2018. Lettre de tous les Saints. 1/3

The Forerunners of Christ with Saints and Martyrs (about 1423-24) Tempera on wood, 31,9 x 63,5 cm cm National Gallery, London« Elle est vivante, la parole de Dieu … Nous aurons à lui rendre des comptes »

            Dans la création de l’homme et son histoire nous sommes tendus vers ce désir de Dieu qui nous a créés à son image. Les frasques du péché originel nous coupent de la communion naturelle et nous enferment dans l’immédiateté de notre histoire. Le péché originel a porté atteinte à la grâce mais ne l’a pas éteinte. De nos origines, nous avons toujours cette soif de Dieu, ce désir d’être en union avec Lui, même si l’adversaire essaye de nous cliver pour mieux nous perdre. La sainteté est donc cette articulation du sens qui prend la réalité de notre péché, mais n’en fait pas une fin en soi, en effet il nous faut nous souvenir du sens de notre vocation et nous tourner résolument vers la grâce. C’est une articulation entre la réalité du péché qui nous habite, et l’appel de la grâce que nous avons à vivre. Les saints sont ceux qui ont vécu cette tension comme une articulation du sens en remettant les priorités dans l’ordre, qui est d’être tout donné à Dieu et malgré le péché de ne pas désespérer de la grâce.

La sainteté n’est ni une loterie où certains auraient le bon numéro de la grâce et les autres, celui de la damnation, ni un parcours du combattant où il faudrait ne s’en tenir qu’à nos propres forces. Elle est cette relation de confiance en Dieu qui demande une vigilance de notre part à chaque instant de notre vie. Une confiance dans ce que nous vivons, jumelée à un discernement des fruits de l’Esprit pour progresser avec fidélité, enracinés dans la Parole, portés par la prière et élevés par la grâce lumineuse. « Les Saints sont donc l’image de l’Image, le Fils étant l’Image, ils réfléchissent désormais sa filiation non par une ressemblance simplement extérieure, mais par une assimilation profonde. Ils sont transformés par le renouvellement spirituel et finissent par ressembler intimement à Celui qui se manifeste dans le corps de gloire »[i] La fidélité de la relation à Dieu que nous avons vécue se prolonge dans la respiration de l’âme qu’est la prière. Comme une intégration du souffle de l’Esprit Saint dans ce qui fait toute notre vie.

Comme une volonté qui éveille la conscience aux réalités d’un monde perdu dans l’éparpillement des sollicitations du quotidien, et qui pourtant est appelée à faire des choix qui ne lui sont pas imposés, mais bien qui ont du sens avec sa vocation d’image de Dieu. Souvent, les discours, notamment sur les questions sociétales d’aujourd’hui en oublient le sens de l’homme et l’appel à la communion. Le désir effréné sur ses propres difficultés, et la logique binaire qui en oublie la pluralité des possibilités, introduit à des demandes aliénantes. Or le saint est justement là pour nous rappeler que Dieu doit être premier. A une Eglise des martyrs qui a fini par s’enrichir et ne plus percevoir l’appel à la simplicité, St François rappelle son rôle premier d’être à l’écoute de tous, et St Dominique à se former parce que Dieu nous donne la raison pour nous en servir. La Parole nous donne une énergie qui nous permet de démêler les situations complexes pour aller au cœur des choses, et se rappeler que Dieu doit toujours être premier. C’est au plus profond de notre être que le Seigneur nous appelle à vivre pleinement notre vocation première d’amour dans l’obéissance à la Parole répondant à l’amour de Dieu qui nous a parlé le premier.

L’humilité qui est d’obéir à la Parole de Dieu ouvre notre conscience à vivre la réalité de l’amour sans masquer une partie dont nous aurions trop honte, parce qu’entachée du péché. Dieu plein de miséricorde est là pour purifier notre âme et nous appeler à l’union à Lui. Les saints l’ont bien compris puisqu’ils en ont fait l’objectif de toute leur vie. Un appel à vivre l’extraordinaire de Dieu dans l’ordinaire de leur vie et qui demande une radicalité bien loin de l’ouateux consensus qui parfois perd son âme. « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple »

Le combat spirituel source de libération

La vie de grâce n’est pas sans l’affirmation de nos choix. Et l’attaque de l’adversaire se fait sur notre communion avec Dieu qu’il tente de briser. Il essaye de nous cliver tant intérieurement que communautairement. Le diviseur essaye de mettre un hiatus entre la vie de grâce et nos choix quotidiens. « Le chemin de la perfection passe par la croix. Il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel[ii]. Le progrès spirituel implique l’ascèse et la mortification qui conduisent graduellement à vivre dans la paix et la joie des béatitudes »[iii] Le combat spirituel tient de l’engagement à rester fidèles malgré l’adversité qui nous enchaine.

