êtres vivants ont une valeur propre devant Dieu et, « par leur simple existence ils le bénissent et lui rendent gloire »[viii]. » L’Evangélisation passe par le développement que nous pourrons faire vivre à nos frères : à chaque fois que des missionnaires ont agi dans les pays, ceux-ci se sont développés, parce qu’il y a une cohérence entre l’annonce de l’Evangile et l’accroissement du développement de l’homme et de la cité dans une recherche du bien commun. En effet chacun d’entre nous essaye à la lumière de l’Evangile de vivre notre dignité humaine dans nos actions bonnes. Nous savons que tous les hommes veulent « être affranchis de la misère, trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi stable; participer davantage aux responsabilités, hors de toute oppression, à l’abri de situations qui offensent leur dignité d’hommes »[ix] Or l’annonce de l’Evangile nous libère de toute peur pour aller à l’essentiel et vivre le partage nécessaire à une vraie fraternité. Une rencontre avec l’autre pour dire la prodigalité de Dieu pour tous ; or, la misère et le dénuement puisent leurs sources dans l’égoïsme et ou l’irresponsabilité de nos propres talents. « Dès la naissance, est donné à tous en germe un ensemble d’aptitudes et de qualités à faire fructifier : leur épanouissement, fruit de l’éducation reçue du milieu et de l’effort personnel, permettra à chacun de s’orienter vers la destinée que lui propose son Créateur. Doué d’intelligence et de liberté, il est responsable de sa croissance, comme de son salut »[x] Or, parfois, nous nous conduisons en spectateur, attendant tout de Dieu et complètement absents de notre vocation de fils, qui doit suivre l’exemple du Père. Il n’est pas possible de construire une communauté évangélisatrice sans servir la charité ni vraiment prendre soin du frère, sans être de la charité de salon.

5. La charité mondaine et la nécessaire évangélisation

Que faut-il entendre par la charité de salon ? C’est celle du superflu, comme ce pharisien qui donne beaucoup d’argent mais n’est que dans la vanité, alors que la veuve honore Dieu par quelques pièces. C’est la mentalité des bonnes dames de saint Vincent-de-Paul, qui voulaient bien avec lui s’occuper des autres, mais refusaient de s’occuper des enfants de la honte[xi], poussant saint Vincent-de-Paul à trouver d’autres aides afin de venir au secours de la dignité de ces petits d’hommes délaissés. On veut bien prêter main forte, mais sans se salir les doigts. La charité de salon, c’est refuser lors d’une pandémie d’aider les autres, de peur d’attraper le coronavirus, dans une “religion” de peur et d’irresponsabilité fraternelle au nom de la bienséance sanitaire. Saint Charles Borromée a invité ses prêtres à sortir de leur presbytère pour aider les paroissiens durant la grande épidémie de la peste. En effet, la charité n’a pas de carcan sanitaire, elle est de toujours à toujours le reflet de Dieu dans le visage du frère. Et le serviteur doit sans cesse être présent pour rappeler la proximité de l’amour de Dieu en toute situation, même s’il faut parallèlement ne pas se lancer dans des folies téméraires, mais discerner ce que nous avons à vivre. Heureusement qu’un saint Damien Molokai a accepté de vivre avec les lépreux, et de devenir lépreux lui-même, afin d’évangéliser pleinement par sa vie et ses œuvres ceux qui étaient rejetés par la société. La charité n’est pas une question de confort mais d’engagement. A chaque fois que nous trouvons des prétextes pour ne pas nous engager pleinement au secours de nos frères, et prêt à donner sa vie dans le don sincère de soi-même, nous restons dans le salon de la mondanité.

Or l’évangélisation demande au contraire un engagement sans faille. « Il faut reprendre conscience que nous avons besoin les uns des autres, que nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres et du monde, que cela vaut la peine d’être bons et honnêtes. Depuis trop longtemps déjà, nous sommes dans la dégradation morale, en nous moquant de l’éthique, de la bonté, de la foi, de l’honnêteté. »[xii] L’évangélisation revient à retrouver la lumière de la vérité dans l’amour et à contempler le Christ à travers les Ecritures pour redonner sens à ce que nous vivons. Même si l’amour de la maison de Dieu semble nous perdre dans un monde médiatique fortement hostile et une puissance politique souvent anti-chrétienne, nous avons à rappeler avec persévérance les bontés du Seigneur pour chacun d’entre nous et la fidélité de son amour. Peu importe l’environnement hostile et les difficultés du moment, laissons-nous guider par l’Esprit Saint pour continuer d’annoncer la joie de croire et amener chacun au salut. Cette transformation de tout notre être dans le Christ nous ouvre à l’Evangile de la vie et à la grandeur de l’homme dans sa dignité propre.

6. Citoyen d’une civilisation de l’amour

La civilisation de l’amour vient justement de cette transformation de vie qui fait de nous des citoyens de Dieu et des apôtres de la Parole, au nom même de notre baptême. C’est l’engagement d’une vie et non une fiche de poste posée sur le coin de la table et remplie de manière minimaliste. C’est l’affaire de tous et non l’engagement de quelques-uns. Il nous faut être à l’écoute de l’Esprit Saint qui souffle sur la richesse de nos personnalités. Nous faut-il rappeler que « l’expression de la vérité peut avoir des formes multiples, et la rénovation des formes d’expression devient nécessaire pour transmettre à l’homme d’aujourd’hui le message évangélique dans son sens immuable ».[xiii] ? Comment reconnaître la véritable annonce ? Y a-t-il des fruits de conversion, des transformations des cœurs, des changements de vie ? Peut-être que les chemins pris ne seront pas les miens et peu importe, tant que le Christ est annoncé, vécu, et transforme nos sociétés dans la joie de la rencontre et la paix de nos relations. Il nous faut développer avec discernement ce que l’Esprit nous appelle à vivre, et à savoir reconnaître là où cela donne du fruit, et un fruit qui demeure. Il s’agit de faire retrouver aux gens ce dieu inconnu qu’ils adorent et que nous pouvons appeler Jésus puisqu’Il s’est révélé. C’est un défi pastoral important que nous sachions être une communauté évangélisatrice en vue de la transformation de notre société. Car tout est lié, entre la conversion personnelle et la conversion communautaire. Ne pleurons pas les choix politiques qu’en même temps nous avons mis en place. Les débats bioéthiques et la catastrophe épidémique actuelles, nous rappellent de manière cinglante que nos choix dans l’économie de la santé ont des conséquences.

« L’amour de ta maison m’a perdu. » En effet, les choix que nous faisons lorsque nous rencontrons le Seigneur, nous séparent de l’esprit du monde et de l’enfermement sur soi, pour contempler notre Dieu et rechercher les biens d’en haut. Par le baptême, nous sommes citoyens du ciel et nous avons à développer la civilisation de l’amour, cette vie personnelle et fraternelle de faire fructifier le bien commun dans le souffle de l’Esprit, pour suivre le chemin de vérité à travers la Parole qui nous mène au Père. C’est, ni plus ni moins, retrouver le sens de Dieu dans la vie communautaire et s’enraciner en profondeur dans un amour libre et gratuit par nos choix de vie. C’est redonner du sens à ce qui fait notre désir profond. « L’homme voudra toujours connaître, ne serait-ce que confusément, la signification de sa vie, de ses activités et de sa mort ».[xiv] Parfois nous pouvons reconnaitre l’hostilité face à la culture de mort et aux pulsions immédiates, et des apparences comme normes de vie. C’est un peu comme une mer : il vaut mieux savoir si l’eau bouge en surface, à cause du vent, ou en profondeur à cause d’un séisme, l’impact ne sera pas le même. Or, certains regardent la mer en surface sans s’inquiéter des conséquences et la pandémie arrive comme un tsunami, pour nous rappeler que tous les choix que nous faisons ont des conséquences à plus ou moins long terme. L’hostilité que nous pouvons éprouver, même au cœur de notre famille, lorsque nous faisons le choix de Dieu s’explique dans l’incapacité des uns et des autres à s’ancrer dans le Seigneur et à faire des choix de vie.