Saint Thomas d’Aquin nous montre l’action du malin pour nous détourner de l’œuvre de Dieu et de son service. Le démon présente un objet tentateur qui éveille notre curiosité, comme une belle chose à conquérir, et parfois bien anodine. Puis il exerce une pression sur nos désirs pour nous induire à la faute, comme une idée obsédante de faire ce qui parait si superficiel et qui pourtant peu à peu devient, à notre esprit essentiel. Cela finit dans un troisième temps par occuper l’espace de notre temps, et notre imagination devient débordante, troublant même notre comportement. Plus nous nous laissons incliner, plus nous perdons peu à peu la vue dans l’obscurité de l’intelligence qui entre dans une forme de relativisme délétère. Enfin arrive le péché après avoir succombé à la tentation et pris une décision où nous nous rendons compte (parfois soudainement) du stratagème.

La prière des saints nous aide à entrer en résistance et à nous opposer aux offensives. L’aide de notre ange gardien et son soutien nous fait garder l’effort nécessaire à combattre avec efficacité. La Parole de Dieu nous retire du bord du chemin pour marcher au milieu de la route dans la vérité de rencontre et avec le Parole de Dieu qui nous guide. Marie, Reine des anges nous envoie les secours nécessaires pour continuer à combattre. Saint Michel archange terrassant le démon nous redit la volonté de Dieu que chacun soit libre, et non aliéné à ses propres désirs dans une culture de mort et de désespérance qui refuse toute autorité et se broie dans l’individualisme le plus exaspérant. Dieu est fidèle et nous demande de revenir à Lui, et de continuer le combat pour vaincre dans le désert le Tentateur afin de pouvoir entrer dans la Terre Promise.

Le combat avec le diable est omniprésent dans les Evangiles, et la première chose que fait Jésus en entrant dans les villes, c’est de chasser les démons et guérir les malades. Comme si le combat spirituel était lié à la guérison du corps. Une forme d’unification de tout l’être qui introduit à la communion à Dieu. Les saints travaillent à cette communion en mettant à distance toutes les tentations parce qu’elles sont en même temps épreuves sanctifiantes.

L’homme hanté par le démon doit résister dans la foi à travers la contemplation de Dieu, et avec la sagesse de l’expérience, collaborer à la grâce de l’Esprit Saint pour vaincre le mal. Avec Dieu nous pouvons tout .La tentation nous découvre nos failles et en même temps ne laisse plus cachées nos faiblesses, mais conduit Dieu à agir pour consolider notre moi intérieur. L’expérience du combat nous entraine alors à l’humilité sachant que nous sommes peu de chose, et que c’est Dieu qui fait. Il ne demande que l’assentiment de nos désirs et l’expression de notre liberté pour déployer sa force dans notre vie et venir au secours de notre faiblesse. Oui ! Le combat peut être rude, mais la grâce de Dieu suffit, et nous apprend à prendre patience pour ramasser la couronne du salut. Retenons que le combat spirituel n’est pas une fin en soi mais qu’il nous enseigne dans l’expérience à discerner ce qui vient de Dieu de ce qui n’est pas de Lui. Ainsi, la fidélité de notre vie au Seigneur fait comprendre au malin que même marqués par le péché originel, nous pouvons demeurer dans cette communion à Dieu qui est source d’être. Nous sommes rendus plus forts à travers la victoire du combat, comme après le passage d’une maladie qui nous immunise peu à peu. Nous affermissons notre vocation d’image de Dieu en refusant ce qui pourrait nous séparer de Lui, et nous retrouvons peu à peu notre dignité invités à la ressemblance. Les vies de saint nous montrent ce chemin d’endurance qui est avant tout recherche de purification et de perfectionnement en Dieu. Il ne s’agit pas tant d’une épreuve aliénante et perverse que d’une révélation de l’amour qui se purifie et qui trouve sa joie dans la communion rétablie. C’est pourquoi prier les saints est une invitation à conformer notre vie à leur exemple pour suivre le Christ chemin de vie, vérité de l’existence et amour partagé comme don. « Rendons grâce au Seigneur notre Dieu qui nous éprouve comme nos pères. Rappelez-vous tout ce qu’il a fait avec Abraham et combien il a éprouvé Isaac et tout ce qui arriva à Jacob. C’est pour les avertir que le Seigneur flagelle ceux qui s’approchent de lui. »