C’est par la vérité que nous sommes sauvés. Cette vérité de la Parole de Dieu en Christ par laquelle l’Esprit Saint nous conduit à vivre la joie de la relation. Cette vérité qui continue de se conjuguer dans tous nos choix de vie afin de nous transformer en êtres de louange pour Dieu et d’action de grâce pour nos frères. Une vérité pour la grande espérance du Salut, que nous attendons avec bonheur dans la révélation du Dieu d’amour. « Jésus « nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour »[xv]. Le comportement de la personne est pleinement humain quand il naît de l’amour, manifeste l’amour et est ordonné à l’amour. »[xvi] La vérité de l’amour se vit dans le choix personnel et dans tous les domaines de nos vies, mais a un impact sur nos relations sociales et à travers la vie dans la cité. La vérité de la Parole porte un témoignage de lumière dans les ténèbres de l’ignorance et de la futilité. La vérité de l’amour éclaire chaque homme et oriente toutes nos relations vers la recherche du meilleur bien, elle imprègne tous les aspects de la culture, de l’économie et de la politique pour incliner les rapports humains avec douceur et en artisan de paix. Il nous faut rappeler que « l’égoïsme est l’ennemi le plus nuisible d’une société ordonnée : l’histoire montre la dévastation qui se produit dans les cœurs lorsque l’homme n’est pas capable de reconnaître une autre valeur et une autre réalité effective que celles des biens matériels dont la recherche obsessionnelle étouffe et entrave sa capacité à se donner. »[xvii] C’est l’attitude de rejet qui nous rend étranger à nous-même et à nos frères, et devient violence dans les rapports avec l’autre, dans l’insulte, la mise en écart, l’emprisonnement pour des choix de vie ou de gratuité de relation aux frères dans la citoyenneté responsable. La loi du plus fort est très rarement la loi du plus juste.

7. L’Evangélisation un chemin de sanctification

L’annonce de la foi doit rejoindre le profond désir de chaque personne. Car même ceux qui l’ignorent ont un profond désir ontologique d’être ajustés à Dieu et de comprendre leur vocation propre. Le désir fait partie de l’homme et doit être évangélisé, c’est-à-dire orienté vers sa vraie source dans la recherche du bien afin d’amener à la beauté du Créateur. « La centralité du kérygme demande certaines caractéristiques de l’annonce qui aujourd’hui sont nécessaires en tout lieu : qu’elle exprime l’amour salvifique de Dieu préalable à l’obligation morale et religieuse, qu’elle n’impose pas la vérité et qu’elle fasse appel à la liberté, qu’elle possède certaines notes de joie, d’encouragement, de vitalité, et une harmonieuse synthèse »[xviii] En bref, qu’elle touche les cœurs et que nous soyons témoins de cette joie de Dieu dans la rencontre du frère. Il y a bien à retrouver une délicatesse dans l’annonce de l’Evangile et une douceur dans la proposition de la vérité, non en voulant atténuer la vérité, mais sans vouloir l’asséner. Car l’amour de Dieu se découvre dans la révélation et touche les consciences. Il y a une progression d’un cœur qui peu à peu devient brûlant à l’écoute des Ecritures et se met en route pour annoncer à son tour cette transformation de vie. Ni violence, ni brutalité, ni peur, mais par amour, nous ferons des disciples fidèles avec la grâce de l’Esprit Saint.