Un appel au bonheur

« Le bonheur d’une vie, c’est la joie que la vérité fait naitre. C’est la joie que tu fais naitre, ô Dieu, toi qui est la vérité, ma lumière et mon salut. »[iv] La présence de Dieu dans notre vie est un appel au bonheur à construire dans la communion. La présence de Jésus, et la découverte de l’amour immense qu’Il nous offre, nous met en chemin sur la route du bonheur. « Le désarroi de notre époque en dépit de ses succès matériels montre que le confort, l’abondance des biens et l’élimination de la maladie n’amènent ni le bonheur individuel ni la qualité des relations humaine »[v] Les saints dans leurs vies axées sur les béatitudes nous apprennent que le bonheur se vit dans la rencontre avec Dieu avant d’en faire une norme morale. L’amour est le premier appel au bonheur. L’amour qui se donne, qui se reçoit, que nous faisons nôtre et que nous partageons. Il y a certes des fragilités de notre nature humaine, et un effort à vivre pour conformer notre vie au Seigneur, mais le chemin est tracé où la grâce est agissante.

Les béatitudes donnent un programme de bonheur que les saints nous rappellent par leur vie.

  • « Heureux les pauvre par l’esprit », c’est-à-dire ceux qui cultivent un esprit de pauvreté dans la simplicité de leur vie. Ce n’est pas une recherche d’indigence, car l’indigence retire à l’homme le nécessaire pour vivre et reste une atteinte à sa dignité. L’esprit de pauvreté n’est pas non plus de se contenter de ce que l’on a sans être acteur de sa vie. Non la simplicité de vie est d’avoir ce qui est adapté à ses besoins vitaux, et se défaire du superficiel. J’ai besoin d’un pull pour avoir chaud, et non pas telle marque parce que ‘ça fait style’ et que je pourrais paraître avec. Il n’y a pas de détournement de l’objet dans une relation idolâtrique, simplement je le reçois comme une aide à mes besoins premiers. L’esprit de pauvreté ne se calcule pas à l’avoir mais bien à l’être.
  • « Heureux les affligés » La vie du croyant n’est pas sans épreuves, comme nous le montre le parcours des saints. Mais dans le malheur nous savons crier vers Dieu et lui vient nous consoler. Ceux qui dans leur grande détresse se tournent vers Dieu trouvent le réconfort par la présence de l’Esprit Saint. Une présence illuminant toutes les pauvretés qui nous affligent et nous invitant à l’espérance du royaume. Les saints en toutes circonstances ont gardé confiance en Dieu et ont continué à annoncer la Bonne Nouvelle par leur vie. L’amour nous introduit à la souffrance du refus dans l’expression de liberté et en même temps les saints nous invitent à la persévérance qui seule accomplit effectivement le rayonnement de la puissance agissante de Dieu. Combien des cœurs ont été touchés par une vie exemplaire…
  • « Heureux les doux » Il y a bien une suite logique des béatitudes, même si paradoxalement il n’y a pas de hiérarchie. La douceur se comprend dans cette simplicité que nous avons à vivre aujourd’hui et qui nous permet de ne pas nous emporter inutilement. « Ce n’est pas une grande chose de bien vivre avec les hommes doux et bons, car cela plaît naturellement à tous; chacun aime son repos, et s’affectionne à ceux qui partagent ses sentiments. »[vi] Les saints ont bien compris que la vie en Christ comprenait la visite du paraclet et des fruits pour rendre témoignage. « Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi ». Simplement vivre sous le regard de Dieu et s’abandonner à sa divine providence. Comme une acceptation de son dessein d’amour dans l’histoire de chacun. « Rien n’est plus doux que l’amour; rien n’est plus fort, plus élevé, plus étendu, plus délicieux; il n’est rien de plus parfait ni de meilleur au ciel et sur la terre, parce que l’amour est né de Dieu, au-dessus de toutes les créatures. »[vii] La douceur nous rend acteur de l’action de Dieu dans notre vie, dans l’acceptation de sa volonté à travers son expression dans le oui de nos actes. Ce n’est plus moi qui veut, mais Dieu qui veut en moi.
  •  « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice » Les situations, hier comme aujourd’hui écrasent souvent les plus faibles et non ceux qui ont la force (dans l’exercice d’un pouvoir idolâtrique). Les Saints n’ont qu’un seul parti, celui du Christ et qu’une seule demande, d’aimer en frère. Une vie de communion à Dieu qui se vérifie dans l’attention au prochain. En faire un besoin fondamental comme la faim et la soif resitue l’urgence de la relation dans cet équilibre précaire où nous pourrions manquer de fidélité, c’est-à-dire dans des demandes qui ne correspondent pas aux réalités. Les problèmes d’immigration ne peuvent dédouaner chacun de sa propre responsabilité d’avoir participé à un système corrompu dont on devient la victime. La juste place est dans la vérité de nos relations mais aussi l’accueil de l’autre à travers l’acceptation de la culture qui nous reçoit.
  • « Heureux les miséricordieux » la miséricorde est d’abord un don qui se partage et qui se reçoit. Un partage de l’amour dans son aspect vivant, et demande le don de l’amour qui entraine au-delà du don, dans le pardon. La miséricorde est le prolongement de l’amour dans le pardon ou plus exactement le renouvellement de l’amour dans la réalité humaine. En quelque sorte une responsabilité de l’amour dynamique qui ne s’arrête pas à une situation figée mais dans un regard d’espérance, travaille au salut de tous. Car si la miséricorde est d’abord pour mon frère une grâce, elle est aussi aux yeux de tous un témoignage vibrant de ce choix de Dieu que rien ne peut arrêter. La vie des saints en est un reflet permanent dans les épreuves qu’ils ont passées. L’exigence de l’amour dans des choix de vie qui demandent la vérité de l’engagement ne nous dédouanera jamais de la miséricorde par ce regard d’espérance qui voit au-delà d’un simple fait, une réalité mystique et spirituelle. L’amour dans la vérité demande de vivre la miséricorde pour ne jamais défaire l’alliance de Dieu avec l’homme, et il est impératif de vivre la fraternité comme un prolongement de l’amour de Dieu. « La patience de Dieu est un acte de miséricorde envers le pécheur et manifeste le véritable pouvoir. »[viii] L’appel à la miséricorde est à relier à l’action de Dieu et à son incarnation qui est un amour qui va jusqu’au don de soi « Mais Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ »
  •   « Heureux les cœurs purs » Le vrai bonheur c’est de s’attacher à Dieu, et à Dieu seul. « Tout passe, Dieu seul suffit » nous dit Ste Thérèse d’Avila. Ce n’est pas tant de faire (comme les autres béatitudes) que d’être ce rayonnement de la grâce de Dieu qui contemple son œuvre et s’en émerveille. Les cœurs purs s’abreuvent à la source de la vie pour comprendre le sens de l’être et le vivre dans la lumière de la foi, le rayonnement de l’espérance et la chaleur de l’amour. Ce n’est plus moi qui vit, mais c’est le Christ qui vit en moi diront les cœurs purs, et ce qu’ont vécu les saints. La pureté du cœur reflète l’action de Dieu dans l’aujourd’hui de l’homme à travers notre personnalité, une identité de l’homme où nous essayons d’être toute volonté de Dieu en accomplissant notre vocation d’image appelée à la ressemblance. « Heureux ceux qui ont de la joie à entrer dans leur cœur sans y trouver le mal ! »[ix] Le cœur pur nous permet de voir Dieu, donc d’être comptés parmi ses amis et le voir face à face. Comme nous l’indique le catéchisme de l’Eglise dans la compréhension de cette béatitude, « le cœur est le siège de la personnalité morale ; ‘c’est du cœur viennent intentions mauvaises, meurtres adultères et inconduites’[x] Et là nous avons à manifester la présence de Dieu « Entre dans ton cœur ; tu y trouveras de la joie. La pureté de ton cœur te transportera de joie et t’amènera à prier. Ainsi comme en découvrant un endroit silencieux, tranquille et propre, tu dis : prions ici, tu sais que là ton Dieu t’exaucera »[xi]
  •  « Heureux les faiseurs de paix » Plus qu’une construction artisanale, l’instauration de la paix est d’abord une volonté de faire. Comme une logique de l’amour qui se réalise en chaque moment de notre vie par une construction de l’unité. Une fidélité au Seigneur par une relation juste au frère qui ouvre à la richesse de la relation « tu veux trouver la paix ? Pratique la justice ! Tu ne chercheras pas longtemps : c’est elle qui viendra à toi pour embrasser la justice »[xii]. La première paix est celle de l’âme qui se laisse envahir par la présence de Dieu et rayonne à travers nos actions envers nos frères. « Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. » Maintenir la paix demande alors une bienveillante recherche de la juste distance avec le frère comme une attention à ce qu’il vit et en même temps un respect de sa propre intimité. La promesse de paix dont nous devons être les acteurs par notre vie est communion à Dieu dans la réconciliation et avec nos frères dans le pardon. L’action pour la paix est annonce de l’Evangile, en connaissant le mystère de la croix par le sacrifice inhérent à cette volonté de réconciliation et en même temps chemin de résurrection dans la réalisation de la civilisation de l’amour qui tend à parler du Royaume des Cieux.
  • « Heureux les persécutés à cause de la justice » La sainteté n’est pas de rester assis au bord du chemin indifférent à ce monde dans lequel nous avons été envoyés, mais bien une pugnacité à répondre à ce qui ne nous parait pas fidèle, jusqu’à connaitre la persécution qui est l’acceptation du don de soi au nom même de ce qui nous parait premier, la justice. Etre persécuté pour la justice c’est accepter de s’engager certes dans un devoir de fraternité, mais en même temps redonner sens en engageant notre propre vie. La justice est don de Dieu et elle est prioritaire dans la relation fraternelle. La vie n’a de sens que dans le respect de l’autre. Accepter de donner sa vie donne la primauté de ce qu’est la justice, c’est-à-dire cette fidélité à Dieu dans l’égale dignité de nos frères.