L’humilité de l’amour est l’enseignement pour nous d’être attentif à l’œuvre de Dieu et à l’attendre dans notre vie. En cela les pauvres sont en fête parce qu’ils sont toujours en recherche de Dieu, dans l’attente de sa venue, et qu’elle finit toujours par se produire. Rien ne peut se faire sans le désir de Dieu et sans croire avec audace à sa présence dans nos vies pour répandre l’amour dans tous les cœurs. Le pauvre sait attendre de la relation la richesse de ses œuvres et être ouvert à l’amour comme lieu de réalisation de la promesse du Christ. « Le chrétien le sait : l’amour est la raison qui fait que Dieu entre en relation avec l’homme. Et c’est encore l’amour qu’Il attend comme réponse de l’homme. L’amour est de ce fait la forme la plus haute et la plus noble de relation des êtres humains entre eux aussi. … Seule une humanité dans laquelle règne la “civilisation de l’amour” pourra jouir d’une paix authentique et durable ».[xix] Et le pauvre ne se mure pas derrière les lois, ou la justification de ce qu’il fait, mais au nom même de sa dignité propre de fils de roi, fait confiance au Paraclet pour venir le défendre et l’amener dans la grâce du Seigneur. La vraie pauvreté n’est pas dans le matériel, mais dans l’attitude intérieure de tout attendre de Dieu et d’être disponible aux frères. C’est dans cette disponibilité-là, que nous serons authentiquement artisan de paix, et que nous ferons régner la civilisation de l’amour. A travers la gratuité de la relation et le don sincère de nous-même, nous redonnerons sens à ce que nous faisons et porterons ainsi un témoignage vibrant. Parce qu’en vivant la simplicité de vie, nous sommes appelé à déployer la solidarité, et ainsi reconnaître la fraternité comme lieu de réalisation de notre vocation. L’enjeu est là et il n’est pas des moindres. On peut parler de fraternité, comme d’une coquille vide, mais en vérité la fraternité demande un engagement et une disponibilité, qui demande humilité et persévérance, ajustement dans la relation et attention à l’autre dans ses besoins. Ce que vivent les couples dans le mariage, cet ajustement à l’autre dans l’attente de ses besoins, il en va de même de l’attitude intérieure qui se réalise dans l’attente de l’autre et produit une richesse de la relation que nul ne peut ravir.

8. L’Esprit de vérité aujourd’hui nous appelle à vivre de la vie de Dieu

L’Esprit de vérité nous appelle à discerner ce que nous avons à vivre en pleine lumière de l’Evangile. L’engagement dans la foi demande des actes concrets de l’amour. « Seule la charité peut changer complètement l’homme.[xx] Un tel changement ne signifie pas l’annulation de la dimension terrestre dans une spiritualité désincarnée.[xxi] »[xxii] Mais au contraire un engagement de tous les instants dans la recherche de la juste relation, un climat de paix et un regard de bienveillance, et un partage responsable des biens afin que chacun à la mesure de ses talents puisse participer à cette civilisation de l’amour. Alors nous pourrons faire écho à la parole du psalmiste « Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »

Si dans le christianisme, religion fondée sur le martyre, nous savons bien que la violence ne résout rien, peut être pourrions-nous être attentif à l’esprit de peur par la contrainte des consciences, et à une vision un peu faussée de ce qui est dans le monde et pas du monde, à cause d’une lecture biaisée de l’Evangile de Jean. Se rajoute à cela une vision de père fouettard venant punir et réduire en cendre ceux qui n’obéissent pas, dévoyant la Parole du Seigneur en prônant la mort du pécheur plutôt que l’attente de sa conversion. Le règne de la terreur n’est pas une vision paradisiaque mais infernale. Il nous faut vraiment discerner comment nous véhiculons notre foi : se croire victime n’est jamais bon dans la conversion car cela nous empêche de nous remettre en question et donc de nous laisser transformer par la grâce. Je ne peux reprocher aux autres mes propres turpitudes, et ce qui est vrai dans la relation fraternelle l’est aussi dans notre relation avec Dieu. L’annonce de l’Evangile se vit en artisan de paix, comme une proposition d’amour à retrouver en nous et autour de nous. « La foi en Dieu et en Jésus-Christ illumine les principes moraux qui sont « le fondement unique et irremplaçable de la stabilité et de la tranquillité, de l’ordre interne et externe, privé et public, qui seul peut engendrer et sauvegarder la prospérité de l’État ».[xxiii] La vie sociale doit être ancrée dans le dessein divin »[xxiv] La vie en paroisse doit trouver son prolongement dans l’engagement dans la cité. Le pasteur doit amener ses brebis et les gens de bonne volonté à retrouver le chemin de communion d’un bien vivre ensemble dans la recherche du bien commun qui respecte la dignité de l’homme dans le respect d’une écologie intégrale. Cela demande des concessions et, en même temps, un ajustement commun pour tendre vers le bien et le rechercher en toute occasion, pour ainsi s’opposer au séducteur qui nous éblouit des artifices mais, en même temps, nous entraîne dans une culture de mort.