La joie des béatitudes est école spirituelle pour marcher vers le royaume, comme un chemin de conversion et de rencontre, de renoncement et d’enrichissement pour comprendre que le véritable sens se trouve en Dieu qui en est la finalité. La joie promise des béatitudes est cette dilatation du cœur qui rejoint alors le cœur de Dieu pour battre en union avec Lui.

 Synthèse – Restez en tenue de service

Dans une génération du tout préparé, où en un seul clic plusieurs fenêtres s’ouvrent sur des possibles, nous voici invités à conserver cette volonté de développer l’image de Dieu en nous, et de la révéler à nos frères. Nous sommes appelés à vivre à la suite du Christ, et à devenir des saints. Car, heureusement pour nous, rien n’est impossible à Dieu. Alors faisons Lui confiance et avançons au lieu de vouloir nous morfondre sur nos péchés, et douter de la grâce sanctifiante. « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? »

« La foi passe par la vie. Quand la foi se concentre uniquement sur les formulations doctrinales, elle risque de parler seulement à la tête, sans toucher le cœur. Et quand elle se concentre seulement sur le faire, elle risque de devenir un moralisme et de se réduire au social. La foi au contraire, c’est la vie : c’est vivre l’amour de Dieu qui a changé notre existence. Nous ne pouvons pas être des doctrinaires ou des activistes ; nous sommes appelés à poursuivre l’œuvre de Dieu à la manière de Dieu, dans la proximité : liés à Lui, en communion entre nous, proches de nos frères. Proximité : voilà le secret pour transmettre le noyau de la foi, et non pas quelque aspect secondaire. »[xiii]

La fête de tous les saints n’est pas tant l’historique d’hommes et de femmes, de jeunes et de vieux, de riches et de pauvres, de savants et d’incultes qui ont suivi le Christ, qu’un appel pour chacun d’entre nous à témoigner avec audace de la joie de l’Evangile. « Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. » Le témoignage de vie va de pair avec l’annonce explicite de la Parole, aucun des deux éléments ne peut s’effacer au profit de l’autre. Si nous vivons l’amour dans nos actes en oubliant d’annoncer, c’est vain. Si nous annonçons sans le vivre c’est mesquin. Nous sommes appelés à une unité du témoignage qui se perçoit dans le service, et le don de nous-mêmes qui laisse passer la grâce comme un temps pour Dieu. « Cela veut dire annoncer et porter le salut de Dieu dans notre monde, qui souvent se perd, a besoin de réponses qui donnent courage et espérance, ainsi qu’une nouvelle vigueur dans la marche. L’Église doit être le lieu de la miséricorde gratuite, où tout le monde peut se sentir accueilli, aimé, pardonné et encouragé à vivre selon la bonne vie de l’Évangile. »[xiv] Nous ne sommes pas seuls, nos frères les saints nous montrent le chemin d’une vie accomplie dans le monde de ce temps, comme une conjugaison de la volonté de Dieu à chaque instant de notre histoire.

Ainsi à travers la vie de notre Eglise « On nous invite à reconnaître que nous sommes enveloppés « d’une si grande nuée de témoins »[xv] qui nous encouragent à ne pas nous arrêter en chemin, qui nous incitent à continuer de marcher vers le but. »[xvi] Cela passe par le don de soi jusqu’à l’offrande de notre vie comme l’a vécu le Christ, et à sa suite les premiers chrétiens persécutés par les juifs puis les romains. « La conversion spirituelle, l’intensité de l’amour de Dieu et du prochain, le zèle pour la justice et pour la paix, le sens évangélique des pauvres … sont requis de tous ».[xvii] La communion des saints nous permet alors de comprendre la Parole dans la pratique de notre vie, à travers les actes que nous sommes appelés à vivre et le zèle missionnaire pour faire comme le dit St Paul,des prosélytes, c’est-à-dire des témoins de la vie de l’Esprit Saint, fidèle aux Ecritures. « La volonté de Dieu accomplie de tout notre cœur, de tout notre esprit et de toutes nos forces, apporte beaucoup de paix et une grès grande joie… En dehors de la volonté de Dieu c’est le tourment, l’absence de lumière et d’amour, l’absence de paix… Et Dieu se manifeste à qui l’aime »[xviii]

Que notre prière se fasse dialogue dans la volonté de Dieu et l’illumination de notre vie à la vérité de l’amour et que nos actes soient un témoignage vivant d’une rencontre qui transforme et ouvre à la réalité du salut dans la joie du Royaume. N’attendons pas demain pour vivre en Dieu ce bonheur unique d’une dignité de fils prodigue retrouvé. « Frères, elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur.»

Père Greg – Curé. Ensemble paroissial de Joinville-le-Pont – Sainte Anne et St Joachim de Polangis – Saint Charles Borromée. Diocèse de Créteil

Sources :

[i] Origène, la prière, les pères dans la foi &22 p 73

[ii] cf. 2 Tm 4

[iii] &2015 CEC

[iv] St Augustin

[v] P 204, Choisir d’être humain, René Dubos

[vi] & I,3-2 Imitation de Jésus Christ

[vii] &III, 5-5 Imitation de Jésus Christ

[viii] &91 Amoris Laetitia

[ix] &229 Prier d’un cœur pur – St Augustin p  232 « au nom des père

[x] Mt 15,19 Catéchisme de l’Eglise catholique 2517

[xi] &229 Prier d’un cœur pur – St Augustin p  232 « au nom des père

[xii] &206 la paix et la justice – St Augustin p  213 « au nom des pères

[xiii] Homélie du pape François pour la fin du synode – 28 octobre 2018

[xiv] &114 Evangelii Gaudium

[xv] Heb 12, 1

[xvi] &3 Gaudete et exsultate

[xvii] &21 Evangelii Gaudium Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Libertatis nuntius (6 août 1984), XI, 18 : AAS 76 (1984), 908.

[xviii] P 86, six sources ou puiser Dieu, Chiara Lubich – Jn 14,21