La radicalité de l’engagement dans le don sincère de soi-même à travers le sacerdoce est action de grâce pour les bienfaits de Dieu pour son serviteur et pour la communauté. C’est, en même temps, œuvre de louange à travers l’accompagnement des simples et des malades, œuvre de construction de la cité et de l’Eglise en aidant à bâtir des familles qui illuminent la société de la recherche d’un bien impérieux et fondamental d’éducation à la grâce. C’est aussi œuvre de miséricorde, dans la relation au pardon et le travail intergénérationnel, en rappelant que nous sommes tous frères à cause du Christ et non de notre culture, de notre bulletin de vote, de nos idéologies ou de notre peau. Rappelons que Dieu continue d’agir dans la vie de chacun et que nous sommes tous liés par le sang précieux de la Croix qui nous sauve une fois pour toutes et nous ouvre à la vertu d’espérance du Salut final. « Le Puissant fit pour moi des merveilles, Saint est son Nom »

Père Greg BELLUT

Curé de St Charles Borromée

20 Juin 2010-2020

Sources

  • [i] Saint Augustin discours sur les Psaume, article Désir Dictionnaire contemporain des pères de l’Eglise.
  • [ii] Poème au milieu d’une nuit obscure – Saint Jean-de-la-Croix
  • [iii] &3 Gaudium et Spes
  • [iv] &123 Verbum Domini
  • [v] Lc 11, 28
  • [vi] &124 Verbum Domini
  • [vii] Pape François – Qu’ils soient toujours les ministres de la joie de l’Evangile – homélie du Sacré-Cœur du 19 juin
  • [viii] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 2416.
  • [ix] &6 Populorum Progressio
  • [x] &15 Populorum Progressio
  • [xi] Provenait souvent d’un viol, lors des guerres incessantes de l’époque
  • [xii] &229 Laudato Si
  • [xiii] &19 Ut unum sint
  • [xiv] Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 41: AAS 58 (1966) 1059.
  • [xv] Concile Œcuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 38: AAS 58 (1966) 1055-1056; cf. Id., Const. dogm. Lumen gentium, 42: AAS 57 (1965) 47-48; Catéchisme de l’Église Catholique, 826. En citation cf. Mt 22, 40; Jn 15, 12; Col 3, 14; Jc 2, 8
  • [xvi] &580 CDSE
  • [xvii] &581 CDSE
  • [xviii] &165 Evangelii Gaudium
  • [xix] Jean-Paul II, Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2004, 10: AAS 96 (2004) 121; cf. Id., Encycl. Dives in misericordia, 14: AAS 72 (1980) 1224; cf. Catéchisme de l’Église Catholique, 2212.
  • [xx] Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte, 49-51: AAS 93 (2001) 302-304.
  • [xxi] Cf. Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus, 5: AAS 83 (1991) 798-800.
  • [xxii] &583 CDSE
  • [xxiii] Pie XII, Encycl. Summi Pontificatus: AAS 31 (1939) 425.
  • [xxiv] &577 CDSE

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